Chapitre 33
Et voilà comment j'ai lâchement perdu ma virginité. Cédant à mes pulsions les plus refoulées, si refoulées qu'ivre ils sont ressortis en toute puissance. Le pire c'est que c'était sûrement le meilleur moment de ma vie. Je suis pitoyable. Je me souviens avoir eu mal, puis avoir ressenti quelque chose d'indescriptible lorsqu'il était en moi. Une espèce de complétude en plus du désir qui m'animait complètement.
Je suis donc comme ma mère infidèle et lâche. Incapable de mettre fin à une relation qui ne me suffit plus et incapable de repousser les avances alléchantes de celui qui causera ma perte.
Lorsque je l'ai entendu me murmurer qu'il m'aimait, juste avant de s'endormir, j'ai commencé à me dire que notre relation, notre désir et notre acte était tout ce dont j'avais besoin. Je me disais que rêver du succès ne me mènerait à rien et que seule ma relation avec lui en valait la peine. Mais c'était une grosse erreur. Je dois poursuivre mon rêve, et rien ni personne ne m'en empêchera. Pas même lui. Il m'a amenée vers ce rêve, et je l'en remercie, mais jouer devant un public new-yorkais ou même dans un film est ce qui me mènera vers le bonheur. Le théâtre me rend spéciale et je veux y consacrer ma vie. J'ai envie que l'on se souvienne de moi, que ma vie ne soit pas été vaine et que mon nom marque l'histoire – peut-être pas l'histoire de l'humanité, je n'ai pas cette prétention – mais qu'il marque au moins l'histoire du théâtre. Et je sais que pour Theo c'est la même chose. La solitude nous emmènera vers les étoiles.
Alors que je commence à m'étirer, je sens les bras de Theo qui m'attrapent et m'empêchent de bouger, me fichant la chair de poule. Il faut que je résiste. Que je garde encore une once de dignité après avoir commis l'irréparable.
— Reste encore un peu avec moi ma princesse, me supplie-t-il la bouche effleurant mon oreille.
Ma princesse. Inspirer, expirer. Réitérer l'opération. La tentation est si grande, surtout quand il m'appelle ainsi, alors je lui concède quelques minutes avant de me lever, nue et pourtant sans la moindre pudeur. J'ai dormi dans cette même tenue alors je ne vois pas pourquoi je devrais soudain être pudique.
Je sens son corps brûlant qui m'appelle et son regard vorace sur ma nudité pourtant je me rhabille sans rechigner. Il faut que je sois forte avant de pouvoir m'effondrer. Je m'assois sur la première chaise et commence à broyer du noir.
Je suis une mauvaise personne et je fais souffrir tout le monde. Après avoir fait souffrir mes proches en m'enfuyant, voilà que je cède aux avances de Theo malgré le fait que je sois en couple. Ainsi en plus de faire souffrir Andy je fais de même pour mon meilleur ami. Enfin s'il l'est encore.
Pour la première fois depuis l'annonce de Theo sur le lac, je commence à me sentir mal. Si le père que j'ai connu n'est pas mon père biologique alors ma mère est mon seul lien de sang que je connais. La seule personne dont je suis sûre que je ressemble. Je fuyais auparavant cette éventualité mais finalement elle coule de source. Nous sommes toutes les deux égoïstes au possible et ne méritons pas les personnes qui nous aiment. Au fond lorsque je laissais croire que Theo ne me méritait pas c'est en réalité l'inverse que je pensais. Je ne le mérite pas. Il est peut-être maladroit mais il m'aime, je ne peux en douter.
Quand je me retourne pour l'apercevoir, je constate qu'il s'est rhabillé. Je me sens tellement coupable. Je suis un monstre. Un monstre sans cœur qui va briser le cœur de ce blond si sexy. Il me sourit mais je constate de la gêne dans ses yeux verts.
— C'est bizarre comme situation, tu ne trouves pas ? me demande-t-il en se frottant l'arrière de la tête.
Il est adorable. Je simule un rire, mais le cœur n'y est pas. Mon cœur s'est arrêté de battre, il est en lambeaux. Il s'est brisé une première fois lorsque j'ai aperçu Theo dans cette chambre avec Jenna, avant de partir en poussière hier. Cette illusion montrant à quel point nous pourrions être heureux me détruit littéralement. Si seulement cela n'avait pas été si bien de l'embrasser, encore et encore et de dormir dans ses bras. Si seulement cela avait été décevant.
Je me sens soulagée lorsqu'Alia ouvre la porte du sous-sol. Nous ne sommes pas en bon terme mais sa présence me rassure et me calme. Theo lui explique que nous rangions les courses et que la porte s'est renfermée à cause d'un courant d'air, alors que nous avions laissé les clefs sur la porte. Je me contente d'acquiescer à son récit et me ravie de constater qu'il a tût le moment où je lui sautais dessus pour l'embrasser ainsi que ce qui a suivi. Je n'aurais pas supporté de voir devant moi le visage d'Alia plein de reproches.
Je la suis silencieusement en direction de notre appartement et une fois arrivée je m'enferme dans ma chambre et hurle. Ce n'est pas un cri de terreur, ni un cri de douleur. Ce n'est pas non plus un cri de colère, et encore moins un cri de joie. Non, c'est un cri d'explosion, de relâchement. Je me sens comme une cocotte minute qui relâche enfin l'air qu'elle a tant retenu. Cet air je l'ai retenu toute la nuit dans les bras de Theo.
Lorsque je reprends un peu mes esprits, je commence à me dire qu'Alia m'a certainement entendue. Elle risque de jeter un coup d'œil voir si je vais bien, car je sais qu'elle tient à moi malgré notre dispute. Je me laisse tomber sur mon lit avec mes chaussures et ferme les yeux. Je voudrais que tout soit plus simple, que Theo n'ait jamais existé et que mon père, si je peux encore l'appeler ainsi, accepte de m'aider à réaliser mon rêve, que je n'aie eu à fuir mais aussi que ma mère ne m'abandonne pas, qu'elle ne soit pas infidèle aussi. Mais rien de tout ça n'est réel. Ma réalité, ma triste réalité c'est mon père cocu et moi qui ne sait pas de qui j'ai le sang, c'est Theo qui est bel et bien réel et me torture avec les souvenirs qui se rattachent à lui et mon envie de me laisser aller à lui. Ma réalité c'est aussi ma curiosité qui a valu la fin de mon amitié avec Alia et enfin moi qui est exactement comme ma mère que je déteste.
— Non mais ça va pas de crier comme ça, j'entends la voix d'Alia me sermonner.
Je me redresse, sonnée et la dévisage. Même si son ton se veut autoritaire et sec, je ressens de l'inquiétude dans ses yeux. Elle est sur le point de céder, c'est évident. Elle s'est certainement inquiétée toute la nuit de savoir où j'étais et là elle est préoccupée par mon état que j'ai du mal à cacher.
Elle soupire et s'assoit sur mon lit, hésitante.
— Je sais que tu tiens à moi et que c'est la raison pour laquelle tu es venue ce soir-là, commence-t-elle la voix rauque.
Je m'assois près d'elle tout en gardant une certaine distance. Nous y voilà enfin. Après tout ce silence et ces mauvais regards, voilà qu'elle résout tous nos problèmes en une phrase. Elle a enfin compris.
— Mais je veux que tu saches que moi aussi je tiens à toi, alors s'il y a quoi que ce soit dont tu aimerais me parler, je suis là. J'en ai assez de faire semblant de t'en vouloir !
Elle me sourit sincèrement avant de me prendre la main. Elle m'a tant manqué, et surtout son côté maternel. Je m'apprête à tout lui raconter mais j'ai subitement un blocage. J'ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Je voudrais lui dire que j'éprouve une folle attirance pour Theo mais que je ne veux pas aller plus loin avec lui car j'ai peur de souffrir. Je voudrais lui dire que je ne sais pas si j'aime réellement Andy et que je l'ai trompé. Je voudrais lui dire que j'ai l'impression d'être un monstre sans cœur et que je suis égoïste mais rien ne sort. C'est trop humiliant.
—C'est à propos de Theo ? me demande-t-elle suite à mon silence.
Je hoche la tête pour toute réponse. Bien sûr que c'est à propos de lui, c'est toujours à propos de lui. Après avoir failli déclarer ma flamme à Theo à l'hôtel, je n'ai pas pu me résoudre à en parler à Alia. Elle n'a aucune idée de l'attraction magnétique que nous avons l'un pour l'autre. Pour elle Theo n'est qu'un prétentieux sans cœur dont j'ai été la meilleure amie. Il faut dire que ma haine pour lui n'a pas aidé non plus.
— Je crois que je suis en train de développer des sentiments pour lui et ça m'effraie, j'ai l'impression de trahir Andy.
Je suis pathétique. Je suis incapable d'assumer mes actes et voilà que je me fais passer pour la victime dans l'histoire. Même ma mère aurait honte de moi, j'en suis sûre.
— Ecoute, tant qu'il ne se passe rien entre vous, il n'y a rien de malsain. Tu tiens à ton meilleur ami, c'est tout, et puis vous avez quelque chose, c'est indéniable. Maintenant il ne faut pas voir le mal partout, une petite attraction momentanée pour lui n'est pas un drame ! Ce n'est pas comme si tu avais couché avec lui, bon dieu !
Ma colocataire éclate de rire mais moi je suis tétanisée. Si elle pensait me rassurer voilà que c'est bien pire. Je suis seule, complètement seule. Alors qu'Alia sort de ma chambre je m'approche du balcon et prends une grande bouffée d'air.
Je me suis fichue dans un pétrin et personne ne pourra m'aider. Surtout pas Andy ou Theo. Je me demande ce que penseraient Emmy et Judy, mes amies d'enfances. Lorsque mon meilleur ami et moi étions ensembles nous étions tellement dans notre monde que j'en oubliais mes deux amies. Il a fallu qu'il s'en aille pour que je les retrouve ! Elles savaient qu'à une époque j'avais des sentiments pour lui, et je me demande ce qu'elles me conseilleraient à l'heure actuelle. Elles me manquent terriblement. J'aurais dû les contacter, rien que pour leur dire que tout va bien. J'espère que ce n'est pas trop tard.
Je prends alors une décision que je n'aurais jamais pensé prendre mais qui me semble nécessaire à l'heure actuelle. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Je sors mon téléphone, le cœur battant, et sélectionne le numéro d'Emmy.
— Allô ?
Je reconnais immédiatement la voix de mon amie qui m'a monstrueusement manquée. Peut-être Emmy n'est pas aussi maternelle qu'Alia l'est, étant donné que nous avons le même âge, mais elle n'en est pas une amie moins rassurante d'après mon souvenir.
— C'est Carrie, soufflé-je.
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Surprenante la réaction de Carrie ? Pas trop déçu(e)s ? J'avoue que je suis peut-être un peu sadique ;) Mais ce serait trop simple sinon, vous ne trouvez pas ?
Donnez-moi votre avis il est très important pour moi !
Bises,
Coralie ♥
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