Chapitre 10
— C'est mauvais, très mauvais ! Je veux de l'alchimie, pas de la niaiserie !
Si je comptais le nombre de reproches que John nous a fait depuis que nous avons commencé la répétition, je crois que l'on franchirait les nombres à quatre chiffres. Je reste malgré tout calme. C'est ce que j'ai voulu après tout.
Theodore et moi, assis l'un en face de l'autre autour d'une table répétons nos répliques avec le plus de conviction possible mais cela ne semble convaincre que nous.
— Vous n'êtes pas concentrés, avec vous tout est soit excellent soit médiocre ! nous interrompt encore une fois l'homme aux cheveux grisonnants.
Je soupire trop bruyamment cette fois-ci, ce qui fait sourire Theo.
— Lorsque les élèves sont tous mauvais c'est simplement que leur prof ne sait pas faire son boulot...lance mon partenaire de scène d'un ton moqueur.
Je manque de pouffer mais me retiens. Je ne vais tout de même pas rire à ses provocations, aussi vraies soient-elles.
— Vous voulez jouer à ce jeu ? commence M. Smith en nous dévisageant, saches simplement Theo que si cela ne tenait qu'à moi, Andy sera à ta place en ce moment-même. Alors si vous n'êtes pas capables de me faire une scène correcte je te remplace.
Je suis totalement partagée. J'ai une folle envie de voir Theo éjecté pour laisser place au beau brun qui lui sert de doublure, pourtant au fond de moi je ressens un grand mépris pour John. Il nous fait des reproches sans même apporter de solution. Où est l'apprentissage ?
— Vous voyez bien qu'autour d'une table c'est difficile pour nous d'être dans la peau des personnages...
Mes deux interlocuteurs me dévisagent ahuris. Après une fraction de seconde, l'adulte acquiesce, légèrement honteux, et se met à réfléchir, un fin sourire dessiné sur son visage.
— Tu as raison, on va procéder autrement avec vous...marmonne-t-il pensif, et même à l'envers !
Le regard pétillant il ne s'arrête pas de parler dans sa barbe, et je ne comprends absolument rien à ce qu'il raconte. Lorsque je me tourne vers Theodore discrètement, je remarque qu'il me dévisage mais il détourne vite le regard, mal à l'aise.
— Vous pouvez vous en aller, merci ! lance finalement John en s'éloignant.
Une semaine plus tard, il nous a annoncé qu'il nous ferait répéter indépendamment, auprès de nos doublures respectives. Ainsi je me retrouverai à répéter avec Andy, et Theodore avec Lise, qui est ma doublure visiblement. Je m'apprête à rejoindre la salle de spectacle où j'ai passé les auditions mais mon ancien ami me tire par le bras.
— Tu ne devrais pas accepter aveuglément la proposition de John, il a certainement finir par choisir entre les duos, puisque cela ne marche pas entre nous selon lui.
Ses paroles résonnent dans mes oreilles. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Néanmoins cela me fait réfléchir. Theo a-t-il raison ou faut-il que je prenne le risque d'être acceptée avec Andy plutôt qu'avec lui ? Le choix se fait rapidement, surtout que John a clairement mentionné sa préférence pour Andy.
— Je ne vois pas pourquoi je devrais refuser... annoncé-je à un Theo distant.
Celui-ci hoche la tête et me dépasse sans même daigner me répondre. Il se déplace avec sa nonchalance habituelle et pour la première fois de ma vie je ne le cerne pas. Comment a-t-il pu penser que je refuserais pour jouer avec lui ?
Une fois arrivés au lieu de rendez-vous, nous apercevons déjà Lise et Andy près de M. Smith. Je me surprends à admirer un peu trop longtemps mon nouveau Romeo et celui-ci m'adresse un sourire radieux. Je suis soulagée de constater qu'il se montre aussi chaleureux qu'avant avec moi. J'avais peur qu'il s'imagine des choses suite à la remarque de Theodore.
— On va commencer maintenant par Andy et Kiara, montez sur scène je vous pris, nous ordonne l'adulte d'une cinquantaine d'années.
Tous deux un peu gênés, nous arrivons sur l'estrade. Theo nous dévisage d'un air mauvais et j'entendrais presque ses remarques désobligeantes d'ici. J'inspire calmement.
— Nous allons travailler l'acte I scène 5, annonce l'adulte d'une voix autoritaire.
J'acquiesce sans réelle considération mais comprends soudain de quoi il s'agit. Contrairement à plusieurs années auparavant dans notre petit théâtre de quartier avec Theo, ici il n'y aura pas de « faux baiser » qui tienne.
— Si j'ai profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, commence Andy en me prenant délicatement la main, je suis prêt à une douce pénitence : permettez à mes lèvres, comme à deux pèlerins rougissants, d'effacer ce grossier attouchement par un tendre baiser.
Jouer ce genre de scène est plus gênant que je l'imaginais. A l'époque, avec Theo, tout me semblait plus simple : nous étions jeunes et n'avions aucun frein. Malgré tout, je ne sais s'il s'agit de sa présence ou les paroles rassurantes de Romeo, mais je me sens véritablement émue face à lui. Mon texte vient avec plus de facilité et de simplicité que lors des entrainements et j'en oublie Theo, Lise et John qui nous regardent tous. Je sens Juliette qui vit en moi.
— Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l'effet de ma prière.
Je sais que c'est le moment fatidique. Je le sais désespérément et mon cœur bat la chamade. Ses fines lèvres roses s'approchent des miennes à ce qui me parait être une éternité et il me vole un baiser comme Romeo l'aurait fait. Mes joues rougissent sans que je ne puisse contrôler quoi que ce soit et je n'ose pas regarder nos spectateurs tant je suis captée par le regard azur de mon Romeo.
Second baiser. Le contact de ses lèvres sur les miennes est doux et agréable, tout me semble. Vivre au travers des personnages que je joue, ressentir leurs peines, leurs amours... Ce sont ces émotions que je recherche ici : cette passion.
Je me sens plus à l'aise au fur et à mesure de la scène. Quand elle se finit enfin, M. Smith nous fait asseoir sans un mot. A-t-il ressenti cette magie qui s'est opérée ? Il semblerait, étant donné son sourire rayonnant.
— Second duo, même scène.
J'en avais oublié leur présence et, si je n'étais pas terrifiée, j'aurais cédé à la curiosité de dévisager Theo.
Lorsque les deux montent sur scène, je ressens comme un pincement au cœur, une espèce de frustration intense que je n'arrive pas à expliquer .Regarder la scène m'est douloureux et mes yeux fuient à la moindre proximité des deux. Sûrement car j'apprécie Lise, après tout je ne veux pas qu'elle souffre auprès de lui. Je secoue la tête instinctivement. C'est de la comédie, aucun des sentiments feins sur scène est réel, autant pour eux qu'Andy et moi. Je ne dois pas mélanger jeu et sentiments réels.
Je ne me souviens plus du moment exact où Andy a posé sa main sur la mienne, si cela fait une seconde ou si cela dure depuis le début de la scène, mais son contact me rassure. Je sais qu'avec lui je suis en sécurité. Quoi qu'il arrive. Mais soudainement le beau brun au regard hypnotique rompt notre lien, et je reviens à la réalité, je me concentre sur le jeu de Theo tout particulièrement. Il joue si bien que j'en arrive à oublier qu'il n'est pas Romeo. Tout ce que je vois en lui à présent est ce qu'il joue.
La scène prend finalement fin et tous guettent le verdict de John. Va-t-il procéder à un choix ou d'autres exercices nous attendent encore ?
— Merci Andy, Elizabeth pour votre aide, lance finalement John d'un ton indescriptible.
Nous restons tous assis les uns à côté des autres, sans bouger et sans une parole, et notre professeur de théâtre commence à nous observer. Est-il en train de délibérer ?
— Vous pouvez vous en aller, prononce-t-il finalement.
Nous nous levons pratiquement tous simultanément légèrement surpris, mais l'homme aux cheveux grisonnants nous reprend.
— Non, seulement les doublures, Kiara et Theo nous allons maintenant véritablement travailler.
Je mets un temps avant de comprendre que je m'étais trompée sur toute la ligne. John n'a pas perdu tout ce temps à faire des nouveaux castings, il nous faisait seulement répéter.
Je devrais avoir hâte de voir s'approcher le jour de mon succès mais plus j'y pense plus je suis terrifiée. Je savais lorsque j'ai eu les résultats du casting que ce moment arriverait. Je ne pensais seulement pas que ce serait si vite. Je ferme les yeux pour tenter de me calmer mais mon cœur martèle ma poitrine à une vitesse folle. Je suis littéralement tétanisée.
J'aimerais pouvoir me défiler. J'aimerais pouvoir me projeter au moment où je saluerai le public. Seulement mon succès doit passer par Theo. Serais-je assez forte pour affronter tous les souvenirs qui se rapportent à lui ? Que se passera-t-il lorsque ses lèvres toucheront les miennes ? Inspirer, expirer. Resterai-je humble et impassible ? Tout d'abord y arriverai-je ?
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Premier baiser entre Andy et Kiara, quels sont vos avis ? ;)
J'aime bien moi John, j'essaye de le faire passer pour un mec un peu farfelu mais je sais pas si ça marche x)
Aaaah j'aime bien mes petits messages de fin x) Ils sont pourris mais j'adore x)
Bref...
Bises,
Coralie ♥
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