Chapitre 1
Je relis plusieurs fois chaque ligne de cette maudite lettre, et ne peux empêcher les larmes de brouiller ma vue. Outre la pointe de rancœur que je garde en moi, je n'arrive pas à cesser d'imaginer leur réaction fasse à ma décision.
Tout ce serait-il passé de la même façon si l'on m'avait un peu plus écouté ? S'il n'y avait pas eu tous ces événements successifs depuis 3 ans ? Il n'y a pas de doute à avoir, évidemment que les choses seraient différentes maintenant.
Malgré tout, je ne peux m'empêcher de m'en vouloir viscéralement. Je secoue la tête avec vigueur. Si je reste trop longtemps devant cette lettre, je vais finir par me dégonfler et ne plus partir. Ce serait une énorme erreur.
Je ne suis pas la première à partir après tout, maman a fait de même et je me porte relativement bien. Je lui ai même pardonnée. Comment pourrais-je lui en vouloir, puisque je fais pareil à présent ? Ce doit être dans nos gènes, nous sommes d'une nature à ne pas supporter l'oppression.
Je l'ai toujours su, je suis vouée à être comédienne. Je ressens au fond de moi que New-York m'appelle. Mon bonheur ne peut être que là-bas et non ici, en devenant médecin comme le voudrait papa.
Je détaille une dernière fois cette chambre qui depuis ma naissance est restée presque la même. Les murs roses poudrés en face de moi que je semble découvrir à cet instant me font soudainement penser à cette merveilleuse journée où je les avais peint du haut de mes 10 ans avec Theo. Lorsque mon regard détaille la pièce, mon attention est tout de suite captée par la couronne posée sur l'étagère au dessus de mon lit et je ne peux réprimer mon rire.
Theo... Après toutes ces années je devrais l'oublier mais pourtant il reste encore trop souvent l'objet de mes pensées.
Nous avons fini par être aussi colorés que les murs ce jour-là, me dis-je en ne détournant point le regard du mur. Ma poitrine se resserre à ce souvenir et tous les autres qui me reviennent. Peut-être est-ce le départ, mais je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à celui qui fut mon meilleur ami. C'est de leur faute si je m'en vais aujourd'hui. Ils m'ont tous poussée à partir !
J'accorde de nouveau un regard au papier écrit de ma main, totalement déboussolée. Est-il réellement utile ? Je relève la tête et observe mon reflet à travers le grand miroir qui prend toute la largeur du mur.
Quelqu'un de mon entourage me dirait que j'ai pris 10 ans avec une telle tenue. En effet, je ressemble plus à une femme qu'à l'adolescente attardée j'étais encore hier.
J'ajuste au mieux le foulard aux motifs bordeaux sur ma longue chevelure blonde et ne laisse paraître aucune mèche. Je place ensuite d'épaisses lunettes de soleil sur mon nez. Je dois avouer que cette nouvelle apparence, plus femme et adulte me plaît beaucoup et marque mon passage de Carrie, l'adolescente qui se forgeait un caractère selon les désirs de son entourage, à Kiara, celle que je suis vraiment, l'artiste.
Je m'apprête à passer le pas de la porte de ma chambre mais la question de l'importance de la lettre me tracasse. Je ne peux partir comme une voleuse comme l'a fait mon ancien acolyte, mais dois-je réellement faire un mot d'excuse ? Après avoir fait les cent pas, réfléchissant aux différentes conséquences relatives à ma décision, je finis par froisser la lettre et la jeter dans la corbeille. Ils pourront tomber dessus s'ils cherchent dans mes affaires et en même temps je ne fais pas d'excuses officielles. Par la suite, une fois arrivée dans la pièce de vie je glisse un petit post-it avec écrit dessus : « Je vais disparaitre pour un long moment, ne t'inquiète pas pour moi, je t'aime fort, Carrie. ». Je n'ai aucunement l'intention de revenir mais la pilule sera moins dure à digérer pour lui s'il pense que c'est provisoire. Un jour peut-être il comprendra...
Je me précipite, en tentant de faire le moins de bruit possible, vers la porte principale de la maison. Après l'avoir passée, je la ferme avec l'idée que c'est bien la dernière fois que je la franchis.
Je regarde autour de moi. La petite décapotable que mon père m'a offerte pour mes 16 ans m'attend garée devant la villa. J'ouvre le coffre, prends les deux valises et le cabas où se trouve mon casse-croûte pour la voiture, et le referme immédiatement après. Je m'assure encore une fois que personne ne se trouve dans la rue, et par chance, c'est le cas. En même temps, à cette heure-ci ce n'est pas étonnant.
Je commence la marche, chargée comme un âne, jusqu'à mon lieu de rendez-vous. Cela s'annonce difficile pour mes jambes peu habituées au sport, mais je ne peux pas me permettre de prendre ma propre voiture. Je vais être retrouvée immédiatement sinon.
Je tente un regard vers ma montre tout en franchissant une porte toute rouillée. Cette marche fut une réelle torture. J'ai les pieds en compote à cause de ces satanés talons aiguilles ! Quelle bonne idée j'ai eu de partir avec ! J'ai réussi tout de même à atteindre mon lieu de rendez-vous, et c'est déjà énorme. Cela a seulement pris beaucoup plus de temps que prévu. Je ne suis définitivement pas une sportive comme Judy. Je ferme les yeux inconsciemment à la pensée de mon amie. Mon départ est prévu depuis trop longtemps, je ne dois pas éprouver de regrets.
— Tu m'avais dit 5h ma jolie, je t'ai beaucoup attendu ! maugrée le vieux garagiste en face de moi.
Je sursaute lorsque je perçois cette tête bouffie et dégoulinante de sueur prononçant ces mots. Cet homme marque une courte pause puis me détaille du regard de haut en bas. Quel grossier !
— Pour toi je ferais une exception, ajoute-t-il d'une voix charmeuse.
Beurk. Même s'il avait eu 30 ans de moins et un physique avantageux, il m'aurait inspiré autant de dégoût. Son regard est si déplacé ! Il me reluque d'une façon qui me répugne profondément. Je dois faire un effort surhumain pour ne pas le gifler. Je ne dois pas attirer l'attention et m'échapper au plus vite de ce lieu. Est-ce un clin d'œil qu'il me fait ? Lorsqu'il se lève, je garde un espace de sécurité afin de ne pas sentir de mains déplacées par exemple.
Même s'il se montre particulièrement impoli lorsqu'il m'escorte jusqu'à la voiture en me donnant toute sorte de surnoms comme « joli cœur » ou « ma belle » à chaque fin de phrase, je suis forcée d'admettre qu'il a été aimable en ne me posant aucune question. N'importe qui aurait pu être étonné de voir arriver une jeune femme au visage caché et payant un si haut montant en espèce, mais il devait avoir l'habitude après tout. Etant donné l'allure que lui font tous ces tatouages, il est fort probable qu'il fasse affaire avec des gangs ou autres personnalités avec un quelconque casier judiciaire. Il a même une énorme cicatrice sur la plus grande partie du visage. OK, je viens d'acheter une voiture de manière illégale à un tueur en série. Super ! De toute façon personne n'entendra parler de mon passage ici puisque je suis à présent Kiara, et personne ne me connaît sous ce nom mis à part Alia.
— Veux-tu que je t'aide à mettre tes bagages dans la voiture, ma mignonne ? me demande-t-il avec un grand sourire.
— Non, je suis capable de le faire seule ! Et arrêtez avec vos surnoms si vous ne voulez pas que je vous en colle une ! lâché-je malgré mes efforts pour me taire.
Je l'entends pouffer. Bon, je lui accorde que là je suis vraiment ridicule. Avec mon petit gabarit je ne fais pas le poids.
Je lui arrache les clés de voiture des mains et écrase volontairement son pied du talon, puis mets rapidement mes bagages dans le coffre de la Volvo grise. Je m'assois alors enfin derrière le volant, après avoir enlevé mes chaussures de torture. Je klaxonne pour qu'il ouvre la porte du garage et il finit par s'exécuter en boitant. Je pars alors le plus rapidement possible en direction de l'autoroute.
Je n'arrive toujours pas à le croire : j'ai réussi à partir sans aucun souci majeur, mais surtout d'ici la fin de la journée, je serais avec Alia à New-York. Quel bonheur !
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Un premier chapitre plutôt similaire à la première version mais avec des petites parties mises sous silence pour renforcer le suspense, je suis désolée pour ceux qui ont été (légèrement) spoilé ! Oubliez vite :p
Quelles sont vos impressions pour l'instant ?
N'oubliez pas de commenter, vous ferez une heureuse !
Bises,
Coralie ♥
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