Le défi, partie III


Elle resta un long moment ainsi, impuissante, à pleurer sur son sort. Elle sombra peu à peu dans un sommeil agité et superficiel, dont elle fut tirée par la nette sensation d'être observée. Elle se réveilla en sursaut et chercha d'un geste instinctif sa dague avant de se souvenir qu'Yngvar la lui avait retirée pour la soigner. Inquiète, elle jeta un coup d'œil rapide autour d'elle et aperçut une ombre appuyée contre l'embrasure de la porte.

— Tout doux, souffla une voix qui ne lui était pas inconnue. Je ne voulais pas te réveiller.

La silhouette frêle s'approcha. Une lueur pâle émana de ses doigts et révéla son visage. Liinwen laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu'elle reconnut Althana. La petite elfe la rejoignit avec un petit sourire, le regard empli de curiosité.

— Tout va bien ? demanda-t-elle. Ancano ne t'a pas trop embêtée ?

— Je ne l'ai pas revu depuis qu'il t'a prise en chasse, avoua son aînée. Et toi ? Tu n'as pas eu trop d'ennuis pour... heu...

— Non, la rassura l'adolescente avec un rire léger. Il n'a même pas réussi à m'attraper.

Elle afficha un air mystérieux qui fit frissonner l'altmer. La plus jeune reprit :

— Yngvar a déjà dû te le dire, mais méfie-toi de lui.

Liinwen hocha la tête d'un air vague. Althana jeta un œil en direction du couloir, puis se pencha vers elle.

— Tu as voyagé dans le temps, souffla-t-elle très bas. Je me doute que tu dois vouloir rentrer chez toi, mais reste discrète là-dessus et fais confiance à l'Archimage. Juste à lui, à Yngvar, et à moi. Si le Thalmor vient à apprendre que tu cherches à retourner dans le passé, il va essayer de se servir de toi pour modifier le cours de l'histoire.

L'altmer la regarda d'un air surpris.

— Comment... bégaya-t-elle.

— Yngvar me l'a dit, révéla la jeune fille avec un sourire innocent. Et pour le Thalmor, c'est évident. S'ils peuvent éliminer Tiber Septim pour qu'il ne devienne jamais Talos, ils le feront.

— Mais qui c'est, Talos ? s'agaça Liinwen.

— Le dieu-héros des hommes, expliqua l'adolescente. Un humain qui a réussi à s'élever au rang de dieu, mais le Thalmor le conteste.

— Sérieusement ? s'émerveilla la jeune femme. C'est incroyable ! Tu saurais m'expliquer comment il a fait ? Il y en a d'autres qui ont réussi ?

Un rire léger échappa à la petite elfe.

— Yngvar a raison, tu es vraiment plus ouverte d'esprit que les autres altmers, souffla-t-elle avec un petit sourire.

Liinwen rougit.

— On me l'a toujours reproché, ça, murmura-t-elle.

— Oh, je me doute. J'ai eu l'occasion de passer quelques années à l'ambassade. Je préférais de très loin ma vie d'avant. Qu'est-ce qu'ils étaient pénibles...

Elle prit un air hautain et commença, d'une voix exagérément dédaigneuse :

— Non, Althana, tu ne peux pas mettre tes pieds sur la table ! Quelle idée de manger sur la pointe de ton couteau... Tu ne peux pas prendre des couverts, comme tout le monde ? Et arrête un peu de courir dans les couloirs, ça ne se fait pas !

Liinwen éclata de rire devant l'imitation de la petite elfe.

— Toi aussi, tu as grandi à l'Archipel ? demanda la plus âgée.

— Non, répondit la plus jeune avec un soupir. Je suis née à Cyrodiil, et j'ai grandi en Bordeciel.

Son regard devint fuyant. L'altmer, bien que curieuse, préféra ne pas insister lorsqu'elle remarqua sa réaction. Elle demanderait à Yngvar, plus tard.

— Tu connais bien les humains, donc, constata-t-elle à la place.

Son interlocutrice hocha la tête.

— On peut dire ça, confirma-t-elle.

— Et tu les apprécie ?

— Beaucoup plus que les altmers et les bosmers.

Liinwen remarqua encore une fois qu'elle évitait son regard. Son comportement étrange l'intrigua, mais elle ne posa pas d'autres questions. Elle devina que la jeune fille devait s'être attirée des ennuis auprès du Domaine Aldméri.

— Bordeciel est un peu devenue ma maison, souffla-t-elle. Les nordiques sont ma famille, aussi. Ils ne sont pas parfaits, beaucoup se méfient de moi, mais... je les adore malgré tout.

— Je te comprends.

Althana releva ses iris dorés vers son aînée. Celle-ci posa une main sur son bras, d'un geste doux et apaisant. Un sourire étira les lèvres de l'altmer.

— J'ai passé ma vie à l'Archipel d'Automne, expliqua-t-elle. Je n'ai connu que le comportement hautain et fier des altmers toute ma vie. Je n'ai pas rencontré beaucoup de nordiques, mais ils ont l'air si... simples, honnêtes...

— Toi, tu t'es laissée avoir par Yngvar, ricana la plus jeune.

Les joues de Liinwen se colorèrent en un instant. Sa réaction amusa Althana.

— Yngvar est un gros nounours, expliqua-t-elle. Tous les nordiques ne sont pas comme lui, bien au contraire... Ce sont avant tout de fiers guerriers, très attachés au combat, à l'honneur et à leurs racines. Très peu d'entre eux pratiquent la magie et ils sont très têtus quand ils ont une idée en tête, mais ils sont adorables, au fond. Et leurs plats sont juste excellents.

— Yngvar m'a fait goûter le horqueur, confirma l'altmer. C'est délicieux.

— Oh, chanceuse ! bougonna la plus petite. Quand je lui demande s'il sait cuisiner, il change toujours de sujet...

Liinwen pouffa.

— Il est très doué, déclara-t-elle. Au moins pour cuire le horqueur.

— Il faut que tu goûtes les tourtes qu'ils font au Foyer Gelé ! s'exclama l'adolescente. C'est un vrai délice !

Son enthousiasme contamina la plus âgée. Althana attrapa sa main et la tira pour l'aider à se relever. L'altmer enfila en vitesse une paire de bottes posée à côté de son lit, attrapa une cape épaisse dans laquelle elle s'enroula. La jeune fille lui jeta un regard rempli de réflexion.

— Quoi ? demanda l'aînée.

— Va falloir te trouver quelque chose de plus chaud, déclara-t-elle d'un ton pensif. Ta tunique est belle, mais elle n'a pas l'air très chaude.

Liinwen baissa les yeux sur ses vêtements. Elle ne l'avait pas remarqué avant, mais son armure lui avait été retirée. Sa manche gauche était déchirée sur toute sa longueur, et plusieurs trous ornaient son pantalon. Elle adressa un regard inquiet à la petite elfe, qui lui montra une armoire d'un geste du menton.

— Yngvar a rangé ton armure là, lui expliqua-t-elle. Tu dormais, il n'a pas voulu te réveiller. Il faudrait que tu l'emmènes chez un forgeron, au fait. Je ne sais pas ce que tu as fichu, mais plusieurs pièces sont enfoncées et tu as même une brèche assez large sur l'un de tes gants.

L'altmer fit un pas vers le meuble, mais la jeune métisse l'attrapa par la main avec un air décidé.

— Ça peut attendre, assura-t-elle, surtout qu'il vaut mieux qu'elle reste cachée tant qu'Ancano peut nous embêter. Cet idiot risque de croire que tu as déserté l'armée du thalmor. Viens, on va aller te trouver des vrais vêtements de nordique !

Liinwen résista un court instant, puis se laissa entraîner par Althana. Un sourire éclaira son visage. Même si elle se sentait perdue, même si elle était inquiète pour sa famille, l'insouciance de l'adolescente et l'enthousiasme dont elle faisait preuve ne pouvaient la laisser indifférente. Elle se décida à laisser de côté le passé pour découvrir cette époque et cette région si éloignées de chez elle, au moins quelques heures. Elle risquait de rester ici un certain temps, alors pourquoi n'en profiterait-elle pas un peu ?

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