☾Partie 3/5

La réponse de Clyde fit frémir mes épaules. Esmée était peut être encore dans la course ! William, jusqu'alors plutôt silencieux, cria son prénom en mettant ses mains en haut-parleur autour de sa bouche:

"- Esmée ! Esmée !

- Encore un cri comme ça et ce n'est pas Esmée qui sera alertée mais les indigènes, qui rasent la forêt pour nous retrouver."

Au ton rude de Clyde, mon acolyte se résigna et laissa tomber ses bras avec désespoir le long du corps.

"- Mais comment ferons-nous pour la retrouver ? Elle est encore dans le jeu et on ne peut pas la voir !

- Nous n'en savons rien, si elle est encore là ! Et elle reviendra bien à nous, si jamais. Un groupe ne peut être séparé que si l'un des équipiers meurt dans l'activité. Continuer solo la ferait perdre automatiquement."

Sa remarque fut accompagnée d'exclamations de chaque équipier, avant que le groupe ne se remette lentement en marche de lui-même. Un dernier regard vers le sol instable qui avait englouti Esmée, et je suivis les autres d'un pas moins vigoureux. J'espérais intérieurement pouvoir bientôt la retrouver, armée de son fusil qui contraste tellement avec sa douceur réconfortante.

Nos corps s'enfonçant toujours plus dans la forêt vierge, nous prêtions maintenant une grande attention au sol qui supportait nos pas et guettions le moindre bruit qui pourrait signifier l'arrivée d'Esmée. Arrivé mon tour de porter le sac à dos orange, je sentais sur mes épaules le poids des affaires et entendais le clapotis de l'eau dans les gourdes en fer. Ce bruit omniprésent éveillait en moi une soif atroce, mais je connaissais déjà la réponse de Clyde, qui serait de garder le plus de provisions sans les gaspiller. Je suivis donc ses recommandations et avalai avec difficulté ma salive qui coulait dans ma gorge sèche.

Voilà maintenant une heure que nous marchions à nouveau en silence, quand la voix tonitruante d'Hemna s'éleva de la cime des arbres. Ses paroles semblaient ricocher sur chaque branche avant d'atteindre nos oreilles avec fracas:

"- Apprentis, voilà maintenant une matinée entière que vous arpentez cette forêt tropicale sans rechigner. Mais une petite ballade matinale ne forgera pas votre caractère de guerrier ! Vous battre avec courage doit être acquis pour chacun d'entre vous, et on ne peut pas apprendre à combattre..."

Avant qu'Hemna ne termine sa phrase, j'entendis derrière moi Clyde deviner ses mots:

"- Sans combat...

- Sans combat !"

Nous nous retournâmes tous vers notre leader, qui haussa ses épaules d'un geste désinvolte. Cela semblait venir de l'expérience... Avait-il déjà fait cette activité avant nous, alors qu'il n'était qu'un simple apprenti ? Sa réaction éveillait mes doutes, ainsi que chez mes coéquipiers.

"- Seulement quatre groupes auront droit à un panier repas, que vous devez attendre avec impatience. Votre but est de vous battre contre l'un d'eux afin qu'ils soient obligés de quitter l'activité et prendre leurs provisions. Aucun partage n'est accepté, seule la victoire est récompensée."

Une immense carte recouvra soudain le ciel.

"- Voici la localisation de chaque groupe.

- C'est nous, ici !

- Ferme-là, Callie ! Tu veux rameuter tous les groupes pour qu'ils se chargent de te tirer dessus, comme ça ?"

Ariane avait lancé cette remarque d'un ton sec, et Callie referma la bouche en se rendant compte de son erreur.

"- Elle restera affichée ainsi un quart d'heures, pour vous permettre d'aviser où se trouvent les autres. Les équipes ayant droit au repas s'agrandiront sur la carte."

Sa phrase terminée, les équipes rouges, violettes, jaunes et bleues se firent vite remarquer en s'accroissant à vue d'oeil.

"- Soyez rassurés, nous n'avons pas eu de nourriture.

- Et c'est censé être une bonne chose ? Je n'attends que ça !

- Recevoir des provisions revient à se faire automatiquement tuer par les groupes adverses. Tout le monde a faim, et les sois-disant chanceux sont donc considérés comme cible numéro 1. Là, c'est nous qui allons les traquer et je vous parie qu'aucun de ces groupes ne ressortira vainqueur de cet entraînement."

Un long silence ensuivit les sérieuses paroles de l'entraineur, avant qu'il ne reprenne avec entrain:

"- Les violets sont à quelques kilomètres de nous. En accélérant la marche, on pourrait les rattraper et les mettre à terre. Grouillez-vous !"

Quelques secondes plus tard, nous courions à en perdre haleine, nous écorchant contre l'écorce des arbres et restant accrochés sur les branches qui entravaient notre chemin. Les semelles de nos imposantes chaussures glissaient sur les racines et les feuilles mortes, mais les cris de Clyde nous intimaient de continuer. Notre petit point orange s'approchait toujours un peu plus des violets. Ceux-là semblaient rester presque immobiles, scintillant lentement et ne cherchant pas à s'enfuir. Par chance, aucune autre équipe n'avait visé les violets. Nous étions donc les seuls à pouvoir les retrouver.

"- Il faut les retrouver avant que la carte ne s'efface, sinon, le repas ne sera pas pour tout de suite !"

Redoublant d'effort, nous accélérions la course, avec Clyde à l'avant, suivi de près par Ariane. William et moi étions au coude à coude, et je sentais parfois son bras me percuter les côtes, avant qu'il ne s'excuse, le souffle court. Derrière nous, Callie tentait de faire avancer Constance, qui ne cessait de replacer ses longs cheveux derrière ses oreilles et se plaignait d'un point de côté douloureux.

"- Il ne reste plus que cinq minutes avant que le ciel ne redevienne bleu !"

A première vue, il nous restait une dizaine de minutes pour enfin arriver chez l'équipe adverse. Nous n'arriverions pas à temps, et accélérer une nouvelle fois était impossible. Mais le plus important était de garder le rythme. La transpiration coulait le long de mon visage et me piquait les yeux, et le sac à dos que je portais rebondissait contre ma colonne vertébrale en un bruit sourd. Les jambes me semblaient tellement lourdes, que j'avais l'impression de porter deux enclumes sur chacune d'elles. Les cinq minutes passèrent, sans que nous ne puissions arriver à temps. La carte s'évapora au-dessus de nos têtes, et j'eus à peine le temps de voir que les violets commençaient enfin à se déplacer.

A ce moment-là, je compris leur ruse. Sachant qu'ils allaient être retrouvés s'ils bougeaient alors qu'on pouvait les voir, ils avaient décidé de rester sur place jusqu'à qu'on ne puisse plus les localiser. A ce moment-là, nous ne pouvions savoir dans quelle direction ils étaient partis, et à quelle vitesse.

"- Les enfoirés ! Comment allons-nous faire ? demanda amèrement Ariane.

- Avec un peu de chance, on les croisera d'ici quelques minutes.

- Avec un peu de chance, tu dis ? Sauf que de la chance, on n'en a pas !"

Alors qu'elle accentuait sur le dernier mot, elle s'arrêta net en provoquant la halte de tout le groupe. Elle tapa soudainement du pied sur le sol poussiéreux, des mèches rebelles s'échappant de sa tresse et recouvrant son visage. Elle commença à s'époumoner :

"- Depuis que je suis gamine, il a fallu que je me batte pour survivre dans un monde qui se foutait littéralement de mon sort ! Quand enfin j'ai décidé de croire en ma bonne étoile et qu'on m'a proposé un aller-simple pour un soi-disant paradis, personne ne m'avait prévenu que j'allais être utilisée comme de la chair à canon pour une guerre entre planètes ! J'ai toujours eu une vie minable, où seules les embrouilles se pointaient devant ma porte et chacun de vous connaît ça, car personne ici n'est venu en laissant derrière soi ce qu'il aimait. On s'est risqué là pour trouver mieux qu'avant, mais on ne peut pas dire que cela ait été fameux. Et cette activité, n'en parlons pas ! D'abord ces indigènes, puis ces panthères et pour finir en beauté, cette saleté de boue qui engloutit chaque personne qui pointe le pied dedans ! Alors non, Clyde, on ne peut pas se résoudre à la chance, car on n'en a jamais eu le droit !"

Ses mains tournaient dans tous les sens, accompagnant ses paroles pendant que personne n'osait l'interrompre. Comme une bombe à retardement, chacun craignait qu'elle nous explose à la figure. Mais seule Callie, qui confondait cran et sagesse, lui répondit avec mépris:

"- Lâche nous avec ton pessimisme mal placé. On peut continuer notre chemin ? J'ai vraiment la dalle."

Chacun de nous regarda Callie avec de gros yeux en attendant avec angoisse la réaction d'Ariane. William, derrière moi, chuchota doucement :

"- Elle n'aurait jamais dû dire ça..."

Le ressenti de chacun de nous se confirma quand notre acolyte tourna lentement sa tête vers Callie, de la même manière qu'un superprédateur en chasse


"- Toi, je ne sais pas ce qui m'avait retenu de t'égorger, la première fois !"

Sur ses mots prononcés avec colère, Ariane se rua vers la cause de son emportement et la plaqua contre le tronc d'un arbre, avant même que nous ayons pu cligner des yeux.
Elle dégaina un poignard et le plaça stratégiquement sous la gorge de sa victime. Elle était sans scrupule, je la connaissais, et si nous n'intervenions pas, elle risquait de rapidement mettre fin aux jours de Callie. Clyde, toujours aussi préoccupé par ce genre de chose, lui rappela avec précaution :

"- Ariane, ne lui fais pas de mal ! Il faut rester au complet aussi longtemps que possible."

Je vis mon amie hésiter, mais la tentation semblait trop forte. Callie essayait de se défaire de sa prise, mais Aria lui rappela vite qui était en position de force en traçant une fine entaille sur sa joue. Aucune goutte de sang ne vint troubler la pâleur de son visage, mais un léger cri jailli d'entre ses dents serrées. Personne n'intervenait. Notre coéquipière était, présentement, très instable. Aucune émotion ne se lisait dans ses yeux, seule une terrible envie de vengeance, et nous n'avions aucun moyen de prédire ses prochaines actions. Elle était simplement terrifiante.

Les yeux, rougis par le sang et l'épuisement, Ariane avait l'air d'une bête sauvage, semblable aux panthères tuées il y a peu. Elle devait se calmer, si elle ne voulait pas finir comme elles, une flèche dans le cou ou une balle flanquée dans la poitrine.

« -Excuse toi !»

Ariane ne cherchait qu'à l'effrayer suffisamment pour lui faire comprendre qui se trouvait en haut de la chaine alimentaire. Elle réitéra sa demande.

" -Excuse toi, et peut être que je ferais usage de la clémence qu'il me reste pour te laisser partir »

Callie n'hésita pas une seconde et ravala sa fierté.

« -D'accord, d'accord je m'excuse. C'est tout ce que tu voulais ? »

« -Non. Mais à présent tu connaitras la facilité avec laquelle je pourrais te tuer et débarrasser le monde de ta carcasse insignifiante. »

Elle se dégagea rageusement de sa proie et je lui pris le bras pour éviter un nouvel incident, quand Constance me demanda, lentement :

"- Depuis combien de temps la caféine ne fait-elle plus effet sur ta copine ?"

Je ne pris pas la peine de lui répondre, mes yeux seulement braqués sur les poignets d'Ariane, que je tenais fermement.

"- Ariane, calme-toi, maintenant ! cria Clyde, à quelques mètres de nous."

Mais les paroles de son entraîneur ne s'évaporèrent pas seulement dans l'humidité ambiante... Sa remarque semblait avoir à nouveau soufflé sur les braises, qui rallumèrent la flamme de colère de mon amie.

"- Non, je ne me calmerai pas !"

Si un regard pouvait tuer, nous serions tous déjà morts. Ariane était en train d'évacuer des semaines d'épuisement et cela ne faisait apparemment que commencer. En se tournant vers Clyde, je compris que la suite des évènements deviendrait ingérable :

« Ne me regarde pas comme ça, monsieur l'entraineur dévoué ! Tu crois m'impressionner avec l'aplomb légendaire dont tu fais preuve ? Mais toi aussi, tu me rends la vie insupportable avec tes exercices nocturnes qui n'intéressent personne ! Et ta froideur caractéristique ne facilite pas les choses. Tu passes ton temps à me dire ce que je dois améliorer, mais tu ne m'as jamais félicité pour mes progrès, qu'aucun recruté de mon année n'a encore réussis ! J'essaye de tout faire correctement, mais je suis exténuée, et tu ne sembles même pas t'en rendre compte ! Ton allure de titan et ton bras bionique ne sont peut-être pas qu'une image que tu projettes, tu as sûrement un vrai cœur aussi froid que ton armure."

Ses remarques, lancées à la figure d'un Clyde décontenancé, nous laissaient tous aussi silencieux qu'un cimetière. Ariane, elle, reprenait simplement son souffle avant de s'en prendre à la prochaine personne qui croisait son regard. Elle n'avait plus les yeux éteints, ils étaient illuminés d'une rage incontrôlée. S'énerver lui faisait du bien, et elle adorait cela.

"- William !"

En entendant son nom, celui-ci ferma les yeux en attendant que son acolyte lui crache ses quatre vérités au visage, mais fut finalement agréablement étonné quand celle-ci lui dit :

"- Toi, tu es tellement discret et silencieux que je ne porte aucun jugement sur toi."

Elle n'attendit pas son reste et se tourna vers sa prochaine victime. Moi.

«- Jo, je te considère comme une véritable amie, mais au moment où j'ai réellement besoin de ton soutien, tu m'abandonnes en me faisant la tête pour un vulgaire tatouage ! Tu ne trouves pas cela ridicule ? Moi si. J'ai toujours été là pour toi, depuis le premier jour, et j'attendais la même chose de ta part. Tu ne peux pas savoir à quel point je me suis sentie seule et faible, ces derniers jours... »

Sa dernière phrase sonnait plus triste que les précédentes, et me fit légèrement desserrer la poigne que j'exerçais sur son poignet. Il avait fallu qu'elle me le dise ainsi, pour que je me rende compte à quel point mon attitude avait été détestable envers elle. Mais alors que ses remarques résonnaient encore dans ma tête, Ariane passa à la dernière victime positionnée près d'elle :

« - Ferme la bouche, ça te donne encore plus l'air d'un merlan frit que d'habitude, Constance ! Tu es si inutile que je n'ai rien à te dire, mais je m'acharnerai quand même sur toi car c'est jouissif. Personne n'avait entendu parler de toi avant ce jour mais par je ne sais quel malheur, il a fallu que tu tombes dans notre équipe. Tu penses être importante car tu as réussi là où Esmée a échoué, mais crois-moi, ce n'est pas un exploit. Je pourrais t'égorger maintenant que tu ne manquerais à personne, mais je ne peux apparemment que me déchainer verbalement, ce qui est bien dommage. »

D'un coup vif et sec, elle se défit de mon emprise et resta debout, immobile à nous regarder du coin de l'œil. Personne n'osait parler ou faire le moindre mouvement. Je voyais devant moi Callie, toujours aussi mortifiée. Tout ceci n'était que virtuel, même si Ariane l'avait tué elle se serait gentiment réveillée à l'académie.
Mais la folie d'Ariane ne semblait pas encore avoir trouvé la paix. En relevant vivement la tête, elle enchaîna :

"- Ah, j'allais oublier ! La reine, la cause de tous nos malheurs ! Hemna, ces paroles vous sont entièrement adressées. Vous usez de votre position sociale pour me mettre à terre, trop faible pour simplement venir me mettre une droite vous-même. Vous vous croyez supérieure, vous vous amusez à me voir dans cet état lamentable, je le sais ! Je suis votre bouc émissaire, votre punching ball sur lequel tous les coups sont permis. Mais je n'ai pas peur, Hemna ! Mettez-moi à terre et je continuerais de me relever pour vous tenir tête. »

Elle jura encore pendant quelques instants puis s'arrêta, respira un grand coup et continua son chemin, bien décidée à finir seule s'il le fallait. En la suivant de loin, encore sous le choc, nous sursautâmes tous quand elle se remit à crier en balançant ses bras au-dessus de sa tête :

"- Oh, et tuez-moi ces saletés de moustiques, ils me tapent sur le système à sans cesse virevolter autour de mes oreilles!"

En un coup sec, elle claqua des mains et l'insecte qu'elle venait d'écraser se dématérialisa entre ses doigts.

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Voilà voilà !! 😄

Petit chapitre, mais qui était vraiment trop long, assemblé avec la suite ! 

Qu'avez-vous pensé du pêtage de plombs d'Ariane ? Personnellement, je le vois comme une situation vraiment comique, pas du tout comme un moment de violence XD ! Je ne sais pas vous 🤔

Sinon, pensez-vous toujours qu'Esmée va refaire son apparition ? 🤷🏼‍♀️ 

Oh purée j'allais oublier...

Pour plus d'action... votons !! 🌟

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