☾Partie 3/3
Debout sur la première marche de l'escalier, je respirai longuement en essayant de percevoir une ombre quelconque, au milieu de l'obscurité environnante. Ariane m'avait fait passer le message, certes, mais je n'avais aucune idée de l'endroit où je devais retrouver Clyde. Venait-il me chercher, devais-je descendre dans le hall ? Ne pas savoir quoi faire me rendait nerveuse, et me donnait presque envie de retourner me cacher sous mes couvertures. Mes doigts tambourinaient rapidement sur la rampe d'escalier, alors que je tournais la tête dans tous les sens.
Que voulait-il me dire, d'ailleurs ? Encore une fois, Ariane ne m'avait pas éclairée sur ce sujet. A nouveau excitée de ranger ses affaires enfin retrouvées, elle était vite sortie, elle aussi, de la pièce. Et maintenant, je ne savais pas quoi faire. Intérieurement, j'étais angoissée à l'idée d'à nouveau parler avec Clyde, face à face. Ce long moment durant lequel je l'avais perdu de vue me revenait dès que je pensais à lui, et cela me refroidissait rapidement. J'avais en fait peur de le retrouver maintenant, alors qu'il y avait de grandes chances que nous nous séparions à nouveau d'ici peu, lorsque la guerre sera annoncée.
J'étais perdue dans mes doutes quand un bruit au bas des escaliers me redonna espoir. Alors que tout semblait endormi, les légers bruissements à quelques mètres de moi ne passèrent pas inaperçus. Je descendis rapidement les marches et retrouvai mon ami d'enfance. Il se trouvait devant moi, son bras en fer agrippé à la rampe métallique, qui longeait le mur. Quand il me vit, je le sentis souffler, rassuré de me trouver là, et il me dit:
"- Tu es venue, c'est cool.Ça va bien ?"
Je lui répondis par l'affirmative en chuchotant, comme lui à l'instant, et me rapprochai d'une marche. Deux nous séparaient encore.
"- Je... J'aimerai te parler... autre part que dans ce couloir sombre, sur un escalier qui n'a pas été lavé depuis un bon bout de temps."
Je lui accordai un hochement de tête, imperceptible dans le noir qui nous enveloppait. Mais il semblait avoir compris et m'intima de le suivre, le plus silencieusement possible. "Ce que nous faisons n'est pas réellement admissible, normalement." Sur ses mots, j'obtempérai et le suivis comme son ombre, parcourant le bâtiment et montant les étages. Je ne sus pas combien de niveaux nous montâmes, mais cela dura longtemps et mes jambes me faisaient horriblement souffrir. Mon souffle était court, et tenir la rampe à côté de moi était de plus en plus difficile. Cent-trois, c'était le nombre de marche que j'avais comptées jusqu'au sommet.
"- Ne t'inquiète pas, on est enfin arrivé, me chuchota-t-il alors que je soufflais lentement pour retrouver des forces."
J'acceptai la main qu'il me tendait et me relevai, le rouge aux joues après cet effort.
"- Après tous ces entraînements, tu devrais être capable de monter ces marches sans rechigner."
Sa remarque ironique me fit sourire, et je laissai échapper un petit rire, qui se répercuta contre les murs. Ce son résonna dans le couloir, et Clyde m'ordonna de me taire, d'un geste de la main.
"- Tu veux vraiment nous attirer des ennuis, toi, lança-t-il d'un air faussement sérieux. Enfin bon, maintenant que nous sommes montés tout en haut, je vais pouvoir t'amener là où je voulais: sur le toit."
A ces mots, mon esprit fut embrouillé un court instant à l'idée de sortir à l'air libre. Je n'avais encore jamais goûté à la douceur de la nuit sur Vivia, et cette idée m'excita. Quelques secondes plus tard, je demandai innocement:
"- Et... on voit les étoiles, sur Vivia ?"
***
Mal installée sur la ferraille penchée qui servait de toit d'appoint, je souriais pourtant bêtement, comme une enfant de six ans à qui l'on offre une poupée ou une friandise. La prothèse de Clyde frappa contre la tôle et ce bruit assourdissant attaqua mes oreilles.
"- Je croyais qu'on devait se faire discrets, non ?
- C'est bien, tu retiens vite la leçon, me lança-t-il en riant."
Pendant un moment, plus personne ne parla, et je pris alors le temps de me rendre compte de ce qui nous entourait. Aucun bruit de cigales ou d'animaux nocturnes nous emplissait les oreilles, simplement celui des drones qui volaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre au-dessus de la ville. A ma grande déception, pas un seul point lumineux ne scintillait dans l'obscurité. Quand je me rendis compte de cela, je demandai à voix haute:
"- On ne voit pas les étoiles, par ici ?
- Malheureusement non, le ciel est recouvert par des poussières dues à la pollution, et ces nuages opaques nous empêchent de voir le moindre astre. Surtout en saison grise, comme actuellement. Mais il ne me semblait pas que l'astronomie t'intéressait autant, sur Terre.
- Non, c'est vrai, mais ne pas les voir me déstabilise. Et d'un côté, cela m'aurait peut-être rapprochée du passé que j'ai laissé derrière moi, en me disant qu'ici ou sur Terre, je voyais les mêmes petites lumières.
- Si ça peut te redonner le sourire, tu peux prendre ça pour une étoile filante."
En même temps qu'il me parlait, il me montra du doigt un nouveau drone, dont les lumières étaient allumées et qui semblaient presque flotter dans l'air, à plusieurs mètres de nous. Sa remarque me fit rire doucement, avant qu'il ne me demande:
"- Oh, mais qu'as-tu eu au visage ? On t'a frappé ?
- Pas vraiment, c'est une dispute entre deux garçons qui a mal tourné. J'ai essayé de les séparer, mais...
- Je te reconnais bien là, ma petite Jo ! Toujours à foncer tête baissée dans les problèmes qui ne te concernent même pas."
Son rire grave me fit également sourire, et je lui demandai ironiquement d'arrêter de se moquer, sans réellement attendre quelque chose de sa part. Mais au bout de quelques temps, j'en revins aux choses sérieuses:
"- Pourquoi m'as-tu amenée ici, au fait ? demandai-je d'un ton soudain plus intéressé.
- Pour te mettre au courant... de certaines choses."
Sa dernière phrase me fit me redresser, et je fus alors prête à écouter ce qu'il avait à me dire:
"-Je... je sais que tu as un rat, comme tatouage. Personnellement, j'ai un serpent.
- Comme Ariane, ajoutai-je.
- Exact, mais là n'est pas la question. Je tenais à te prévenir que le jour où nous partirons combattre, tu seras une des premières à risquer ta vie."
A son ton soudain rapide et légèrement angoissé, je le regardai dans les yeux et lui demandai des explications. Mon coeur se mit alors à battre plus vite, quand il continua:
"- Les rats ont toujours été considérés comme inférieurs, donc peu importants lors d'un combat. Et malheureusement, les premiers sont souvent utilisés comme des boucliers humains, ou comme des cobayes. Grâce aux premiers soldats qui se jettent dans la gueule du loup, on peut voir, à la vitesse à laquelle ils retombent morts sur le sol, quelle est la puissance des ennemis que nous allons attaquer."
Aux explications de Clyde, ma bouche s'ouvrit, et je n'eus pas la force de la refermer. Je sentais mes yeux s'arrondir de plus en plus, tandis que mes mains devenaient moites.
"- Tu veux dire... que j'ai cent pour cent de chance de mourir dès les premières secondes sur le champ de bataille...
- Un peu moins, je dirai. Quatre vint pour cent ?"
A la lèvre de mon ami qui se mit à tressauter, je compris qu'il avait en fait aussi peur que moi.
"- C'est dégueulasse, chuchotai-je."
J'étais tellement abasourdie par ce que je venais d'entendre, que mes yeux restèrent secs, même si mon coeur pleurait sans pouvoir s'arrêter. Je me mis alors à crier:
"- C'est dégueulasse ! Dégueulasse !"
Alors que je m'apprêtais à me mettre debout sur le toit instable, Clyde me retins le bras, et, d'une force incomparable, me ramena à ses côtés.
"- Je sais, je suis tellement désolé ! Cela a provoqué de nombreuses disputes, entre le professeur McKin et moi.
- Et pourquoi est-ce que ce n'est pas lui qui est venu me le dire en face, hein ? C'est pourtant son boulot, il me semble !
- Il a essayé, mais après ta réaction à ta dernière sortie, il n'a pas jugé bon de te rajouter ça sur le dos."
Cette fois-ci, les larmes se mirent à couler sur mon visage. Je pleurais de colère, de désespoir, de rancune. Ce serait presque léger de dire que le destin s'acharnait sur moi...
"- J'aimerais réellement que l'on puisse échanger nos rôles, tu sais. Mais je suis entièrement sûr que, forte comme tu es, les balles ne t'atteindront jamais."
Ce nouvel encouragement fit naître un sourire triste sur mon visage. Bien que ces paroles faisaient chaud au coeur, je n'y croyais absolument pas.
"- Et si je suis si forte que ça, comment expliques-tu que j'aie eu droit à ce tatouage ?"
A ma question, Clyde sembla devenir extrêmement sérieux, avant de me demander:
"- Promets-moi que tu ne diras rien à personne."
Je n'eus pas le temps de répondre, qu'il continua:
"- J'ai longuement réfléchi sur ce sujet, et en réalité, je crois que ces animaux tatoués sur la peau ne veulent rien dire. C'est comme si chaque personne avait été tirée au sort dans un chapeau, et qu'on lui avait assigné une de ces marques au hasard, j'en suis certain. Sinon, je ne peux pas expliquer pourquoi autant de mes acolytes, pourtant si bons, ont été affublés d'un rat. Ils ne veulent juste pas avoir à faire un choix entre tous ces soldats, alors ils laissent le hasard faire les choses."
Mon ami me chuchota toutes ces informations à l'oreille, et ses explications se dessinèrent entièrement bien dans ma tête. Et son hypothèse semblait loin d'être fausse...
"- C'est presque flippant, n'est-ce pas ?"
Je hochai affirmativement de la tête, maintenant devenue silencieuse devant toute cette absurdité. C'était tout simplement minable. Deux nouveaux drones passèrent au-dessus de nos têtes, et je demandai soudain:
"- En parlant de tes acolytes, combien de virées sur le champ de bataille as-tu déjà faîtes ?
- Tu sais, je ne les compte plus, maintenant, me répondit-il. J'ai dû en faire une cinquantaine, depuis mon arrivée ici. Mais la prochaine qui se prépare sera la plus sanglante à laquelle j'aurai assisté, elle se prépare depuis tellement d'années !"
A sa réponse, les battements de mon coeur, qui s'étaient calmés, redoublèrent de vitesse.
"- J'ai peur, Clyde.
- Si tu n'étais pas terrifiée, c'est que tu ne serais pas assez prête pour te rendre compte de l'ampleur du danger."
Alors que mon cerveau ressassait cette phrase dans ma tête, Clyde leva son bras d'acier et l'enroula autour de mon épaule. Ce geste, si banal quand nous étions à l'orphelinat, me mettait encore mal à l'aise, ici. Pourtant, je le laissai faire et m'intéressai au vent frais qui engourdissait mes pieds nus. Une nouvelle question traversa mon esprit:
"- Au fait, comment as-tu trouvé cet endroit ?
- Je ne sais plus trop. Au tout début, il m'arrivait de couramment faire des insomnies, et mes virées nocturnes ont dû m'amener ici.
- C'est beau, en tout cas..."
Je regroupai mes jambes contre mon ventre, et fermai les yeux pour ressentir pleinement la fraîcheur de la nuit, et le calme que je ressentais actuellement en moi.
"- Quand je venais ici, je pensais à toi, et je me suis toujours dit que tu adorerais cet endroit. Je t'aime comme ma petite soeur, et ce rat sur ton épaule n'a absolument rien changé, chez toi. Nous affronterons la guerre ensemble, et on y arrivera, je te le promets."
J'écoutai ses paroles et lui souris, un peu rassurée. Un nouveau drone lumineux passa près de nous, et je lançai:
"- Oh regarde, une nouvelle étoile filante !
- Fais un voeu, me répondit-il en riant."
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Voici donc un petit dialogue entre nos deux amis d'enfance ! 👻
Qu'en avez-vous pensé ? Les différentes informations ne défilaient pas trop vite ?
On se revoit, avec bientôt un peu plus d'action... ⚔
Pour plus d'action... votons !! 🌟
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