☾Partie 3/3
"- Alors vas-y, explique-moi tout avant que tout le monde ne rapplique."
Je sentais mes cheveux friser sur le haut de mon crâne et mes dents claquer, alors que William me chuchotait doucement ces paroles. Les dernières gouttes restées accrochées sur le pommeau de douche tombaient une à une en un "ploc" silencieux, tel un métronome en accord avec les battements de mon coeur encore affolé. Les yeux bleu-gris de mon ami me fixaient toujours comme s'ils voulaient pénétrer dans mon esprit, moins fuyants que d'habitude. Mes mains froides et tremblantes se mirent alors à s'agiter quand je me mis à commencer:
"- Ce matin, Yann m'a amenée à l'extérieur pour que je puisse rencontrer deux anciens soldats.
- Yann ?
- Le professeur McKin. J'ai vu deux personnes dont Alex, qui a bien voulu tout m'expliquer.
- Et qu'est-ce que t'a dit cet homme, pour que tu soies dans cet état ?
- C'était une femme. La femme la plus digne et courageuse que j'ai vue jusqu'à maintenant. Elle s'est battue, a souffert et s'est relevée.
- Et qu'est-ce qui te fait tellement souffrir, dans ce cas ? Elle s'en est sortie, elle a réussi, ce devrait être un modèle pour toi.
- Sauf que tous n'ont pas eu le même sort qu'elle. Je suis sûre que certains revivent ces cauchemars à chaque fois qu'ils ferment les yeux, d'autres n'en ont même pas l'occasion car ils sont morts, éclatés en mille morceaux sous un obus. Même dans son regard, j'ai vu la souffrance qu'elle avait ressenti. Son corps était encore entier, mais son coeur était en mille éclats, comme touché lui aussi par toutes ces bombes tombant du ciel. Et je ne veux pas vivre ou même ressentir la même chose."
Lentement, William me frictionna l'épaule, sûrement pour apaiser mes soubresauts.
"- Même sur une autre planète, on doit faire face à des calvaires, tous plus durs les uns que les autres. Maintenant, on va devoir se battre, c'est comme ça, tu ne peux pas changer les codes. De toute façon, la mort, c'est pour les autres. Nous, nous sommes immortels."
Sa petite phrase naïve mais rassurante me fit sourire. Tout le malheur n'arrive qu'aux autres, c'était bien connu... C'était ce que j'appréciais le plus chez William, son authenticité, sa gentillesse, sa timidité et sa simplicité naturelles. Avec lui, tous les malheurs du monde semblaient plus loin, presque oubliés et remplacés par son sourire toujours lumineux.
"- La vie ne tient qu'à un fil."
En l'entendant dire ça, je relevai la tête pour lui demander une explication des yeux.
"- C'est ma citation préférée, en même temps poétique est tellement vraie. Le fil des Parques peut être coupé à tout moment, et personne à part ces trois divinités ne peuvent en décider autrement. Ce ne sont pas la guerre ou le danger qui peuvent les remplacer.
- Je ne suis pas une grande adepte des citations, lui répondis-je ne souriant.
- Tu as tort, les citations permettent de mettre des mots sur ce qu'on ressent, de nous éclairer sur ce qu'on pense, de nous faire réfléchir.
- Sauf que ce ne sont que des mots."
Nous restâmes longtemps ainsi, recroquevillés sur nous-mêmes et grelottant sans pour autant vouloir bouger pour nous réchauffer. J'avais froid, mais la simple présence de mon ami me réchauffait assez. L'eau glacée m'avait réellement engourdi l'esprit, au point qu'aucune mauvaise pensée n'arrivait à surgir du brouillard qui m'emplissait la tête. Mes cheveux laissaient couler des gouttes sur mes épaules, qui descendaient jusqu'au creux de mon dos et me faisaient frissonner, mais j'aimais ça. J'aimais le moment présent, aussi incongru soit-il, et j'en aurais encore profité si un bruit dans le dortoir ne m'avait pas alerté.
Au son de la porte qui se mit à grincer, je sortis brusquement de ma léthargie et observai William d'un regard effrayé. Je n'avais absolument pas le droit d'entrer ici, et si quelqu'un me voyait ainsi, je risquais réellement gros. Apparemment, la personne cherchait prestement quelque chose dans ses affaires, et je n'attendis pas plus longtemps pour me relever et commencer à trouver une solution pour sortir d'ici sans être vue.
"- William, qu'est-ce que je fais ?"
Celui-ci regardait autour de lui, autant aux aguets qu'au départ.
"- Je ne sais pas. Je vais déjà voir qui est entré."
D'un regard derrière la porte, il se plaqua à nouveau contre le mur et me chuchota:
"- C'est Erwan.
- Mais c'est qui, Erwan ?
- Un mec plutôt sympa, mais rapidement à bout de nerfs. Il commence déjà à s'énerver au milieu de ses affaires en désordre.
- Sauf que j'aimerais sortir d'ici assez rapidement !
- Attends."
Et sans que je ne puisse rien rajouter, William entra dans le champs de vision du jeune homme, trempé et entièrement habillé.
"- Hé, Erwan ! Qu'est-ce que tu fais ? J'ai eu un problème avec la douche, elle s'est mise en marche sans raison en me mouillant complètement, mais maintenant que je veux faire couler l'eau, il n'y a plus rien qui sort. Tu ne serais pas bon, en tuyauterie, par hasard ?"
La réaction de mon ami m'amusa, tout comme elle m'exaspérait. Il n'aurait pas pu trouver plus rapide, comme solution ? En silence, j'écoutai la réponse d'Erwan:
"- Euh... là je cherchai une paire de chaussettes pour repartir mais je peux vite jeter un coup d'oeil, si tu veux.
- Oh, génial ! Viens, je te montre."
Avant que le jeune homme ne se retourne pour suivre William, celui-ci m'intima silencieusement de me cacher sous un lit, ce que je fis rapidement. Quelques secondes plus tard, les deux garçons passaient à dix centimètres de moi sans m'accorder un regard.
"- Regarde, c'est celle-ci."
Alors que William continuait son baratin, je sortis de ma cachette et me dirigeai rapidement vers la porte. Je pus entendre la réponse d'Erwan avant que je referme la porte en bois et respire à nouveau:
"- Mais mec, elle marche très bien cette douche.
- Ah bon ? Dis-donc, t'es un génie, mon pote !"
A nouveau dans le couloir vide, je piquai un sprint silencieux en laissant derrière moi des petites flaques d'eau, qui rendaient marron la moquette rouge avant de sécher et disparaître en quelques secondes. En entrant cette fois-ci dans le bon dortoir, je restai adossée contre le mur quelques secondes en souriant bêtement. Ce que nous venions de faire était tellement déplacé que c'en était comique. Quelle aventure, me dis-je ironiquement avant de partir me changer.
Ce fut tellement agréable de me retrouver dans des habits propres et de sentir à nouveau la chaleur remonter le long de mon corps, que je restai un moment couchée sur mon lit, les yeux fermés et profitant de cette douceur. Maintenant, le brouillard dans ma tête s'était dissipé, et mes pensées étaient moins sombres qu'il y a une heure. C'est sur cette note que je m'endormis, affalée sur mon lit encore fait et souriant toujours comme une idiote.
Combien de temps restai-je ainsi ? Je n'en savais rien, mais quand je recouvrai à nouveau mes esprits, la salle était remplie. Les grandes fenêtres éclairaient encore les lits, signe qu'il n'était pas très tard, mais tout le monde semblait être rentré. Esmée sortait de la douche, une serviette autour de ses cheveux, et posa ses affaires sur sa table de chevet avant de me faire un signe de la main. Je le lui rendis, encore à moitié endormie, mais la porte qui claqua contre le mur acheva de me réveiller. Ariane entrait en trombes, les joues rouges et les cheveux en bataille. En me voyant, elle se dirigea sans attendre vers mon lit et m'empoigna férocement avant de me faire sortir du dortoir.
Décidément, aujourd'hui, j'étais emmenée de force par tout le monde... Je ne savais absolument pas où je me faisait embarquée et pour quelle raison, mais demander des explications maintenant aurait été impossible.
"- Jo, Jo, Jo, Jo."
Elle continua de lâcher mon prénom en descendant les escaliers jusque dans le hall, où elle me lâcha enfin.
"- Jo, Jo, Jo, Jo, Jo !
- Quoi, bon sang ?
- Je ne suis plus punie, c'est fini ! On récupère nos affaires demain !"
Dans son hystérie, elle ne manqua pas de m'enlacer en sautant encore comme une puce. Sa réponse dut mettre quelques secondes de plus à atteindre mon cerveau, avant que je ne la félicite. Alors qu'elle m'étranglait presque, elle continua:
"- Je vais pouvoir retrouver tous mes habits, mes bijoux, et toi ton vieux blouson ! Je suis tellement heureuse !"
Elle finit par m'embrasser sur la joue d'un geste un peu trop brusque et excité, avant de me relâcher et de remonter les escaliers.
"- Je suis trop contente ! Plus de nuits blanches, plus d'entrainements nocturnes, je suis libre !"
Sa réaction m'amusait, et me rendait également joyeuse. J'étais ravie, en particulier pour elle, mais aussi à l'idée de retrouver ce blouson miteux mais si cher à mes yeux. Bizarrement, j'avais l'impression que cette punition n'allait jamais se terminer. Mais maintenant qu'elle était levée, ce n'était pas aujourd'hui que j'allais lui faire part de mes pensées pessimistes... Une autre fois, peut être.
Me retrouvant seule dans le grand hall, je dus esquiver les robots voulant presque me marcher dessus et me concentrer pour essayer de suivre mon amie qui gravissait chacune des marches d'un pas énergique. Avant que je ne la perde de vue, elle me fixa de son regard lumineux, mit son doigt contre ses lèvres et me dit:
"- Mais chut... Pas besoin d'en faire part à tout le monde. Ma libération n'a pas besoin d'être criée sur les toits, chuchota-t-elle d'un air amusé."
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Voili voilou, chapitre plus court mais qui me plaît bien ! ☺️
Qu'en avez-vous pensé ?
La punition d'Ariane est enfin levée ! Champagne !🍾
Un petit peu plus de gaieté après l'ancien chapitre quelque peu pessimiste... 🤧
Pour plus d'action... votons !! 🌟
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