☾Partie 1/5
Mon plateau, contenant le repas du soir, sur la table, j'observai silencieusement Ariane et Esmée manger en face de moi, toutes les deux en proie à une gêne grandissante. Le tatouage caché d'Ariane me restait toujours en travers de la gorge et même si nous avions décidé de faire impasse sur cette situation et de ne plus en parler, une colère sourde faisait encore frémir mes lèvres à sa vue. Elle l'avait sûrement déjà remarqué car elle n'osait prononcer le moindre mot ni faire une seule remarque cynique, et les rares qu'elle lançait restaient sans réponse ou rires de ma part. Encore une fois, Esmée voulait manger avec nous pour détendre l'atmosphère, mais ses soi-disant talents pour sauver les situations de l'ennui s'étaient apparemment envolés. Un nouveau dîner se terminait donc dans le grand silence, durant lequel seul le bruit des couverts sur l'assiette résonnait autour de nous.
Un raclement de gorge d'Ariane et je compris qu'elle allait sortir de table en nous laissant ici, Esmée et moi :
« - Bon, je vais y aller. Je suis fatiguée et je compte bien profiter du peu d'heures de sommeil dont j'ai encore droit. »
Comme à son habitude, maintenant, Ariane continuait ses journées avec la fatigue permanente, et la découverte de Clyde n'avait pas changé son programme ou sa punition. Pour la soutenir et ne pas la laisser en plan, Esmée lui cria :
« - Bon courage pour demain ! »
La bouche pleine, j'ajoutai un petit « A demain », à peine perceptible au milieu des légumes qui débordaient presque de ma bouche. Son plateau dans les mains, mon acolyte se dirigea vers la sortie et Esmée se tourna vers moi :
« - Pourquoi tu lui fais encore la tête à ce point ? Elle est punie et souffre tous les jours pour vous deux et pour une seule petite cachotterie qu'elle t'a faite, tu la rends responsable de toutes les bêtises du monde ! »
Elle n'avait pas tort sur tous ces points, mais Ariane s'était faite tatoué deux fois un tatouage pour que je me sente « moins faible ». Je lui faisais donc pitié, depuis le début, et c'était en partie cela qui me mettait hors de moi. Mais ne sachant pas comment expliquer tout cela à mon amie, je haussai les épaules sans rien ajouter et sortis à mon tour de table, mon assiette vide.
« - A plus tard, je vais m'entrainer pour l'activité virtuelle de demain. »
En effet, une deuxième session d'entraînement en réalité virtuelle était prévue pour demain et qui était censée durer une bonne partie de la journée. Selon Hemna, le but sera maintenant d'être en équipe et d'user de sa force physique et mentale pour réussir la mission qui nous sera attribuée. Mais comme Ariane ne voudra sûrement pas mourir une nouvelle fois pour moi, il fallait que je sois à la hauteur pour que mon rat ne me définisse pas définitivement. Mine de rien, penser qu'Ariane était à la même hauteur que moi m'avait redonné confiance, mais son serpent m'avait à nouveau fait tomber de quelques échelons. La salle de sport étant ouverte pendant encore trois heures, je comptais en profiter pour me perfectionner sur les prises vues en cours cette semaine.
En arrivant, je fus surprise de voir que peu de personnes s'entraînaient encore. Les autres se sentaient-ils déjà au top pour demain ? Bien vite, je choisis un tapis au sol pas trop dur et poussiéreux et commençai les échauffements avec minutie. Un bon entrainement commençait par une bonne mise en marche. Sous mon bras tiré vers mon épaule gauche, j'aperçus au fond de la salle William, qui tentait d'enchainer roulade arrière, déplacement de la jambe droite et mise au sol d'une personne imaginaire en moins de quelques secondes. Le voir ici me fit me redonner à nouveau le sourire : au moins un qui n'avait pas essayé de s'immiscer dans mes histoires. Pour qu'il me tienne compagnie, je lui fis un signe de la main et il vint vers moi, le sourire aux lèvres. Nos disputes au sujet de mon tatouage étaient maintenant loin, et nous revoir après ce temps nous fit finalement du bien. Pendant plus de deux heures, nous pûmes nous entrainer l'un sur l'autre et à la fermeture de la salle, nous étions épuisés mais prêts pour demain.
« - A qui la douche froide ? demanda William en ébouriffant ses cheveux déjà en pagaille
- Je dirais plutôt glacée, c'est une torture ! Mais je suis obligée de l'admettre, nous sommes aussi sales que les tapis de sport après un mois sans nettoyage. »
Notre sympathie à nouveau retrouvée, nous nous quittâmes après un nouvel éclat de rire de mon partenaire de corps à corps qui se perdit dans les couloirs bondés, à cette heure de la soirée. Les douches seront sûrement remplies... En arrivant au dortoir, je vis tout d'abord Ariane tenter de dormir au milieu de tout le désordre qui régnait dans la pièce. En me dirigeant vers les sanitaires, je vis les filles se bousculer pour trouver le jet d'eau glacée. Il y avait un monde fou, mais je ne pouvais pas me résoudre à me lever plus tôt demain matin pour me laver avant l'activité virtuelle. Rassemblant vite mes affaires de bain, je fonçai dans le tas et atteins un jet d'eau qui coula le long de mon dos en me provoquant des frissons froids jusqu'au bas de ma colonne vertébrale. L'intimité était presque impossible ici, et je me lavai bien vite en tentant tant bien que mal de cacher mes attributs féminins, sans succès. Bousculée de partout, je me hâtais de répandre le savon sur mon corps et de me mouiller à nouveau avant de sortir des sanitaires, frigorifiée mais propre. Un shampooing sera pour une autre fois...
Dans le calme du dortoir, je me couchai enfin en sentant déjà près de moi Ariane se lever pour son entrainement. Ses cinq heures de sommeil accordées étaient passées. Malgré la colère envers elle qui m'assaillait, je ne savais pas comment elle arrivait à tenir bon. Ses vêtements devaient vraiment compter pour elle, au point qu'elle ne se raccroche qu'à ça pour tenir le coup. Sous un autre angle, je l'admirais, cette dure à cuire capable de tout endurer. Mais qu'avait-elle été, plus jeune, pour s'être formé un caractère aussi prononcé ? Comme elle disait, chacun a ses secrets, mais j'aimerais bien connaître le sien...
***
« - Tout le monde debout ! Rendez-vous dans moins d'une heure dans la salle commune pour l'activité virtuelle. Prenez votre petit-déjeuner en vitesse, aucun retard ne sera accepté. »
Encore dans les vapes, l'agitation autour de moi me fit remonter à la gorge l'angoisse qui s'était finalement tarie ces dernières heures. Ariane était déjà debout, somnolente et essayant de recoiffer ses cheveux restants en une demi queue de cheval.
« - Nuit difficile ? demandai-je
- Pas qu'un peu, j'ai travaillé sur du renforcement musculaire une bonne partie de la nuit, pour enchaîner sur des exercices de psychologie et finir avec deux blocs de cardio. Je suis crevée et je ne sais pas comment je vais réussir à tenir cette longue journée. »
A la voir aussi abattue, j'eus une nouvelle vague de fatigue qui me fit retomber dans mes draps encore chauds. Il était seulement cinq heures et demi, en Ecosse.
Maintenant debout et habillée, je consentis à laisser mes cheveux blonds détachés, en n'arrivant pas à les dompter et voyant que les autres sortaient déjà du dortoir. Longs jusqu'aux épaules et fins comme ils étaient, ils ne devraient pas me gêner.
Agglutinés dans la salle commune et notre petit-déjeuner remontant par moment dans notre œsophage, nous écoutions avec attention les consignes données par Hemna, Marc et d'autres entraîneurs dont Clyde et le professeur McKin, que je reconnus de loin:
«- Votre but aujourd'hui est principalement le travail de groupe. En vous mettant au nombre de sept, vous devrez trouver vos armes, votre repas de midi et quelques bonus par le biais de votre force et votre intelligence... »
Marc fut coupé quand un des garçons lança :
« - Nathan, ça sera sûrement un peu compliqué pour toi. »
Ariane ria amèrement, suivie bientôt de toute la salle. Mais le regard sévère des professeurs rendit bien vite le silence et Hemna continua :
« - L'activité durera cinq heures non-stop. Les blessés ou morts virtuels quitteront la salle et pourront suivre leurs acolytes dans la pièce d'à côté. Les deux groupes finalistes seront ceux qui auront récupéré le plus de choses dans leur camp, et le groupe vainqueur devra avoir rendu tous ses adversaires inactifs en les blessant virtuellement. Vous pouvez maintenant récupérer vos équipements, former vos équipes et à vous de jouer. »
A la dernière phrase prononcée par Hemna, je fus bousculée et amenée par la foule jusque devant les équipements, qui scintillaient comme après un lavage intensif. Sachant que les casques à ma taille n'étaient pas nombreux, je me dépêchais de m'en visser un sur la tête et retrouvai ensuite Esmée, qui me faisait signe de la rejoindre.
« - Pour le groupe, on se met avec qui ?
- Je dirai William et...
- Ariane, forcément.
- Si tu veux...
- Bien sûr que je veux ! Elle est très bonne en maniement de l'épée, et avec n'importe quelle arme blanche, d'ailleurs. Cela pourrait nous servir. »
William nous rejoignait déjà, ainsi qu'Ariane et bientôt, nous nous retrouvâmes à quatre en cherchant désespérément trois autres acolytes. Le professeur McKin passant entre les groupes et voyant que le nôtre n'était pas encore entier, il se dirigea vers nous avec empressement.
« - Vous n'êtes pas encore au complet ? L'activité commence dans moins d'une minute, dépêchez-vous ! Tiens, Callie, Constance et Clyde, vous allez dans ce groupe, vite. »
A ma mine déconfite en voyant toutes les personnes appelées s'approcher de nous, le professeur s'approcha vers moi et me souffla :
« - Au moins, vous pourrez peut-être retisser des liens, Clyde et toi. C'est important d'avoir des personnes en qui avoir confiance, ici. »
De son ton énigmatique, il fit un signe à Constance, grande perche aux cheveux noirs et aux lèvres charnues, et s'en alla en me laissant en plan, n'ayant plus aucune contenance. Qu'allais-je faire, avec Clyde dans mon groupe ? En plus, mon tuteur avait sûrement prévu le coup, car mon ancien ami attendait au fond de la pièce en portant son regard sur moi depuis le début. L'atmosphère allait être encore plus tendue qu'avec Ariane et je ne le sentais pas du tout. Mon cœur tambourinait déjà dans ma poitrine et je frictionnai mes doigts pour m'empêcher de ne pas les utiliser afin de m'étrangler face à la situation. Comment devais-je faire, pour paraître naturelle devant celui avec lequel j'avais le plus d'affinités, plus petite ?
Il se rapprochait déjà de moi, l'air aussi mal à l'aise que je l'étais en ce moment même. Il m'observa longuement, pour finalement se diriger vers Ariane, la seule personne qu'il connaissait assez pour être à l'aise avec elle. Je ne savais pas comment prendre sa réaction : rassurée à l'idée de ne pas avoir à lui adresser la parole, ou vexée en voyant qu'il avait vraiment l'air d'avoir tiré un trait sur mon existence ?
Concernant les deux autres filles que le professeur McKin avait amenées dans notre groupe, je connaissais peu Constance, d'apparences fermée et peu avenante, mais je connaissais assez Callie pour savoir qu'elle pourrait nous faire des coups bas, après sa trahison envers Ariane et moi. Qu'allions-nous faire, si notre groupe n'était pas assez uni et à l'écoute, comme le disait Hemna ?
« - Préparez-vous, début de l'activité dans 10...9...8... »
Le compte à rebours recommença, comme la dernière fois. Pourtant, je n'en étais pas moins angoissée.
« - 7...6...5 »
A côté de moi, Ariane me lança :
« - De toute façon, si c'est pour la bouffe, je suis prête à me battre contre tout le monde. »
Apparemment, elle ne perdait pas le nord... Sa remarque me fit esquisser un sourire, avant que la sonnerie du départ ne résonne dans mes oreilles. Le paysage se forma alors peu à peu autour de moi, et je ne sentis bientôt plus le masque de réalité virtuelle sur mes yeux. Esmée, Clyde, Constance, Ariane, Callie et William apparurent à mes côtés, et nous nous retrouvâmes au milieu d'une jungle luxuriante, où la verdure était tellement épaisse qu'elle m'en donnait mal aux yeux. Nous ne distinguions même pas le ciel, complètement caché par les arbres hauts de plusieurs mètres. Les ronces me tailladaient déjà les mollets et l'odeur de bois humide me provoqua des hauts le cœur. Cette humidité ambiante contrastait beaucoup trop au milieu de cette chaleur éprouvante.
« - Pas de doute, nous sommes sûrement dans la jungle ou ce qui s'en rapproche, je pense, nota Esmée. »
Mais si l'on pouvait penser que seule la verdure nous entourait, le feulement et le hululement de bêtes sauvages nous firent part de leur présence parmi nous.
« - Les gars, y aura du tigre fait maison au dîner, c'est moi qui vous le dis, chuchota Ariane. »
Tout cela me laissait dubitative. Allions-nous vraiment devoir tuer une de ces bêtes pour réussir l'activité ? J'espérai intérieurement que ce ne serait pas la peine. Tous les groupes attendaient maintenant avec attention les consignes qui allaient être données par un de nos entraineurs, et la voix du professeur McKin résonna bientôt au milieu de la brousse :
« - Apprentis, votre première mission ici est de trouver votre sac contenant les armes dont vous aurez besoin. Mais tout ça en essayant de ne pas tomber entre les mains des indigènes, qui sont furieux de voir autant de monde empiéter sur leur territoire. Dans quelques secondes, une carte et quelques indications vous seront remises en main. Vous devrez trouver le sac de la couleur qui sera présente sur votre carte : rouge, bleu, vert, orange, violet, jaune ou marron. Bonne chance. »
A peine eut-il terminé de parler que sa voix s'éteignit dans la forêt vierge et une carte et une fiche d'indication, ainsi qu'une boussole tombèrent de nulle part pour arriver dans nos mains, en même temps que des indigènes à l'allure terrifiante, qui ne tardèrent pas à foncer droit sur nous.
Cette fois-ci, ce fut Callie qui daigna parler ;
« - Je pense qu'il faut partir d'ici, et vite ! »
Rapidement, Ariane renchérit en prenant avec elle nos indices tombés du ciel :
« - Je dirais pas que la traitresse a raison, mais bougez votre cul, bande de macaques ! »
Sans attendre plus longtemps, nous détalâmes dans des directions opposées aux autres groupes, en sentant presque derrière nous le souffle des indigènes dans nos oreilles et leur armes aiguisées sifflant dans l'air à quelques centimètres de notre dos.
La chance, comme disait le professeur McKin, nous sera réellement utile pour ne pas brûler dans le feu des enfers de ces autochtones.
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Alors, que pensez-vous de cette nouvelle activité virtuelle ? 😌
Selon vous, cette bande de bras cassés va-t-elle s'en sortir ? 😇😈
Pour plus d'action... votons !! 🌟
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