☾Partie 1/4

"- Et pour finir, s'il te venait à l'idée de t'enfuir, de fuguer où que sais-je, de sortir d'ici, sache que c'est une très mauvaise idée. Ici, nous sommes dotés tout d'abord de gardes, mais surtout de nombreux bijoux technologiques qui gardent ta trace vingt quatre heures sur vingt quatre, sept jours sur sept. Et en plus de cela, tous les résidents de ce bâtiment sont accompagnés d'une puce électronique détectable à tout instant. En moins de deux jours, non seulement tu seras retrouvée, mais les sentences ne seront pas minimes."

Les minutes s'égrenaient lentement et une heure était passée, puis deux. Il s'était maintenant écoulé exactement 2 heures et 46 minutes, et mes pieds étaient affreusement douloureux. Si bien que depuis une heure et demi, je me balançais d'une jambe sur l'autre pour libérer la souffrance d'un de mes pieds pendant dix minutes avant de changer.

Mais même si le temps passait beaucoup trop lentement, j'avais écouté et avalé toutes ses paroles, toutes ses recommandations, toutes ses consignes et toutes ses préventions. Et croyez-moi, il y en avait beaucoup... La seule petite pause, si l'on peut dire, était au moment où après une heure passée dans ce bureau, le professeur McKin avait toqué discrètement à la porte pour savoir où nous en étions. Malheureusement, il avait vite été renvoyé de la pièce et le monologue de la femme avait reprit de plus belle.

Durant ces deux heures et quarante six minutes, j'avais appris que la grande dame était le colonel de l'armée sur Vivia depuis 20 ans et elle en avait quarante. Son nom était Hemna et son tatouage représentait un aigle. Tout le monde avait un tatouage semblable au sien, mais ils étaient différents selon les dons et la psychologie de chacun. Les cinq tatouages qu'on puisse avoir étaient tous égaux et aucun n'était supérieur à l'autre. Mon tatouage respectif me sera trouvé dans une quinzaine de jours et je serai tatouée quelques jours plus tard.

Concernant ma vie ici, je resterai au moins trois mois à m'entraîner dans cette bâtisse, je subirai une sorte de renforcement et d'amélioration psychologique qui seront apparemment très importants pour moi.

Quand Hemna se leva énergiquement de son siège, je me déplaçai lentement vers la porte, horriblement impatiente de changer d'air. C'est en ouvrant la porte que je me rendis compte que l'air du bureau n'était pas si mauvais. Dans les couloirs régnaient une chaleur étouffante, sûrement due aux robots brûlants. Mon bras fut agrippé par le professeur McKin et je n'eus même pas le temps de dire au revoir à Hemna que je me retrouvai à déambuler à nouveau dans les couloirs. Tout en évitant les robots qui me bousculaient, je suivais mon guide en montant des escaliers quatre à quatre, courant contre les murs et en s'arrêtant enfin devant une vieille porte en bois.

Malgré son aisance à parcourir tout ce bâtiment en moins de cinq minutes, je sentais dans la voix du professeur McKin qu'il était essoufflé, mais il ne semblait pas vouloir me le montrer:

"- Nous y sommes, ton nouveau dortoir."

Le grincement de la porte qui s'ouvrait m'accueillit dans cette nouvelle chambre. En entrant dedans, une grosse masse écrasa bien vite l'excitation qui avait peu à peu germé en moi. Douze lits étaient alignés le long de la vaste pièce, répartis en deux rangées de six. Noirs, tous similaires, ils étaient simplement posés au sol avec comme seul meuble une petite table de chevet située du côté gauche de chaque lit. Quatre grandes fenêtres se dessinaient sur les deux plus vastes murs, décorées d'imposants rideaux rouges, de la même couleur que le tapis posé au milieu de la pièce.

Il n'y avait aucun semblant d'originalité, tout était similaire.

"- Au fond de la pièce, il y a six grandes armoires à partager à deux et derrière la porte du fond se trouvent les douches et sanitaires. Ici, l'eau n'est pas chauffée et tu devras donc te laver à l'eau froide. Tu es la première arrivée et tu peux choisir ton lit. "

En écoutant les paroles plutôt enjouées du professeur, je pris mes bagages qui avaient été posés près de la porte et me dirigeai le plus au fond possible de la pièce. Arrivée au dernier lit, je jetai mes affaires avec énergie contre les barreaux du lit et m'assis sur la couverture, frustrée au plus haut point. Alors que le bruit de l'impact entre ma valise et les barreaux résonnait autour de moi, je me concentrai pour demander un peu de silence à ma voix intérieure. Celle-ci ne s'était pas arrêtée de crier de colère depuis que j'étais entrée dans ce dortoir miteux, mais il ne fallait pas qu'elle fasse une entrée bruyante en sortant de ma bouche.

"- Tu sais, toutes les personnes qui sont entrées la première fois dans ce dortoir ont pris un coup. De blues, de colère, de tristesse, tout le monde y est passé, mais tout le monde les a dépassés. Tu te sentiras mieux demain."

Il avait sûrement raison, mais ses paroles ne changeaient pas pour autant mon humeur, aussi noire que la façade de ce bâtiment sinistre et aussi dévastatrice que cette guerre qui avait valu ma présence ici. Je ne voulus pas lancer ces paroles, mais mes commandes intérieures ne suffirent pas pour arrêter la course folle de mes pensées, qui se frayèrent un chemin jusqu'à mes lèvres:

"- Je n'aurais pas dû faire ce choix... J'aurais dû rester sur Terre."

Le professeur McKin me regarda, sans pour autant me répondre. Soudain, ce silence électrique fut stoppé net par une entrée fracassante de deux petits enfants qui accouraient vers nous. Une jeune fille suivie d'un garçon sauta par dessus les lits jusqu'à nous, en criant "Papa !" à l'unisson. Comprenant alors, mon regard jongla entre les deux enfants et le professeur McKin. Les traits de celui-ci s'adoucirent dès qu'il vit les deux enfants, alors que les miens se crispèrent. Etaient-ce les siens ? Mes doutes se confirmèrent quand ils sautèrent au cou du professeur McKin, qui flancha légèrement sous leur poids.

"- Papa, tu nous a manqués ! On en avait trop marre de t'attendre à la maison, alors on est venu te chercher ici !"

Les cris enfantins furent coupés par une voix féminine, qui venait de l'entrée de la pièce:

"- C'est surtout moi qui en avait marre de les entendre me demander toutes les cinq minutes quand tu allais arriver."

Devant la porte était postée une jeune femme, un sourire malicieux dessiné sur son visage bronzé. Elle portait une belle robe rouge, mais celle-ci était rebondie au niveau du ventre. A première vue, elle semblait être enceinte d'environ six mois. Ses yeux chocolat, de la même couleur que ses cheveux retenus en queue de cheval, étaient dirigés vers le professeur. Après quelques secondes, elle s'avança vers lui et l'embrassa tendrement. Même s'ils chuchotaient, je réussis à comprendre quelques paroles amoureuses qui exprimaient leur joie de se retrouver. Mais depuis quand ne s'étaient-ils pas vu pour signifier autant de joie ?

Les deux enfants, qui se couraient déjà après autour des lits, avaient tous les deux les cheveux châtains. La petite fille, dotée deux petites tresses qui tombaient sur ses épaules, portait une robe bleue marine et il lui manquait les deux dents de devant, qui devaient être tombées. Son frère, habillé d'un short en jean avec un t-shirt rouge, avait un nez légèrement en trompette. Tous deux avaient hérité du teint bronzé de leur mère mais la petite fille avait les yeux verts et son frère, les yeux marron.

La jeune femme se tourna vers moi et le professeur McKin fit les présentations:

"- Mégane, voici mon élève, Jo Beveridge. Jo, je te présente ma femme et mes deux enfants, Alice, 7 ans et Jack, 5 ans. Les enfants, arrêtez de courir partout, ce n'est pas chez vous !"

***

Il faisait maintenant nuit, les respirations lentes des filles autours de moi étaient apaisantes, mais je n'arrivai toujours pas à m'endormir.

Au cours de l'après-midi, le dortoir s'était rempli peu à peu, mais il restait encore cinq lits vides. Apparemment, il n'y avait pas eu beaucoup de recrues féminines cette année... Le professeur m'avait laissée ici et était rentré chez lui avec sa famille. Je savais qu'il ne pouvait pas rester avec moi, mais j'avais très vite senti un vide après son départ. Alors je m'étais réfugiée dans le silence, répondant furtivement aux paroles de certaines filles qui osaient s'aventurer vers moi.

Hemna en personne était venue nous rendre visite en fin d'après-midi. Elle nous avait longuement parlé, répétant toujours et encore les mêmes consignes de vie. Dans les alentours de 19 heures, nous avions mangé mais chacune de mes bouchées avaient été un supplice. Mon ventre était tellement serré que les aliments avaient difficilement trouvé une place dans mon estomac. Au final, je n'avais pas fini mon plat composé d'une sorte de purée violette et de viande entièrement blanche. Dans la sorte de cantine, filles et garçons avaient été mélangés et je m'étais retrouvée à côté d'un garçon encore plus réservé que moi et d'une fille qui se vantait de tous les mérites du monde.

Le reste de la soirée restait flou dans ma tête et il était actuellement deux heures du matin, tout le monde s'était endormi autour de moi, malgré les nombreux sanglots qui avaient bercé la pièce pendant plusieurs heures. J'avais été une des seules à ne pas avoir pleuré. Ce désespoir ne me donnait pas envie de pleurer, il me donnait envie de hurler à m'en casser les cordes vocales, pour évacuer toute cette colère, cette angoisse et cette tristesse accumulées depuis si longtemps. Mais ça, je ne pouvais pas le faire librement, alors je me contenais tant bien que mal.

Les images de la journée défilaient dans ma tête et quand je trouvais un semblant de fatigue qui pourrait m'emporter, une nouvelle vague de doutes s'emparait de moi et me faisait ouvrir brusquement les yeux et je recommençais à nouveau à paniquer ou à réfléchir. Je n'arrivai pas à stopper le reflux de ces images et cela m'énervait au plus haut point. Après mes pensées sans fin, je me mis à avoir beaucoup trop chaud, alors je mis ma couette sur le côté, mais deux minutes plus tard, je frissonnais déjà de froid. Tous ces changements, physiques comme psychologiques allaient me rendre folle... mais ne l'étais-je pas déjà ?

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Que de changement, me direz-vous ! Mais ne vous inquiétez pas, Jo trouvera bientôt un peu de compagnie..! 😉

Pour plus d'action... votons !!  🌟

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