☾Partie 1/3
La surprise mêlée à la peur m'obligèrent à m'agripper au rebord d'un lit pour ne pas crouler sous les émotions. Elle avait manigancé sa dénonciation sans m'en parler, sans même en faire allusion. Restée de marbre jusqu'à maintenant, je la vis se décomposer sous mes yeux, en proie à un terrible désarroi:
"- Je n'avais pas le choix. Soit je t'entraînais dans ma chute, soit je lâchais prise. Je t'offre une chance de rester dans la course alors ne la gâche pas et reprends-toi."
Je l'écoutai, sans pourtant comprendre où elle voulait en venir. Pourquoi étais-je restée debout, alors qu'elle s'était écroulée devant moi, sans que je ne m'en rende compte ?
"- Pourquoi ne serais-tu plus dans la course, Ariane ? Qu'est-ce que tu as fait, bon sang ?"
Je commençai à m'énerver. Elle venait de faire quelque chose qui pourrait changer tout le reste de sa vie sur Vivia, et elle s'amusait quand même à tourner autour du pot.
"- Pourquoi t'es-tu dénoncée alors que deux jours plus tôt, tu me disais encore qu'il fallait savoir rester en retrait de la situation ? Explique-moi !"
Son regard, jusqu'alors dirigé vers ses pieds, se braqua sur moi avec sérieux:
"- Tu étais la prochaine et je ne voulais pas que tu aies à subir ça, alors que cette idée merdique venait de moi ! A peine avais-je enlevé mon casque de réalité virtuelle de ma tête que je l'ai vue, en train de parler avec Marc. Hemna faisait le planning de chaque personne à punir. Tu étais la deuxième sur la liste, alors que j'étais dans les dernières à devoir passer. Je ne voulais pas t'infliger ça, surtout en ce moment. Alors je me suis rendue."
Je l'écoutai, impuissante devant sa tête déconfite et ses larmes naissantes devant ses yeux. Et moi, dans l'histoire ? Qu'aurais-je fait ?
"- Pourquoi ne m'as-tu pas dénoncée ?
- Pourquoi ? Tu me demandes pourquoi je ne t'ai pas dénoncée ? Mais parce que je suis une fille bien, une fille avec des sentiments, des peurs et de la compassion ! Parce que je suis ton amie, ton acolyte, quelqu'un en qui tu peux avoir confiance ! Tout l'inverse de Callie, qui aurait du souffrir deux fois plus que toutes les filles réunies dormant dans ce dortoir. Et même si je n'en ai pas l'air, moi aussi, j'ai peur parfois et à moi aussi, ça faisait du mal de voir ces jeunes filles assumer nos conneries. Tu comprends ?"
Ses cris hystériques résonnèrent dans la pièce sombre, et je restai silencieuse, les bras ballants. A sa place, je ne l'aurais pas dénoncée non plus, mais je ne me serais pas rendue. Elle, elle a sauté le pas, elle a eu le courage que je n'avais pas pour le faire. Est-ce que j'avais manqué de compassion ? Est-ce qu'elle aurait pu avoir confiance en moi en retour ? Je n'en savais rien, mais le temps de la remise en question n'était pas pour maintenant. Ariane s'était peut-être laissée prendre, mais il y a sûrement eu des punitions derrière ces manigances. Ses hématomes et sa nouvelle coupe de cheveux en étaient sûrement, parmi d'autres.
"- Qu'est-ce qu'elle t'a fait et qu'est-ce qui va suivre ?"
Mon ton était rude, sans émotion, alors qu'Ariane se livrait à moi avec difficulté. Ses larmes, retenues si longtemps, commençaient à couler le long de ses joues meurtries. Elle détourna le regard et commença à m'expliquer.
"- Quand je lui ai tout avoué, elle est restée silencieuse si longtemps, que j'ai cru, pendant un bref instant, qu'elle me laisserait partir sans rien dire. Mais à peine ai-je fait un pas en arrière qu'elle m'a giflée si violemment que j'en suis restée abasourdie. Sa rapidité, mais surtout sa méchanceté, m'ont laissée hébétée. Cette femme n'est que cruauté et égoïsme. J'ai gardé la tête froide un instant, avant qu'un deuxième coup dans les omoplates ne me fasse chuter vers l'avant, les poings solidement enfoncés dans le sol. Je croyais que tout cela serait fini, mais ses paroles ont été bien plus blessantes que ces violences physiques. Ses mots ont fusé tel des feux d'artifice dans ma tête. Tous les noms sont sortis de sa bouche, avec une si grande facilité ! Garce, égoïste, peste, incapable, pauvre fille, sans-coeur, vipère, j'en ai entendu tellement !"
Sans même avoir vécu tout cela, je me sentis tellement ébranlée que ma voix devint chevrotante.
"- Et ensuite, que s'est-il passé pour qu'on t'aie rasé les cheveux sans scrupule ?
- Alors que j'avais du mal à suivre ce qu'il se passait, je l'ai sentie m'agripper le bras et m'emmener dans son bureau. Elle m'a posée négligemment sur son siège et a sorti une tondeuse de son tiroir. J'ai tout de suite prit peur, mais un nouveau coup de poing dans le visage m'a à nouveau fait perdre le cours de la situation. Le bruit métallique de la tondeuse est arrivé jusqu'à mes oreilles, et j'ai vu mes cheveux tomber sur le sol. J'entendais Hemna me parler sur un ton agressif, mais je l'écoutais à peine. Le plus important à retenir était que cette étape n'était que la première d'une longue série. J'avais honte et j'étais désespérée, mais je ne lui ai pas laissé la satisfaction de voir qu'elle m'avait ébranlée."
Son récit fut interrompu par ses reniflements. Ses larmes se mêlaient maintenant aux miennes, qui coulaient lentement le long de mon nez. Elle devait subir ça toute seule, et je ne pouvais rien faire pour lui venir en aide, excepté l'écouter. Et c'est ce que je fis, je l'obligeai à continuer, afin de comprendre et de pouvoir la protéger.
"- Nos affaires personnelles seront brûlées publiquement dans deux semaines, si je ne termine pas mon calvaire.
- Comment ça, ton calvaire ? Qu'est-ce qu'Hemna t'a obligée à faire ?
- Durant quinze jours, je serai obligée de rejoindre Hemna toutes les nuits pour ma punition, paraît-il. Je n'aurai que trois heures de sommeil accordées, et mes journées seront pareilles aux autres. Je resterai éveillée vingt-et-une heures sur vingt-quatre, je finirai sûrement par tomber de fatigue et je sais d'avance que ce seront des jours entiers de pure souffrance sans aucun répit, mais j'ai accepté.
- Quoi ? Mais pourquoi as-tu dit oui ? C'était quoi, la condition ?
- Si j'accepte et que j'encaisse sans broncher, une partie des affaires seront sauvées des flammes. J'ai dit oui pour pouvoir les garder.
- Tu as mis ta vie en jeu pour des fringues ? Mais tu as perdu la moitié de tes neurones quand Hemna t'a giflée, ou quoi ?
- Ces fringues, comme tu dis, comptent bien plus pour moi que tu ne le crois ! Chacun a ses secrets, souviens-toi !"
J'allais riposter, mais la porte s'ouvrit en laissant entrer Esmée dans la pièce. Tout de suite, Ariane la stoppa:
"- On discute, Emilie ! Laisse-nous régler nos affaires seules !"
Pourtant, elle ne réagit pas et s'approcha de nous.
"- C'est Esmée. Vos discussions sont apparemment animées. Tout le monde est derrière la porte sans oser entrer. On vous entend crier depuis tout à l'heure."
Quand elle se trouva à quelques mètres de nous, je vis Ariane essayer de cacher les dégâts de son visage avec ses mains et essuyer rapidement ses dernières larmes. Pourtant, la jeune femme blonde s'approcha encore et fixa les ecchymoses et les cheveux de la blessée, sans réaction de sa part. Effrayée par son regard, Ariane cria:
"- C'est bon, le spectacle est terminé ?"
Esmée répondit:
"- Mes parents tenaient un salon de coiffure. Je peux t'arranger ça."
Elle pointa du doigt les cheveux d'Ariane. Méfiante, celle-ci la jugea avec dédain, avant de répondre:
"- Je peux me débrouiller, merci.
- Non, tu ne peux pas. J'ai plusieurs années d'expérience dans la coiffure, alors que toi, tu n'y connais rien et tu es complètement effrayée par ce qu'il vient de t'arriver. Tu es encore sous le choc et ce que tu ferais ne donnerait pas un beau résultat. Si tu sors comme ça, tu seras observée et raillée de tous, alors que si tu te coiffes correctement, tu montreras à Hemna que tu t'es relevée et que tu es prête à affronter ce qu'il t'attend, la tête haute. Accepte mon aide, tu ne seras pas déçue."
Sans même attendre la réponse d'Aria, elle sortit un élastique de sa poche et s'assit derrière la blessée pour observer la masse restante. Les larmes avaient recommencé à couler sur les joues d'Ariane, et moi, je les regardai en silence. Esmée n'avait pas menti, elle tressa les cheveux de mon amie en un mohawk. Ses connaissances en coiffure se révélèrent assez utiles.
En dix minutes, tout était terminé et dans le plus grand calme, la coiffeuse montra le résultat à Ariane, qui la remercia silencieusement.
"- Je vais dire aux autres qu'elles peuvent rentrer, elles doivent attendre depuis un bon quart d'heure devant la porte."
Sur ses mots, la jeune femme qui avait réussi à calmer Ariane se dirigea vers la porte pour avertir les filles. Pendant ce temps, je regardai mon amie, qui avait à nouveau dirigé son regard vers ses pieds. L'absence de cheveux sur les côtés montraient maintenant les lignes de son visage, ce qui le radoucissait alors qu'il était habituellement dure et caché par son ancienne tignasse. Finalement, cette nouvelle coupe lui allait bien.
Les autres apprenties entrèrent dans le dortoir, et Ariane sortit de mon champ de vision. L'heure était maintenant dédiée au sommeil. La nuit est réparatrice, dit-on ?
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Encore un chapitre que j'ai adoré écrire et qui était dans ma tête depuis les débuts de cette histoire !! ❤️
Pour plus d'action... votons !! 🌟
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