- 23 - Adieu Londre

Je me demande à quoi peut donc ressembler Venise, ou même Paris ? Les femmes sont-elles aussi baisables que les Anglaises de l'autre côté de la manche ? L'éternité me donne envie de tout découvrir, tout explorée, chose qui ne m'avait même pas effleuré l'esprit durant ma vie mortelle. C'est peut-être le fait d'avoir des ailes qui me donne envie d'espace.

C'est au coucher du soleil que je ressens quelque chose titiller mon arrière-train. Cela a pour conséquence de me sortir de mon profond sommeil.

- Bonsoir Lucian, surprenant comme réveil, dis-je en ouvrant un œil. As-tu l'intention de retirer ton doigt de mon cul ou bien d'aller plus loin ?

-Je ne serais pas contre, mais malheureusement le groupe est déjà sur le port, il n'attend que nous.

-Ah dommage, rétorqué-je en sautant de la poutre pour atterrir 15 mètres plus bas.

Avant de partir, je prends quand même une seconde pour m'étirer. Puis j'emboite le pas à Lucian jusqu'à la porte. Devant celle-ci, nous nous métamorphosons. C'est dans un port entièrement désert que nous arrivons, enfin si l'on ne compte pas la cinquantaine de vampires qui s'affrète à préparer un galion relativement luxueux en bois clair. Les marins *Selkie mâles discutent avec eux. Je m'apprête à les rejoindre quand j'entends venir une voix de l'obscurité :

-Je viens avec vous, que tu le veule ou non Vickal !

À l'écoute de mon nom magique, je suis intriqué, mais je ne tarde pas à avoir la réponse quand l'individu sort de l'ombre. Je découvre un homme de haute stature au longs cheveux noirs et aux étranges yeux corail, fendu comme ceux d'un reptile à demi caché par des lunettes au verre rose. Je trouve qu'il me ressemble étrangement si l'on oublie le fait que sa peau est comme doré par le soleil. Tandis que la mienne est d'un blanc de craie. Mises à part cette légère différence, nous pourrions presque passer pour des jumeaux ! Lâchant un nuage de fumée dans l'air froid durant un bref sourire, j'aperçois des dents aiguisées. Je crois avoir deviné de qui il s'agit même si je ne l'ai jamais vue sous sa forme humaine.

-Tu peux venir Drelkas, si bien sûr tu promets de ne toucher à l'âme de personnes à bord.

-Sans problèmes, j'ai des réserves. Quant aux corps, en revanche je ne promets rien, dit-il en tapotant un sac à l'allure militaire posé à ses pieds.

Nous continuons notre discussion, quand soudain nous sommes interrompus :

-Sir White ? nous sommes prets.

Je mets un moment à me rendre compte que c'est à moi qu'il parle. Je ne suis pas encore habitué à ce nom d'emprunt, mais je finis par dire :

-Alors lève l'ancre capitaine, et que le cantinier prépare le repas nous mangerons en mer !

Lorsque je passe devant l'un des vampires qui est occupé à lever les voiles, je demande :

-Quel est la quantité de sang embarqué à bord ?

-En plus de celui de l'équipage ? Des centaines de litres sont stockés en cale. Ils sont tenus au frais par Lucian, largement de quoi éviter une famine sir.

-Oh ! très bien. Et combien de vampires à bord ?

-Vingt sir. En comptant la majorité des traqueurs.

Après ça, nous embarquons tous à bord. J'admire la beauté du navire, ses voiles flottant au grès du vent, j'ai l'impression de partir pour un Nouveau Monde. Après un moment, je demande à Delkas :

-Sinon as-tu pris une identité humaine grand frère ?

-Oui, Léonidas White.

-Le même nom que moi ?

-Eh bien, je te ressemble assez physiquement pour passer pour ton frère, donc oui.

-Enchanté Léo...

-De même, Alex !

Tout à coup, je sens une main sur mon épaule et une voix me dire : -Va donc faire une visite du galion Erwin.

-Pas de vent capitaine ? dis-je en me retournant vers l'individu à l'apparence humaine, mais aux étranges cheveux noirs au reflet bleu.

-Non pas avant des heures sir.

-Voulez-vous que j'arrange cela ? demandé-je, en baissant à demi mes lunettes dévoilant mes magnifiques yeux argentés et fendus.

-Je n'ai pas d'âme ou autres à vous donner sir.

-Oh ! Dommage. Alors auriez-vous l'amabilité de me faire visiter le navire ?

-Sauf votre respect, qu'êtes-vous exactement, sir ?

-Mon demi-frère est l'un des plus puissants dragons aquatiques. Tu viens nager petit frère ? La mère est clémente ! dit Delkas en mettant nonchalamment un bras par-dessus mes épaules.

-Pourquoi pas ! Tenez le cap capitaine, nous vous rattraperons avant l'aube !

-Bien sir, à plus tard.

Puis sans le moindre effort, j'effectue le saut de l'ange en me jetant de la proue du bateau. Me transformant en pleine chute, je prends pour la première fois ma forme complète. Un sourire réjoui se dessine alors sur mes lèvres, tandis qu'un gémissement s'échappe de ma gorge. L'impact de mon corps colossal avec l'océan manque de faire chavirer le galion. Le navire à l'air étrangement petit, comme un jouet pour enfant. Flottant, immobile, j'observe les environs avec vigilance. Les flots semblent calmes, trop calme, je reste sur mes gardes, car c'est là où l'on s'y attend le moins que tout peut arriver. Soudain, sous la surface, quelque chose attire mon attention, je sens que je ne suis pas seul. Mais je n'ai pas le temps de réagir lorsque tout à coup des dents acérées se referment sur l'une de mes pattes. Je suis tiré vers les profondeurs, vers l'abime par un dragon bien plus petit que moi dont les écailles brillent tel un quartz rose, alors que les miennes sont si sombres. Son mystérieux éclat prend presque des nuances de bleu, chose peu aisée, car je ne tarde pas à me rendre compte que mon frère pratique le mimétisme*.
Mais qui peut-il vraiment lutter contre un l'hydro kinésiste ? Surtout entouré d'eau !

Plaquant mon frère contre des récifs, Lucian m'interpelle mentalement :

[ -on est à table, on a déjà sorti le sang de la cale nous rejoins-tu ?

-Cela dépend, aurais-je le tien de sang ?

-Si cela t'amuse, pourquoi pas. Mais évite de me déchirer la gorge cette fois !

-T'ai-je déjà dit que tu avais bon goût ?

-Oh ! Je m'en doute, la preuve, tu reviens à chaque fois.]

Ensuite, je me tourne vers mon frère et lui dit de ma voix caverneuse draconienne :

-Ils ont fini de mettre la table, je remonte manger et toi ?

-Je vais encore nager un peu, je pense, je reviendrais plus tard. Après tous, je ne suis pas un fanatique des petits espaces.

-Je te proposerais bien un verre de sang, mais ça ne t'intéresse pas vraiment non ?

-Non, par contre de la viande saignante je ne suis pas contre.

-La majorité des créatures de l'imaginarium sont dégoûtées du régime alimentaire des vampires. Pourquoi pas toi ? dis-je en me retournant à demi pour partir.

-Les incubes se nourrissent d'énergie charnelle via le sexe, la majorité des démons d'énergie spirituelle via les âmes et les vampires se nourrissent d'énergie vitale via le sang. Qui a-t-il de plus malsain dans ces pratiques ? C'est naturel ! Alors pourquoi devrions-nous être dégoûtés ou honteux ?

Je hoche la tête relativement d'accord avec cette logique. Puis je me décide à rentrer au bateau. Avec ma force herculéenne, je prends une impulsion et me propulse en l'air tout en reprenant forme humaine. J'atterris avec élégance sur le pont dans le plus simple appareil. Aussitôt, un vampire à l'amabilité de poser une serviette sur mes épaules. Je me couvre les parties intimes, je ne voudrais pas choquer ces pauvres mortels ! Les marins me regardent, visiblement époustoufler par ma prouesse le capitaine ose enfin me demander :

-Je ne vous ai pas cru ! Mais vous disiez vrai, vous avez vraiment du sang de dragon. Duquel descendez-vous maître ? Ikuchi, Tatsu ou bien Imoogi ou peut-être Apalāla ?

-Vous semblez connaître vos classiques, mais je ne suis un descendant d'aucun d'eux. Je suis l'un des fils de Léviathan.

À l'entente du nom de mon père, ils blanchissent tous. C'est vrai que mon géniteur est connu pour son immense pouvoir. Il peut déclencher des cataclysmes d'une simple colère. Adossé à la proue du bateau je dis posément :

- Ne vous en fait pas, je n'ai pas l'intention de déclencher des catastrophes de proportion biblique sans raison...

Tout à coup, mon cher Lucian qui est appuyé à la porte menant à la cale me lance :

-Je me doute que terroriser le capitaine t'amuse, mais viens manger. Tu vas rater l'heure, le soleil ne devrait pas tarder à se lever.

-Ah oui, c'est vrai ! Avec tout ça, j'ai complètement occulté ce léger désagrément.

D'un geste d'une galanterie mesquine, il s'incline en libérant le passage vers la cale. C'est à l'odorat que je me dirige vers la salle à manger. Au travers du long couloir de bois brut et noirâtre, ou s'aligne des cabines aux numéros de cuivre usé, nous avançons jusqu'à la fameuse pièce dinatoire. Les seuls ornements sont une table basse à la nappe élimée entourée de centaines de coussins rembourrés de pailles.
Tous les vampires sont avachis sur cet océan de coton, certains un verre de sang à la main, discutant. Tandis que d'autres ont les crocs plantés dans les poignets des matelots, buvant directement à la source. Leurs paupières sont fermées par le plaisir.
Lucian et moi, nous nous dirigeons vers les vampires, deux d'entre eux se décalent pour nous faire une place. Nous nous retrouvons bientôt à présider la tablée. À peine assis, Lucian pose une main sur ma nuque, me guidant jusqu'à ce que mon nez se retrouve collé contre la veine palpitante et grisâtre de sa gorge. Ne pouvant résister à l'appel du sang, je lèche délicatement sa peau avant de planter mes crocs. Un goût indescriptible franchit mes lèvres, puis inonde mon palet, comme un cocktail des plus délicat à l'arrière-goût de cerise, un millésime détrônant ceux de la cuvée royal !

Aspirant à grande gorgée, j'éprouve beaucoup de mal à m'arrêter, mais je me retire quand même. Je pense avoir bu environ trois litres, c'est beaucoup certes, mais pas assez pour le mettre en danger. Cela lui donne une petite fringale. De plus, cette fois j'ai encore mordu profondément, mais pour changer, je l'ai fait proprement. La seule chose visible est deux blessures de la largeur d'une pièce de dix centimes en des ronds absolument parfaits. C'est avec un sourire sarcastique en essuyant mes lèvres sur ma manche que je dis mes yeux écarlates et encore voilés par la félicité :

-Alors heureux ? Hum ce n'est pas croyable à quel point tu as bon goût !

-Oui assez, merci. Tu te maîtrises de mieux en mieux ! Quant au fait que j'ai bon goût, je ne sais pas vraiment comment le prendre... dit-il en passant une main sur sa blessure qui commence déjà à se refermer.

Son voisin de table qui a un sourire qui en dit long, lui tend un verre de sang humain, provenant de la carafe du milieu de la table. Apparemment, cela lui a procuré un énorme plaisir en me regardant boire. Après tout, chez les vampires, s'abreuver n'est pas considéré comme un acte intime juste quotidien, le fait de se nourrir d'un autre vampire en revanche est parfois mal pris, mais cela ne semble en revanche pas être le cas cette fois. Surement le fait que Lucian me l'a offert ! C'est vrai que mon frère est bien plus vieux et plus puissant que moi et il aurait facilement pu me résister, mais il ne l'a pas fait. C'est avec un petit sourire, et mon menton appuyer sur ma main que je demande :

-Alors, à quoi ressemble Venise ?

-Eh bien, en général les vampires n'aiment pas l'Italie, trop christianisée, trop d'église et de croix. De plus, certaines pièces de leurs monnaies sont en argent. Sinon selon les mortels, c'est magnifique ! Mais personnellement sir, j'ai grande hâte de retourner en Roumanie, dit l'un des traqueurs à l'autre bout de la table.

Quelques instants plus tard, les vyrcos se mettent à bâiller, suite au lever de soleil imminant. Tous, se disperse dans leurs cabines en trainant les pieds. Je demande mon numéro à un matelot puis décide de me rendre dans la mienne. J'arrive dans une cabine au bois lustré par l'usure au hublot crasseux. La seule belle pièce est le cercueil en ébène gravé du blason des traqueurs, apparemment embarqués à mon intention. Certaines rumeurs sur les vampires sont fausse, un cercueil nous est pas nécessaire, c'est seulement une excellente façon de se protéger du soleil. Et puis, il semble que les miens s'amusent parfois à jouer avec les légendes de notre espèce, mais bon trêve d'histoire, le soleil commence à montrer le bout de son nez et mes yeux me piquent, donc bonne journée.

Mini lexique :

*selkie : Ce sont des créatures imaginaires issues principalement du folklore des Shetlands. Elles y sont décrites comme de superbes jeunes filles (ou assez exceptionnellement comme de beaux jeunes hommes) qui revêtent une peau de phoque, dans le but de se changer en cet animal marin et de plonger dans la mer.

*mimétisme : Propriété que possèdent certaines espèces animales, pour assurer leur protection, de se rendre semblables par l'apparence au milieu environnant ou à une autre espèce.

*L'hydrokinésie : C'est un thème de science-fiction désignant la capacité d'un être de créer ou manipuler à volonté l'eau présente. Le nom est un nom composé des racines grecques hydro- qui signifie l'eau et de -kinesis qui signifie le mouvement. Dans certains cas, l'être est lui-même composé d'eau.

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