-18-Inferno
Note d'auteur : "Avant de commencer, sachez qu'il existe plusieurs versions de l'enfer. Ici, je m'appuie sur celle de la divine comédie."
Neuvième cercle : La trahison
C'est donc ça l'enfer ! C'est pour le moins imprévu. Par contre, je me demande où est la lave ?
Tout ce que je vois, c'est une étendue de glace où de nombreux humains sont à demi immergés en train de congeler. Tout à coup, la démone me demande :
-Pourquoi m'as-tu suivi ? Je ne t'ai jamais dit de le faire.
-Juste par curiosité... et puis, tu ne me l'as pas interdit non plus. Bon, ce n'est pas que je m'impatiente, mais où va-t-on maintenant ?
-Le palais de père est sous-marin, tu pourrais te rendre utile et briser la glace ?
En levant un sourcil curieux, je demande :
-Son palais n'est pas l'un des châteaux noirs au loin ?
-Non, ceux-là appartiennent aux trois autres princes infernaux. La cour de père est plus isolée et malgré son pouvoir, notre géniteur reste un démon aquatique de race pure, il ne peut rester loin de l'eau bien longtemps.
-Tu me rends encore plus curieux, dis-je en claquant des doigts.
Aussitôt, la glace explose et un cratère d'une centaine de lieux s'ouvre sous nos pieds. J'attends que l'eau cesse de s'agiter, puis je plonge sans aucune crainte dans les flots glaciaux.
À mi-parcours, je suis arrêté par une bonne dizaine de nefaris.
Tous me scrutent de façon agressive. Ils ont l'air de ne pas savoir quoi faire de moi, mais sans bouger, je finis par dire tout en dévoilant mes crocs :
-Alors, vous allez vous décider ou bien vous m'amenez à votre maître ? Sauf si bien sûr vous voulez mourir sous mes crocs ! Hum, quel peut bien être le goût de votre chair ? J'en salive d'avance...
À ces mots, les nefaris blanchissent autant qu'il est possible. Puis d'un geste de tête, ils me font signe de les suivre. Nous nous enfonçons de plus en plus, jusqu'à ce que les seules sources de lumière qui éclairent les profondeurs, semblent provenir de milliers d'yeux de couleurs allant de l'ocre à l'oranger.
Nous nageons fièrement, traversant la foule, tous s'écartent devant moi. J'ignore si la raison est l'allure mortelle de ma demi-transformation draconienne ou mon aura en partie dévoilée, mais il semble que j'en impose !
J'ai l'impression que la voie que je poursuis semble m'éloigner grandement de mon humanité, songé-je en regardant ma main palmée et griffue, mais ce n'est pas plus mal, ma vie humaine était monotone et ennuyeuse. La seule folie que je m'accordais, c'était d'avoir une femme sublime différente dans mon lit chaque nuit. Maintenant, si je continue le sport en chambre, c'est par pur plaisir et non pour fuir le temps d'un orgasme !
Quand je rentre dans la vaste et somptueuse résidence sous-marine, je remarque tout de suite que l'or et le marbre noir sont omniprésents. L'architecture typique de l'Antiquité grecque est bien représentée avec des colonnes et des plafonds à hauteur impossible. Des démons s'adonnent à des orgies à même les couloirs. Ces monstres n'ont aucune pudeur.
En y réfléchissant bien, cela explique pourquoi mon père n'était nullement choqué lorsqu'il m'a découvert dénudé lors de notre première rencontre. J'ai arrêté de compter le nombre de démons dans leurs plus simples appareils après le centième.
À mon avis, je pense que je dois faire tache avec mon pantalon de cuir !
Les inhumains ont des formes très diverses. Il y en a certains qui ressemblent à des poissons monstrueux, tandis que d'autres sont les versions cauchemardesques des sirènes des légendes. Sans oublier ceux à l'allure reptilienne tirant parfois vers l'alligator, mais de temps à autre vers la pieuvre aux crocs de la taille de dague. Toutefois, plus l'apparence des démons est proche de l'humain, plus leur aura est puissante. Cela semble être un indicateur, et je pense que c'est pour cela qu'ils s'éloignent autant de ma personne ?
Quand je rentre dans la salle du trône, je comprends leurs réactions. Je suis frappé au moment où je découvre l'aspect de l'actuel roi. Sa physionomie est identique à ma forme lorsque je suis à demi transformé. Seuls mes écailles d'un noir d'encre et mes yeux argentés diffèrent. Alors que les siennes sont de couleur rouille et ses iris orangées.
Sans prendre le temps de réfléchir, je mets un genou à terre, au pied du trône de Léviathan, en disant d'une voix claire porteuse d'une assurance que je ne suis pas sûr de posséder :
-Bien le bonjour père.
-Bonjour, Vikal, je ne t'avais pas dit de te faire discret ? Tu viens pour ainsi dire offrir ta tête aux autres princes infernaux !
-Je sais..., mais je ne peux pas éternellement rester hors de portée ! De plus, je ne suis pas un lâche. J'ai autre chose à faire de mon éternité que de me cacher, sauf votre respect, père !
-Certes, certes, mais tu aurais pu t'éclipser quelques siècles, le temps d'appréhender tes pouvoirs. Cela m'aurait permis d'informer en douceur les autres Baal.
-Je pense pouvoir les contrôler facilement. Mon pouvoir démoniaque semble fonctionner de façon assez similaire à mon pouvoir sur les ombres.
-Sur les ombres ? Comme c'est intéressant.
-Je vous en dirais bien plus, père, mais le seigneur Azzo me tuerais ! L'Obfuscate* est un des secrets les mieux gardés des traqueurs. De plus, quel joueur dévoile son joker ?
-Alors je n'insisterais pas. Toutefois, la semaine prochaine, je vais rendre visite à Lucifer et je souhaite grandement que tu m'accompagnes sous ta forme draconique. Tu seras mon escorte et ce sera également une bonne occasion de te présenter à notre roi !
-C'est assez astucieux de votre part ! Cependant, j'ignore ce que vaut ma forme complète par rapport à la vôtre, mais je me doute qu'un monstre géant inconnu ne passe inaperçu.
-Tu me ressembles assez pour que notre parenté soit flagrante sous n'importe laquelle de tes formes. Hum, à part le piaf et les archidémons qui ont l'intelligence de comprendre vite. De plus, tu es loin d'être mon seul descendant, j'en ai plusieurs centaines. Tu es seulement le plus puissant d'entre tous. D'ailleurs, si tu le souhaites, tu peux les rejoindre dans leurs petites orgies, dit-il en montrant d'un signe de tête juste en bas de l'estrade une impressionnante débauche.
-S'ils sont tous vos descendants, ce n'est pas de l'inceste ? demandé-je en haussant un sourcil.
-Si et alors ? Qu'est-ce -que l'inceste après tout ? C'est juste un concept inventé par les humains, les démons s'en moquent dans la majorité des cas.
-Alors avec plaisir !
-Dernière chose, dit-il tirant sur le col sa chemise déjà ouverte pour en dévoiler sa gorge.
Le message est assez clair. Ceux qui font ce genre de geste devant un vampire ne veulent qu'une seule chose : être mordu. Je ne me fais pas prier, une seconde plus tard je plonge mes crocs dans sa jugulaire tellement profondément que mes autres dents aussi coupantes que des rasoirs s'insinuent elles aussi dans sa chair.
À mesure que j'aspire, un petit gémissement échappe à mon père en même temps que son membre viril grossit contre ma hanche. Son sang-froid et visqueux m'enivre, tandis que l'eau autour de nous devient entièrement rouge. Lorsque je sens une main s'inviter dans mon pantalon, je ne résiste pas, et ne retient plus mon avidité en aspirant goulûment. Enfin, assez rassasié, je ferme les yeux béats et lèche la plaie pour arrêter le saignement. Puis, je pivote la tête vers mon géniteur et demande :
-Autre chose, père ?
-Tu aurais pu être plus doux ? Je me trompe Vickal ?
-Oui j'aurais pu, mais je n'en avais pas envie. Pourquoi cette question père ?
-Pour rien, je viens de découvrir tes penchants sadiques, c'est rafraîchissant. Tu peux disposer.
Avec un petit sourire sur les lèvres, je m'incline face à lui. Puis je fais volte-face avec ma queue ondulant derrière moi en ayant une pointe d'arrogance. Je me dirige vers le bas-côté où mes frères et sœurs s'adonnent au péché de chair. Je n'ai même pas besoin de m'exprimer qu'une dizaine de mains m'entraînent au centre de la mêlée où mon pantalon est aussitôt arraché. Une de ma sœur s'empale sur ma virilité alors qu'une autre me lèche les valseuses. Je commence d'innombrables vas et vients frénétiques à une vitesse inhumaine et ne ralentit seulement que lorsque je sens une main écarter ma queue reptilienne pour accéder à mon arrière-train. Je ne résiste pas, et jette un œil par-dessus mon épaule. Je vois l'un de mes frères aux écailles roses presser sa virilité contre mon entrée. Puis sans aucune préparation, je me fais prendre à sec tout en accélérant mes coups de boutoir, cette sensation d'écartèlement : c'est divinement luxuriant avec une pointe de douleur pour pimenter, j'adore !
L'orgie a duré une bonne semaine pendant laquelle j'ai changé d'innombrables fois de position et de partenaires.
Je me suis nourri à d'incalculables veines dès que j'en avais l'occasion. Au terme de la semaine, ils se sont tous écroulés de fatigue et de faim. Avant de partir, je décide de m'amuser encore une demi-journée avec les plus résistants d'entre eux avant qu'ils ne s'effondrent à leur tour.
Mon endurance vampirique semble avoir gagné sur celle de mes frères et sœurs démons de pur-sang. Alors que je suis tranquillement adossé à la masse endormie et emmêlée de mes frères et sœurs, je ressens un appel dans mon esprit où cette fois-ci, je réponds :
[-Quoi donc Lucian ? J'étais occupé ces derniers jours. Tu n'as pas idée d'à quoi ressemble les partouzes à la cour de mon père, c'est démentiel !
-Attends, tu es en train de dire que tu as baisé sans t'arrêter durant une semaine ! Et moi qui me pensais pire que toi. Je suis en réalité un ange en comparaison !
-À quoi t'attendais-tu ? Je suis à moitié démon ! Bref, de quoi voulais-tu me parler ?
-Du fait que notre créateur se soit échappé !
-Étrangement, je ne suis pas surpris. Je vais être occupé en enfer et je vais demander à père s'il peut m'apprendre les bases de la possession, histoire de pouvoir te donner un coup de main et me trouver de la liqueur. Et toi, qu'est-ce que tu vas faire ?
-Fouillez Londres une nouvelle fois.
-En cas d'urgence, invoque-moi. Si tu jures de l'utiliser avec modération, je te donnerais mon nom magique.
-Je le jure sur mon âme !
-Très bien, mon nom est Vickal.
Bonne soirée grand frère.
-J'en ferais bon usage. Dis-moi, puis-je également puiser dans ta source ?
-Tu as mon accord, mais évite tout de même de tenter de vider mon cœur noir !
-Oui, de toute façon si j'utilise ta source tu le sentiras.]
-Tu parles avec qui, Vickal ? dit une voix en provenance du trône.
-Un de mes comparses vampires ! Vous avez l'œil, père. La télépathie passe inaperçue pour beaucoup, même parmi l'imaginarium.
-C'est exact, mais je connais intimement Lilith, c'est la raison pour laquelle je suis habitué à la jouissance des morsures vampiriques. D'ailleurs, en veux-tu ? dit-il en désignant sa gorge.
-Je ne voudrais pas paraître trop gourmand père !
-C'est moi qui te le propose, alors vas-y...
-Si tel est votre désir, je m'exécuterai avec grand plaisir.
-Avant me suivras-tu ?
-Où ça ?
-Nager un peu sous notre véritable forme. J'en ai assez de l'enfermement et je me demande si tu arriveras à suivre mes pointes de vitesse !
-On parie ? rétorqué-je avec un grand sourire.
-Que veux-tu parier, Vickal ?
-Aucune idée. Peut-être une dizaine d'esclaves sexuelles ou que vous m'enseignez la pratique de la possession. J'ai ouï dire que c'est l'un de vos points forts père ?
Il me fixe pendant quelques instants, puis en ayant un petit sourire en coin me lance :
-Pourquoi pas ! Et si je gagne ?
-Splendide ! Si vous triomphez, vous gagnerez l'un des meilleurs assassins de l'imaginarium. Je pourrais bien accomplir dix contrats pour vous.
-Pour le fils du plus grand menteur, tu parais réglo Vickal.
-J'ai pourtant commis un grand nombre de péchés capitaux, en fait, tous, sauf celui de l'avarice.
-Je m'en doutais. C'est ta bête et ses ravages ?
-Oui, elle m'a pris ma compassion. Mais même avant l'étreinte, j'étais loin d'être un saint. D'ailleurs, je trouve que vous connaissez beaucoup de choses sur les vampires. Êtes-vous sûr de ne pas cacher vos crocs, père ? dis-je en dévoilant justement ceux-ci dans un sourire amusé.
-Non, non, je suis bien un démon de pur-sang, mais étant l'un des amants de Lilith, celle-ci m'a fait quelques confidences sur l'oreiller. Donc oui, je connais quelques trucs sur les vampires. Bon, oublierais-tu notre course ?
-Ce n'est pas vous qui tentez de retarder votre défaite, père ?
Avec un léger sourire, il me fait signe de le suivre. En passant devant un miroir, je faillis ne pas remarquer que je suis encore nu. Pour l'amour du ciel, je crois que je deviens un exhibitionniste ! Mais que j'ai fière allure avec mes écailles noires miroitantes ! Elles mettent en valeur ma musculature finement dessinée bien plus délicate que celle de mon père. Mon apparence tient plus de celle des antiques dragons mythologiques, plutôt que celle des démons. Je me demande à quoi je peux bien ressembler entièrement transformé ? Je regarde l'espace dans les couloirs, puis rassuré par leur grandeur, j'entame une transformation en la version miniaturisée de ma forme démoniaque. Aussitôt dans d'agréables picotements, je prends ma forme complète. En ouvrant mes yeux, ceux-ci s'adaptent immédiatement à la luminosité. Je ressemble à la version aquatique et noire de Shenlong*. C'est magnifique ! Bientôt je sens une main caressante sur mon flanc et une voix amusée me lance :
-Eh bien, tu es sacrément mignon !
-Ce n'est pas vraiment ce à quoi vous vous attendiez père ? dis-je de la voix caverneuse qu'est la mienne sous cette forme.
-Aucune idée. Tu es bien plus fin et racé que moi, c'est incontestable ! Mais tu rayes mon marbre, attention avec tes griffes !!
-Oh ! Saperlipopette.
-Même pas la moindre excuse ?
-C'est inutile. Je vous l'ai dit, on m'a amputé ma compassion et à vrai dire, ce n'est pas plus mal pour un monstre tel que moi.
-Le terme de monstre est régressif. Tu es bien plus!
-J'en doute !
Puis, pour le simple plaisir du geste acrobatique, je m'élance en nageant à toute vitesse dans les couloirs, jusqu'à défoncer la glace. Dans un bruit torturant, un monstre faisant deux fois ma taille, saute en dehors de l'eau à côté de moi tout en me lançant un regard noir. Je n'aurais pas dû sortir de l'eau ! Quand mon regard croise le sien, je lui montre mes crocs dans ce qui ressemble vaguement à un sourire.
Je sens brutalement mes yeux virer au rouge, avant que nous nous mettions à accélérer. Puisant toute la force qui est en moi, je parviens à tripler ma vitesse et gagne aisément la course. Lorsque Léviathan arrive au milieu des démons qui me regardent curieux, je suis tranquillement en train de vider une damnée de tout son sang. Ce n'est nullement à cause de la faim, mais uniquement par pur plaisir.
-Une fringale Vickal ? dit un de mes frère adossé à un poteau au centre de la foule.
-Non, juste de la gourmandise. Je raffole du sang. D'ailleurs ce n'était pas toi tout à l'heure qui m'as...
-Si, et toi tu m'as mordu moins de cinq minutes plus tard. Heureusement que les archidémons sont immunisés contre la contamination par le venin vampirique.
-Pourquoi en redemandes-tu ?
-Si tu parles d'un tour dans mon pieu, la réponse sera oui. Et si tu veux me mordre, la réponse sera également oui. La vraie question est me suivras-tu ?
-Je te pensais fatigué à cause de la semaine dernière ?
-Ce n'est pas faux, mais après avoir dévoré quelques âmes, je serais assez en forme pour t'affronter...
-Mauvaise idée les garçons. Vous risquez de nous mettre en retard. Drelkas, maintenant que tu es réveillé, rends-toi utile et amène ton frère chez la couturière qu'elle prenne ses mesures. Ah, et tu en profiteras pour t'habiller toi aussi.
-Vous savez que je suis parfaitement à l'aise nu, père. Les vêtements ne mettent pas en valeur mes écailles ! dit-il en levant un bras faisant étinceler ses écailles roses.
-Je sais, mais ce n'était pas une question Drelkas, toi non plus Vickal d'ailleurs !
-Très bien, je n'apprécie guère les ordres, mais soit.
Et je suis alors mon frère. Ses yeux reptiliens couleur corail étincellent de promesse coquine pendant que nous nageons au ralentit. Par défiance, il me demande pendant que nous cheminons :
-Je m'ennuie..., tu crois qu'après la fameuse fête de Lucifer je pourrais te suivre sur terre ?
-Je serais payé en sang ?
-Pourquoi ? Tu veux encore me morde ? Ma gorge va ressembler à une passoire bientôt !
-Cela te dérange ?
-Au contraire, la dernière fois que tu m'as mordu, j'ai failli jouir immédiatement. Tes morsures sont tellement formidables, que je me fiche des cicatrices.
-Alors nous avons un marché ?
-Oh que oui ! Bon, finissons vite les formalités de cette fête ennuyeuse et allons nous amuser. Les vampires sont-ils tous comme toi au lit ?
-J'en connais un qui baise comme un dieu, mais c'est rare. En général, nous sommes de bons amants.
-On fugue ?
-Tu veux aller sur terre sans passer à la fête du roi ?
-Oui, mais malheureusement pour sortir de l'enfer on a besoin d'un ancrage. Connais-tu un sorcier qui pourrait nous invoquer ?
-Oui, mon grand frère. Je le contacte ?
-Grand frère ? demande Delkras interloqué.
-En effet, nous avons été transformés par le même vampire donc nous sommes frères de sang, mais pas biologiques. Par contre, je vais devoir lui donner ton vrai nom pour qu'il puisse t'invoquer si cela ne te gêne pas ?
-Pas vraiment, je ne suis pas très puissant et je suis connu pour dévorer vivant mes invocateurs. Je doute que l'on m'invoque contre mon gré.
-Attendez, on vient aussi ! s'écrient plusieurs voix.
Quand je me retourne, deux de mes sœurs et un autre de mes frères sont derrière moi.
-Vous jurez de respecter les lois de la surface ? Pas que je tienne aux humains d'une quelconque façon, mais cela reste ma principale source de nourriture. Une famine chez les vampires serait de mauvais augure et être assoiffé nous rend particulièrement dangereux.
Ils hochent la tête, semblant sensibles à mes arguments. Puis je contacte Lucian par télépathie. Lorsque je coupe le contact mental, je soupire et dis :
-Mon frère est d'accord, mais il veut être payé en nature. Cela ne m'étonne guère.
-En nature ?
-Oui en sang ou en sexe. C'est un pervers surpuissant, vous marchez ?
Ils hochent tous la tête. Cela n'a pas l'air de les gêner d'utiliser leur corps comme moyen de paiement. Je comprends vite que le sexe ne représente rien de plus qu'une occupation anodine pour les démons. Mes frères ressemblent davantage à des démons de la luxuria plutôt qu'aux enfants de l'invidia me dis-je en plissant les yeux.
Je transfère la réponse de mes frères et sœurs démon et on commence tout à briller avant de disparaître tour à tour. Quand nous sortons du néant, on me lance quelque chose : un cœur encore battant !
Je le rattrape par réflexe, puis poussé par ma bête, je le dévore en deux bouchées avides. Après avoir léché la pointe de mes griffes, je demande :
-Il n'était pas humain, je me trompe ?
-Le cœur ? Non, c'est tout ce qui reste des elfes noirs que tu avais empoisonné à la ricine. Ils ont tenté de te la faire à l'envers et ont amené toute une horde sur tes traces. Mais ils ont eu le malheur de tomber sur moi ! je ne suis pas un parfait grand frère ? lance Lucian.
-Si, si, que veux-tu donc ?
-Cette fois pas grand-chose, disons que comme paiement j'aimerais bien que tes sœurs me fassent une petite gâterie, dit-il avec un sourire lubrique.
Les démons regardent Lucian avec les yeux écarquillés. L'un d'eux finit par dire d'une voix épouvantée :
-Tu..., tu es Edrius le sorcier qui a mis Asmodée à genoux...
-Oh ! Vous me connaissez ? Et je suis un Oupir et non un faible sorcier ! lâche-t-il en dévoilant ses crocs dans un sourire mesquin.
-Je te laisse te vanter, frangin. Je vais traquer ce qui reste des elfes noirs en ville. On ne se joue pas de moi impunément !
-Pourquoi vous me suivez ? dis-je en remarquant mes frères démon me suivant.
-Et bien, on connaît mal ce continent.
-Oh ! Loki, Chronos, escorter les à mon manoir quand mon frère aura reçu son paiement. Lucian, aurais-tu des vêtements pour moi ?
-Oui, demande à mes assujettis. J'ai gardé un ensemble à ta taille., dit-il déconcentré par la poitrine avantageuse de mes sœurs.
Même sous forme draconienne, les standards de beauté de Lucian ne semblent pas se concentrer sur les humains ou les créatures humanoïdes.
Quand je sors, j'aperçois du coin de l'œil Lucian en train de retirer son pantalon. Quel profiteur celui-là ! Il se fiche de son paiement. Il veut juste s'amuser !
Lorsque je quitte le donjon de mon frère, un assujetti oscillant sous le poids d'un arsenal m'attend à la sortie. Je prends son chargement d'une main avec un petit sourire. L'arme principale est une claymore, une lame magnifique en adamantine, pesant une bonne centaine de livres. Il y a aussi un fourreau en cuir laqué, des dagues d'empoisonneurs et une ceinture d'armement neuve sans oublier les bottes de combat au talon d'acier.
Dans une petite pile se trouve un pantalon très près du corps en cuir noir et une cotte de maille aussi fine que du papier en acier noir. Pour finir, un long manteau de cuir avec certaines parties renforcées de pièce d'acier pour un poids total assez impressionnant ! Je reprends ma forme humaine avant de passer la tenue. Puis, j'attrape le demi-masque en cuir ouvragé qui se trouve dans la poche du manteau et couvre mon visage.
Mes cheveux couleur de cendre flottent doucement dans le vent. J'admire pendant un long moment la vue nocturne avant de m'élancer à une vitesse démentielle sur les toits londoniens. L'odorat pleinement actif, je hume l'air qui est d'autant plus vivifiant sous l'excitation de la traque, qui à mon avis est bien trop courte malheureusement. Car à peine une heure s'est écoulée quand je trouve le repère des elfes noir caché dans les sous-sols de la tour de Londres. Je m'incruste assez durement. En revanche, je n'ai aucun talent de charmeur de serrure*, alors au diable la discrétion, un coup de pied fera bien l'affaire ! Et autant rentabiliser mes talons d'acier.
Alors que je défonce la toute dernière porte avec un rugissement en tout point inhumain, je me précipite dans une salle immense, au plafond à moitié écroulé et au sol de béton brut. À mon avis, c'est une sorte de camp de réfugiés où se trouve des centaines d'exilés en haillons. Je remarque très peu d'armes. Tout à coup, la pointe d'une griffe vient se poser contre ma gorge. Je l'écarte immédiatement, non parce que cela pourrait me blesser, mais parce que c'est plutôt désagréable !
Puis j'ausculte la pièce de long en large. Une odeur de peur et de misère vient titiller mes narines. Ne voyant aucun danger, je m'assois sur une paillasse et croise mes longues jambes devant moi. Parfaitement calme, je dégaine ma claymore et la plante brutalement dans le sol devant moi avant de commencer à jouer tranquillement avec la poignée ouvragée. Enfin, observant tous ces curieux personnages, je finis par leur demander dans la plus grande sérénité :
-Alors, qui a eu la mauvaise idée de lancer une armée sur mes traces ? Oui bon, j'ai un peu joué avec des poisons, mais il ne fallait pas être avec les venators ! Et si cet endroit avait pour but de m'empêcher d'entrer, c'est raté ! C'est un bâtiment public donc pas de barrière mystique anti-vampire.
Quand je vois la totalité des drows* coller sur le mur opposé tétanisé, je dis avec un sourire amusé :
-Vous savez, je ne mords pas..., en fait si, mais pas dans l'immédiat, j'ai déjà dîné. Alors, racontez-moi comment une race fière et cruelle telle que les elfes noirs est arrivée à se lier au chasseur ? Selon votre réponse, je pourrais décider de vous épargner ou alors être gourmand et me faire un casse-croûte au clair de lune. Pas besoin de vous signifier quel est le régime alimentaire des vampires, je me trompe ? dis-je en dévoilant mes crocs dans un léger sourire.
À la mention de l'Hématophagie* des vampires les elfes ont un air dégoûté, mais ils hochent la tête. J'enchaîne donc :
-Avez-vous prévu de me raconter ou aurai-je une raison de devenir un tantinet, comment dire... Plus sanguinaire ?
Ne voyant aucun d'entre eux répondre, à une vitesse impossible, j'arrache le cœur de l'elfe le plus proche de moi avant de retourner m'asseoir sur la paillasse tranquillement. Je commence à déguster l'organe sanguinolent, devant le regard effaré des elfes qui reste immobile. En général, les races maléfiques telles que les Drows comprennent la violence, d'où ma réaction face à leur silence. En temps normal avec une telle action contre des elfes noirs, j'aurais une bonne dizaine de lames contre la gorge.
Tandis qu'un vieux Drow passe à travers la foule, sentant lui aussi la peur, il semble la cacher.
Je ne résiste pas non plus quand il met un doigt maigre sous mon menton pour me faire relever la tête. Il me regarde longtemps dans mes yeux fendus, puis finis par dire :
-Vous avez du sang de dragon.
-Oui c'est vrai. Je suis l'un des bâtards d'un dragon aquatique sombrement connu. Pourquoi cette question ?
Un enfant qui semble avoir comme perdu sa peur à la mention de mon sang draconique me demande :
-Pourquoi ressembles-tu à ça, si tu es un dragon ?
-J'ai plusieurs formes et je suis également à moitié vampire, mais revenons à ma question. Pourquoi vous lier aux venators ?
À ces mots, ils ouvrent tous leur col dévoilant leur gorge. Je musèle ma bête, virulente à la vue d'autant de jugulaires pulsantes et reporte mon attention sur ce qu'ils me montrent. Ils portent tous un collier d'esclaves. La raison devient simple ; les chasseurs les ont réduits en esclavage !
De nombreuses espèces de l'imaginarium pratiquant l'esclavage ! je ne suis pas tellement surpris, mais vu que les venators sont des humains, je suis tout de même un peu curieux. Je demande donc :
-De mémoire, les elfes noirs sont au service de Loth, l'une des divinités oubliées. Voulez-vous que je l'invoque ?
-Vous le pourrez vraiment ?
-En temps qu'archidémon, je pourrais le faire en quelques gestes, mais cela aura un prix bien sûr. Je ne suis pas un ange !
-Et quel sera votre prix ?
-J'aimerais que deux d'entre vous se laissent transformer de leur plein gré. Les Drows ont des reflex extraordinaires et un talent pour l'assassinat. Je me demande à quel point ils pourront être excellents en devenant vampires. Alors, suivrez-vous la voie du sang ou resterez-vous l'ombre de ce que vous étiez ? Le choix vous appartient.
Quel dilemme affreux je leur impose, mais la curiosité est trop grande. De plus, je pourrais créer de formidables hybride !
Au bout d'un moment au milieu des elfes à la peau noire et aux cheveux d'argent, deux femmes se détachent d'environ l'âge que j'avais quand j'ai été transformé, c'est-à-dire la vingtaine. Je hausse un sourcil et dis :
-Vous êtes sûre ? Il n'y aura aucun retour en arrière.
Les voyant hocher la tête, je tapote mes genoux avec un léger regard amusé. Aussitôt, l'une des elfes s'approche de moi et je la tire brutalement par le col. Moins d'une seconde plus tard, mes crocs s'abattent brutalement sur sa gorge. Je reproduis la même scène avec l'autre. Une fois qu'elles entament toutes les deux leur transition, leurs visages se tordent d'agonie. Je ne me souviens pas de ma transition, seulement de la douleur lancinante comme si je prenais feu, chose qu'ils endurent à leur tour.
Avec un sourire, je prends ma forme hybride en moins d'une seconde. Des yeux époustouflés m'auscultent. C'est trop arrogant de dire que je suis magnifique ? Probablement, mais néanmoins véridique. D'une voix caverneuse, qui est la mienne sous cette forme, je dis :
-Et bien, il est temps pour moi de respecter ma part du contrat.
Puis, avec un petit élancement sur mon cœur noir, je lève un de mes bras dévoilant mes écailles noires brillant de mille feux.
Enfin, avec un nouveau sourire dévoilant ma dentition de prédateur, je claque des doigts et aussitôt, sans même avoir besoin de formule, la magie m'obéit. Des volutes aquatiques tracent une étoile à huit branches ressemblant vaguement à une araignée et c'est justement une créature à demi arachnides qui jaillit de l'étoile devant mon regard reptilien et curieux et les drows à genoux.
Mini lexique :
*l'Obfuscate : Certains traqueurs peuvent se dissimuler dans les ombres par l'utilisation de ce redoutable pouvoir qui vise à cacher jusqu'à leurs moindres pensées.
(Oui J'ai déjà évoqué ce pouvoir toutefois je ne m'étais pas étendue sur le sujet.)
*Shen long : Aussi appelé Shen poumon, littéralement "dragon Dieu" ou "dragon esprit" est un dragon spirituel de la mythologie chinoise qui est le maître des tempêtes et aussi annonciateur de pluie. Il est d'une égale importance à d'autres créatures comme Tian long, le dragon céleste.
*charmeur de serrure : De l'argot victorien, il s'agit juste d'un terme parlant des crocheteurs.
*drows : Les drows aussi appelés elfes noirs sont des dérivées des dökkálfar de la mythologie nordique. Le terme drow vient de l'écossais des îles Orcades et Shetland où le trow (trowe, drow) est une créature surnaturelle du folklore.
*Hémophages : "vampire" ce qui se nourrit principalement de sang.
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