-11-Les catacombes de Camden

Un ricanement étrange sort tout droit de l'obscurité. Tandis que le félin prend l'apparence d'un grand vampire aux traits typiquement italien, vêtue d'un costume blanc hors de prix. Alors que mon frère et lui se regardent en chien de faïences, je sens soudain mes yeux me picoter, signe qu'ils ont viré à l'écarlate. Piquer dans ma curiosité qui me prend aux tripes, je demande à mon frère :

-Que vous est-il arrivé pour vous lancer de tels regards ? Savez-vous que sur cette mission, nous sommes censés travailler ensemble ?

-Eh bien... tu vois ma cicatrice ? Devine qui est le croisé qui tenait l'épée d'argent qui a failli me tuer ?
Je pianote du bout des doigts sur mon bureau, réfléchissant à un plan, quand Lucian soupire en agitant la tête. Dans ses yeux, le rouge laisse peu à peu place à l'argent.

-Mais bon, ne laissons pas de vieilles querelles datant de plusieurs siècles entacher notre honneur et par conséquent celle du seigneur auquel nous avons prêté serment.

-Quel comportement chevaleresque, mon frère ! dis-je en applaudissant avant de me tourner vers le capitaine pour enchainer :

-Sinon capitaine. Quelle est notre mission du jour ? Ou plutôt de la nuit.

- Eh bien, des lycans renégats revendent une substance hautement illicite lorsqu'elle sort du cadre de L'imaginarium. Son nom sur le marché illégal est : le Dragon rouge. Le mélange permet de guérir instantanément toute blessure. Il redonne force et vitalité surnaturelle, améliore énormément la libido et rend quasiment immortel le bénéficiaire. À condition que cette potion du diable ne fasse pas exploser le cœur de celui que l'a ingéré. De plus, lorsqu'une overdose est constatée, le consommateur devient complètement fou, et ce de manière irréversible. Ai-je besoin de vous dire de quoi il s'agit ?

Nous nous regardons tous dans le blanc des yeux, puis mon frère fini par craqué et répond :

-Bien sûr, du sang de vampire. Nous nous en servons pour créer des assujettis. Mais, il est interdit pour ceux de notre espèce de le commercialiser. Et qui dit commerce, dit source. Donc il s'agit de trouver le ou les vampires qui donnent leur sang aux marchés noirs afin que le trafic soit paralysé.

Je me lève et vais prendre une fiole vide sur l'étagère. D'un coup de croc, je m'ouvre le poignet avec une petite grimace et laisse s'écouler mon sang froid. Une fois le flacon rempli, je lèche ma plaie avant que mon hémoglobine tache la manche de ma chemise. Puis, je pose brutalement le récipient sur le bureau du capitaine en disant :

-Le plus simple pour attraper une proie, c'est d'avoir un appât. Je doute que vous trouviez mieux que du sang de vampire de haut rang entièrement pure pour attraper ces insectes-là.
Je me tourne vers mon frère, qui arbore un petit sourire et dit :

-Tu penses que l'on devrait faire un passage au Britania pour recueillir des informations ?

-Non, je pense que l'on devrait directement aller dans les catacombes, cela serait plus efficace.

Les nephilimes de mon équipe me regardent effarer, mais c'est le capitaine qui prend la parole :

- Qu'ils soient humains ou autres, tout ce qui se rapproche des catacombes de Camden disparaît sans laisser de traces. Tu crois pouvoir les ramener en entier ? grommèle-t-il en désignant du regard mes acolytes.

- Alors, vous savez parfaitement que les catacombes sont le fief du clan vampirique ! Visio Aeternae* et bien en leur cœur se trouve le siège du clan. Erwin, tu sais si la chef du clan Lycoris Van Corvin est à Londres en ce moment ? Vu que je viens d'arriver, je ne suis pas au courant.

-Il me semble avoir entendu des compères en parler lors de mon dernier passage dans la demeure du seigneur Tepes. Donc à priori oui, mais les racontars ne sont pas des sources sûres. Tu penses que l'on devrait y aller tout de même ?

-Eh bien oui, les représentants sont toujours du côté du seigneur qu'ils servent, en plus Azzo est politiquement neutre. Donc que ce soit des clans progressistes ou conservateurs, nous avons accès aux réseaux d'informations des deux. Tu es de quel parti toi Dante ?

-Conservateur. Je suis de la vielle-école, mais faire partie de ce clan n'est pas un problème. Par contre, les hybrides ne devront pas s'éloigner de nous s'il ne veulent pas finir en dîner improvisé. Le plus facile serait de vous faire passer pour nos donneurs ou que vous nous attendiez à la porte, étant donné que les vampires laissent personnes d'autres que les leurs, entrées dans leur domaine. Nous sommes une race très territoriale.

-C'est du racisme pur et dur, vous savez ? Dis mon cousin avec une moue de mépris.

-Eh bien, notre race est immortelle. Nous sommes assez doués pour créer des anachronismes sans même nous en rendre compte. Certaines de nos lois n'ont pas changé depuis des millénaires. Donc c'est fort probable lieutenant. Bon, nous y'allons ? dis-je, quelque peu impatient.

Le capitaine nous coupe dans notre élan en nous lançant des paquets. En déchirant le mien, je découvre un uniforme bleu nuit avec le col du manteau brodé d'un «087 » où est déjà épinglé mon insigne de lieutenant. Le même emblème est cousu sur la manche du manteau de lainage. Une ceinture simplement en cuir et une autre aux œillets se trouvent à la hauteur de la taille avec un holster censé accueillir une arme à feu.

Le pantalon quant à lui, est très simple, de couleur bleu roi. Les chaussures minimalistes sont la seule chose qui différencie les brigades spéciales au niveau de l'uniforme. Apparemment, l'absence de casque, et le second blason sur l'épaule représentent la licorne royale tenant Excalibur dans sa gueule.

Une fois vêtu, le capitaine me tend un revolver smith&Wesson entièrement noir qui semble modifié. En ouvrant le barillet, je comprends en quoi sont les balles : elles sont argent et hautement explosives. Visiblement, celles-ci ne sont pas faites pour tirer sur des humains. Mon supérieur répond :

-Balle explosive, treize millimètres couler à partir de la Sainte-Croix de l'église de Lancaster. Cette arme offre tout bonnement un aller simple en enfer. Dit-il avec un petit sourire narquois.

-Intéressant, je pense avoir besoin de gants. N'oubliez pas, je suis un vampire ! l'argent ne fait pas bon ménage avec mon espèce comme vous le savez.

Quand je vois que mon équipe est prête, je demande à mon frère :

-Transformation totale ou penses-tu qu'une transformation partielle suffira ?

- Partiel, je doute que ses moineaux suivent notre vitesse de rapaces mon frère. Alors on sort juste les ailes. Dante, peux-tu te transformer en matou ?

-Très bien, j'ignore pourquoi, mais je ne le sens pas. Rétorqué-je l'air inquiet.

Je hoche juste la tête et fais signe à mon équipe de me suivre jusqu'au bout du tunnel de service. Nous débouchons sur une ruelle déserte et obscure. Aussitôt que j'aperçois le ciel, je commence une transformation partielle. Mes bras deviennent des ailes et je me transmute jusqu'à la taille. Mes vêtements disparaissent au fur à mesure que ma métamorphose avance.

Lorsque ma mutation est achevée, je constate que seuls ma tête et mon buste sont restés humains. Ma peau couleur de marbre tranche nettement avec mon plumage majoritairement noir. Ensuite, c'est en ressemblant à une sorte de harpies infernale que je m'envole haut dans le ciel emportant le chat avec moi. Quand j'arrive à bonne hauteur, le chat commence à miauler et mon frère qui lui aussi est à demi transformé, volant à ma gauche me dit avec un sourire rusé en regardant le chat :

-Petit frère, tu me fais la passe ?

Je ricane et lance le félin en plein vol. Mon frère le rattrape facilement et me le relance. C'est quand je suis griffé à l'œil que j'arrête ce jeu mesquin. Bien que celui-ci cicatrise en quelques secondes, cela reste douloureux. C'est avec un léger picotement et en étant à demi borgne pendant quelques secondes, que j'accélère à fond. Je vais si vite, que les étoiles se transforment en lignes de lumière. Le vent me fouette agréablement le visage et joue avec mes plumes. Lorsque j'entends une voix dans ma tête, je ralentis brusquement :

[-petit frère, calme-toi ! nous sommes allez trop loin et l'on a distancé les anges. De plus, l'entrée des catacombes est derrière nous, à environ trois lieux.

-Oh ! je m'excuse. Passe devant, je te suis].

Et aussitôt je fais un demi-tour acrobatique. À peine quelques instants plus tard, cachés entre deux demeures délabrées, se trouve une porte à la peinture écaillée gravée de la phrase :

« Arrête ! C'est ici l'Empire de la mort. »

Simultanément avec mon frère, nous reprenons notre forme habituelle dans une symphonie de bruit d'os brisé.

Le traqueur s'avance vers l'étrange mécanisme en cuivre rouillé, à gauche de la porte qui est cachée par des broussailles. Une fois celle-ci écartée, mon aîné s'ouvre le pouce d'un vif mouvement de griffe et pose son doigt ensanglanté au centre des rouages. Au contact du sang avec la ferronnerie, un bruit de crissement métallique se fait entendre. La porte s'ouvre dans un son sinistre.
L'ouverture sombre et humide rappelle la gueule béante d'une créature abyssale.

Il s'en dégage une forte odeur de moisissures ajointée à l'odeur ferreuse du sang.
Tout en suivant mon frère et Dante dans l'obscurité lugubre des souterrains, je m'allume une cigarette à la douce odeur d'hémoglobine pour me calmer les nerfs. J'en propose à mes comparses, mais ceux-ci refusent d'un signe de tête.

Dans les ténèbres ambiantes, la seule source de lumière est le flamboiement de ma cigarette qui peine à rester allumée dans l'humidité étouffante, qui ne me dérange absolument pas. C'est ça l'avantage d'être un vampire. Enfin, je suppose.
Le tunnel s'enchaine et se ressemble. Nous devons parfois à demi nager pour avancer dans ce dédale labyrinthique. Quant au bout de quelques kilomètres j'en marre de patauger, je me transforme en mon épervier et me perche sur l'épaule de mon frère qui me dit :

-Tu sais que la paresse est un péché mon frère ?

[-Eh bien, la prudence du clan londonien ressemble plus à de la paranoïa. J'aimerais bien arriver avant de mourir de soif.]

-Je crois que j'ai une idée pour te faire taire. Dit-il en enfonçant un croc dans la chaire de son majeur avant de le fourrer dans mon bec.
Je commence immédiatement à me régaler en passant ma langue sur l'hémoglobine qui maintenant recouvre son doigt. Au même instant, j'entends Dante dire :

-C'est dégoûtant, c'est du cannibalisme ! dit-il en grimaçant.
Mon frère et moi échangeons un regard amusé avant que celui-ci rétorque :

-Je t'assure que j'adore nourrir mon frère. D'ailleurs, considères-tu ta propre chef de lignée comme une cannibale ?

[-Si tu es jaloux, je peux te mordre Dante.]

-Je ne suis pas un masochiste comme ton frère Erwin. Alors je décline.

Je pouffe de rire ce qui sort comme un son assez étrange sous ma forme d'oiseau. Soudain, je sens une main glaciale s'égarer sur mon doux duvet strié, juste sous mon bec. J'avoue, cette sensation est plutôt agréable, ce qui a pour conséquence de rendre mes paupières lourdes de béatitude.
Je rouvre celle-ci quand j'entrevois une lueur à travers mes paupières. Je cligne plusieurs fois des yeux pour m'habituer à la luminosité des nombreuses torches éclairant les murs qui alternent entre de la pierre brute et des ossements humains. C'est que très peu de temps après que nous croisons d'abord un vampire, puis dix puis des centaines. Ceux-ci vaquent à leurs occupations sans se soucier le moins du monde de notre présence. Bien que je perçois quelques oreillards curieux, les vampires capables de se transformer sont rares et en général surpuissant je comprends donc assez bien leur curiosité.

Au bout du boulevard souterrain où de nombreux corps parfois en décomposition avancé, sont négligemment jeté sur le bas-côté à demi immergé. Dans l'eau immonde se trouve une grande salle au mur verdâtre où deux cascades se rejoignent en un lac vaseux. Au centre de celle-ci se trouve un trône entièrement en pierre noirâtre où siège une vampiresse aux cheveux roux flamboyant. Elle est vêtue d'une armure rouillée et ses yeux jaunes, brille légèrement dans la pénombre.
Adossé au trône, un grand vampire aux cheveux court et noir, vêtu de fourrure nous observe. Tous les autres immortels sortent de la pièce au signal négligeant de la chef de clan. Je remarque également que Dante est à genoux, mais que mon frère n'a pas bougé et se tient debout, immobile comme une statue. Il évite le regard de la cheffe, sans pour autant baisser les yeux.

C'est après nous avoir longuement scruté que Lycoris prend la parole :

-Cela fait longtemps Lucian. Quel bon vent t'amène ? Qui est donc le vampire perché sur ton épaule ? À ma connaissance, aucun haut rang ne se transforme en épervier.

-Il s'agit de mon petit frère. Erwin, peux-tu reprendre ta forme habituelle ? dit-il en me regardant.
Je hoche immédiatement la tête, voltige jusqu'au sol humide et commence à me remétamorphoser. Au bout de quelques secondes, je me retrouve sous ma forme vampiresque, presque à quatre pattes. Une fois ma métamorphose achevée, je me relève en époussetant les plumes errant sur mes vêtements et me poste à côté de mon frère. J'incline brièvement la tête en guise de salut et garde le silence, tandis que mon frère et elle continuent de discuter. Cinq minutes plus tard, la cheffe de clan s'exclame :
-oh ! je vous prie de bien vouloir m'excuser. Caleb, peux-tu aller chercher les rafraichissements.
-Eh bien, tu t'es bien assagie chien de Baskerville, tes petites sauteries étaient pourtant il n'y a pas si longtemps. Dit mon frère en s'adressant au vampire vêtu de fourrure.

Le monstre arbore des yeux ambrés. Je n'ai vu qu'une fois cette créature, c'est un vampire diurne.
-Le sarcasme te va à ravir l'ombre rouge, quant à toi tu es devenue célèbre et étonnamment peu de temps la faucheuse. Dit-il en me jetant un regard avant de disparaître.
La cheffe de clan s'adresse enfin à moi en me regardant droit dans les yeux :

-Tu es assez jeune, je me trompe ? J'aimerais te faire un petit cadeau pour te souhaiter la bienvenue dans l'Imaginarium. Annonce-t-elle en claquant des doigts.

Aussitôt, un vampire en haillons apporte une petite boite de cuir noir. En ouvrant celle-ci, je vois, reposant sur de luxueux drapés, une bague dans un étrange métal noir sertie d'un rubis. Dans la pierre est sculpté un ouroboros aux grandes ailes de chauves-souris. La vampiresse reprend la parole :

-Ceci est le symbole des conservateurs, seules les pontes peuvent l'offrir. Il fait de toi un membre honoraire. Tu es désormais rattaché à nous et la bague te permettra l'accès à la majorité de nos ressources.

-Et pourquoi me l'offrir ? Après tout, vous ne me connaissez pas et je suis de surcroit déjà un représentant du seigneur Azzo, qui lui est neutre.

-J'ignore pourquoi, mais je te sens bien la faucheuse. Et un peu de sang neuf n'est pas une mauvaise chose. De plus, cela n'impacte en aucun cas ta fonction de représentant et ta neutralité.

J'entends soudain la voix de mon frère dans ma tête [

-Prends-la ! Lycoris est capricieuse. Elle pourrait mal prendre ton refus et cela pourrait t'aider à être pris au sérieux dans les périlleuses missions que nous confie parfois Azzo.]

J'acquiesce et enfile la bague à mon index. Le bijou semble magiquement s'adapter à mon doigt. En réalité, malgré son allure sinistre, elle est plutôt jolie et bien plus tape-à-l'œil que ma bague de famille que je porte toujours. Je devrais d'ailleurs m'en débarrasser, elle est bien trop repérable et je ne suis pas dupe comme tout vampire qui se respecte. Dans quelques années, je devrais disparaître avant que les humains ne se rendent compte, que mon vieillissement s'est arrêté. Il faudra aussi que je change de nom et de lieux de résidence.

Je crois que j'aimerais bien allez dans cette fameuse forteresse dans les Carpates à force d'en entre parlée, ma curiosité me pique au vif.
Je pose soudain la question pour laquelle nous sommes venus :

-Voulez-vous pardonner mon impertinence, mais avez-vous une quelconque information à propos des cabots dealant du sang de vampire ?

-Non, malheureusement pas des moindres. La seule chose qui est à noter, c'est qu'un de nos nouveau-nés a disparu. C'est sûrement lui, la source de leur fameux « dragon rouge ».
Je réfléchis à sa réponse. Elle a eu un léger tic, signe de mensonge. La cheffe en sait bien plus qu'elle ne veut le laisser paraitre.
C'est toujours aussi perdu dans mes pensées, que je suis mon frère vers la sortie tout en jouant avec ma nouvelle bague.

Mon aîné a soudain un regard étrange, signe d'une utilisation de la télépathie. À force de côtoyer les vampire il est assez facile de deviner lorsqu'ils utilise ce moyen de communication. Au bout d'un moment, Lucian se tourne vers moi et dit :

-Il semble que le seigneur Azzo nous convoque.

-Très bien, mais j'ai raison de penser qu'elle nous a menti ?

-Oui je l'ai également remarqué, mais après tout qui sais un commerce de sang de vampire apporterait des revenues quasiment illimitées. Elle a probablement cédé à l'appel de gains.

Mini lexique

*Visio Aeternae: la traduction est vision de l'éternel ceci est le nom d'un des plus grands clans officiants sur l'Europe entière.

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