9

— Allô ?

— Raphaël ?

— Lyane ? Qu'est-ce qu'il y a ? Dépêche, je suis occupé.

— Eléonore voulait voyage, partir loin d'ici ?

— Oui... Elle me parlait de New York, c'était son rêve.

— Tu penses qu'elle aurait pu partir ?

— Non. Elle ne serait pas partie seule. C'est impossible.

— Même si elle connaissait quelqu'un de majeur ?

— Mh... Je ne sais pas. Je dois y aller, j'y réfléchis ok ?

— Ok, bye.

Il raccroche, je lance un regard à mon amie, et hausse les épaules. Je soupire tristement, nous sommes plus embrouillés qu'autre chose, maintenant. Après, peut-être que cette histoire d'argent n'a pas de réelle conséquence sur la disparition de ma sœur ?

Lucie, remarquant les quelques cahiers étalés sur le bureau de ma sœur, s'illumine :

— On peut trouver des indices dedans.

Elle pose les cinq cahiers sur le tapis gris et doux. Ce ne sont pas des cahiers de cours, évidemment.

Le premier à l'air d'un cahier dans lequel elle prévoyait ses journées, et ses soirées. Eléonore était très organisée, elle aimait choisir l'heure à laquelle elle ferait des devoirs, et les temps de repos. Il y a un calendrier des mois, où elle inscrivait les dates des soirées dans lesquelles elle se rendait.

— Eh ben, moi je suis loin de faire quelque chose de ce genre. Je suis mariée à la procrastination. déclare Lucie

— Je sais, dis-je en riant.

— Imagine elle allait à des soirées sans Raphaël.

— Elle n'est pas obligée d'y aller avec Raphaël si elle y va avec des amis.

— Oui, mais faudrait aussi demander à ses amis. Peut-être qu'elle y allait seule, dans ce cas-là, il a des risques qu'il lui soit arrivé quelque chose. précise-t-elle doucement.

J'esquisse une grimace. Feuilletant un deuxième cahier, je tombe sur une page, mes yeux lisent inconsciemment « Je devrais quitter Raphaël, c'est mieux pour nous. ». Je sursaute en refermant le cahier, l'éloignant de moi. Lucie, prise d'un rire franc me demande :

— Il s'est passé quoi, là ?

— J'ai... lu un truc affreux. C'est un journal intime, je crois. Mieux vaut ne pas continuer à lire.

— Pourquoi cette réaction ? Ça disait quoi ?

Reprenant un souffle régulier, je balbutie :

— « Je devrais quitter Raphaël, pour notre bien » ou un truc comme ça. C'est affreux. Pourquoi a-t-elle écrit ça ?

— Eh, Lyane. Calme-toi. Il y a des hauts et des bas dans tous les couples. Il n'y a rien d'affreux. On lit ?

— Non... Lis si tu veux. Je ne peux pas lire les secrets de ma sœur, surtout que je suis déjà rentrée dans sa chambre sans sa permission.

— Rhoo. C'est plutôt excitant, si j'avais des frères et sœurs, je les espionnerais tout le temps.

— Je ne trouve pas ça tant amusant que ça...

Nous feuilletons les trois autres carnets, mais je m'attarde plus sur celui de dessins. Ils sont plutôt sombres, au fusain ou à la peinture noire ou rouge. Ils sont très différents de ce qu'elle aime nous partager quand elle dessine. Lucie se place derrière moi pour regarder par-dessus mon épaule. Mon estomac se noue, ce n'est vraiment pas le style de ma sœur, et pourtant s'est signé et daté.

— Ça fait froid dans le dos ça. déclare mon amie.

— Oui, je n'arrive pas à imaginer ma sœur dessiner ça, regarde, elle a l'air morte, et elle, elle pleure du sang... C'est horrible.

— Elle était peut-être dépressive, ta sœur...

A l'écoute de ces mots, un frisson me parcourt et des larmes me montent aux yeux.

— C'est... Pas possible. Non. Elle ne peut pas... Elle avait l'air si heureuse.

Je tourne les pages doucement, une fille debout dans les flammes, un monstre dévorant un humain... Je déglutis. Ma respiration se saccade.

— Attends, stop.

— Quoi ?

— Là, elle tourne les pages dans l'autre sens. Y'a écrit « J'suis défoncée ».

— Oh mon... Ce n'est pas ma sœur, ce n'est pas possible.

Je sens une bouffée de chaleur monter en moi. Comment j'ai pu ne me rendre compte de rien ? Je lâche le livret, serrant les poings fort, puis ma vue se brouille. Des bourdonnements hurlent dans mes oreilles. Ce cahier de dessin fait très « dépressif », et ce mot « défoncé » m'effraie. Aurait-elle touché à de la drogue ? Y'a-t-il un rapport avec les problèmes d'argents ?

Lucie m'enlace, ce contact me calme :

— Lyane, je sais ce que tu penses, t'as pas à t'en vouloir. C'est la vie, puis c'était peut-être la première fois qu'elle en prenait, elle allait à des soirées, il devait y en avoir de la drogue.

Des larmes coulent le long de mes joues, j'aimerais être seule.

— Ces dessins sont horribles, Eléonore n'allait pas bien... bredouillé-je. Je ne l'ai pas vu. Je ne l'ai pas aidée. Tu te rends compte, Lucie ? J'ai laissé ma sœur mourir de tristesse, je l'ai laissée se réfugier, seule, dans des dessins comme ça, et dans la drogue ! La drogue. Quand est-ce que ça a déraillé ? Pourquoi n'ai-je rien vu ? Je suis la pire des sœurs. La pire.

— Lyane... Dis pas ça. Ta sœur t'aime. Vous étiez les plus belles sœurs qui puissent exister. Tu n'aurais rien pu faire, tu n'as pas à t'en vouloir. C'est l'adolescence. T'es une super sœur, une super amie, une super personne en général.

— Merci, Lucie... Mais j'ai été aveugle. J'aimerais pouvoir lui faire un gros câlin, pouvoir la rassurer, lui dire qu'on sera heureuses...

Lucie efface mes larmes, j'essaie de me reprendre, et de contrôler ma respiration. Je me sens vide, et seule. Les jours passent et ma sœur me manque plus encore. Je ne sais pas si je vais la retrouver, je prie intérieurement pour qu'elle soit partie à New York, réaliser son rêve. Je la veux heureuse. 

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