8
— On devrait aller explorer sa chambre.
Lucie mâche un bonbon, assise sur mon tapis rond, gris, accordé aux murs de ma chambre. Je suis à mon bureau, devant mon « cahier d'enquête » sur lequel je note tous les indices et hypothèses au sujet de ma sœur. Je me tourne vers mon amie :
— Tu penses vraiment que c'est bien de faire ça ?
— Ecoute, il nous manque beaucoup d'indices. On ne peut pas avancer si on n'entre pas un minimum dans sa vie. Je continue à penser qu'elle est partie de son plein gré, on trouvera forcément quelque chose qui nous aidera !
— C'est vrai... On attend juste que papa et maman partent, à mon avis, ils vont aller boire ce soir.
— Ah...
En parlant d'eux, on les entend se disputer, sans parvenir à comprendre un mot. On se tait, et j'ouvre la porte, m'asseyant pour mieux me concentrer à les écouter. Mon cœur bat et je sens une boule dans ma gorge.
— De toute façon t'es qu'un gamin, toujours devant la télé à rien foutre ! Pense à tes enfants, non ?
— C'est toi qui es comme ça ! Faudra arrêter de mettre la faute sur les autres. T'es sa mère, t'aurais pu mieux t'occuper de ta fille, ça lui aurait évité de disparaître !!
— Ah parce que c'est aux mères de s'occuper de leurs filles ? Le père il fait quoi à côté ? Boire une bière devant un match de foot ?!
Je lance un regard gêné à mon amie. Ils s'accusent l'un et l'autre alors qu'ils sont tous les deux en tort.
— Tu sais, hurle ma mère. C'est de ta faute qu'elle ait disparu. Et je suis sûre que tu en es content ! C'est moi qui suis allée prévenir la police, je te rappelle.
— Arrête d'agir comme une enfant, tu ne fais rien pour avancer l'enquête.
— Oui, parce que personne ne trouve rien ! J'ai déjà fait mon possible, ça n'a servi à rien. Rends-toi à l'évidence, on ne la retrouvera jamais.
Je sens sa voix se briser à la fin de sa phrase, les larmes me montent aux yeux. Soudainement, la porte d'entrée claque si fort qu'elle fait trembler les murs. Une voiture démarre. Ma mère s'en va.
— Ce soir tu mangeras des pâtes, avec ton amie ! m'annonce mon père.
Puis, deuxième claquement de porte. Il part à pied, sûrement au bar du coin, alors que ma mère a dû aller plus loin. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Je déteste entendre mes parents se disputer. J'ai toujours peur que ça parte trop loin.
Lucie vient, m'enlace, et me dit :
— Tu es bien plus mâture qu'eux, et tu arriveras à retrouver ta sœur. Tout se passera bien.
Je lui offre un faible sourire, puis me reprends :
— On peut aller dans sa chambre maintenant.
Lucie me suit dans le couloir, aux murs blancs, avec quelques tableaux. Faisant face à la porte de ma sœur, j'hésite. Est-ce une si bonne idée ? Eléonore me tuerait de pénétrer dans son espace personnel sans son autorisation. Je ne sais pas finalement si je trouverai quelque chose d'assez intéressant pour l'enquête.
— Bon, t'y vas ?
— Je... Oui. Allons-y.
J'ouvre doucement la porte, pour la première fois depuis un mois. Sa chambre est grande, les murs sont décorés avec des dizaines de posters. Mon regard se pose sur les photos de New York, son rêve le plus cher est d'y aller, elle veut faire un grand voyage aux Etats-Unis. Je pose un pied dans la salle, Lucie me suit de près.
Ma sœur, étant maniaque, gardait toujours sa chambre rangée. Nous ouvrons quelques tiroirs, cherchant quelque chose sans savoir quoi.
— Lucie, on cherche quoi, en fait ?
— Tout ce qui pourrait nous aider. Si tu trouves des carnets, dis-le, ça peut être intéressant.
— D'accord.
Je sors tous les cahiers que je trouve, et les pose sur le bureau de ma sœur. Il y a un ordinateur, or, il y a un mot de passe. Lucie, soupire, et je la vois se diriger vers le dressing.
— Oula, c'est grand ! Mon dieu, elle a du style ta sœur. Viens !
Je la rejoins dans le grand dressing. Les vêtements sont triés par couleur. Lucie les effleure des mains, un sourire collé aux lèvres.
— C'est magnifique. Pourquoi tu n'as pas autant de vêtements ?
— Je n'en ai pas besoin. Tu le sais, Lucie, je suis plutôt simple. Je n'ai pas besoin d'autant de vêtements.
— Tes parents les payaient ?
— Non. Elle les achetait elle-même...
— Sérieux ?! Où trouvait-elle tout cet argent ?
— Elle était baby-sitter le vendredi et samedi soir... Et en gagnait à ses anniversaires et à Noël... Mais c'est bizarre.
Lucie lève un sourcil, attendant que je continue. Mon esprit s'embrouille, c'est vrai, comment a-t-elle pu acheter autant ?
— Elle me disait parfois qu'elle manquait d'argent. Elle en demandait à ses amis aussi, il me semble. Un jour, je l'ai entendue se disputer au téléphone. Elle disait qu'il lui fallait de l'argent, qu'elle en devait. Pourquoi aurait-elle des dettes ?
— Bah, si elle emprunte à ses amis, c'est normal.
— Non. Non, pas comme ça.
Je sens mes mains trembler, je m'adosse au mur du dressing, pour éviter de tomber. Ma gorge s'assèche, je continue :
— La personne qu'elle appelait, c'était la fille à qui elle avait déjà demandé de l'argent. Les seules « dettes » qu'elle pourrait avoir, étaient envers elle, je crois. Elle devait donc de l'argent à quelqu'un d'autre.
— Oh... T'es sûre de toi ?
— Oui, presque. Ça me fait peur, à qui devait-elle de l'argent ? Quelqu'un de mal intentionné ?
— Oh mon dieu, peut-être ! Ou alors tu te trompes juste, elle devait peut-être de l'argent à une autre amie. Ta sœur est folle de nouveautés, tous ces vêtements ont coûté cher, donc c'est normal de devoir rendre de l'argent à qui elle empruntait.
— Je ne sais pas... Si elle a été enlevée...
— T'as pensé aussi à ces posters ?
Nous retournons dans sa chambre, elle pointe du doigt tous les posters et photos de New York.
— Elle a l'air d'aimer le voyage, et si tout cet argent, elle l'utilisait pour économiser et se payer un voyage ? Pour partir, seule au monde.
— Elle n'est même pas majeure, comment peut-elle partir ??
— Elle connait peut-être quelqu'un de majeur qui l'aide.
— Tout ça m'embrouille. On a trouvé des pistes, mais il y en a beaucoup trop.
— Appelle Raphaël.
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