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C'est déjà jeudi, le temps passe trop vite, je ne veux pas terminer cette semaine, je ne veux pas qu'elle soit éphémère, j'aimerais arrêter le temps et créer une boucle temporelle. Boucle dans laquelle je connaîtrai enfin le bonheur, dans laquelle je me sentirai à l'aise, auprès des gens que j'aime.
Après avoir passé la journée à la mer, attrapé un coup de soleil sur le nez, avoir lu sur la plage et profité du coucher du soleil, ça fait toujours du bien de s'affaler dans son lit. Epuisée, je n'ai qu'une envie, c'est de dormir, de fermer les yeux et voyager jusqu'au doux monde des rêves, où rien n'arrête mes élans d'enthousiasme et de bonheur.
Lucie se jette aussi dans le lit et se dépêche de se réfugier sous la couette.
— Quelle journée, soupire-t-elle en souriant. C'était fatiguant, mais trop bien !
— Oui, dommage que Célestin, Eugénie et Flavien n'aient pas pu venir.
— Ouais, surtout Célestin ! s'exclame-t-elle en secouant ses jambes.
Je laisse échapper un rire amusé, elle l'aime vraiment bien, et à la soirée du camping tout a eu l'air de bien se passer. Je pense que ces deux-là iraient vraiment bien ensemble, j'espère qu'ils resteront en contact, même après ces vacances, même s'ils habitent à deux heures de route. Puis je repense à Flavien, qui a su se montrer sociable et sympathique hier soir, ce changement de comportement m'avait plutôt déconcertée. Je murmure :
— Tu n'as pas trouvé Flavien bizarre hier ?
— Je ne sais pas, je discutais avec Célestin. Mais t'as raison, il avait l'air plus souriant, plus ouvert.
— Mh... Peut-être qu'il se passait quelque chose qui finalement a été réglé.
— Oui, mais de toute façon ce ne sont pas nos affaires, alors on s'en fiche. J'éteins la lumière ?
Je secoue la tête affirmativement, elle se lève éteindre, puis revient rapidement à côté de moi. Je me couche sur le côté, me tournant vers elle. Brisant le court silence qui s'était installé, elle déclare :
— Tu sais, ce soir on a vu le coucher du soleil, et pour faire le combo parfait, tu devrais voir le lever...
— C'est super tôt !
— Je sais, mais t'as entendu parler de la « miracle morning » ? Tu te lève super tôt pour gagner du temps, et te reconnecter avec toi-même. C'est une belle expérience qui pourra te faire que tu bien. Franchement, tu devrais essayer ! Tu mets un réveil à six heures, peut-être, puis tu vas sur la plage pour admirer et profiter du beau paysage.
— Je ne sais pas, c'est les vacances et j'aimerais dorm...
— Allez ! insiste-t-elle. S'il te plaît, fais-le !
— Qu'est-ce que tu me caches, toi ?
— Mais rien du tout, je veux juste que tu sois heureuse, et voir un coucher de soleil sur la mer est un des plus beaux cadeaux de la nature. Alors tu dois en profiter.
Je grimace, puis attrape mon téléphone, installant une alarme pour demain matin, six heures.
— Bon, je l'ai mise ton alarme, j'essayerai de me réveiller, comme tu dis. Tu as raison, ça doit faire beaucoup de bien de prendre du temps seul.
— C'est trop cool, bonne nuit, du coup, et dors bien !
— Merci, toi aussi.
Je ferme les yeux, rêvant à un monde plus beau, avec hâte d'être le lendemain et de découvrir le lever du soleil sur la mer !
Après une courte nuit de sommeil, le réveil sonne. Gardant les yeux clos, je soupire longuement, je suis si fatiguée... Mais repenser à la plage me donne le peu de motivation dont j'ai besoin, je me lève donc dans un bâillement, et vacille sous la lourdeur de mes membres en ce dure matinée. Depuis le début de la semaine, nous ne nous sommes pas levés après huit heures, donc j'ai pris l'habitude de me lever un peu tôt, mais pas autant d'un seul coup. Je trouve des vêtements à me mettre, que je garde en main avant d'aller me doucher. Je baille encore une fois, puis sors dans la cuisine, prenant soin de ne pas allumer la lumière, utilisant seulement la lampe de mon téléphone. La faim me prend le ventre, je bois donc un rapide verre de jus d'orange, et me dépêche d'aller dans la salle de bain pour me laver et me préparer. Ensuite, je prends rapidement une pomme, que je garde en main avant de sortir et de prendre le chemin vers la mer. Le vent frais et matinal me fait frissonner sous mon léger t-shirt, ma veste en cuir et mon short en jean.
Je croque dans la pomme tout en marchant, la douche m'a réveillée, je suis prête à entamer la journée avec plaisir ! Le chant des oiseaux et le bruit des vagues au loin caressent mes oreilles, me décrochant un sourire. Lucie avait raison, c'est très agréable de se lever tôt, et de profiter du moment, même si à la longue ça doit être fatiguant. Je sors mes écouteurs de la poche de ma veste, et les glisse dans mes oreilles, choisissant une musique au hasard dans ma playlist. Le ciel prend une teinte orangée lorsque j'arrive sur la plage, je me sens si bien, j'ai l'impression d'être libre. J'attends avec impatience le lever du soleil, retire mes écouteurs pour mieux entendre le vas et vient des vagues. J'aimerais partager ce moment avec Eléonore, mais elle n'est pas là, et c'est comme ça, on n'y peut plus rien. Je repense aux éclipses de lunes que nous avions admiré pendant un temps, aux couchers de soleil que nous regardions en nous penchant sur la fenêtre de sa chambre.
Mes yeux se perdent sur l'horizon, le soleil point ses premiers rayons, illuminant ainsi mon visage, et mes yeux ébahis s'agrandissent. C'est si beau, féérique et magique, comme si tout s'allumait d'un coup devant moi. Derrière moi, une voix se fait entendre :
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Je me retourne en un sursaut, faisant voler ma chevelure châtaine. Raphaël se tient debout, là, les mains dans les poches, un sourire timide sur le visage. Le soleil fait onduler des reflets roux sur ses cheveux blonds, puis je plonge mon regard dans ses yeux bleu océan. Je fronce les sourcils, puis demande à mon tour :
- Et toi, tu fais quoi ici ?
- C'est Lucie.
- Lucie ?
- Elle m'a dit de venir.
Je fronce encore les sourcils, puis me met à rire, comprenant le coup qu'elle venait de nous faire.
- Ok, alors elle nous a dit à tous les deux de venir ici...
- Faut croire, murmure-t-il.
- Mais pourquoi ?
- Je n'en sais rien.
Il s'assoit dans le sable, face à la mer, ses bras étendus vers l'arrière, je le rejoins, fixant l'horizon et le soleil qui prend de plus en plus de hauteur.
- Comment tu te sens ? me demande-t-il, en tournant son visage vers moi.
- Beaucoup trop bien, tellement qu'en rentrant je vais me sentir vide, je pense, et toi ?
- Un peu pareil... Enchaîner avec la rentrée ça va être dur.
Je n'y avais plus pensé ! Il ne va plus au lycée, il a passé son bac, et partira sûrement. Il aura son appartement, et tous nos liens seront coupés. Il rencontrera des nouvelles personnes, nous oubliera, puis ma vie redeviendra comme avant, avec Lucie pour seule amie... Mon sourire s'éteint, je demande :
- Tu vas où à la rentrée ?
- En prépa, à moins d'une heure de chez nous.
- Ça sera fini, on ne se parlera plus ?
Il rigole, me regarde de son visage amusé, puis déclare :
- Pas du tout, de toute manière je n'abandonne pas ma mère, je reviendrai régulièrement, peut-être tous les week-ends.
Je laisse échapper un soupir, puis baisse les yeux sur la mer et ses vagues.
- Dans tous les cas tout me paraîtra bizarre et nouveau... Pendant ces vacances on a tellement été habitués à voir notre quotidien changer...
- Oui, et c'est normal que tu te sentes un peu perdue. Mais Lucie sera là, et on pourra s'appeler si tu veux. A vrai dire, je ne pensais pas que tu voudrais encore reste en contact...
- Quoi ? Pourquoi ?
- Parce qu'on n'a pas vraiment été amis avant tout ça. J'étais seulement le copain de ta sœur, et quand je suis arrivé c'était seulement pour la retrouver. Aucun vrai lien ne nous unissait. Mais t'es pas seulement la sœur d'Eléonore.
- Tu n'es pas seulement son copain, non plus, murmuré-je.
- Je ne pensais pas que ma vision de toi changerai, tu sais. Mais le temps change les gens.
Je reste silencieuse, essayant de comprendre où il veut en venir. Je triture mes mains, puis relève mes yeux vers le ciel perdant sa couleur orangée.
- J'ai parlé à Flavien, reprend-t-il.
Je reporte mon attention sur Raphaël, lui, ne me regarde plus, trop occupé à jouer avec le sable, nerveusement.
- Dis-moi tout.
- Il a aussi peur de l'abandon, parce qu'il est apparemment très attaché à Célestin, mais il a dit que ce n'était pas pareil. Il n'aime juste pas avoir à apprendre à connaître d'autres personnes, et... il a peur de s'attacher.
- Tu penses qu'il aime Célestin ? Pourquoi il t'a fait confiance alors qu'avant-hier il avait l'air de nous détester ?
- Non, c'est son meilleur ami, je ne pense pas... Et peut-être qu'il se sentait d'humeur à me parler... Ou que comme j'ai aussi peur de l'abandon, il a bien voulu m'en parler car je le comprendrai...
- Je ne sais pas... Peut-être.
Nous restons silencieux, à regarder le ciel matinal, profitant du vent frais tant qu'il ne fait pas trop chaud. J'apprécie vraiment la compagnie de Raphaël, même en l'absence de mots, tout parait encore plus beau lorsqu'il est là.
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