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Le soleil pointe ses premiers rayons à travers les rideaux bleus de notre chambre. Je n'arrive toujours pas à croire que je suis vraiment ici, ça paraît si beau, si parfait, j'ai encore l'impression de rêver. Je me rends compte finalement que la vie a sens, si nous nous en donnons les moyens.

Je ne veux plus tomber sans me relever, je ne veux plus me laisser brûler les poumons par la peur ou la mort. Je veux moi aussi me donner les moyens de vivre, d'être heureuse. Car ça en vaut la peine. Il y a tant de preuves que l'on mérite de vivre, la vie est précieuse, attaché à un fil qui menace de se couper en deux, on peut mourir n'importe quand. Et je ne veux pas mourir sans m'être battue.

Je veux vivre, ressentir les choses, tellement que mes émotions me fassent trembler de l'intérieur, me fassent bouillir d'un feu que jamais ressenti.

C'est l'espoir qui fait bouger mes membres, qui m'aide à respirer et qui me fait réaliser la beauté de chaque instant.

Ce matin piscine avec nos nouveaux amis, cette après-midi, Raphaël nous a organisé une sortie « surprise », et ce soir nous dînerons sûrement dans un des restaurants avec vue sur la mer. C'est un beau programme, et je ne serai jamais assez reconnaissante pour avoir ces précieux diamants en guise d'amis. Je sors du lit, ce qui réveille Lucie.

— Tu fais quoi ?

— Je vais préparer à manger, dis-je en un sourire.

— Oh ! Tu prépares quoi ?

— Des crêpes, je pense.

— On a les ingrédients ? Ah oui, suis-je bête ? On les a achetés hier.

Elle se frappe le front de sa paume, je souris face à sa réaction.

— Je peux t'aider ? reprend-t-elle.

— Avec plaisir !

Elle met ses lunettes et se lève, elle et son pyjama bleu, ses cheveux emmêlés, son physique qui la complexe sans raison, elle et son aura de bonne humeur. Nous sortons donc de la chambre et commençons les crêpes.

Entre temps, Raphaël s'est réveillé. Nous sommes maintenant tous les trois assis devant la table de la terrasse. Avec un beau tas de crêpes devant nous. La brise matinale caresse ma peau et soulève ma chevelure châtaine que je m'empresse d'attacher en chignon.

— C'est une belle journée, constaté-je en levant les yeux vers le ciel bleu.

— Oui, surtout qu'aujourd'hui je vais voir Célestin ! A la piscine en plus, je n'y crois pas !

— Tu viens Raphaël ? demandé-je.

— Ouais, je veux rencontrer vos nouveaux amis ! Quand même, votre vie est mouvementée quand je dors, hein.

Nous rions, soudain, un passant nous voit et nous lance un : « bon appétit, les jeunes ! ». Nous le remercions, puis continuons à manger dans la bonne humeur.

Lorsque nous avons terminé, nous rangeons, nous allons nous préparer pour la piscine, et nous y rendons.

En sortant des vestiaires, Lucie juge utile de dire :

— Bah, Raphaël, on a fait du sport ?

Il grimace, mais elle lui donne une tape sur l'épaule, puis se rattrape :

— Ce n'était pas méchant, tu sais. C'est même un compliment.

Je souris, et passe devant lui pour découvrir la piscine. Elle est magnifique. C'est une grande piscine creusée, aux multiples formes, au fond de ce paradis aquatique, il y a des faux rochers avec prises pour escalader. Dans un coin se trouvent pleins de jeux d'eaux et de jeux pour enfants. Je reste bouche bée, et jette un regard à mes amis, cet endroit est magnifique.

Eugénie arrive, en maillot de bain deux pièces, exposant son ventre plat et son bronzage. Un grand sourire illumine son visage, elle s'écrie :

— Je suis trop heureuse de vous voir ! Vous allez bien ?

— Super, dis-je en cœur avec Lucie. Et toi ?

— Ça va très bien ! C'est qui ?

— C'est Raphaël, il a dix-huit ans, dis-je. Je te présente Eugénie.

— Enchanté ! disent-ils en même temps.

— Célestin est là-bas, avec Flavien, reprend-t-elle en pointant un coin de la piscine du doigt, puis elle penche la tête vers Lucie, en un sourire. Et il est célibataire.

— Hein ? Quoi ? Non, je... suis pas intéressée, bafouille ma meilleure amie.

Nous explosons de rire tandis que son visage prend une teinte écarlate.

— Je vais aller me présenter à eux deux, tu viens Lucie ?

— Oui, j'arrive.

— On va dans l'eau, du coup ? demandé-je à Eugénie.

— Bien sûr ! Y'a même un coin jacuzzi, c'est trop bien.

— J'imagine !

Elle m'offre un grand sourire et nous nous rendons dans l'eau tiède. Il y a peu de monde, sûrement parce qu'il est dix heures, et que les gens viennent plus dans l'après-midi... Eugénie commence à nager, ses cheveux roses flottant à la surface de l'eau, puis me demande :

— Vous êtes ici pour combien de temps ? Vous êtes venus entre amis ?

— Une semaine, et oui, on vient entre amis, pour une raison un peu particulière...

— Ah bon ? Quoi ?

— Je n'ai pas trop envie d'en parler, mais en gros c'est pour faire un deuil...

L'image d'Eléonore me revient en tête, son sourire, son bonheur, tout ce qu'elle a pu m'apporter... Mon cœur se serre, en repensant à tout ça.

— Oh... Je suis vraiment désolée. J'espère que ça ira mieux pour vous.

— Ça fait toujours du bien de changer d'horizon.

— Oui, c'est vrai, c'est super ici.

Sa voix est douce, presque enfantine. Je souris, puis continue de nager un peu. J'ai toujours aimé le contact de l'eau sur ma peau. Je n'ai pas eu énormément d'occasions d'aller dans des piscines, mais j'aime nager. Lorsque ma tête est sous l'eau, c'est comme si tous mes problèmes, toutes mes pensées envahissantes s'en allaient. Lorsque je ressors de l'eau, Lucie est avec nous, accompagnée de Célestin et Raphaël.

— Tout va bien ? demande-t-elle.

— Ouais, super, je suis trop contente ! Et toi ?

— Ouais, on s'est dit qu'on pourrait faire une bataille d'eau un peu plus loin, on a des pistolets à disposition.

— Oh, trop bien ! J'arrive ! intervient Eugénie.

— C'est d'accord !

Nous cinq partons donc chercher nos pistolets à eau, puis commençons une bataille d'eau sans pitié.

A bout de souffle, après on ne sait combien de temps à se battre, nous nous asseyons tous par terre, en riant.

— Et si on allait pique-niquer ce midi ? propose Célestin.

— Oh oui ! s'exclame Eugénie. Il faut vous faire découvrir la ville ! Je connais un endroit trop bien pour ça !

— Moi je suis partante à cent pourcent ! s'écrie Lucie.

— J'espère que Flavien voudra bien venir... murmure Célestin.

Et c'est comme ça que nous nous retrouvons dans un parc magnifique de la belle ville de nos vacances, assis par terre en tailleur, avec des sandwichs achetés en supermarché. Ce lieu est magique, parsemés de fleurs. Un court d'eau sépare le parc en deux, relié par un pont en bois. De temps en temps, on peut entendre ou voir les poissons sauter en dehors de l'eau. Une couverture de chaleur nous entoure, mais ce n'est pas désagréable, tant que c'est rafraichi par les quelques vents frais qui passent. Ces courants d'air qui font bouger les branches d'arbres, qui soulèvent mes cheveux châtains... J'ai l'impression d'être connectée à la nature, ça fait vraiment du bien.

Flavien a décidé de nous accompagner, mais reste discret.

Eugénie rejette ses longs cheveux colorés en arrière, puis nous confie :

— Je suis super contente de vous avoir rencontré, vous êtes trop cool !

— Moi aussi, je me suis grave amusé ce matin, avoue Raphaël.

Je lui lance un sourire sincère, je suis contente qu'il se soit intégré. Je jette un coup d'œil à Flavien, la mine renfrognée, le visage baissé, sa tignasse rousse en bataille. Sentant mon regard posé sur lui, il grogne :

— Qu'est-ce t'as toi là ? Regarde autre part.

Je détourne le regard, mon cœur se serre, pourquoi est-il comme ça ? Célestin intervient :

— Flavien, t'es vraiment chiant, sérieux. Pourquoi tu ne peux pas accepter mes nouveaux amis, je n'ai pas le droit d'avoir une vie ? Arrête vraiment de faire le relou avec tout le monde...

Flavien fronce les sourcils de colère, Eugénie baisse le visage, Célestin souffle en fermant les points.

— Je suis désolé... s'excuse Flavien. Je vous promets de faire des efforts. Voilà, t'es content ?

Célestin reste silencieux. J'aimerais disparaitre, la situation embarrassante ne fait qu'empirer. Flavien a l'air d'un adolescent en pleine crise, mais je suis certaine qu'il a ses raisons. J'aimerais pouvoir l'aider, lui parler, lui dire qu'il peut nous faire confiance... Je triture mes mains et lève les yeux vers Lucie, grimaçante, et Raphaël qui porte son sandwich à la bouche en faisant semblant de n'avoir rien vu ni entendu. Je décide de prendre la parole :

— Tu sais, Flavien, on n'est pas méchants...

— Je sais.

— On veut juste être vos amis, pourquoi tu réagis comme ça ?

— Pourquoi ? s'écrie-t-il d'une voix menaçante. Parce que vous entrez dans ma vie et vous allez tout basculer. Et foutre la merde, en occurrence.

Il se lève, ramasse ses affaires, remonte sa capuche sur sa tête, et s'en va rapidement, les yeux fixant le sol. C'est de mal faute s'il se sent mis de côté, il est venu avec son meilleur ami ici, je suppose qu'il n'avait pas l'intention de rencontrer du monde...

— Je suis désolée pour... Bref, c'est Flavien, quoi. Faudra s'y habituer, lâche Eugénie après un petit rire nerveux.

— Ignorez-le, je lui en parlerai plus tard. Ce n'est pas de sa faute...

— La peur de l'abandon... murmure Raphaël. Je connais ça, je pourrais lui parler tu penses ?

— Je ne sais pas, hésite Célestin. S'il te laisse l'approcher, oui.

— Bref ! ajoute Lucie en se levant pour aller chercher son sac à dos. J'ai des bonbons pour le dessert, qui en veut ?

— Moi ! s'exclame Célestin en s'approchant d'elle.

Le visage de mon amie se courbe en un grand sourire, ses yeux pétillent de joie, elle sort le paquet de bonbons, que nous dégustons avec plaisir.

Lorsque nous avons terminé, nous nous allongeons dos contre l'herbe, chatouillés par la douce odeur des fleurs, le soleil frappant doucement notre peau, et nos cœurs qui battent à la même allure. Raphaël à ma droite, Eugénie à ma gauche, Lucie tout à gauche à côté de son très cher Célestin. Ma main touche celle de Raphaël, me brûlant les doigts au passage. Nous avons juste l'air d'un groupe de cinq ados étranges, mais qu'est-ce que j'en ai à faire ? Ça me fait du bien d'être là, de profiter, de respirer, de me sentir vivre enfin après plus de deux mois à me cacher. Comme un papillon qui sort enfin de son cocon après avoir été chenille toute sa vie. Ça me fait du bien d'avoir ma main effleurant celle de Raphaël, ça me fait du bien de voir Lucie heureuse, en train de frôler l'amour. Comme un papillon qui frôle une fleur. C'est juste bon d'être avec ceux qu'on aime, et ne plus penser à rien.

Lucie se racle la gorge puis prend la parole :

— Vous avez l'air super proches comme frères et sœurs...

Eugénie se redresse sur les avant-bras, puis regarde mon amie, et lui lance en riant :

— C'est ce dont on a l'air... Non en vrai, on a des bons délires, avec Amanda aussi, mais elle s'est déjà fait des amis du coup on la laisse tranquille. On essaie d'être positifs au maximum, et on passe beaucoup de temps à rire, ensemble.

— C'est vrai ! Depuis qu'Eugénie a...

Elle lui donne un coup sur la tête avant de s'empresser de dire :

— Ce n'est pas important. Bref, on se dispute comme tous les frères et sœurs mais on s'entend très bien quand même.

J'échange un regard surpris avec Raphaël, mais après tout ce ne sont pas mes affaires, alors je décide de ne rien dire.

— J'avais oublié ! s'exclame soudain Raphaël. Il faut qu'on y aille, on a rendez-vous.

Nous nous retournons tous vers lui, sans comprendre pourquoi il réagit comme ça.

— Lyane, Lucie ! On doit y aller, c'est pour votre « sortie surprise », on va être en retard. C'est à treize heures trente.

Eugénie explose de rire tandis que nous nous levons tous pour récupérer nos affaires, en s'agitant dans tous les sens pour essayer d'aller plus vite. Les battements de mon cœur battent plus vite, j'hésite entre exploser de rire moi aussi tant la situation est drôle, ou à pleurer parce que c'est stressant. Célestin et sa sœur nous aident, puis quand nous sommes prêts à partir, ils nous font la bise et retournent au camping. J'attrape donc mon sac presque vide, de paquets de bonbons terminés ou de nourriture, dû au manque de poubelles dans le parc.

— Si j'ai bien regardé la carte, c'est à cinq minutes environ d'ici, coup de chance ! s'exclame Raphaël, le sac de Lucie accroché à son bras et le sien sur le dos.

Lucie soupire et replace ses cheveux derrière sa tête, essayant au passage de démêler quelques mèches. Nous suivons Raphaël, sans savoir où nous allons. Lorsque nous arrivons enfin, j'ouvre de grands yeux ébahis, et saute de joie avant de me jeter au cou de mon ami. C'est la plus belle surprise qu'il pouvait m'arriver, et ça sera sûrement le meilleur moment de la semaine.

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