40
Deux heures plus tard, première pause, comme le dirait la mère de Raphaël. Lucie dort en ronflant légèrement, la tête écrasée contre la vitre de la fenêtre. Raphaël coupe le moteur et déclare sans expression :
— Je vais marcher un peu, tu peux venir si tu veux.
J'hésite au début, par flemmardise, puis je me décide à sortir, juste pour les étoiles. Le ciel est dénué de nuages, on aperçoit clairement les astres.
Les étoiles scintillent si fort ce soir. Mes douleurs ne sont rien face à l'immensité du monde, la grandeur de l'univers. Pourquoi serait-ce mal de se sentir vide alors qu'on en est entouré ? Au final nous ne sommes qu'une poussière dans le temps et la galaxie, pourquoi se prendre la tête et s'empêcher de vivre ?
La tête basculée en arrière et les yeux concentrés sur le ciel, je ne vois pas Raphaël se placer à mes côtés, il murmure :
— C'est vraiment beau. Avec un peu de chance tu pourras voir une étoile filante.
Je tourne mon regard vers lui, il me fait un clin d'œil puis s'éloigne marcher un peu.
— Attends-moi ! J'arrive.
Je cours pour le rattraper, puis je ralentis et marche à sa vitesse. Il a le regard vide, posé loin devant lui, comme s'il cherchait à atteindre un but, un endroit précis. Le chemin nous est éclairé par le clair de Lune et quelques lampadaires. Nous entendons un cours d'eau, et peut-être une petite cascade, de l'autre bout de la route.
— T'as déjà vu une étoile filante ?
— Oui, et toi ?
— Oui, plusieurs... Avec Eléonore. T'as fait quoi comme vœu ?
— Ça ne se dit pas, tu sais, affirme-t-il en tournant vers moi un regard rieur. J'ai souhaité exister.
— Exister ? répété-je bêtement, sans comprendre où il voulait en venir.
— Oui, exister aux yeux des gens, avoir un minimum d'importance pour les autres.
— Ahhh... Et maintenant, tu ferais encore ce souhait ?
— Non. Je n'en ai pas besoin. A vrai dire, j'ai déjà ce qu'il faut pour être heureux. Je veux dire... pas besoin de plus.
— Je vois.
Nous continuons de marcher en silence, sur le bord de la route, à côté d'une forêt de sapins dont l'odeur vient chatouiller mes narines. La tranquillité coupée par quelques voitures qui passent. Mes fins cheveux sont balayés par un vent frais, je glisse une mèche derrière mon oreille. Raphaël reprend la parole :
— Tu sais, Lyane, je suis content que tu sois restée, que tu ne m'aies pas abandonné...
Mes joues pâles prennent une teinte rose, puis je tourne mon visage vers le sien. Ses cheveux blonds sont ébouriffés à cause du vent, ses yeux brillent toujours au loin, il ne m'offre pas un regard, pas un sourire.
— C'est normal, je ne te laisserais pas seul.
— On n'en sait rien... T'as Lucie depuis toujours, et moi j'arrive comme ça...
— Ce n'est pas si mal, on se comprend et on s'entraide, c'est la meilleure chose à faire.
— Tu as raison, murmure-t-il. Merci pour tout.
Je lui offre un sourire, qu'il me rend, puis je détourne le regard vers la forêt, et les millions de petites bêtes qu'elle peut accueillir.
Peu de temps après, nous reprenons la route vers la voiture, lorsque nous entrons, Lucie est réveillée.
— Tu ne sors pas ? demandé-je.
— Non, je voulais vous laisser lol, et pas besoin d'aller marcher.
— Ça fait longtemps que t'es réveillée ?
— Même pas deux minutes, continue de rouler Raphaël, s'teuplait, pour que je puisse dormir.
Il rit et se reconcentre sur la route pendant que j'essaie à mon tour de m'endormir, bercée par les mouvements du véhicule.
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