37
— Merci pour le trajet.
— T'inquiète, Lyane, c'est normal.
Je sors de sa voiture, lissant ma robe blanche. Je glisse une mèche de cheveux derrière mon oreille, puis déclare.
— Tu sais, des fois je me demande vraiment comment tu peux rester calme dans certaines situations.
Raphaël me rejoint, puis sourit :
— J'ai toujours été comme ça... Pourtant ça ne veut pas dire que je ne suis pas touché... Je suis très déçu par Nicolas, jamais je ne l'aurais imaginé faire ça. Mais c'est sûrement dans ma personnalité, savoir rester impassible... Ne pas montrer mes émotions...
— C'est un peu déstabilisant...
— Je te comprends, dit-il en riant.
Je pousse un soupir, levant ma tête au ciel, sous la chaleur du soleil, puis déclare :
— Bon... Va falloir explique à Lucie pourquoi je suis célibataire, maintenant... Je n'en reviens pas... Qui aurait cru qu'il aiderait l'ennemi ? Surtout que c'est en partie Amibal qui a tué Eléonore...
— Je sais... Et j'ai aussi du mal à y croire, mais je prendrais le temps pour une longue discussion, assure-t-il en insistant sur le mot « longue ». Trahi par son meilleur ami...
Il secoue la tête de gauche à droite, il semble perdu. Soudain, la porte de chez moi s'ouvre derrière nous. Ma mère se situe dans l'encadrement, les bras sur les hanches.
— Que faites-vous ici ? Il fait chaud. Entrez donc, c'est chez vous.
Je lance un regard amusé à Raphaël, puis entre, redécouvrant la fraicheur intérieure.
— Comment tu vas, Raphaël ? demande ma mère. Comment tu vis tout ça ?
— On fait comme on peut... Et vous ?
Elle se rapproche de lui, marmonnant à son oreille.
— Ah oui, dit Raphaël. Je comprends, mais pourquoi ?
— Je n'aime pas trop que l'on voit mes faiblesses.
— Maman ? C'est humain de mal vivre la perte d'un être cher ! Moi aussi j'ai mal, c'était ma sœur !
— Je sais, chérie, mais je suis ta mère, et je veux montrer le bon exemple.
— Le bon exemple ? marmonné-je à moi-même. En buvant tout le temps ?
— Quoi ? demande-t-elle.
— Non rien...
Je jette un œil à Raphaël, puis souris en constatant qu'il est mal à l'aise. Il me rend ce regard et bafouille :
— Je dois rentrer... De base je raccompagnais seulement Lyane, au revoir !
Il me fait la bise, et s'en va en vitesse.
— Ah oui, il était pressé... constate ma mère.
— D'ailleurs, j'ai un livre à terminer, je file.
Je monte les escaliers en quatrième vitesse, puis m'affale dans mon lit avec un livre jusqu'à ce que la nuit tombe. J'ai rapidement envoyé un message vocal à Lucie, pour tout lui raconter au sujet de Nicolas. Y repenser a fait remonter ma colère. Puis je repense à Eléonore, comment aurait-elle réagit ? Elle a toujours été douée en matière de relations sociales. Et moi... Premier fois que j'aime une personne, première fois que j'étais prête à donner ma vie... J'ai été utilisée, je n'étais qu'un objet pour lui.
Je me lève, shootant dans un tas de vêtement au passage. Il faut que je sorte, que je prenne l'air, que je me change les idées.
Eléonore, je suis désolée de penser à Nicolas, je suis désolée d'avoir été naïve. Et si je n'avais pas fait confiance à Nicolas, est-ce que tout aurait été différent ? J'aurai rapporté Amibal à la police, ils auraient retrouvé ma sœur, elle serait vivante.
Elle aurait pu survivre, et c'est de ma faute si elle est morte, parce que j'ai fait confiance à un abruti. Tout est de ma faute, je ne peux en vouloir qu'à moi...
Mes parents, cloitrés dans le salon, ne me voient pas sortir. La chaleur de dehors me coupe la respiration pendant une seconde. Et les larmes coulent sur mon visage éclairé par le clair de lune. Ce n'est pas Nicolas, c'est moi. J'ai tué Eléonore, parce que je lui ai fait confiance. Mais lui, pensait bien faire... Il a été naïf, mais ce n'est pas sa faute.
Je sors mon téléphone de la poche, justement, il m'a envoyé un message. Mes mains tremblent, et mon cœur bat, j'ai peur d'ouvrir, peur de voir ses mots. J'appuie sur la notification, et découvre un énorme texte :
« Lyane... Je suis encore désolé. Je peux comprendre que tu ne veuilles pas de mes excuses, ou qu'il te faudra du temps. C'est peut-être fini nous deux, sûrement, et je comprends, tu ne voudras plus jamais tenter avec moi, tu dois ressentir du dégoût pour moi, maintenant. Je t'ai aimé, sincèrement, et très rapidement, je ne m'étais jamais attaché aussi vite. Je ne veux pas que tu doutes des sentiments que j'ai pu avoir.
J'ai fait une erreur. Je l'ai vite regretté. Je n'ai pas réfléchi en signant avec Amibal. Empêcher quelqu'un de prévenir la police, c'est pas compliqué ? Je pensais pas que ça pourrait faire aussi mal. Sûrement que tu regrettes de m'avoir fait confiance. Et je me rendais pas compte que ça blesserai Raphaël, toi je te connaissais pas. Je pensais que c'était en dehors de tout. Amibal m'avoir décrit cette « « « mission » » » comme héroïque. Et tu sais... Les gars comme moi bah... ça veut se sentir utile.
Je suis ridicule. Et je sais même pas pourquoi je t'envoies ça. Tu dois me détester maintenant. J'ai tout gâché, moi qui pensais que notre relation aurait donné quelque chose de beau.
T'as pas besoin d'autorisation, je le sais, mais vas-y, rencontre d'autres gars, aime quelqu'un d'autre que moi, je le comprendrai. J'aimerais te dire merci pour ces belles choses que tu m'as apportées. »
Des frissons me parcourent le corps, les larmes reprennent de plus belle. Je fais décidemment tout de travers. Je m'énerve contre tout le monde, je fais n'importe quoi. Je tape fragilement quelques mots sur mon écran :
« Je suis désolée pour tout ça. Je vois, toi aussi tu as fait des erreurs, tout le monde peut en faire. Tu peux pas savoir comme je culpabilise d'avoir tué Eléonore. Si ça n'était pas arrivé, je t'aurais aussi dit « merci pour tout ». Pour ces beaux moments, toutes les belles paroles que tu m'as offertes. Dans d'autres conditions j'aurai été heureuse. Tu comprends comme ça peut être dur pour moi... Alors non, je ne te laisserai pas de deuxième chance, mais je te pardonne. Et je te souhaite de vivre une belle vie, de rencontrer des belles personnes. T'y arriveras, parce que t'es quand même quelqu'un de merveilleux. »
Hésitante, j'appuie sur envoyer. Les battements de mon cœur accélèrent, j'espère qu'il le prendra bien. Nous venons de signer notre séparation, c'est dur, mais d'un côté il le fallait. Il fallait mettre tout ça au clair, réorganiser notre tête et notre cœur. Je reprends le contrôle de ma respiration, puis passe mon téléphone en mode vibreur avant de le glisser dans ma poche.
Je me mords la lèvre, ravalant mes larmes, les yeux levés vers le ciel étoilé. Je marche quelques pas, profitant du paysage sous la blanche lumière lunaire. Un vent frais et agréable vient secouer quelques feuilles d'arbres. Hormis des chouettes ou hiboux qui hululent, c'est le calme plat.
Je m'approche d'un poteau, sur lequel une affiche se présente. Je grimace en lisant « avis de recherche » au-dessus de son visage, puis marmonne amèrement :
— Je suis désolée... De ne pas avoir été là, de ne pas avoir pu te sauver. Je suis désolée de t'avoir tuée. Eléonore... Si tu savais comme tu me manques.
Je jette ma tête en arrière, en soufflant d'énervement. Bien sûr qu'elle ne me répondra pas. Bien sûr qu'elle ne reviendra pas. Je sens la colère bouillir dans mes veines. Enervée contre moi-même, contre le monde entier. Je m'en veux, et me dégoûte. Je n'ai pas réfléchi, tout aurait pu se passer autrement. Mais tout est de ma faute. Je me déteste, et elle aussi doit me détester.
Rageusement, j'arrache cette affiche et la roule en boule, pour finalement la jeter au sol. J'ai envie d'hurler contre moi-même, de me frapper, de m'arracher les cheveux. J'ai envie de crier que je suis une meurtrière, je veux hurler que je suis désolée, comme si dire ces mots pouvait pardonner. Les poings serrés, ma respiration s'accélère comme les battements de mon cœur. Je suis si instable ces temps-ci.
Je me recroqueville finalement, la tête dans les bras, laissant mes larmes couler à flot. J'ai si honte et tellement de dégoût envers moi. Comment tout a pu tourner aussi mal ? J'ai réussi à devenir, en quelques jours seulement, le genre de personne que je déteste. Je relève le visage, et vois la feuille de papier s'envoler grâce au vent. Si seulement je pouvais disparaître aussi facilement...
Soudain, je sens mon téléphone vibrer dans la poche, alors je me relève, lisse mon short de pyjama, rajuste mon haut, et allume l'écran. C'est Lucie, qui s'énerve contre Nicolas, qui dit qu'il ne me méritait pas, et qu'elle me souhaite de tout son cœur de trouver quelqu'un de mieux. De toute manière, j'avais tort de m'engager dans une relation amoureuse avec tout ce qui m'arrivait autour, et je le savais. Mieux vaut ne plus m'inquiéter sur ce sujet. Je tape quelques mots sur l'écran pour répondre Lucie, la rassurer, puis me décide à rentrer. Lucie m'a promis de venir à la maison demain.
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