33
Le lendemain, j'ai décidé d'aller chez Lucie. Mon état ne s'est pas amélioré depuis que Nicolas est parti, il faut vraiment éviter que je sois seule. Lucie et moi regardons un vieux film Disney sur sa télé à écran plat. Leur maison est plutôt petite, à étage, mais parfaitement ordonnée. Tout est très clair et bien rangé, un peu le contraire de mes pensées en ce moment. Ses parents sont adorables, toujours accueillants, toujours prêts à aider. Lorsque le film se termine, nous montons dans sa chambre tout aussi rangée.
— Comment tu te sens face à tout ça ? me questionne Lucie.
— Très petite, impuissante... J'ai envie de pleurer à chaque fois que j'y pense... répondé-je, d'une voix tremblante.
— Ça te fait du bien d'en parler, ou on évite ?
— Ça me fait du bien. Je suis dépassée par tout ça, j'ai l'impression d'être dans un autre monde. Un monde où tout s'effondre, et où plus rien n'a d'importance. D'un côté je ne réalise pas, j'ai l'impression de la revoir, j'ai l'impression qu'elle me parle... Des fois, c'est comme si elle me prenait la main et me menait, elle décidait ce que j'allais faire. Je fais des rêves, des cauchemars affreux, ou je la revois, son corps sans âme. C'est horrible. J'ai envie de tout oublier, comme si rien ne s'était passé. Tout effacer, et faire comme si elle était encore là.
— T'es sûre ? Ça ne risquerait pas de te faire du mal ?
— Non, affirmé-je en secouant la tête. De tout manière, j'ai déjà mal, ça ne peut pas être pire. Il faut que je m'occupe, que je pense à tout sauf ça, comme si de rien n'était.
— Lyane, faire le deuil, ce n'est pas ça... C'est accepter qu'elle soit partie, pas fermer les yeux. J'ai une idée, on peut aller sur un lieu important pour toi et elle...
— N'y pense même pas. Je veux l'oublier ! Je ne veux plus me remémorer de souvenir.
— On n'ira pas pour observer et se rappeler, juste pour dormir à la belle étoile là-bas, pour honorer ce lieu. En aucun cas il y a écrit « propriété d'Eléonore », Lyane.
Je sens mon ventre se serrer, ma gorge se nouer et les larmes me montent aux yeux. Ce n'est pas une vraie amie, elle veut me rappeler qu'elle est morte, elle veut que je souffre. Lucie pose une main sur mon épaule, et me regarde fixement, puis déclare :
— Lyane, tu sais que je veux que tu sois heureuse, je suis ta meilleure amie. Je suis là pour toi, et je sais ce qui est bon. Il faut que tu acceptes que tout ça est arrivé. Alors, demain, ok ? On ira camper avec Raphaël et Nicolas, de l'autre côté de la rivière.
— Lucie...
— Chut, aller, profitons de cet après-midi, et ce soir, tu dors chez moi, d'accord ?
— D'accord...
J'esquisse un triste sourire, puis elle me prend dans ses bras, en marmonnant que tout ira bien.
Plus tard, je décide d'envoyer un message à Raphaël : « Salut, comment tu te sens ? on se voit demain, Lucie propose qu'on aille camper près de chez moi. Ça pourrait nous changer les idées. Je comprends combien ça peut être dur pour toi, ça te ferait du bien d'en parler, j'en suis sûre. Bisous, bon courage. ». Il me laisse sans réponse, fallait s'en douter. Plus le temps passe, plus l'appréhension monte, j'ai peur de retourner sur ce lieu qui était si important pour Eléonore et moi. J'ai peur de tous ces souvenirs qui se sont ancrés là-bas, j'ai peur d'ouvrir les yeux un peu trop grand sur notre passé.
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