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Amibal nous ouvre la porte, lui aussi tremble, pourquoi ? Raphaël me lance un regard étonné, puis nous avançons doucement dans cette cave sombre, où l'air nous manque, où aucune lumière ne passe. Seule une petite lampe jaunâtre, dans un coin, éclaire cette salle de taille moyenne. Entourée de murs gris, délabrés, je me sens oppressée, compressée, ma respiration est saccadée et se fait de plus en plus rare. Mon regard soucieux se pose sur chaque coin, sur chaque meuble au sol. Il y a une petite armoire grise, des toilettes dans un coin, un lavabo, et un petit lit à même le sol. Comment peut-on vivre ici plusieurs mois ? Ne voyant pas Eléonore, je m'écris à l'intention d'Amibal, la voix tremblante :
— Où est Eléonore ? Où est ma sœur ?
Les larmes menacent de couler, mes points sont serrés contre mes cuisses. Il nous a menti, elle n'est pas là.
— Sous la couverture... Elle...
Je me précipite vers le lit, si elle dormait elle serait déjà réveillée, non ? La peur me prend le ventre, mes membres tremblent. Je soulève doucement la couverture, et découvre son doux visage qui m'avait tant manqué. Son corps est inanimé, comme dans un profond coma, la panique me prend :
— Que... Qu'est-ce qu'elle a ? Amibal... Pourquoi elle...
— Je suis vraiment désolé...
Celui-ci reste à la porte, demeure incapable de bouger, le regard rivé vers le sol. Mon cœur bat à mille à l'heure, non, c'est impossible. Elle n'est pas morte, je ne peux pas y croire. J'ai envie d'hurler ma rage, hurler la douleur qui prend possession de mon corps, mais aucun mot ne sort, rien.
Raphaël me rejoint près du lit, il me montre des boites vides de médicaments au sol.
J'explose en larmes, secouée de milliers de sanglots, et m'écroule au sol, à genoux. Une mer s'écoule le long de mes joues, je n'arrive pas à y croire, Eléonore...
— Non, réussis-je à dire, la voix saccadée. Elle va survivre, sûrement qu'elle n'en a pas pris assez pour... Pour... Elle va survivre, tout va... bien se passer.
Je jette un regard à Raphaël, qui ne bouge pas d'un pouce, totalement pétrifié. Tout ce temps d'attente pour voir un cadavre, ma sœur, morte... Mes jambes sont lourdes, ma tête tourne, je me sens vide, tout se désintègre autour de moi. Le monde entier que nous avions construit, tout se détruit, encore et encore, devant mes yeux. C'est affreux, horrible, chaque souvenir passé avec elle me revient, puis disparaît. Plus rien n'a de sens. Je me rapproche du lit, retire entièrement la couverture, prends les mains d'Eléonore, et supplie :
— Non, Eléonore, non... Tu ne peux pas me faire ça, tu ne peux pas m'abandonner, putain. Je suis si seule, je ne suis plus rien, sans toi... Tu es forte, tu vas survivre... Reviens, je t'en supplie !
Mes joues sont maintenant inondées de chaudes larmes, j'exerce une pression sur la main de ma sœur. Si seulement on pouvait tout effacer et tout recommencer, je suis prête à faire des millions d'efforts pour elle. Je me retourne finalement, dos au lit, les membres tremblants, et les yeux rougis.
Raphaël se met soudainement à hurler, et à frapper le mur de son poing, la colère bouillonne dans ses veines, je ne l'ai jamais vu aussi énervé. Il s'approche dangereusement d'Amibal et l'attrape par le col pour le menacer :
— Je vais vous tuer ! Vous allez payer pour ce crime. Je vous hais de toute mon âme.
Du peu de force qu'il me reste, je m'approche d'eux et empêche Raphaël de le frapper, je le prends dans mes bras, les larmes coulant sur nos deux visages.
— Je vous promets que je ne voulais pas que ça se termine comme ça..., implore Amibal. Laissez-moi vous expliquer.
— Non ! Je ne veux même pas entendre un monstre de votre type. Comment pouvez-vous faire ça ? C'est inhumain.
— Raphaël... Calme-toi. Il a peut-être des explications à nous donner..., dis-je la voix coupée par des sanglots.
Nous suivons Amibal, les jambes tremblantes, presque incapables de nous porter. Il nous emmène dans son salon, où il nous propose de nous assoir :
— Bon... Je reprends depuis le tout début. De base, j'étais le dealer d'Eléonore, c'est comme ça qu'on s'est connus. Elle payait de ses économies, tout allait bien... Jusqu'au jour où elle ne pouvait plus payer. Elle n'était pas ma seule cliente, alors je n'avais pas de problème, mais ça commençait à me revenir cher à tout lui donner gratuitement. Alors je lui ai dit de me payer, ou ça pourrait mal se passer.
Eléonore se droguait ? C'est si soudain pour moi, mes yeux ne peuvent s'empêcher de fait couler des larmes, elles s'échappent de mon corps, mon corps dégoûté par tout ce que j'apprends aujourd'hui.
— Pourquoi j'avais besoin de cet argent ? Vous vous le demandez sûrement. Je ne vivais pas trop mal, mais... J'en avais besoin pour... ma sœur.
Une larme coule de ses yeux, à lui aussi, le long de son visage blanc, sous ses cernes noircis.
— Elle avait besoin d'aide. Elle a été violée à l'âge de seize ans, et s'est donc retrouvée seule pour élever deux enfants... Elle n'avait pas du tout d'argent, et nos parents sont morts lorsque nous étions très petits. Je comprends parfaitement ce que vous pouvez ressentir... Et je ne voulais vraiment pas qu'Eléonore meure. Le plan était de l'enfermer pour demander une rançon. L'enfermer elle, car elle ne payait plus. Au fil du temps, elle a commencé à perdre la raison, sans que je ne sache pourquoi. Je la nourrissais assez, elle dormait bien... Elle me menaçait souvent de se suicider, elle ne voulait pas que vous perdiez du temps à gagner de l'argent pour la sauver. Je vous demandais alors de vous presser, de me payer afin de la retrouver au plus vite. Et... ce matin...
J'en ai assez entendu, je me précipite à l'extérieur, retrouve Lucie, Nicolas, et des voitures de police. Lucie m'ouvre grand les bras et m'y accueille, elle me laisse pleurer, nous deux, enlacées, sans un mot. Ses bras se resserrent sur mon dos dans un contact rassurant. Elle me comprend, sans que je n'aie besoin de parler, et je lui suis tellement reconnaissante.
Raphaël sort à son tour de la maison de campagne d'Amibal, accompagné de ce dernier. Il marche lentement, sans conviction, comme si de toute manière il n'avait plus rien à vivre, et que ça ne lui servirait à rien d'avancer. Les policiers sortent de leurs voitures et attrapent Amibal par les bras, et le forcent à aller dans un véhicule.
— Il y a son corps... Dans la cave, leur hurlé-je. Il faut faire quelque chose...
— Ne t'inquiète pas, fillette, nous gérons la situation.
Raphaël s'avance lentement, le regard vide, les bras pendants le long de son corps devenu maigre. La fatigue se reflétant sur son visage couvert de larmes, il semble avoir abandonné. Il semble avoir tout abandonné...
Lucie prend la parole en me caressant les cheveux :
— Que s'est-il passé ?
— Elle...est morte. Je n'y crois pas...
— Ma chérie... Toute mes condoléances... Je ne sais pas quoi dire, je suis sincèrement désolée pour toi...
— Je me sens si mal, j'aurais dû être là avant..., déclaré-je tristement.
Elle me prend la main et exerce une petite pression. Amibal ressort de la voiture de police en leur criant d'attendre. Il tient quelque chose dans sa main, une lettre.
— Lyane... J'ai ça pour toi. C'est de la part de ta sœur.
— Merci, bafouillé-je.
J'attrape l'enveloppe, et il retourne dans la voiture. Un policier vient nous voir, et nous propose de nous raccompagner chez nous, ce que nous acceptons.
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Salut. Mon dieu cette partie. Je vous envoie plein plein d'amour en contre-partie :)
Ça a été très compliqué à écrire, et je ne sais pas si ça rend bien, je ne sais pas si j'en ai trop fait, ou pas assez...
Dans cette situation, vous aurez réagi plutôt comme Raphaël ou Lyane ? Ou autre ?
En tout cas, merci de lire, et l'histoire n'est pas encore finie, aha ^^ Bisous <3
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