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Des centaines de photos sont affichées dans l'album que je feuillette, mon cœur est secoué de nostalgie. Mes mains tremblent à chaque page que je tourne. Ma respiration est saccadée alors que j'essaie de la calmer, je revois tous ces bons moments passés avec ma sœur, de notre plus jeune âge à il y a quelques mois. Nos sourires s'épanouissaient sur nos visages, nous semblions si heureuses, le lien qui nous unissait était tellement fort...

Nous passions souvent des vacances avec nos grands-parents, contrairement à nos parents qui préféraient rester à la maison.

Je me remémore ces précieux moments, où tout problème était oublié pour laisser place à l'insouciance et au bonheur. Une des photos me touche profondément, sur celle-ci, on nous aperçoit, Eléonore et moi, sous la neige, les bras levés au ciel et la bouche entrouverte pour attraper des flocons.

Je me souviens bien de cette journée, c'était la première neige de l'année, lorsque que j'avais dix ans, et elle douze. Cela faisait bien longtemps que nous n'en avions pas vu ni touché, alors dès qu'on a remarqué que des flocons commençaient à tomber, nous nous étions précipitées dehors, un grand sourire collé aux lèvres.

— Regarde, Eléonore, ils dansent ! m'étais-je écrié, les yeux pleins d'étoiles.

— Je vois ça, on dirait que des paillettes tombent du ciel.

Sous l'euphorie, nous avions ri aux éclats, ma sœur m'avait prise dans ses bras, pour me faire tournoyer dans les airs. Nous frissonnions sous nos pyjamas d'hiver, des baskets mises trop hâtivement pour être bien attachées. Nos parents dormaient encore, et nous courions dans le jardin, comme des folles.

Puis, Eléonore, m'avait murmuré :

— T'es belle comme un flocon, tu sais. Ne laisse jamais les dangers extérieurs te faire fondre, voire pire.

— Ça veut dire quoi ?

— Tu comprendras plus tard.

Je me rappelle de ses joues rougies par le froid, ses longs cheveux blonds, qui, même pas coiffés la rendaient belle, elle avait l'air d'un ange.

Une voix me sort de mes pensées :

— Salut.

Je me retourne en un sursaut, la silhouette de Raphaël se dessine au seuil de ma porte. Je m'empresse de refermer le livret, soupirant un bonjour, les paupières refermées. Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un rentre. Raphaël me tend une lettre :

— Désolé, elle était posée sur la table, tes parents m'ont dit que c'était pour toi.

— Pourquoi es-tu venu ?

— Je... Ben, tu vois, je suis en plein dans mes épreuves de bac. Sauf qu'en révisant avec un ami, il s'est rendu compte que j'avais l'air préoccupé. Ben du coup je lui ai dit que je pensais à tout ce qui nous arrive là.

— Sérieusement ?! Donc, tu balances ça à n'importe qui ?

— Eh, Lyane, c'est une disparition, Eléonore est affichée à tous les coins de rue, bien sûr qu'il est au courant ! Puis c'est mon ami, je lui fais confiance.

— Putain, je ne comprends pas comment après autant de temps personne ne l'ait retrouvée ! La police ne fout rien, ou quoi ?! Personne n'en a rien à faire !

— Lyane, calme toi...

Les yeux clos et les poings fermés, j'essaie de contrôler ma respiration. Raphaël, qui s'est assis près de moi reprend :

— Il m'a dit que lui aussi avait déjà vécu une disparition, et qu'il pourrait t'aider. Il s'appelle Nicolas.

— Et bien, tu me le présenteras un jour, si tu veux. Mais ça m'étonnerait que ça nous aide.

— On ne sait jamais. Comme on dit, tous les indices sont à prendre.

Je lève les yeux vers ses iris bleues pleines d'espoir. Je murmure, plus pour moi-même :

— Ce n'est pas vraiment un indice qu'il pourra nous donner...

Raphaël hausse les épaules, il se relève, déclarant :

— Bon, moi j'ai encore des révisions, souhaite-moi bonne chance. Je suis passé en coup de vent, désolé, mais je suis vraiment occupé en ce moment. Je pourrais me reconcentrer sur l'enquête plus tard.

Je me lève à mon tour pour lui faire le raccompagner à la porte d'entrée, et lui fais la bise avant de le laisser partir.

— T'as vu que t'avais une lettre ?

— Oui, maman.

Ma mère est devant l'ordinateur, buvant je ne sais quoi dans une tasse « j'peux pas, j'ai télé ». Je profite de sa présence pour briser le silence qui nous unit depuis quelques semaines :

— T'en as rien à faire d'Eléonore ?

— Si, Lyane. Je laisse juste faire les professionnels.

— Maman !! Ils font rien, vous faites rien, c'est peine perdue ! Je m'épuise à essayer de comprendre et personne n'est là ! On a aucune nouvelle de la police ?

— Non, ils ne nous disent rien, en tout cas. Mais tu sais qu'il y a d'autres problèmes.

— Je sais, mais une disparition ce n'est pas rien. Je ne comprends plus rien, franchement !

— Nous non plus. Mais c'est leur boulot, ils savent ce qu'ils font.

La colère bat dans mes tempes, mon sang bouillonne, je vais exploser. Personne ne se rend compte de la gravité de la situation ?? Plus d'un mois que me sœur disparait, et aucun signe, c'est censé être normal ?

— Maman ! Tu t'en fiches d'Eléonore, comme tu t'en fiches de moi, tu ne nous as jamais aimé.

Des flots de larmes s'échappent de mes yeux, ma mère s'approche et m'enlace maladroitement. Je me laisse aller à pleurer, la mer s'écoule le long de mes joues. Personne ne s'inquiète pour ma sœur. Elle me manque plus que tout et je veux à tout prix la retrouver. Pourtant personne n'a l'air aussi motivé. Je me sens si seule et abandonnée, l'impression d'être incomprise, autour de personnes insensibles à ma douleur.

— Ma chérie, on vous aime, même si on ne le dit pas. Vous êtes nos plus grandes fiertés. On fait confiance aux professionnels, ils la retrouveront. Crois-moi.

Je ne réponds plus, des flots inondent toujours mon visage. Si Eléonore était là, elle aurait peut-être pleuré avec moi, puis nous aurions calmé nos peines mutuellement. Maintenant, je suis seule. Si seule. 

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