Chapitre 23 : Quand tout s'effondre.
— Les mêmes cellules? Tu es sûre? s'enquit Brad, avec un froncement de sourcils perplexe. — Ouaip, répliqua Johanna, sans pourtant donner plus d'explications. Je sais aussi qu'on les a retrouvées à l'intérieur du corps de trois autres lycéens qui ont été hospitalisés avant moi. Vous vous imaginez bien que les infirmières ne sont pas stupides au point de ne pas remarquer que chacun d'entre eux avaient un étrange tatouage sur le cou.
« Oh non! » pensai-je alors.
Un soupçon de panique s'insinua dans mon esprit. Je m'imaginai ce qui arriverait si les médecins arrivaient à faire le lien entre cet « étrange tatouage » et les phénomènes étranges se produisant dans le corps des trois lycéens. Il ne faisait aucun doute que chaque lycéen portant une rose noire dans le cou serait mis en examen, et bientôt, il ne tarderait pas à découvrir les capacités que nous possédions. Ce serait une véritable première, alors bien sûr, nous serions utilisés dans l’intérêt de l'avancée scientifique.
— Heureusement lorsqu'ils m'ont posé la question, j'ai dit que nous formions un groupe de rock nommé « Black Rose » au lycée, et que ces tatouages n'étaient qu'une marque d'appartenance à celui-ci. Je ne pensais franchement pas qu'ils y croiraient, mais à en croire leurs pensées, c'est le cas.
Le soulagement succéda à la panique, et je ne pus réprimer un long soupir. Si ça avait été moi, je n'aurais même pas su quoi dire. Et même Ash, la meilleure menteuse dans les situations désespérées, n'aurait pas pu trouver meilleur alibi.
— Concernant l'apparition de nouvelles cellules, ils pensent qu'il s'agit d'une sorte d'épidémie. Mais je ne pense pas qu'ils aient eu l'occasion d'effectuer des analyses pour en être sûrs. Peut-être que tous comme les miens, les parents de ces trois lycéens ont refusé, estimant qu'ils allaient très bien. (Elle s'arrêta et joua de nouveaux avec ses cheveux) Oh, et j'oubliais : j'ai pu récupérer leurs noms en jetant un coup d'œil sur la liste des patients lors de ma petite « promenade » dans l'hôpital. Il s'agissait de Bonnie Kregster, Neal Jarrels, et Peter Zachary.
Sean sortit aussitôt le bout de papier sur lequel nous avions regroupé les noms des porteurs de roses noires de sa poche. Il le déplia, et après l'avoir examiné en détail, déclara :
— Ils font partie de ceux qu'on avait déjà repérés mais qui ne sont pas venus aujourd'hui.
— Bonnie Kregster...je la connais, dit Cassandra. Elle fait du théâtre avec moi.
— Et Peter est un gars de ma classe, affirma Marc en se frottant le menton.
— Eh bien, ces gars-là ont été aussi chanceux que moi, souffla Johanna. Ils ont sans aucun doute eu une crise, et ont fini inconscients, mais n'y sont pas passés.
En nous comptant, Sean, Kurt et moi, ça faisait donc huit porteurs de roses noires qui avaient déjà eu une crise. Cette fois, c'était clair. À moins de vouloir tuer ses propres cobayes, le masque de loup n'était pas à l'origine de ces phénomènes.
— Mais si ce type là, Kurt, est mort après qu'il ait eu une crise, comment se fait-il que toi et les trois autres soyez encore en vie? demanda soudain le punk, le menton posé au creux de sa main.
— Tout à l'heure, je vous ai dit que la substance X causait certainement une modification génétique qui causait à son tour l'apparition de dons surnaturels. On a eu la preuve qu'elle modifiait bel et bien quelque chose dans nos corps, grâce aux nouvelles cellules qu'on y a trouvé. Mais, rappelez-vous, pendant que j'étais inconsciente, juste après la crise, mes cellules de base avaient un comportement anormal. Et quand je me suis réveillée, plus rien. Plus la moindre douleur jusqu'à aujourd'hui, des nouvelles cellules, et des capacités beaucoup plus fortes et moins difficiles à contrôler. Vous ne trouvez pas ça un peu bizarre?
Si on ne trouvait pas ça bizarre? Si, carrément. Mais encore une fois, je ne voyais pas où elle voulait en venir.
J'avais vraiment l'impression d'écouter une grande chercheuse en sciences parler. À quel point cette fille était-elle intelligente au juste?
En fait, elle en savait tellement que ça en devenait sérieusement... louche.
— Tu veux dire qu'au lieu de te tuer, comme elle l'a fait pour Kurt, la crise a amélioré tes capacités? demanda Sean. Cela voudrait donc dire que ton corps s'est...
— Adapté à la substance, compléta-t-elle en souriant. Exactement. Ou du moins, contrairement à Kurt, il ne l'a pas rejeté.
Le visage de Sean s'illumina, comme le faisait le mien lorsque je comprenais un exercice de maths.
— Et en français, ça donne quoi? lança Carter, un sourcil arqué.
— No entiendo, dit Lucy en rejetant ses cheveux en arrière.
J’imitai les autres lorsqu'ils firent non de la tête pour signifier leur incompréhension totale. Enfin tous, sauf Sean, qui entreprit de nous expliquer :
— Si ceux à qui on a injecté cette substance liquide ressentent des douleurs intenses, c'est parce que des changements ont lieu dans le corps. Des changements auxquels ce dernier est forcé de s'adapter. La substance X modifie l 'ADN de la personne à qui on l'injecte, et la force à évoluer. Elle nous procure donc des pouvoirs surnaturels, mais il faut dire qu'un changement pareil, ça n'arrive pas comme par magie, ou tout en douceur. Et si on en croit Johanna, c'est justement ça que veulent dire les crises. C'est signe que l'adaptation finale du corps à la substance est en train d'avoir lieu, ce qui explique que les cellules soient instables à ce moment-là. Si ça réussit, alors on peut considérer que la personne a totalement évolué, et ses dons deviennent plus puissants et plus faciles à contrôler. Mais dans le cas où le corps rejette la substance... (Il prit un air sombre) on meurt.
Mon cœur manqua un battement tandis qu'un silence glacial recouvrit la pièce.
— Mais alors....c'est une chance sur deux pour chacun d'entre nous... marmonna Holly d'une voix tremblotante.
Ce n'était pas une question, mais Johanna acquiesça tout de même. En réalisant comme nous étions impuissants face à notre sort, j'eus la sensation que le peu de courage que j'avais rassemblé venait de s'effondrer comme un vulgaire château de cartes. Et je n'étais pas la seule. Tous les visages ne montraient plus que peur et appréhension, comme si nous étions dans un couloir d'hôpital.
— Hé les gars, déprimez pas, s'anima Brad, qui détestait ce genre d'ambiance. Au lieu de penser que vous allez peut-être y passer, pensez qu'il y a une chance que vous contrôliez vos pouvoirs et que vous ne souffriez plus!
Je savais déjà que la crise était mortelle, après avoir vu Kurt en mourir d mes propres yeux. Alors Brad n'avait pas tort. Maintenant que je savais que si la théorie de Johanna était vraie, il y avait une chance de s'en sortir comme elle et ces autres lycéens, je devrais au moins me sentir un peu soulagée. Mais c'était tout le contraire. J'avais peur. Peur de mourir, et que tous mes amis ne doivent surmonter ma mort. Peur de survivre, et de devoir surmonter la mort de mes amis.
— Facile à dire, marmonna Carter. Si comme l'a dit Johanna, tu as ces cellules bizarres dans ton corps, alors toi, tu es déjà sauvé.
— D'ailleurs, fit Éric, tu as dit que tu avais déjà cette marque avant de mourir. Mais tu n'as jamais eu de crise, ou de douleur quelconque, pas vrai?
Brad fit non de la tête.
— Et malgré tout, pendant l'autopsie on a retrouvé ces fameuses cellules qui ne sont censées apparaître que lorsque ton corps s'est adapté à la substance X...
— Hé, c'est vrai ça ! s'exclama Marc en le pointant du doigt. Tu n'as pas pu avoir de crise en étant mort, et tu dis ne pas l'avoir eu avant de mourir! Comment t'expliques ça?
Même s'ils ne savaient pas tout du déroulement du meurtre de Brad, ils avaient raison. Le seul moment où il aurait pu avoir une crise, c'était après l'autopsie, à compter de l'instant où il s'était réveillé dans une cabane abandonnée. Il avait été tué juste après s'être fait injecté la substance, et était resté sans vie quelques jours. Cela voudrait dire que son corps se serait adapté pendant ces quelques jours, et ce même s'il était...mort?
Tous les regards se tournèrent vers Johanna, attendant une explication de sa part. Celle-ci ne tarda pas à déclarer :
— Ça, c'est une des choses qu'il nous reste à découvrir. Mais à mon avis, ça a quelque chose à voir avec son don. Si ça se trouve, avant l'autopsie, il était déjà en train de se régénérer et de revenir lentement à la vie, et c'est à ce moment que son corps s'est adapté.
Je réfléchis sérieusement à la question. Peut-être bien qu'elle avait raison, et que sa régénération s'était interrompue à cause de l'autopsie, puis avait repris au moment où il se trouvait dans la cabane.
Mais alors...cela expliquait pourquoi son corps avait été transporté hors de la morgue!
Peut-être que si le masque de loup l'en avait éloigné, c'était pour qu'il puisse se régénérer une bonne fois pour toutes, sans que le processus ne soit arrêté par la dissection de son corps!
Alors dans ce cas, le masque de loup aurait tué Brad tout en sachant qu'il se régénérerait, et tout ça juste pour nous torturer un peu?
Cela n'expliquait toujours pas pourquoi ce psychopathe en avait après nous en particulier. Était-ce parce que nous étions ses tout premiers cobayes ?
En tout cas, une chose était sûre, peu importe qui se cachait derrière le masque, nous avions à faire à quelqu'un de très intelligent, et surtout, de vraiment dérangé.
— N'oubliez pas que tout ce que j'ai dit n'est qu'une théorie, et le restera jusqu'à ce que on ait des preuves. Je ne peux pas toujours avoir raison, après tout.
— Je confirme, lança Ash, particulièrement désagréable. D'ailleurs, je ne voudrais pas être suspicieuse, mais je trouve franchement que pour une simple lycéenne, tu en sais un peu trop. Tu débarques, comme ça, et tu nous balances une soit disant théorie sans aucun problème, c'est...louche.
Johanna arqua un sourcil, mais garda le silence. Je comprenais le point de vue d'Ash. Je voulais bien croire qu'elle était intelligente, mais, en effet, sortir des théories pareilles avec une telle facilité... c'était à croire qu'elle était celle qui avait inventé cette fameuse substance « X ».
Alors qu'Ashley s'apprêtait à attaquer de nouveau, Lucy intervint, et lança d'une voix méprisante :
— T'es débile ou quoi? C'est vrai qu'elle en a part l'air comme ça, mais la rouquine. Elle marche dans la catégorie surdoué depuis son enfance et a un Q.I de 151.
Ash en resta bouche-bée. Comme pratiquement tout le monde, à part Sean, Vanessa, le punk, et une autre fille qui n'avait pas dit un mot depuis le début.
Un Q.I de 151... je me disais bien que cette fille était beaucoup trop intelligente comparée à nous, mais de la à imaginer que c'était en fait une surdouée.... ça faisait un sacré choc!
— Ce n'est pas quelque chose dont j'aime particulièrement me vanter alors, je n'ai pas trouvé nécessaire de le mentionner, marmonna Johanna.
— Tu plaisantes? fit Ash. Tu aurais dû le dire depuis le début, ça m'aurait évité de te trouver louche. Désolée, marmonna-t-elle.
— Mouais... je ne suis pas la seule qui aurait dû dire certaines choses depuis le début.
Le regard perçant de Johanna passa successivement de Sean à moi, et chacun de mes muscles se tendirent, ayant peur d'avoir bien compris l'allusion.
Elle avait certainement lu quelque chose dans nos pensées. Quelque chose que nous essayions de cacher. Mais à quoi faisait-elle référence au juste? Et à qui s'adressait-elle?
Car si c'était de moi qu'elle parlait, ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose...
— Et donc? Quand comptiez-vous nous dire que vous aussi, vous aviez eu une crise? demanda-t-elle d'un ton presque réprobateur, sans quitter ses cheveux du regard.
Presque aussitôt, les battements de mon cœur ralentirent, et je dus réprimer un soupir de soulagement. Alors ce n'était que ça! Et moi qui croyait que ça avait un rapport avec Lilianna... Ça aurait été la cata si elle avait tout déballé ici, devant tout le monde. Justement ce qu'Alex et moi redoutions.
Je la regardai l'air de dire « on est sauvés », mais en voyant l'expression surprise sur son visage, et bientôt sur celui d'Ash et de Brad, un détail me revint brusquement à l'esprit : je ne leur avais toujours pas parlé de ma récente crise.
« Oh oh » pensai-je en me mordant la lèvre inférieure, tandis qu'ils me lançaient tous les trois un regard noir, l'air de dire « on en reparlera ».
— Même si mon corps s'est récemment adapté, je dois encore m'entraîner à ne pas entendre les pensées des gens, mais bien à les lire quand ça me chante, expliqua Johanna. Et pourtant l'instant, ça reste assez aléatoire. Du coup, je n'ai pas pu m'empêcher de vous entendre le penser, tous les deux, à plusieurs reprises.
— C'est que...commençai-je. En fait...
— Tu n'as pas jugé utile de dire ça maintenant, dit-elle. C'est compréhensible. Et puis, si vous l'aviez dit dès le début, ça n'aurait servi à rien d'autre qu'à semer la panique.
« Je rêve où elle me sauve la mise ? »
— Alors ça veut dire que vous aussi votre corps s'est adapté? s'enquit Marc, tout excité. Vous contrôlez mieux vos pouvoirs?
J'échangeai un coup d’œil avec Sean.
— Pas tout à fait, marmonna-t-il.
— Pas du tout, fit Johanna. La crise peut subvenir plusieurs fois, sans pour autant que la personne ne finisse inconsciente. C'est ce qui arrive à Lucy.
Cette dernière rejeta une nouvelle fois ses cheveux en arrière avec dédain.
— Elle a aussi commencé à se gratter sans pouvoir s'arrêter, mais ça s'est calmé au bout de quelques minutes. À mon avis, tant que la personne n'est pas inconsciente pendant un certain moment à cause de la crise, on ne peut pas considérer que son corps s'est adapté à la substance. D'ailleurs, Lucy a toujours du mal à contrôler son don.
Ni Sean, ni moi n'étions restés inconscients pendant des heures entières après une crise. Hier, je m'étais simplement évanouie après avoir appelé Sean, rien de plus. Nous n'avions donc pas surmonté notre période de crise, et il y avait toujours un risque que l'un d'entre nous n'y survive pas.
« C'est une chance sur deux », songeai-je en me mordillant les lèvres.
— Parle pour toi, cracha la belle métisse. C'est pas moi qui me paye un mal de crâne chaque jour à force d'entendre les pensées de tout le monde.
Holly, la voix douce et pleine de compassion, dit alors:
— Ça doit être horrible...
— Bof, fit Johanna. Même si je dois avouer que c'est beaucoup plus difficile que de ressentir que les émotions d'une personne. ( Elle fronça les sourcils) Je suis sortie de l'hôpital lundi dernier. Ce jour-là, j'ai eu l'impression que ma tête allait exploser. Le deuxième, un peu moins. Et le troisième, j'ai essayé me concentrer sur autre chose pour éviter d'entendre les pensées, et ça a marché. C'est ce que je fais depuis, et maintenant, je ne les entends que si je le décide. En gros, je les lis. ( Elle me regarda) Seulement, parfois, quand je fixe trop longtemps une personne par inadvertance, j'entends ses pensées sans le vouloir.
— Et qu'est-ce que tu faisais au juste pour ne pas les entendre? demanda Cassandra, l'air particulièrement intéressée.
Johanna fit tournoyer une mèche de ses cheveux autour de son index.
— Je jouais avec mes cheveux. L'habitude est restée.
C'était donc pour ça que depuis le début, elle ne semblait s'intéresser qu'à ses cheveux... Je ne pouvais imaginer à quel point cela devait être fatiguant et douloureux d'entendre les pensées de chaque personne autour de soi au même moment...
Et puis, même s'il y avait certaines personnes dont on aimerait de savoir à quoi elle pensait – comme j'aurais aimé pour Sean –, il y avait certaines choses qu'on n'avait pas forcément envie d'entendre.
Que ça nous concerne directement, ou non.
— Tu devrais essayer ça aussi, lui suggéra Johanna. Te concentrer sur autre chose pour ne rien entendre.
Cassandra prit une expression surprise, puis fronça les sourcils :
— Tu as lu dans mes...balbutia-t-elle.
— Je t'ai juste vu prendre des cachets tous les jours, au lycée.
Carter formula à voix haute la question qui nous traversa tous l'esprit :
— Euh, attends un peu...tu lis dans les pensées toi aussi?
Cassandra lui fit signe que non, tout en faisant passer une mèche de ses cheveux noirs derrière son oreille. C'était étrange comme elle me rappelait le Sean de l'année dernière – qu'on retrouvait de temps à autre. Elle avait ce même air flegmatique et un peu froid, mais non comparable à l'impassibilité de Johanna.
— Toi, ta force est décuplée. Moi, ce sont chacun de mes cinq sens, expliqua-t-elle. Si je me concentre, je peux voir quelque chose qui se trouve loin, comme si je l'avais en face de moi. Mon odorat, le toucher, le goût... Tout est multiplié. D'ailleurs, la dernière fois que j'ai mangé quelque chose d'épicé, j'ai cru que j'allais mourir. Mais ça, ce n'est pas le pire...Puisque mon ouïe aussi est sur-développée, j'entends les conversations de personnes qui se trouvent à dix mètres de moi. Écouter de la musique est devenu une véritable torture, et je ne vous dis pas quand le prof fait grincer une craie sur le....
— Euh les gars? l'interrompit Marc.
Je me tournai vers la place où il se trouvait quelques minutes plus tôt, et je ne vis...rien. Derrière moi? Non plus. Je jetai un coup d'œil circulaire à la pièce, cherchant une casquette noire et un visage extrêmement mignon parmi ceux présents, mais encore une fois, je ne le trouvai pas.
Il s'était littéralement volatilisé !
— Désolé...ça recommence, souffla une voix masculine à mon oreille.
Je sursautai en poussant un cri de surprise lorsqu'en me retournant à nouveau, je tombai sur le visage souriant de Marc.
En voulant reculer, je trébuchai en arrière, mais heureusement, deux bras me rattrapèrent par les épaules. Je levai le menton en souriant, m'attendant à voir Sean, ayant eu le réflexe de se téléporter pour me rattraper.
Mais au lieu de ça, je trouvai le visage de Brad, qui lui, fixait Marc, l'air ahuri.
— Euh... tu nous expliques ce qu'il t'arrive?
Je ne compris la raison de son étonnement que lorsque je posai à mon tour mon regard sur lui.
À nouveau je poussai un petit cri. Oh mon dieu! Marc était en train de disparaître! Ou du moins, il lui manquait un bras, et une jambe.... et la moitié du visage...qui venait tout juste de réapparaître. Je plaquai une main sur ma bouche, ne savant même pas comment réagir devant cet étrange spectacle. Mais Marc était tout à fait serein, comme si sa situation n'avait rien d'inhabituel.
— Je voulais pas t'effrayer, me dit-il avant d'exposer de rire. Bon sang, la tronche que tu tires ! C'est à mourir de rire !
« Je rêve ». Un mec qui disparaissait à moitié se fichait totalement de moi. J'aurais tout vu !
Mais, plus sérieusement, quel genre de don était-ce, ça?
— Ça arrive de plus en plus souvent, soupira-t-il en passant une main derrière sa tête. De temps à autre, je deviens invisible sans le vouloir. Des fois, entièrement. Et d'autre, comme maintenant, seulement à moitié.
— OK, donc maintenant on a un homme invisible, fit Ash d'une voix guillerette. Ça me rappelle...
Sean lui fit encore une fois les gros yeux, et elle se ravisa :
— Hum, bref. Vous feriez mieux de nous dire quels sont vos dons, histoire de nous éviter les surprises de ce genre.
— On sait que Carter a une force surhumaine, que Johanna lit dans pensées et ressent les sentiments des autres, que Cassandra a des sens sur-développés et maintenant que Marc peut se rendre invisible, énuméra Sean. Enfin plus ou moins, marmonna-t-il en le regardant de haut en bas. Et toi, Vanessa?
Cette dernière lui adressa un sourire mutin avant de l'interroger à son tour :
— Où est-ce que tu ranges tous tes DVD d'Harry Potter?
Il arqua un sourcil.
— Euh... dans ma chambre, pourquoi?
— Donne-moi plus de précisions, ordonna-t-elle.
— Dans le coffret qui se situe sur mon étagère murale.
— Ah oui, c'est celle juste au-dessus de ton lit...
Sean acquiesça, sans même remarquer que je les fusillais du regard, tous les deux.
Comment ça « ah oui, c'est celle juste au-dessus de ton lit » ? Elle était donc déjà entrée dans sa chambre?!
Cette fois, ce n'est pas la jalousie qui domina, mais bien la colère. Sean n'était jamais très loin de Vanessa depuis qu'elle était là, et ils n'arrêtaient pas de s'échanger des regards complices. Au début, je pensais que je me faisais des films, et que je n'avais pas à m'inquiéter de leur relation, mais plus je les regardais, et plus j'avais l'impression qu'on m'écrasait le cœur.
Et, oui, ça faisait plutôt mal.
— C'est lequel ton préféré?
— Les reliques de la mort, répondit Sean.
Vanessa acquiesça, et ferma les yeux. Quelques secondes passèrent ainsi, sans que nous ne comprenions ce qu'elle essayait de faire.
Et lorsqu'elle rouvrit enfin les yeux, elle fit signe à Sean de regarder par terre.
— Waouw! S'exclama-t-il alors. Attends, c'est toi qui...
— Ouaip, fit Vanessa en souriant. Je peux faire venir des objets à moi, si j'ai en mémoire l'endroit exact où il se trouve.
Sean se pencha pour ramasser son DVD, qui s'était matérialisé à ses pieds.
— C'est plutôt pratique. Tu as déjà essayé avec une personne? Une sorte de euh...téléportation inversée?
Elle fit mine de réfléchir.
— Ça n'a pas fonctionné, mais j'ai déjà essayé de te faire venir pour me masser le dos une fois.
Sean rigola un peu, puis lui donna une pichenette sur le front.
— T'avais qu'à demander, souffla-t-il en lui adressant un clin d’œil.
Elle lui sourit de plus belle, et encore une fois mon cœur se serra. Je baissai les yeux, ne savant même pas si j'étais folle de rage ou si je me sentais simplement triste.
Pourquoi...pourquoi fallait-il que Sean, en plus de m'ignorer complètement, soit pratiquement en train de flirter avec Vanessa sous mes yeux? Surtout à un moment pareil, où j'étais réellement sur le point de m'effondrer, et que j'avais besoin de lui. De tous mes amis.
Une dispute, et c'était comme ça que les choses devenaient entre nous? Ou bien était-ce parce que je lui avais dit que je le détestais?
Des larmes me montèrent aux yeux, et je tentai tant bien que mal de les retenir. Mais sentant que j'allais craquer, je fis volte-face et me dirigeai droit vers la porte du garage.
— Hayley, marmonna Ashley.
Je ne me retournai qu'à moitié, et je lus dans le regard de mon amie qu'elle s'inquiétait pour moi, car elle avait deviné mes sentiments. Même si nous étions en froid, Ashley ne me laisserait jamais tomber dans un moment pareil. Elle savait trop bien ce que faisaient les peines d'amour.
Seulement, là, ce que je voulais, c'était faire abstraction de mes sentiments, et parler à Alex seule à seule.
— Tu peux venir une minute, Alex? J'ai à te parler.
Elle me lança un regard interrogateur, mais s’exécuta sans un mot. Je relevai la porte basculante, et attendis qu'elle passe pour la refermer derrière nous.
Une fois dehors, le changement de température soudain me fit frissonner. Le soleil de Rosebrooke manquait encore à l'appel, et de gros nuages gris défilaient lentement dans le ciel. Je m'arrêtai un instant pour l'observer, savourant le calme du quartier et le vent frais repoussant mes cheveux en arrière. Une goutte d'eau glissa soudain sur mon front. La pluie. Encore, une fois, le temps s'assortissait à mon humeur. Je me remis à marcher, entraînant Alex de l'autre côté de la maison, là où personne ne nous entendrait. Lorsqu'enfin je m'arrêtai, Alex ne perdit pas une seconde pour me questionner :
— Qu'est-ce que tu veux me dire Hayley? Partir si brusquement... Sean va....
— Je m'en tape, la coupai-je sèchement. C'est clair?
L'expression surprise de mon amie me fit réaliser que j'étais désagréable. Je lui lançai un regard désolé, et tentai de me reprendre mais... ma voix se brisa lorsque je prononçai la phrase suivante :
— Tu sais, il est bien trop occupé à draguer Vanessa pour se rendre compte que je suis partie.
Cette fois, les larmes coulèrent d'elle-même. J'explosai en sanglots, et cette fois, je n'essayais même pas de me retenir. J'aurais voulu hurler, et évacuer tous les sentiments que j'avais pu garder enfouis en moi depuis hier, ou même depuis le début, mais quelque chose les empêchaient de sortir, d'exploser et d'enfin me libérer.
Alex me prit dans ses bras, tentant en vain de me réconforter. Mais j'avais l'impression que quoi qu'il arrive je continuerai à m'écrouler sous le poids de mes propres sentiments.
Une.. deux...trois gouttes, et bientôt la pluie s'abattit sur nous. Je sentis mes cheveux et mes vêtements se tremper progressivement, mais ni elle ni moi ne bougeâmes.
Hier, Ashley m'avait pratiquement traité d'égoïste et de trouillarde. Et depuis, tout s'était enchaîné si vite. Ma crise. Ma dispute avec Sean. La révélation de ma mère. La disparition de Lilianna. Et maintenant, j'étais peut-être à deux doigts de perdre mon petit-ami.
Tout ça, en l'espace de deux jours. Comment une personne normale était censée surmonter tout ça? Quand allais-je m'échapper de cet océan de souffrances dans lequel je me noyais?
Je n'en pouvais plus... tout ce que je voulais c'était disparaître à jamais, ou alors devenir une autre personne.
Car être Hayley Brown était devenu insupportable.
Alex s'écarta de moi, et me prit par les épaules pour me forcer à la regarder.
— Hayley, reprends-toi...
L'expression de son visage ne m'apparut pas clairement à cause des grosses larmes qui perlaient sur mes cils, mais sa voix remplie de compassion me fit l'effet d'un chocolat chaud en plein hiver.
— Ça va aller d'accord? Je sais que tu t'inquiètes à propos de ces deux-là, mais j'ai déjà vu la manière dont Sean te regarde, et je peux t'assurer que les garçons n'ont ce regard-là que lorsqu'il s'agit de la fille qu'ils aiment.
Un rire si sardonique qu'il ne sembla pas m'appartenir s'échappa de ma bouche et je rétorquai :
— Mon père aussi a toujours eu « ce regard-là » pour ma mère. Ça ne l'a pas empêché d'aller rouler une pelle à sa sœur.
Alex ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
Parce qu'il n'y avait rien à répondre à ça.
— Après que j'aie eu ma crise, on s'est disputé, je lui ai dit que je le détestais, marmonnai-je. Je ne pensais pas un mot de ce que j'ai dit. Mais maintenant, j'ai l'impression que c'est lui qui me déteste.
— Hayley, tu sais très bien que c'est faux! C'est facile de tirer des conclusions hâtives, mais la meilleure chose que tu puisses faire c'est lui faire confiance.
Lui faire confiance...
Je savais qu'elle avait raison. Aimer quelqu'un voulait aussi dire lui accorder toute sa confiance. Sans conditions et aveuglément. Je le savais et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de penser à la facilité avec laquelle les gens pouvaient trahir cette confiance qu'on leur donnait.
C'est pourquoi certains ne faisaient confiance qu'à eux-mêmes. Quelle était la bonne solution? Ne faire confiance qu'à soi-même, et ne jamais connaître réellement l'amour, ou donner toute sa confiance à quelqu'un et par la même occasion le pouvoir de nous blesser?
J'essuyai mes larmes à l'aide de la manche de mon pull. Sean n'était pas mon père. Il n'était pas un menteur qui en plus était incapable d'assumer ses propres actions. Alors je décidai de lui donner toute ma confiance. Vanessa et lui n'étaient rien d'autre que de très bons amis, simplement un peu plus proches que je ne le croyais. Rien de plus.
— Tu as raison, marmonnai-je en reniflant. Désolée, c'est cette histoire avec mon père qui me monte à la tête.
Alex sourit faiblement, mais je sentais bien à quel point elle s'inquiétait pour moi. Les véritables amis étaient comme ça.
Si on se sentait mal, eux aussi.
— En réalité, j'étais venu te parler de Lilianna.
Son visage prit aussitôt un air sérieux.
— Qu'est-ce qu'on fait pour ça? demanda-t-elle. Ça m'inquiète sérieusement. Je pense qu'on devrait en parler aux autres maintenant, pour mettre fin à la réunion, et partir à sa recherche. Tu as toujours l'adresse que Crayson t'a donnée?
Je hochai la tête, en sortant le bout de papier de ma poche. 56 rue St John. Si vraiment elle avait disparu, il y avait très peu de chance que Lilianna se trouve là-bas, mais au moins, on pourrait y trouver des indices.
— Bon, alors, il faut qu'on trouve un moyen de les mettre discrètement au courant.
— Allons chercher Sean, proposai-je. Comme ça, on lui expliquera brièvement la situation, et il mettra fin à la réunion. Et là, nous expliquerons tout à Ash et Brad.
Même si je refusais de me l'avouer, j'étais en réalité rassurée à l'idée qu'il soit loin de Vanessa.
Alex acquiesça, rabattit la capuche de son sweat sur sa tête, et nous nous revînmes sur nos pas, en direction du garage.
La seule chose à laquelle je pouvais penser actuellement, c'était Sean. Je me posai tellement de questions à son sujet que ma tête menaçait d'exploser. Si je lui disais ce que j'avais sur le cœur, il me comprendrait sûrement, et tout reviendrait à la normale.
C'était certain.
Je me stoppai un instant lorsque je reconnus ses cheveux et son sweat au loin. Il se tenait debout, seul sous la pluie. Pas de doute à se faire, c'était bien lui, mais...qu'est-ce qu'il fichait-là? N'était-il pas censé se trouver avec les autres?
En allant vers lui, une pensée me traversa l'esprit et mon cœur s'accéléra. Et s'il était venu me chercher parce qu'il s'inquiétait, malgré la pluie?
Je me souvins d'ailleurs qu'il pleuvait tout autant le jour où on s'était embrassé la première fois. Nous nous tenions juste devant ma maison, juste assez bien placés pour que ma mère assiste à la scène.
Ce souvenir m'arracha un sourire.
J'avais ressenti tellement de choses à cet instant. Quand il m'avait attiré contre lui, et qu'il avait passé sa main dans mes cheveux, tout comme...
Il le faisait actuellement...
Avec une autre fille.
Je m'arrêtai brusquement, et Alex se cogna contre mon dos.
— Aïe ! se plaignit-elle. Qu'est-ce qu'il te...
Elle ne finit pas sa phrase, se stoppant net devant la scène. Je papillonnai des paupières, croyant sincèrement halluciner, mais ce que j'avais devant les yeux refusait de disparaître.
Un instant, je crus alors que j'allais me réveiller, et dire « ouf » en réalisant qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar.
Mais peu importe combien je refusais d'y croire, Sean était bel et bien là, embrassant avec fougue une jolie fille aux longs cheveux blonds sous la pluie.
Et cette fille, ce n'était autre que Vanessa.
La pluie froide continua de s'abattre sur mon corps déjà gelé. Je ne bougeai pas. Je ne respirai pas non plus.
Mais malheureusement, cela ne m'empêcha pas de l'entendre.
Le bruit de mon cœur qui se brisait en mille morceaux.
______________________________________________
Et voilà la trahison de Sean, le mec (pas si) parfait! Ne me détestez pas trop, ceux qui aiment Sean ( moi aussi je l'aime), je suis tout aussi dégoûtée d'écrire ça, vous pouvez pas savoir * pleure* .Pauvre Hayley...Je ne sais pas encore comment elle va réagir puisque je n'ai pas écrit le chap suivant , mais ça risque pas d'être joli à voir. Bref, j'espère que ce chapitre vous a plu (vraiment vraiment) parce que je ne vais pas poster pendant environ une semaine, car il faut que j'ecrive un chapitre de chacune de mes trois autres histoires! Donc, laissez-moi, le temps et je serais back, et pour ceux qui lisent aussi Déviance, le chapitre arrive no worries ( go Aliiiice)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top