Episode 74 : je vais arranger ça

   Un homme d'une soixantaine d'années est immobile dans le couloir de sa maison, il écoute avec chagrin les cris stridents d'un enfant qui émane d'une des chambres.

L'homme cache mal sa tristesse. Ses traits sont marqués par la mélancolie, quelques rides profondes sillonnent son visage et lui donne l'air plus âgé. Ils plongent ses mains dans sa chevelure grisonnante, retenant un sanglot.

L'homme se décide à ouvrir la porte pour découvrir une fillette, en pleurs, se débattant avec les draps de son lit-cage.

La crise est impressionnante, déroutante et pourtant, elle ne semble même pas surprendre l'homme qui s'avance doucement vers elle.

Il pose la main sur sa chevelure humide de transpiration. La petite persiste à se débattre. Elle parait ne même pas l'avoir aperçu.

-Gaia ! Gaia ! Regarde-moi ! Que se passe-t-il, Gaia ? demande-t-il en tentant d'attirer son attention.

Enfin, elle réagit à la voix de son père et se calme. Elle lève de grands yeux bleus vers lui, les lèvres tremblantes, pour ensuite repousser ses cheveux bruns.

-Gaia a peur du noir ! Gaia a peur !

-Tu es grande maintenant. Tu devrais dormir sans lumière.

-Gaia a peur, très très peur, répète-t-elle, le bleu de ses yeux chargé d'effroi. 

-D'accord, je vais allumer la petite lampe et rester près de toi jusqu'à ce que tu t'endormes.

La petite fille, soudain le visage serein, se couche sans se faire prier. Elle gesticule un peu sous ses draps roses puis finit par s'endormir sous les yeux attentifs de son père, qui reste là à l'observer, savourant un calme bien trop rare.

Il sourit avec mélancolie lorsque la main de son épouse se pose sur son épaule. Elle a la peau couleur porcelaine et les mêmes yeux bleu intense que sa fille Gaia, ses cheveux roux bouclés tombent sur ses épaules. Elle parait à la fois fragile et menue. Son sourire rassurant soulage son mari abattu.

-Elle ne parviendra pas à dormir sans lumière, je crois que c'est peine perdue.

Il hoche la tête, le regard aimanté par la silhouette de son enfant, blotti sous les draps.

-Qu'est-ce que tu as ? Tu me parais si triste tout d'un coup, chuchote-t-elle.

-Ce n'est rien.

-Si, il y a quelque chose, insiste-t-elle en lui tendant la main pour le guider vers le couloir.

-Je ne voyais pas notre vie comme ça, dit-il avec gêne.

-Moi non plus.

-Pourquoi Gaia était-elle née différente ? Pourquoi est-elle comme cela ?

-Je ne sais pas. Tu t'y connais mieux que moi en génétique. Gaia est comme elle est. Nous devons vivre avec.

-Tu parviens toujours à rester positive, comment fais-tu pour supporter son handicap ?

-Parce que je l'aime, parce qu'elle n'a que nous pour la comprendre et pour l'aider à vivre.

-Que deviendra-t-elle le jour où nous ne serons plus là ? Qui se préoccupera d'elle ? Personne !

-Je ne sais pas, Anton. Je ne sais pas et je préfère ne pas y penser.

-Elle sera toute seule. Pourquoi avons-nous mis au monde cet enfant pour qu'il souffre ?

-Je ne sais pas ce qu'elle ressent. Peut-être qu'elle ne souffre pas autant que tu le penses ...

-La vie ne devait pas tourner comme ça... notre vie ne devait pas tourner comme cela !

-Tu te fais du mal pour rien, Anton. Tu ne peux pas tout contrôler.

-Je n'en suis pas si sûr.

-Pourquoi dis-tu ça ?

-Je voudrais arranger ça, je voudrais changer son avenir pour lui offrir ce qu'il y a de mieux.

-Nous ne pouvons rien y faire. Tu dois l'aimer comme elle. Viens dormir ! Tu as besoin de sommeil après ta longue journée au labo.

Il reste un instant devant la porte close de la chambre de Gaia, laissant son épouse aller rejoindre leur chambre à coucher.

Il ne peut détacher son regard de la porte en bois, taraudé par ce vif besoin de changer sa vie, de changer leurs vies à tous les trois.

Tu ne peux pas tout contrôler.

-Je vais arranger ça ! murmure-t-il d'une façon inaudible, touchant des doigts les lettres du prénom Gaia collées sur la porte. Je vais arranger ça Gaia, c'est une promesse.





                                                       Fin du tome 2

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