Je suis seule dans mon appartement, couchée sur le divan. Je fixe le mur, perdue dans mes pensées, la main posée sur mon iPhone. Le temps semble s'écouler lentement, mais tout m'est bien égal à cet instant.

J'ai décidé de comprendre d'où je viens, de trouver la vérité, peu importe où elle se trouvera, peu importe si cela me blesse, ou me chagrine. Je refuse de sombrer dans l'inaction et de subir ma vie, je veux agir. Je suis déjà malheureuse, alors à quoi bon appréhender ce que je découvrirai ?

Je compose un numéro et appréhende le moment où je parlerai à la personne au bout du fil. Le stress monte en moi tel un geyser. Je me mordille la lèvre nerveusement en entendant retentir la sonnerie.

-Allo ?

-Georgia, c'est Leonora !

-Ça fait longtemps, dit-elle froidement. Tu aurais pu me donner quelques nouvelles plus tôt.

Je peine à ne pas rentrer dans son jeu. C'est toujours la même chose avec ma belle-mère. Cette fois, je parviens à me maitriser, à ne pas réagir à ses provocations.

Plus jeune, je la laissais prendre le dessus sur moi. Naïvement, je rentrais dans son jeu, mais en grandissant, à force de déceptions et de désillusions, j'avais fini par gagner en maturité.

Georgia ne me manipulerait plus. J'en avais fini avec ce chantage affectif malsain.

-Je ne vais te déranger que quelques instants. En fait, j'ai une question pour toi.

-Vas-y, je suis pressée.

-Peux-tu me communiquer l'adresse de l'orphelinat où j'ai vécu ?

-L'orphelinat ? Mais pourquoi ?

-Pour savoir, c'est tout.

Silence.

-Je dois avoir ça quelque part, lance-t-elle finalement tout en fouillant dans sa paperasse. Pourquoi ça t'intéresse tout à coup?

-Pour faire une sorte de pèlerinage sur les lieux de mon enfance, cela pourrait m'aider à aller mieux.

-Oh Leonora, qui t'a mis cette idée ridicule en tête ? Je n'ai jamais rien entendu d'aussi stupide. Tu as fui du jour au lendemain ta vie à Phoenix et voilà que maintenant, tu veux retrouver ton orphelinat ?

Son rire moqueur me bouleverse, mais j'arrive à me maitriser et à ne pas me mettre à lui crier dessus.

-Ma vie n'a jamais été à Phoenix, mais ça, tu ne pourras jamais le comprendre. Puis-je juste avoir l'adresse, s'il te plait ?

-C'est en Angleterre, à Bath. York Street.

-Est-ce facile de s'y rendre ?

-Je n'en sais rien.

-Comment ça, tu n'en sais rien ?

-Je n'ai jamais été sur place.

Abasourdie, je peine à trouver les mots pour riposter à cette réponse invraisemblable. La souffrance latente en moi est déjà assez étendue pour supporter cette déconvenue supplémentaire.

-Quoi ? Et comment m'as-tu choisie ? Tu n'es même pas venue me chercher sur place, à l'orphelinat?

-Non. J'ai juste vu une photo de toi dans un dossier et ce sont deux personnes de l'orphelinat qui t'ont amenée jusqu'ici...tu sais, c'était un long voyage ... je n'avais pas que ça à faire.

Mes lèvres tremblent, je sens des larmes couler sur mes joues.

-Non, Georgia, je ne sais pas.

-Leonora, ne me parle pas sur ce ton !

-Tu n'as même pas été capable de faire un vol Phoenix-Londres ?

-Non, je n'ai pas voulu. De plus, tu n'es même pas arrivée de Londres ce jour-là, ton vol provenait de Tokyo ? Tu imagines, Tokyo ? C'est le bout du monde pour moi alors que je n'ai jamais pris l'avion de ma vie !

-Mais qu'est-ce que je faisais au japon alors que mon orphelinat était en Angleterre ? Cela n'a pas de sens.

-Je n'en sais rien. Allez, je dois te laisser.

-Bon, merci pour l'adresse, à bientôt !

Exaspérée, je raccroche aussitôt, le visage décomposé, une déception énorme voilant mon regard.