Chapitre 38
J'attendais à m'en ronger les ongles. Sur ce banc en face du Yampi. Taehyung n'était plus à sa caisse depuis 20 minutes déjà, et les employés commençaient à partir un par un.
23H13.
C'était fermé depuis treize minutes, et il n'était toujours pas là.
Je commençais à me demander s'il ne s'était pas barré par la porte arrière, et que j'étais là à attendre pour rien comme un con. Cependant, je gardais espoir. Pour moi, Taehyung n'était pas un lâche, et s'il ne m'avait pas clairement dit d'aller me faire foutre, il viendrait. Il savait affronter les gens : j'en est été la preuve bien assez de fois.
Et, alors que je commençais à faire le décompte dans ma tête – si il n'apparait pas dans 20 secondes je m'en vais – sa silhouette sortit du magasin, écharpe et bonnet sur la tête. Il semblait fatigué, lorsqu'il fit parcourir ses yeux devant le magasin, sûrement à ma recherche. Enfin, il me vit sur ce banc, éclairé par un lampadaire, puis vint vers moi.
- T'as pas beaucoup de temps. Il commença, en s'asseyant près de moi. Je dors chez Nam' et Jin, et j'veux pas les faire attendre.
- Quoi ? Mais-
- Encore 1 minute 27. Il me coupa, en jetant un coup d'œil à sa montre numérique dont on voyait très clairement les secondes défiler.
J'inspirais alors un grand coup, comprenant qu'il ne rigolait vraiment pas. Il me laissait 1 minute 30, c'était clairement impossible pour moi d'ordonner mes pensées, mais c'était mieux que rien.
- Je voulais te dire que je suis désolé. Je sais, ça ne suffit pas, je te l'ai déjà dit plein de fois, mais je veux que tu saches que je n'ai jamais été aussi sincère. Je... j'ai pas l'habitude de m'excuser, tu vois, je grimaçais légèrement, de me remettre en question, tout ça, mais comme tu le vois, je fais l'exception pour toi. Parce que je sais que j'ai été un connard. Enfin non, pas un connard quand même, mais vraiment, crois-le ou non, mais si j'avais su que tu n'avais pas vu cette fille, assez important pour toi ou du moins dans le passé, depuis si longtemps, je ne serais pas venu m'imposer. Je ne serais même pas venu déranger tout court, en fait. Je comprends bien que votre temps était comptée, qu'elle partait le lendemain même, et être intervenu pour une histoire de... quiproquo, c'était totalement immature et irréfléchi, en plus d'être, comme tu me l'as si bien dit, égoïste. Après, tu peux admettre que ta réaction a été aussi assez exagé-
- 30 secondes. Il m'indiqua. Je te rappelle que t'es censé t'excuser, pas me reprocher un truc.
Je le regardais, avant de baisser le regard vers le sol en face de moi. C'était rabaissant, pour moi, de parler comme ça. Mais après tout, je l'avais cherché.
- Bref, je repris, je suis de tout cœur désolé, je voudrais que tu acceptes mon pardon et je ferais n'importe quoi pour, fin' pas n'importe quoi quand même mais tu m'as compris. Je ne sais pas quoi te dire d'autre, à part que je m'en veux énormément et que je ne comprends moi-même pas ma réaction, alors voilà. C'était mes plus plates excuses, je me suis expliqué et justifié, libre à toi de me pardonner ou non, Taehyung.
J'avais la gorge sèche. A cause de mon très long monologue, ou peut-être du stress, aussi.
Cependant, je n'entendis rien de sa part. Alors je tournais le visage vers lui, pour constater qu'il me regardait. Il me défigurait, totalement, je ne sais pour quelle raison.
- Je ne savais pas que tu pouvais parler autant. Il débuta, et je ne sus comment prendre son ton, sérieux, ou à la rigolade. Et te rabaisser à ce point, aussi. C'est... très satisfaisant.
Mais quel connard.
- Bon, arrêtes de jouer ! Tu as très bien compris ce que j'ai voulu dire, je ne me suis pas rabaissé ou quoi, j'ai juste dit que... je regrettais un peu.
Il haussa les sourcils. Il ne me croyait pas.
- Oui, j'ai compris.
Mes yeux se mirent à briller, il me pardonnait ? Mais il reprit.
- J'ai compris que j'étais important, il sourit cette fois-ci clairement et ça me fit du bien de le voir, pour que Jeon Jungkook en personne face le premier pas pour s'excuser. Je suis honoré, de voir que je te manque à ce point.
- Bien sûr que tu me man- eh mais j'ai pas fait le premier pas ! Je m'étais repris, un peu tard, dans mon élan flagrant de sincérité.
- Alors pourquoi on est là à parler, andouille ? Il pouffa.
- J'ai pas fais le premier pas ! Je continuais, buté.
- Si, tu l'as fait. Nous coupa une voix. Fais pas le gosse, Jungkook. Namjoon venait de nous interrompre, et était apparemment du côté de son employé.
Je gonflais les joues, prêt à répliquer, mais telle une mitraillette visant mon égo, une autre personnalité intervint.
- Sans me ranger du côté de l'un ou de l'autre, Jungkook, tu as fait le premier pas. Jin, qui tenait la main de Namjoon venant de fermer le magasin, rajouta. Je dirais même un saut, à ce stade.
- Taisez-vous ! J'implosais, et ils ricanèrent tous les trois.
Bon, ok, j'étais allé le cherché jusqu'au magasin, ok, je l'avais limite trainé de force jusqu'ici. Ok, je l'avais embrassé. Aucun rapport, je secouais la tête pour en chasser cette idée saugrenue.
- Sinon, ça y est, vous êtes réconcilié ? On peut y aller, Tae' ? Jin lança. J'ai faim, moi.
Et alors que je pensais qu'il allait se lever et les suivre, la discussion s'arrêtant là car le temps qu'il m'avait gentiment offert étant largement dépassé, il répondit.
- Laissez-moi juste cinq petites minutes, s'il vous plaît.
Comment refuser une telle demande, dite aussi poliment ?
- Ok. Namjoon fut compréhensif. On t'attends dans la voiture, traînes pas.
On les regardait partir, puis quand ils furent assez loin, et comme je ne voulais pas être dans un silence malaisant avec lui, j'enchaînais aussitôt.
- Est-ce que je dois prendre ce temps supplémentaire comme une acceptation de mes excuses ? Je lançais, un chouïa taquin et sourire en coin.
- A toi de voir. Taehyung haussa les épaules, regardant tout comme moi en face de lui, la nuit enveloppant les formes de la fontaine sur la place. Mais je dois être honnête avec toi, ça m'a fait plaisir de te voir te démener ainsi pour me reparler. Je pensais pas que je serais si important parmi tes relations. C'était dit avec un grain de moquerie, aussi, ce qui me gêna.
- C'était uniquement dans mon intérêt. Je tournais la tête à l'opposé, hautain comme jamais.
- Évidemment. Je ne le voyais pas, mais j'aurai pu parier 50 euros qu'il venait de rouler les yeux au ciel : je connaissais ses mimiques, maintenant.
Un silence prit place entre nous. Contrairement à ce que je pensais, pas désagréable, non, c'est comme si nous étions tous les deux plongés dans nos pensées, mais que la présence de l'autre ne nous dérangeait pas.
- Je suis désolé, pour tout à l'heure. Brut, mais nécessaire.
- De quoi ? Il fronça les sourcils, je l'avais réveillé de ses songes.
- Pour tu sais... euh la réserve. Dieu, c'était difficile à dire, cette merde. Quand je t'ai, genre coupé ? Pour pas que tu parles, je, j'ai une pulsion et sur le moment j'ai pas eu d'autres solutions, surtout que je voulais m'excuser de base, et je te re-manque de respect en... en faisant ça.
Il éclata de rire. Mon état l'amusait. Ma gêne lui était savoureuse. Surtout que ce n'était pas dans mes habitudes d'être gêné à propos d'un contact physique, et pour si peu. Mais c'était différent, avec lui. Premièrement, c'était un homme. Deuxièmement, il était... perturbant. Troisièmement, c'était juste... lui.
- Tu veux rire ? Tu m'as roulé la pelle de ma vie, tu veux que je fasse quoi ? C'est pas très fair-play, d'ailleurs, Jungkook. Humour trop salé à mon goût. Beaucoup trop, je devais retournais la situation, pour ne pas qu'il ai le temps de voir mes rougeurs.
- N'importe quoi. Je me raclais la gorge. Arrêtes de me taquiner comme ça, le principal, c'est que tu me pardonnes, hein ?
- Mais je ne te taquines pas.
Je m'arrêtais dans mon mouvement qui consistait à gratter le bois du banc.
Ce n'était pas de l'humour.
Alors, je devais prendre sa phrase sérieusement ? Il... il ne m'en voulait pas ? Pire que ça, il avait aimé... lui aussi.
Je ne sais pas pourquoi battait autant, mais nous étions juste dans un espèce de cocon qui faisait que je pouvais lui demander ce que je voulais, malgré tout. Je m'étais toujours posé cette question, après tout ce temps, et beaucoup de choses me le confirmer. Et puis après tout, j'avais le droit d'être un peu curieux à son propos, non ? Ça restait une question lambda, comme si je lui demandais il avait combien de frères et sœurs, ou son groupe sanguin.
- T'es gay ? Soufflais-je, beaucoup moins fort que ce je l'aurai voulu, mais il comprit quand même.
- Et toi ?
- Non !
Ces trois petites phrases avait été dites à la suite, entrecoupé d'un millième de secondes entre chaque, et je m'étais retourné vers lui pour vivement protester, suivit d'un long silence de plusieurs dizaines de secondes. Mais alors que je pensais que la discussion était terminée, il me répondit. Il venait de réfléchir à sa réponse, et sa tête était penchée en arrière comme s'il trouvait ses idées grâce à la lumière des étoiles dans le ciel.
- Trouves-moi quelque chose de à la fois adorable, gentil, honnête et sensible, et je suis tout ce que tu veux. Il me lança un coup d'oeil, sérieux. On aime pas un genre, mais une personnalité, selon moi.
Je ne détournais pas le regard. Je le trouvais beau, comme ça. Pas que physiquement non, bien que le lampadaire qui éclairait les traits de son visage pourtant fatigué me le faisait plus que comprendre, mais c'était sa mentalité à ce moment précis qui m'éblouissait. Sa personnalité.
Qui aurait qu'un jour viendrait où nous aurions une conversation profonde en plein milieu d'une rue commerçante et en pleine nuit ? Pas moi, en tout cas.
Et, comme je n'assumais pas la brillance admirative dans mes yeux lorsque je détaillais sa personne, des cheveux qui dépassaient de son bonnet à sa mâchoire carrée mis en valeur par son écharpe, je préférais retourner l'ambiance, à la déconnade.
- T'essayes de m'avouer un truc ? Je pouffais, et il arqua un sourcil confus.
- Hein ?
- Ce que tu viens de dire. J'expliquais. Ta description, c'est tout moi. Je me retenais moi-même de rire en mordant la joue du profil qu'il ne voyait pas.
Il prit beaucoup de temps à comprendre, puis enfin, il renifla dédaigneusement.
- Pff... N'importe quoi. Et il rajouta : T'es tout sauf gentil et adorable.
- Donc, tu valides le reste ? Je souriais, ça s'entendait au travers de mes mots.
J'aimais bien l'embêter, comme ça.
Malheureusement...
- Pourquoi tu m'as embrassé ?
... Il aimait bien m'embêter, aussi.
Utiliser ce sujet sensible, pour changer de sujet, je devais admettre qu'il était futé.
Mais je décidais de ne pas lui laisser la joie de me voir déstabilisé.
- Je te l'ai dis : tu parlais trop. Je regardais devant moi, amusé. Ça sifflait dans mes oreilles.
- Parce que tu connais beaucoup de personnes qui embrasse pour faire taire l'autre ? Si ça avait été le cas, tout le monde entier aurait embrassé tout le monde.
Il me perdait, cet abruti. Surtout lorsqu'il revint à la charge, en approchant sa tête à mon oreille pour y susurrer les paroles suivantes, qui sonnaient dangereusement comme une vérité dans mon crâne en surchauffe.
- Tu n'attends que ça depuis la soirée de Baekhyun. De m'embrasser. Son souffle venait de me donner la chair de poule.
Est-ce que mon cœur avait déjà battu aussi vite, une fois dans ma vie ?
- Avoues-le, Jungkook. Je le comprendrais, tu sais, personne de mon vécu ne peut se passer de mes baisers après y avoir goûté.
- N'importe quoi. Proche du halètement, ma voix.
Il fallait qu'il arrête de me chauffer, parce que ça ne me faisait rien, strictement rien.
- Vraiment ? Il avait pouffé, sa voix grave s'était cassé dans de l'aigüe à la deuxième syllabe.
- Ou-ouais. Je le repoussais rapidement à l'aide de ma main gauche pour l'éloigner de ma peau sensible. Vraiment. J'étais fier de moi, mon vraiment était confiant.
Il ricana, et je l'imitais nerveusement. Cette situation... j'avais l'impression, d'être en proie à de la drague, et que je paniquais, mais il n'en était rien. J'étais juste très mal à l'aise avec les hommes tactiles – faux : Jimin – et cela m'énervait simplement qu'il maîtrise la situation ainsi.
- Tu vas te mentir à toi-même encore longtemps ? Il relança.
- A quel sujet ? Je fronçais les sourcils, ne voyant pas de quoi il veut parler.
Après tout, j'étais honnête avec moi-même, j'étais sûr de moi, alors, comme pourrais-je me mentir ?
Il pouffa de nouveau, de son rire communicatif, avant de s'arrêter, et de reprendre.
- Soyons honnêtes, Jungkook. Sa voix grave parvint à mes oreilles, annonciatrice de la bombe qu'il allait lâcher. Tu as beau être hétéro, tu es attiré par moi, et ça ne date pas d'hier.
Je manquais de m'étouffer avec de l'air.
Oui.
Je le trouvais beau. J'avais envie de le voir. Souvent. J'éprouvais des sentiments bizarres en sa présence. Une tension indescriptible entre nous. J'étais attiré par lui. J'éprouvais des envies plus qu'amicales envers lui. Mais, c'est lui qui avait commencé.
- Non, c'est toi qui est attiré par moi.
- Pas si toi, tu l'es pas. Il répliqua instinctivement.
- Alors, non, je ne suis pas attiré par toi.
Oui, j'étais buté. Mais j'avais une fierté, une dignité, que je me devais de maintenir. Cependant, lui était plus que têtu, et avait l'air d'y tenir aussi.
- On part sur ça ? On part sur un jeu de séduction tout pourri parce qu'aucun de nous deux ne veut avouer qu'on se plait plus qu'il ne le faudrait ? Il sourit. Ça me va.
Je tournais mon visage vers lui, pour constater un immense sourire rectangulaire, comme un enfant serait content d'obtenir son jeu pour noël. Sauf que le jeu que nous venions de créer était tout autre.
Il s'approcha de moi, puis embrassa ma joue. Délicatement, ses lèvres avaient effleuré ma peau, et toute la tendresse et la douceur dont il venait de me faire part la colorèrent d'une teinte rosée.
- Bonne soirée, Kookie. Il souffla contre, puis comme s'il ne venait pas de faire ça, se releva, sans m'accorder un regard, et sortit de mon champ de vision, me laissant encore assis, maintenant seul, ma paume de main à l'endroit qu'il venait de chérir.
Nous venions de passer un autre cap, dans notre relation. On s'est détesté, on s'est rapproché, et maintenant, nous étions en voie de nous draguer ? Ce jeu m'effrayait, autant que j'en étais content de la tournure. Je n'aurai pas prédis que la soirée se terminerait ainsi, en venant m'excuser.
Un nouveau jeu, et de quoi m'occuper pendant très longtemps :
Son entêtement, contre ma dignité.
Qui sera la plus forte ?
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