Cassette 3 - Face A
Vers 13 h, Andrès Toledo dit au revoir à son ami d'enfance Joseph Richards. Il regarda longuement son téléphone, jugeant le pour et le contre avant de finalement composer le numéro, mais c'est un appel entrant qui le freina dans sa course.
Les grands esprits se rencontrent.
- Toledo, c'est Lourdes. Je me doute que tu es plus que ravi de mon appel, mais en fait heu... Je suis à l'hôpital et ils ne veulent pas me laisser sortir sans qu'une personne m'accompagne parce que je suis fatiguée et je n'y vois pour ainsi dire que dalle à part des formes brumeuses donc... Même à vélo c'est mort... Et puis de toute manière, ils sont en train de me bander les yeux apparemment.
- Pourquoi t'obstines-tu à m'appeler par mon nom ? Est-ce que je t'appelle Lil moi ?
- Je préfère, ça fait moins... Proche.
- Lourdes il n'y a pas plus proche que nous deux. Je veux dire, ça ne te dérangeait pas l'autre soir, je crois, et la nuit d'avant ainsi que celle d'avant. La liste est longue tu es sûre que tu ne veux pas m'arrêter ? Parce que je peux continuer longtemps en te disant qu'au contraire...
- Bon est-ce que tu viens ou pas ? le coupa-t-elle sèchement.
- J'arrive trésor, laisse-moi 15 minutes.
- Oh ! Je t'en prie, je me passerais du surnom ridicule.
- Si tu insistes pour m'appeler Toledo, je me vois dans l'obligation de rejeter ta requête sans préavis pour vice...
Bip. Bip. Bip.
- De forme et abus de pouvoir.
Elle a raccroché. Cette fille n'est pas croyable, à chaque fois que j'ai l'impression d'être à sa portée elle s'échappe. Putain de magnifique gonzesse.
Andrès avait 7 ans de plus que Lourdes, quand ils étaient adolescents ça aurait été choquant, mais désormais qu'une trentenaire soit avec un autre trentenaire n'avait rien de scandaleux. Pourtant elle a toujours refusé d'avoir une relation avec lui. Il a bien tout essayé, mais Joseph Richards avait raison, Lourdes était comme un félin, elle ne se rapproche que quand elle le désire et si on est là tant mieux sinon tant pis. Andrès aurait aimé avoir plus. Ne serait-ce que pouvoir la présenter à ses amis comme sa petite amie parce qu'il en était fier de sa conquête. Mais elle ne voulait rien qui ressemble à de l'amour ou même s'approchant un tant soit peu à des sentiments. Il n'a jamais su pourquoi, mais il semblerait que ce soit son mode de fonctionnement et depuis un bon moment, parce qu'il pouvait passer pour un macho en le pensant, mais aucune fille ne lui avait autant résisté. Il se dit souvent qu'une personne saine d'esprit aurait abandonné depuis longtemps, mais en fait c'est étrange parce qu'on peut être déçu d'une personne, dégoûté d'un comportement, ou encore se sentir frustré ou trahi, mais pas lui. Car la chose qui le stupéfiait c'est qu'elle n'avait jamais laissé le doute planer, jamais elle n'a laissé entrevoir le moindre indice d'accroche et c'est ce qui le faisait rester. L'espoir surement ? L'orgueil ? L'estime de soi ? Toutes ses possibilités étaient des bonnes réponses, il n'y en avait pas de mauvaise quand ça concerne Lourdes.
Andrès sourit en pensant que certains hommes rêveraient d'être dans sa situation, pouvoir faire ce qu'il veut quand il veut, aller chez elle/ne pas y aller, rester dormir/ou partir sans explication... Il oubliait certainement une tonne de possibilités et leurs contraires parce que quelque chose venait de lui sauter à la figure (pas comme la tache de sauce soja sucrée sur sa cravate, pas encore). Tout ce qu'il venait d'énoncer dans un sens comme dans l'autre sonnait creux. Ne serait-ce pas le fait que nous ayons le choix qui fait de nous des personnes qui se soucient des autres ? C'est évident, quand on donne le choix à une personne de venir ou pas au cinéma, on sait qu'elle peut dire non. On espère plus ou moins fortement qu'elle va accepter, mais le fait de lui laisser le choix est déjà un gage de sentiments. Où veut-il en venir ? Au premier OUI.
Lourdes est quelqu'un de très directif, qui ne se laisse pas beaucoup aller dans une relation également, Andrès pensait même qu'elle était imperméable, mais en fait l'imperméabilité est à double tranchant ; c'est résistant, mais c'est transparent également. Il ne l'avait jamais vu sous cet angle et peut-être que cette femme passant avec son sac translucide l'a aidé dans son cheminement, mais en fait Lourdes lui laissait déjà des indices et depuis longtemps. Pas volontairement, il ne pensait pas, mais soudain comme une journée de pluie où le soleil perce de toutes ses forces à travers les nuages un rayon s'illumina en lui et son cœur bondit. Il était sûr que c'était sa révélation et pas son estomac qui trimait à pleine puissance pour essayer de digérer ne serait-ce que le quart de ce que ce gouffre avait réceptionné.
Une fois arrivé, Andrès se dirigea tout de suite en direction du pôle ambulatoire quand une secrétaire l'arrêta en chemin.
- Bonjour, Monsieur, excusez-moi, mais il faut vous enregistrer avant de passer !
- Pas de problème je suis Andrès Toledo, l'ami de Lourdes Lil. Elle m'a demandé de venir la chercher.
- Bien sûr, je vous appelle une infirmière pour qu'elle vienne vous chercher !
Elle en a de la bien bonne compagnie, Mademoiselle Lil.
Il est vrai qu'Andrès avait un charme certain. Déjà, son teint lui donnait l'air de rentrer de vacances tous les jours, il s'entretenait également à la salle de sport et il semblait avoir pris les meilleurs traits physiques chez ses 2 parents. Les yeux gris et la bouche pulpeuse de sa mère, ainsi que la barbe fournie, la forme du visage en triangle inversé et le sourire racoleur de son père. Dans ses débuts en tant qu'avocat on ne le prenait pas au sérieux à cause de son physique de modèle. Pourtant au fil du temps il s'est trouvé être le plus gros requin de l'océan et son mètre 90 avait bien aidé pour se forger un nom et une réputation.
- Monsieur Toledo ? Veuillez me suivre, lui indiqua une infirmière derrière lui.
Andrès la suivit jusque dans une chambre non loin. Elle lui ouvrit avant de s'énoncer.
- Mademoiselle Lil, votre compagnon est là.
Quand il passa sa tête au-dessus de celle de l'infirmière, il surprit Lourdes sur une chaise, le visage dans ses jambes ramenées sous ses fesses. Lorsqu'elle entendit le son de la porte, elle releva automatiquement la tête laissant découvrir un large bandeau blanc lui couvrant les yeux.
- Je n'ai pas...
- Trésor, si tu veux sortir il faut coopérer !
Un souffle s'échappa de sa bouche alors qu'elle se leva à tâtons avant qu'Andrès n'accoure pour lui prendre le bras.
- Elle va devoir garder le bandage combien de temps ?
- Vous lui changez ce soir avant le coucher. Demain matin ça devrait être mieux, mais comme on a vraiment enlevé beaucoup de pus on a dû lui mettre dans les yeux un traitement puissant, mais qui la rend photosensible donc c'est juste le temps que les effets secondaires se dissipent. Et puis elle est moins contagieuse comme ça.
Lourdes se laissa guider par le bras d'Andrès qui remercia les infirmières avant de la faire avancer. Quand elle n'entendit plus de chuchotements, Lourdes se permit d'insister, mais en chuchotant elle aussi sans s'en rendre compte.
- Je ne suis pas ta petite amie.
- Et tu n'es pas aveugle. Tout est une question de point de vue, trésor.
Lourdes trop fatiguée pour argumenter pour le moment se résolut et sans qu'elle le voie Andrès sourit, car il savait qu'il avait fait un petit pas en avant. Soudain, il s'arrêta faisant bondir le cœur de Lourdes, elle essaya de se renseigner à tâtons avant qu'elle n'entende un bruit de portière et qu'on l'accompagne délicatement. En inspirant profondément l'odeur singulière de la voiture de son ami, des souvenirs agréables lui remontèrent.
Andrès était et a toujours été quelqu'un d'extrêmement désordonné, moins c'est rangé plus il s'y retrouve. Cependant depuis qu'il a fait la rencontre de Lourdes une petite partie de son bureau ne contient aucun papier. Juste au cas où elle viendrait pour travailler avec lui. Leur rencontre date d'il y a quelques années déjà, ça a été le coup de foudre pour Andrès. Il déjeunait à une table avec Joseph Richards quand elle les avait interpellés.
- Richards, j'ai le dossier pour le comics ! J'ai tout bien regardé, j'ai calculé beaucoup de choses et c'est possible. Vous pourriez même avoir une hausse de vos ventes. J'ai lu des études...
- Mais putain Lourdes !
- Pardon oui bonjour ! avait-elle dit en faisant un rapide signe de main à Andrès prenant à peine le temps de se retourner.
- Mademoiselle. Lui avait répondu Andrès galamment.
- Mais j'en ai putain de rien à foutre là Lourdes ! Vous savez pourquoi ? Parce que c'est le déjeuner et que je ne suis plus le rédacteur en chef de ce journal, mais juste un type à une table qui essaye de manger un repas décent avec son ami.
- Oh pardon vous êtes ensemble ! Je suis ravie que vous ayez quelqu'un dans votre vie, Monsieur Richards.
- Ah non, non, non, on n'est pas du tout... Se défendit Andrès.
- Mais putain, qu'est-ce que vous avez soudain avec vos Monsieur Richards ? Et bordel, comment vous m'avez trouvé d'abord ?
- Vous avez mis votre repas sur Instagram avec la localisation...
- Putain de réseaux sociaux de mes couilles.
- Vous vous joigniez à nous, Mademoiselle, ce serait un plaisir... renchéri Andrès avec son plus beau sourire.
Lourdes se tourna vers lui un sourcil levé et le poing sur la hanche.
- Sans façon.
- Et pourquoi ça ? Lui demanda Andrès confiant avec un sourire en biais.
- J'ai arrêté tout ce qui est animal mort. Je suis végane.
Et là, Andrès s'est dit comme un quart de la population mondiale, peut-être plus d'ailleurs, qu'il était tombé sur une des filles les plus casse-couilles de la Terre. Il avait un tas d'aprioris, d'ailleurs s'il n'avait pas aimé cette fille au premier regard il lui aurait dit d'aller bouffer ses graines avec sa pelouse ailleurs. Oui, c'était le genre de personnes à réagir « haha » sur les photos de viande en commentaire de publications végane. Oui, il était aussi le genre de personne à dire que les véganes sont les cancers de la société actuelle, qu'ils sont des marginaux infréquentables et tellement d'autres choses et pourtant... Pourtant à ce moment-là elle aurait pu lui proposer de partager un bol de houmous avec des tiges de céleri, il aurait accepté sans sourciller. Mais elle est partie avec un sourire fier laissant le dossier sous l'assiette de Joseph.
- Putain d'emmerdeuse.
- Qui est-elle ? demanda innocemment Andrès.
- Ma dessinatrice. Elle veut avoir une page entière dans le journal pour créer un comics. Je lui ai dit que j'étudierais sa proposition, mais il semblerait qu'elle me mâche le travail.
Le lendemain, Andrès lui a fait livrer un plat végane à son bureau avec l'adresse du cabinet et un petit mot.
Si le cœur vous en dit, j'ai commandé la même chose, mais je préfèrerais les conseils avisés d'une experte. J'ai peur d'ouvrir la barquette, vous mangez quand même de la salade un peu vivante.
Lourdes avait souri et était partie le rejoindre, mais pas pour les raisons qu'Andrès aurait pu imaginer. Elle était entrée comme un forcené dans son bureau avant de poser sa barquette sous ses yeux.
- La prochaine fois que vous voulez qu'on mange ensemble, vous ne passez pas par un cycliste autoentrepreneur forcé, qui est payé si misérablement qu'on pourrait croire à un salaire du tiers monde.
- C'est ça ou je venais en Porsche alors je me suis dit que vous accepteriez plus facilement le déjeuner d'un cycliste.
- C'est la vôtre de Porche ?
- Ça change quelque chose ?
- Oui si c'est la vôtre il n'est pas question que je vous fréquente.
- C'est du leasing, je peux la rendre à tout moment.
Et Lourdes l'avait embrassé pour la première fois, « pour l'effort » de rendre sa voiture. Andrès s'était demandé dans quoi il s'embarquait jusqu'à ce qu'il lui propose de venir travailler avec lui dans son bureau si parfois son colocataire était trop bruyant. Ce qu'elle avait fait quelques jours plus tard.
- Qu'est-ce qui t'a fait arrêter la viande et tout ce qu'il y a autour ?
- Beaucoup de gens te répondent l'écologie, la surexploitation, les conditions d'abattage, mais la vérité c'est que ce n'est que ma conscience. À 14 ans quand j'ai vu les premières vidéos sur ce que j'avais dans l'assiette je me suis enfermée dans ma chambre et j'ai remis toute ma vie en question. Est-ce que le goût du poulet rôti mérite ce qu'on lui fait endurer ? Est-ce que mon petit plaisir peut passer avant tout ce qui se produit ? Et je n'en veux à personne de ne pas penser comme moi seulement, moi à titre personnel je l'ai très mal vécu et je ne pouvais plus me regarder dans une glace. Alors je me suis convertie au véganisme.
- Tu n'es pas passé par l'étape végétarienne d'abord ?
Andrès se surprit à écouter de plus en plus Lourdes. Ce qu'elle disait avait un sens et il découvrit la lumière derrière ce mouvement, la bonne manière de transmettre ce savoir à quelqu'un et il la comprit même.
- Je suis intolérante au lactose alors ça aide.
- Jamais tu ne t'es dit que par rapport à toute cette immensité ta manière de vivre n'aurait aucun impact ? C'est une vraie question, ça m'intrigue. Parce que l'humain à tendance à tenir plus du singe et ne faire que reproduire ce que ces congénères font, mais toi tu sembles... En dehors de tout ça. Et pour finir, tu attises ma curiosité.
- Haha. J'ai toujours accompagné ma mère faire des courses et chaque fois qu'on passait devant le rayon viande il me semblait avoir des cornes qui me poussait sur le front et je me sentais puissante parce que je disais non. Et j'imaginais le big boss en train de regarder les chiffres et hurler dans son bureau qu'il vend moins de viande. Mais je ne vais pas te mentir j'ai eu beaucoup de moment où on m'a craché dessus, mais le fait est que sur mon chemin j'ai laissé 4 véganes, à force d'en parler comme je le fais avec toi avec des gens qui veulent vraiment savoir, l'évidence s'est présentée à eux. J'ai des nouvelles souvent sur les réseaux sociaux et je suis tellement fière parce que ça n'a commencé qu'avec moi.
Andrès souriait comme il le fera tellement souvent en face de Lourdes, avant de lui proposer qu'elle reste avec lui pour dîner dans son appartement, ce qu'elle avait accepté. Ils étaient quand même passés préalablement dans une épicerie bio pour acheter le nécessaire avant de rentrer, c'était une des conditions. Tout en préparant à manger, Lourdes s'était amusée à lui faire goûter plein de choses directement du bout de ses doigts, Andrès n'en connaissait pas la moitié, mais il en aima la plupart. Quand ils finirent de préparer le chili végane Lourdes eut une idée pour optimiser le temps de cuisson, Andrès valida à l'unanimité l'idée au coin du feu, tous les deux allongé à même le tapis. Il est évident qu'après ça Andrès a adoré le chili et qu'il en ait même redemandé.
Le lendemain, Lourdes travaillait sur un dessin quand la notification d'un email la surprit.
D'Andrès Toledo à Lourdes Lil
J'aimerais m'acheter ma propre voiture pour partir en vacances, histoire de boycotter l'avion. Des idées, un entre-deux pour que tu puisses rentrer dedans sans m'insulter, mais que ce soit plus confortable qu'une calèche ?
De Lourdes Lil à Andrès Toledo
Salut Toledo,
La calèche il n'y a pas moyen, tu ne vas pas utiliser un pauvre cheval pour trainer ton gros cul de capitaliste. Tesla te parait un bon compromis ?
D'Andrès Toledo à Lourdes Lil
Reçu pour la calèche. Je n'en attendais pas moins ! Aurais-je le droit de me prendre des sièges en cuir ?
De Lourdes Lil à Andrès Toledo
Fondamentalement tu as tous les droits. Éthiquement tu peux. Ils ont une gamme électrique avec des sièges en cuir végane par contre il faut que tu spécifies dans ta commande que tu veux le volant aussi de végane. Ça parait évident, mais c'est en option. Y a des SUV comme des berlines, si jamais tu veux trimballer de la végane c'est la bonne voiture.
Le soir même, il était venu la chercher à la sortie du travail en ouvrant sa vitre.
- Hé poupée, tu veux toucher mon cuir végane ? T'entends comme elle vrombit ? Non ? Normal. 100 % électrique, c'est du lourd là-dessous.
Ça l'avait fait rire tout en l'exaspérant, mais elle était montée et l'odeur qu'elle avait sentie en rentrant dans cette voiture neuve elle la sentait encore aujourd'hui. Pendant ce temps, Andrès analysait le visage de Lourdes ainsi que son corps qui semblait bloquer. Il n'eut aucun doute sur le fait qu'elle était en train de réfléchir ou de penser à quelque chose profondément. Le langage du corps est parfois beaucoup plus parlant qu'aucun mot ou regard.
Il avait bien essayé un jour de lui en parler, mais Andrès s'est rendu compte trop tard qu'il était aussi délicat qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il en avait vu des personnes abimées dans sa carrière, mais des Lourdes, du moins à ce point... Jamais. Il n'arrivait même pas à mettre le doigt sur le problème. Et comment aurait-il pu ?
Au début après les premières désillusions, qui sont uniquement de sa faute, il a cru pouvoir l'aider, mais ce qu'il n'avait pas prévu c'est qu'elle ne voulait pas de son aide. Hélas... Toledo vous le dirait et il le pense très fort, son éducation est un savant mélange de patriarcat profond avec des manières de gentleman tel un dandy italien comme on se les imagine. Il y a de l'idée, mais sa seule ressemblance avec un italien est éventuellement l'amour que sa mère lui porte. Par contre ce qui est sûr c'est le résultat, nous voilà devant un mâle d'apparence dominant, mais si faible et prévenant face à une femme. Alors sa rencontre ; même si dans une vie la rencontre violente entre deux noyaux d'atomes distincts s'appelle la fusion nucléaire. Toledo adore voir les choses en perspectives et vu comme ça ce tout petit mot « rencontre » lui semblerait soudain être un bien grand mot tout à fait approprier. Car Lourdes est véritablement tout l'opposé de ce qu'il s'imaginait de la femme qui partagerait sa vie et pourtant à présent sa seule pensée c'est qu'aucune autre femme ne lui semble à présent plus parfaite. Non il n'y aura pas de, mais. Le fait qu'elle ne veuille pas de lui au plus près d'elle de manière officielle n'a aucun impact sur les sentiments qu'il a développés pour elle. Il sait juste que sa bataille sera longue et faite de petites victoires.
- Loin de moi l'idée d'être trop romantique, mais aujourd'hui... commença-t-il avant qu'elle ne le coupe.
- Je sais et je n'ai pas envie d'en parler. Ce sera sans commentaire pour moi.
- Ce n'est pas une interview que je te demande là, Lourdes, se vexa Andrès, de toute manière je sais absolument ce que tu es en train de faire et tu ne réussiras pas. Je ne rentrerais pas dans ton jeu Lourdes, pas cette fois.
- Je ne joue pas.
Andrès ne répondit pas et savait qu'il avait raison, aujourd'hui ça faisait 5 ans qu'ils se fréquentaient avec Lourdes. Il savait pertinemment qu'elle avait besoin de temps, mais ça commençait à l'épuiser de faire des efforts pour quelqu'un qui va vous rejeter un coup sur deux. Dieu qu'il l'aimait, mais il ne pouvait plus se contenter de miettes, de rayon de soleil dans sa vie, pas après 5 ans à se fréquenter. Il voulait le pain et le grand soleil, il le méritait. D'ailleurs, Andrès lui avait toujours été fidèle même si leur relation n'avait jamais été clairement établie, jamais il n'aurait pu concevoir d'être avec quelqu'un d'autre qu'elle. Hélas, ça ne l'empêcha pas d'être déçu par sa réponse, une nouvelle fois. Mais il resta silencieux parce que tout ce qu'elle attendait c'est qu'il s'énerve afin qu'il parte pour ne pas faire face à ces propres contradictions.
Effectivement comme l'avait prévu June Richards Lourdes somnolait déjà dans la voiture. Andrès sentait sa respiration plus profonde et plus sereine. Malgré tout quand il passa la porte de chez elle il l'aida à se doucher et pendant qu'elle se séchait ses petites dreadlocks correctement il lui changea son lit pour éviter qu'elle ne se recontamine elle-même. Il ne savait pas si c'était possible, mais s'il y avait le moindre risque il préférait l'écarter. Il prit ensuite son pyjama pour lui enfilé avant de la coucher et de l'embrasser.
- Je demanderais à Andy de venir te voir souvent pour être sûr que tout aille bien.
Andrès caressa les cheveux de Lourdes, encore quelque chose qu'il n'aurait jamais pensé aimer, les dreads.
- Je pourrais y arriver toute seule à changer mon pansement.
- Je le sais Lourdes, c'est pour ça que je m'en vais.
Andrès l'embrassa une dernière fois avant de partir, elle avait gagné et ce petit rayon de soleil qu'il avait cru apercevoir tout à l'heure il ne lui laisserait pas l'anéantir. Il voulait l'observer encore un peu quitte à le fantasmer, mais Lourdes lui retint le bras.
- Reste un peu avec moi s'il te plaît...
Andrès sourit avant de s'allonger en face d'elle le front contre le sien.
- Je n'aime pas ton au revoir, lui chuchota-t-elle.
- Pourquoi ça... ?
Andrès pensait qu'elle ne lui aurait rien répondu ou au mieux qu'elle aurait dit « comme ça », mais non.
- Il ressemble à un adieu.
Lourdes se mit ensuite à pleurer toutes les larmes de son corps se répétant inlassablement dans sa tête :
Ça va recommencer.
Andrès attendrit et peut être encore plus amoureux que quand il est rentré dans cette pièce il y a une heure se dit que si ça ne tenait qu'à lui il la demanderait en mariage ici et maintenant. Parce qu'au lieu de tuer dans l'œuf son rayon, de balancer ces miettes par la fenêtre, elle avait confirmé quelque chose.
Ça n'a rien de pas écolo un mariage ?
- C'est le moment où tu dois me dire quelque chose Andrès, gros naze au lieu de me serrer dans tes bras ! Le sermonna-t-elle en larmes. C'est toi qui es si bon pour dire des bêtises d'habitude !
Andrès rigola avant d'embrasser le front de Lourdes et reprendre un air sérieux. Il savait qu'il jouait à quitte ou double. Il le fallait, c'était le moment ou jamais.
- Moi je t'aime Lourdes, depuis le premier jour. Ne croit pas que tu pourras me garder 5 ans de plus juste avec ça même si je garde en tête la valeur de cette phrase pour toi, pour nous, ça ne veut rien dire. Comme pour toi cette situation dans laquelle nous sommes tous les deux, ne veut rien dire. J'aime terriblement ta façon d'être libre, de sembler en dehors de toutes conventions, même en dehors de la vie, pour moi tu tiens plus de l'ange que de l'être humain. Mais voilà Lourdes, je t'aime, je n'en suis pas désolé parce que si tu savais ce que c'est dur de tenir seul d'aussi gros sentiments dans la plus grande indifférence. Aujourd'hui, sa signification m'a fait beaucoup réfléchir, à toi, à nous et je t'assure que je n'ai pas envie de te dire ça, mais c'est aujourd'hui qu'il va falloir faire un choix Lourdes. Je t'ai laissé 5 longues années pour t'habituer à moi, pour que tu me connaisses, que tu me comprennes, mais c'est épuisant de chercher toujours le moindre sentiment dans tout ce que tu fais, tu dis. En fait j'en peux plus. Tu peux me traiter de lâche parce que je suis soulagé de le faire sans avoir à affronter ce si beau regard parce que je ne suis pas certain que j'y aurais résisté.
- Je ne peux pas dire ce que tu veux m'entendre dire, se contenta-t-elle de lui répondre calmement.
- Et je ne veux pas te l'entendre dire parce que ça n'aurait aucun sens. J'aimerai que tu réfléchisses à la place que j'ai dans ta vie et si tu souhaites m'y laisser ou pas. Et si tu comptes me servir le couplet de restons amis sache que j'ai assez d'amis Lourdes. Soit tu me gardes dans ta vie et on continue cette relation, mais tu t'y investis ou alors je m'en vais. Je passerais cette porte et tu n'entendras plus jamais parler de moi. Tu as des problèmes Lourdes et des gros, mais si tu ne me laisses pas au moins t'écouter ça va te ronger de l'intérieur et tu finiras seule sans pouvoir faire confiance à qui que ce soit. Parce que pour l'instant tu as Andy, mais que feras-tu quand il aura trouvé quelqu'un qui lui convienne ? Que feras-tu quand j'aurai trouvé quelqu'un Lourdes... ?
- Alors tu crois que tout se résume à moi ? À mes problèmes comme tu dis ? Tu penses que je vais regretter ma vie sans toi comme si une fille ne pouvait pas vivre heureuse seule, sans homme pour la chaperonner.
Andrès sourit en hochant la tête de droite à gauche.
- Pourquoi souris-tu ? Tu crois que je ne t'entends pas ? Alors c'est tout, tu vas me faire un discours moralisateur et tu vas juste partir comme ça en me donnant l'illusion que j'ai un choix alors qu'en fait je n'en ai pas. Parce que ce choix tu me l'as enlevé quand tu as trahi ma confiance, je t'avais prévenu dès le début que je ne voulais rien qui s'apparente à une relation de près ou de loin. Que je ne voulais pas de sentiments, pas d'attache, rien ! Là, j'avais le choix à ce moment !
- La liberté s'arrête là où commence celle des autres. Je ne te mets pas le couteau sous la gorge, je ne t'impose rien Lourdes je veux juste que tu mettes fin à mon supplice. Ce matin en me levant je n'aurais jamais pu imaginer en être là aujourd'hui, mais voilà. Tu as toutes les cartes en main et moi je n'ai plus qu'à te laisser réfléchir.
- NON ! TU NE PASSES PAS CETTE PORTE ON N'A PAS FINI DE PARLER !
- Oh si trésor puisque tu commences à hurler.
Lourdes secoua la tête d'avant en arrière en répétant inlassablement qu'elle ne voulait pas et finit par s'endormir dans les bras d'Andrès. Quand il fût certain qu'elle s'était endormie, il sortit de la chambre pour aller chercher son ordinateur portable dans sa voiture et passer quelques coups de fil. Personne ne pouvait savoir ce qu'elle « ne voulait pas » à part peut-être le type aux allures de détective qui passa devant l'appartement et même sous les yeux d'Andy et Andrès sans que personne ne s'en rende compte. En descendant les marches de son immeuble, il croisa Andy qui fumait dehors, assis sur une des marches devant le perron.
- Tiens l'avocat, ça va ?
- Entre Lourdes qui m'appelle par nom et toi par mon métier je vais finir par me vexer ! rigola-t-il.
- Mais non, c'est affectueux ! Moi elle m'appelle Parker aussi, mais ça l'a fait rire parce qu'elle a l'impression de vivre avec Spiderman.
- Ça ne m'étonne pas ! Sacré elle...
- C'est un numéro... C'est bien en tout cas qu'elle t'ait raconté pourquoi elle peut être si distante dans ses relations.
- Elle ne m'a rien dit de tel... ?! En fait je lui ai posé un ultimatum.
- Oh, merde j'ai encore parlé trop vite. Haha, Monsieur pieds dans le plat ! Comme je l'ai entendu pleurer, je pensais qu'elle te l'avait dit. Je suppose que ça ne fait rien si je te le dis, de toute façon je suis arraché avec ce pétard, il sera mon excuse. Et puis ce serait trop con que tu la laisses. Je sais qu'elle t'en donne toutes les raisons, mais je crois que tu n'as pas ce qu'il faut en ta possession pour la comprendre... En plus, je ne sais pas si elle s'autorisera à le répéter à quelqu'un un jour et puis merde, j'en ai marre de la voir comme ça à cause de ce putain de connard.
Le type qui était passé se retourna, mais personne n'y fit attention une fois de plus.
- Ça remonte à avant le Daily Beelen, elle prenait des cours d'arts du soir avec moi sauf que ce genre de cours coûtent une blinde alors moi je m'en foutais parce que c'était mes parents qui payaient, mais elle par contre à dû travailler en parallèle de ses études de journalisme. Avec sa jolie frimousse, elle a réussi à se trouver un taf dans une grande entreprise du centre-ville et elle a été amenée plusieurs fois à rencontrer le grand patron qui lui a tout de suite fait des avances. Au début, elle était un peu mal à l'aise parce que déjà elle n'avait jamais eu vraiment de copain et qu'en plus c'était son boss, mais de fil en aiguille il a réussi à la séduire et ils ont entamé une relation.
Andrès écouta patiemmentparce qu'il savait qu'Andy allait enfin lui révéler ce qu'il attendait depuisdes années. Il allait avoir les réponses à toutes ses questions et enfin quelqu'und'autre à blâmer que Lourdes. Il espérait aussi secrètement que ça la fassechanger d'avis sur eux deux, en tout cas il y avait un plus grand espoir. Et c'estsur cette chaleur que ressentait Andrès à l'annonce du plus grand secret de sesdernières années qu'Andy y insuffla petit à petit la tempête de neige du passéde Lourdes. L'un pensait à quelque chose d'insubmersible tandis que l'autre voyaitclairement le haut, mais aussi le bas de l'iceberg. Ce qui était sûr c'est qu'Andrèsn'était pas prêt.
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