Cassette 1 - Face B

C'était une magnifique soirée de printemps, l'air était frais. Il présentait sa copine qu'il aimait profondément à ses parents dans leur villa de Beverly Hills. Il s'était émancipé de cette vie de luxe pour construire son propre avenir, être journaliste, ça n'avait pas plu à son père c'est le moins qu'on puisse dire alors un soir il a claqué la porte sans jamais se retourner. Pourtant 10 ans plus tard, une fiancée pendue à son bras et quelques rides en plus, il toqua à cette fameuse villa de Beverly Hills qu'il avait presque oublié.

Les souvenirs s'effacent si vite...

Évidemment ces parents ont vu là une opportunité pour leur future belle fille de se faire un nom dans ce monde. Alors après quelques jours le verdict a été rendu par le patriarche quant à leur possible mariage :

- Je suis désolé mon fils.

Sterling laissa échapper quelques larmes avant d'emprunter la même sortie que 10 ans plus tôt si ce n'est le cœur encore plus meurtri. Cependant il était impossible pour cette femme de refaire la même erreur 2 fois.

Non, ce n'est pas possible, pas encore. Je ne perdrais pas à nouveau mon bébé.

Alors une petite voix fluette se fit entendre derrière la jeune fiancée.

- Allez-y jeune fille je m'occupe de son père.

La jeune fille se retourna faisant face à la mère de Sterling émue par cette prise de position, elle la remercia avant de partir en courant enfilant ses baskets le plus vite qu'elle put. À dire vrai la jeune fiancée n'eut pas de difficulté à retrouver sa moitié puisqu'il était à pied et marchait nonchalamment dans les rues, frappant chaque pierre comme si elles étaient responsables de son malheur et de sa déception. La jeune future épouse au cœur tendre se dépêcha de le rejoindre avant de le prendre par le bras et relever ses yeux émeraude sur lui. Elle aurait aimé atténuer la peine et les tourments qu'elle voyait dans ses yeux tout en sachant qu'il ne tenait pas qu'à elle de régler ses chagrins.

Sterling lui, n'avait aucune envie de parler et ça se voyait. Son regard se perdit dans celui de sa fiancée et il ne vit que la déception que ces parents reflétaient pour lui.

Est-ce que je vais reproduire ce que j'ai vu  ? Est-ce que j'arriverais à faire mieux que mes parents  ? Est-ce que je peux être le mari qu'elle attend et qu'elle mérite  ?

Il ne pouvait décemment pas lui en demander plus, pour lui elle était parfaite. Elle s'était déjà complètement ouverte à ses parents tout ça pour qu'elle soit rejetée de la pire manière qu'il soit et pour quel motif  ? L'argent. Sterling n'a jamais donné une autre importance qu'un vulgaire bout de papier ou qu'un numéro virtuel à l'argent. Ces parents le savaient alors pour quoi refuser  ? Il avait fait pourtant les choses dans les règles car il aurait très bien pu se passer de leur consentement. À un moment, sa bien-aimée a cessé de le regarder et lui a juste mis son bras sur le sien pour faire une petite balade au clair de lune dans les rues luxueuses de Beverly Hills. Sterling se dit qu'il ne pourrait jamais payer un de ces magnifiques manoirs à sa chère et tendre car il n'en aurait jamais les moyens. Pourtant c'est ce qu'elle méritait.

Elle profita de ce moment simple avec Sterling, essayant d'être de la plus grande aide possible juste par sa présence. Il y a de ces personnes sur Terre qui ne semble exister que pour rayonner et faire de votre vie le plus beau des paradis. Sarah en était capable. Elle pouvait en un seul sourire vous faire mourir pour elle. Sterling n'a jamais cru en l'âme, au fait que nous aillions une espèce d'entité à l'intérieur de notre corps, c'était pour lui invraisemblable jusqu'à ce qu'il la rencontre. S'il devait d'ailleurs la comparer à quelque chose ce sera à un diamant. Les yeux de Sterling se penchèrent pour observer l'objet de sa pensée et comme il s'en douta elle croisa son regard et lui offrit le plus beau des sourires.

Dans ce sourire Sarah y avait mis tout l'amour qu'elle avait pour lui car celui qu'elle regardait faisait bondir son cœur à chacun de ses gestes pour elle, à chaque regard, chaque mot. À ce moment précis, cet instant « T » immuable et infini dans le temps, elle était sûre d'être la bonne personne pour lui et qu'il était la bonne pour elle. Elle avait raison, jamais l'un comme l'autre n'avait ressenti ce sentiment si puissant avant. Sarah ressentait une sensation de dépendance à son partenaire comme si elle avait été faite pour lui. Ce n'était pas douloureux au contraire, avec ça elle avait l'impression de pouvoir tout affronter, tout traverser, tout vivre tant qu'il était à ses côtés. Sterling surprit un des nombreux regards amoureux de son âme sœur et passa son bras autour de son cou pour la serrer contre son cœur mais au même moment un bruit de détonation se fit entendre. Tout se passa ensuite très lentement et pourtant ce ne sera pas ce que diront le peu de rescapés ce soir-là. Sarah eut l'impression de ne rien comprendre et de vivre la scène au ralenti, comme si la cassette de sa vie venait de bloquer.

Un liquide rougeâtre coula le long de son cou et en baissant les yeux elle remarqua le filet de sang se frayait un chemin jusqu'à son décolleté. Il y en avait un autre qui vivait la scène au ralenti et avant même qu'il ne réagisse un deuxième coup de feu fût tirer et toucha Sterling au niveau des reins ce qui le fit lourdement tombé par terre. Sarah toujours consciente et debout analysa rapidement la situation, le plus vite que sa vision ralentie lui permettait de faire. Son regard trouva enfin sa cible, un type avec 5 armes autour de sa ceinture et 2 à la main tirait n'importe où parmi les passants sans se soucier de rien.

La réalité frappa Sterling de plein fouet comme une gifle monumentale ou une cassette qui se remettrait soudain à fonctionner. Même dans un quartier considéré par ses habitants comme sûr à 85 % la nuit, accompagné d'un taux de criminalité avoisinant 0, tout pouvait arriver. L'urgence de la situation lui fit dire qu'il fallait se mettre à l'abri quand Sterling tomba brusquement au sol à peine conscient. Sarah ne pouvait rien faire au vu de son poids demi-mort. Malgré tout elle se refusait à l'abandonner alors sa bien-aimée le contourna puis pris sa main valide sur son cou et essaya de toutes ses forces de le soulever.

- Sterling, je t'en supplie il faut que tu m'aides  ! Je t'en prie essaye de te lever il faut qu'on se cache, bébé. S'il te plaît.

Sarah ne put que constater qu'il essayait de toutes ses forces jusqu'à ce qu'elle entende un bruit de régurgitation et en tournant la tête, Sterling cracha du sang comme s'il le vomissait. Les bruits de détonations et les cris hantaient désormais le quartier et ça de manière de plus en plus régulière.

- Non. Non. Non Sterling. Tu ne vas pas mourir là, c'est hors de question  ! ON ne va pas mourir là, d'accord  ? On a pleins de trucs à faire avant tu te souviens  ? Se marier, avoir des minis-toi qui me feront avoir des cheveux blancs, bien sûr trop jeune. Me supporter aussi parce que je serais une vieille mamie aigrie qui n'est jamais contente des visites de ses enfants et de ses petits enfants  !

Un sourire se dessina sur la bouche ensanglantée de son amant alors qu'il commençait à entrevoir ce qu'aurait pu être sa vie avec elle. Sarah quant à elle réussit tant bien que mal à les mettre à l'abri dans les buissons du plus proche jardin. C'était tout près de la route mais elle ne pouvait pas faire mieux physiquement, il était bien trop lourd et elle était bien trop affaiblie par sa propre blessure. Sarah savait qu'il allait revenir au vu du nombre de personnes qui étaient revenues vers leur trottoir. Alors en voyant Sterling au sol ses mains furent secouées de violents tremblements et elle ressentit brusquement de la peur à l'état brut. C'était quelque chose de primitif. Cependant elle n'avait pas peur pour sa vie mais celle de son fiancé. Soudain elle surprit le tee-shirt blanc de Sterling se maculait de plus en plus de son propre sang qui à la manière d'une rivière se frayait un chemin depuis sa blessure au bas de son pantalon. Il peinait à respirer mais était toujours avec elle.

- Je t'aime ma puce..., lui murmura-t-il dans un souffle.

- NON. Tu ne dis pas des choses comme ça, tu m'entends  ?

Un sourire fugace se dessina sur le visage de son cher et tendre alors qu'elle retira son propre tee-shirt pour lui faire un garrot au niveau de son bras. Le tatouage d'ange de Sterling avait lui aussi pris une balle. Même dans ses circonstances elle eut la présence d'esprit d'observer sous son bras lui laissant la liberté de constater que la balle n'était pas ressortie, il lui avait sauvé la vie.

S'il n'avait pas mis son bras sur mes épaules, protégeant ainsi mon cou je serais probablement morte à l'heure qu'il est.

- Si je ne le dis pas maintenant alors je te le dirais quand ? S'amusa-t-il.

- Tu crois que c'est le moment de faire de l'humour  ? T'es qu'un crétin  ! Si t'avais gardé ton bras dans ta poche j'aurais pris la seconde balle comme ça aurait dû se passer et tu te serais accroupi pour me réceptionner ce qui t'aurait évité la troisième balle  ! Et il y en aurait eu au moins un de nous de sauf.

Sterling leva difficilement sa main vers son visage et caressa sa joue. Cette caresse avait un goût amer, celle d'un adieu mais il pensa qu'il ne pouvait pas y avoir de plus belle fin au monde.

- Tu vas rester avec moi, tu m'entends  ! Il est hors de question que tu meures ici dans ce quartier de riche ! Après tu seras dans les journaux mon ami et tes potes les journalistes ils vont tomber dessus et alors là ce sera la disgrâce pour toi. Qui croira après ça que tu n'es pas pro-riche, pro-capitalisme, je ne sais quel pro encore que tu refuserais même d'imaginer ! Donc tu patientes un peu qu'on se sorte de là avant de rendre ton dernier souffle.

Un petit rire s'échappa de la bouche de ce brave Sterling faisant gicler un filet de sang directement de l'impact de balle de son bas ventre.

- Au moins la dernière chose que j'aurais vue c'est ton magnifique corps... S'amusa-t-il en regardant sans vergogne l'amour de sa vie. Il peut le dire désormais.

- Et tu le reverras imbécile ! 

Les tremblements de Sarah l'empêchaient d'être rapide mais que Dieu lui en soit témoin elle faisait de son mieux pour se maîtriser un maximum.

Il a besoin de moi en pleine possession de mes moyens là, pas d'une chialeuse.

Ses pensées fusaient à toute vitesse plus ou moins sordide, plus ou moins rationnelle et elle essayait de faire le tri des informations le plus vite possible. Sarah sortit alors son portable de la poche de jeans de Sterling et appela les secours. Elle dut décliner son identité puis l'opérateur commença sa série de questions.

- Il a reçu combien de balle mademoiselle  ? Combien sont ressorties  ?

- Deux balles. Une dans le biceps qui y est encore et une au niveau des reins qui l'a transpercé. Je lui ai fait un garrot au niveau du bras mais je ne sais pas quoi faire pour l'autre...

- Enlevez-lui son tee-shirt et compressez la plaie mademoiselle. Vérifiez qu'il n'a rien qui lui sert type pantalon, caleçon, gaine, ceinture. Ça va aller, d'accord  ? Je vais rester en ligne avec vous. Est-ce que vous pouvez voir où est le tireur  ?

Elle se releva légèrement pour avoir une vision de la rue mais ce qu'elle vit lui coupa le souffle.

- Il revient, il remonte vers nous. Il va me trouver  !

- Ne vous inquiétez pas madame, faites le moins de bruit possible, j'ai déjà prévenu la police qui arrive sur les lieux mais il faut que vous gardiez en vie votre ami parce que les ambulances ne seront pas là tout de suite.

- Comment ça pas là tout de suite  ? Je ne peux pas faire ça je ne suis pas médecin, c'est d'un médecin dont il a besoin et tout de suite  !

- Je comprends mademoiselle mais les services d'urgence ne se déplacent que quand le périmètre est sécurisé vous comprenez  ? Sinon ils seraient bien évidemment la cible numéro 1 et ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas  ? Alors respirez profondément, votre ami a besoin que vous restiez forte, d'accord  ? Vous êtes déjà une sacrée femme d'avoir fait tout ça  ! Il faut que vous limitiez l'hémorragie au maximum  !

Soudain des bruits de pas se firent entendre mais Sterling n'était déjà plus conscient tout ce qu'il entendit furent ses cris de douleurs intérieures qui lui vrillaient les tympans. Sarah elle n'avait pas ce luxe, elle pouvait exactement percevoir les bruits de pas arriver vers eux. La démarche était régulière, la respiration calme, elle mit une main sur sa bouche pour limiter sa respiration pour ne faire aucun bruit alors que son corps entier tremblait frénétiquement. Cependant elle n'avait aucune idée que ses spasmes faisaient trembler le buisson. Pourtant il aurait pu ne pas la voir mais sans qu'elle n'ait aucun contrôle sur la situation la sonnerie du portable de Sterling se déclencha. Sonnant à pleine puissance malgré l'appel déjà en cours, la dernière chose qu'elle vu s'affichait sur l'écran fût « Papa ». Et sans réfléchir elle se leva pour ne pas qu'il fouine ou tire dans les buissons et les tue tous les deux.

- Oh mon dieu. NON. NON. NON. Je vous en supplie.

- Mademoiselle  ? Mademoiselle ? S'époumona l'opérateur.

Puis 3 coups de feu s'ensuivirent. PAN. PAN. PAN. Puis Sterling sombra définitivement.

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