3.
La démarche hautaine, le regard haut et fier, un air supérieur gravé sur le visage, les cheveux tombant en boucles d'or dans son dos, Inès, semblable à une reine, traversait le couloir, suivit de ses trois amies. Ce matin là, et comme toujours, elle s'était réveillée seule dans la grande maison. Même Vincent n'était pas là. Et cela, la mettait dans une humeur exécrable. Gare à celui qui l'a contrarierait dans les prochaines heures.
Les collégiens, à sa vue, et surtout devant ses yeux orages, s'écartaient, baissaient la tête, parfois murmuraient, d'autres fois se contentait de la scruter d'un œil effrayé. Seules ses amies et certaines autres personnes auraient l'audace de l'aborder, de lui parler, et pire encore, de la toucher.
Car Inès Rose, avait horreur qu'on la touche. N'ayant reçu dans son enfance, aucun amour maternel, aucune affection paternel, pas de câlins, de mots doux, et autres, elle avait développé une forte intolérance au contact. En vérité, et encore une fois, seul Vincent était accepté par la jeune fille à la peau opale. À croire qu'il était de son sang.
Les talons de l'adolescente, bien plus hauts qu'ils ne le devraient, et étaient autorisés, claquèrent sur le sol lorsqu'elle atteint sa salle de cours, le regard froid, le visage de marbre, tel une poupée de cire. Elle était en retard, elle, et les trois pouffes derrière elle. Quelle importance ? Après tout, Inès Rose elle-même définissait l'heure à laquelle les cours commençaient et se terminaient, non ?
Elle ne toqua pas sur la porte bleu, non, cela pourrait lui abîmer sa manucure turquoise, faite avec soin dans un grand salon. Elle ouvrit juste la porte violemment, et entra dans la salle de classe. Le professeur, un jeune homme dans la trentaine, la fixa un moment, puis soupira, et fit un signe de main désinvolte. Qu'elle aille donc s'assoir, la princesse !
Valait mieux ça, que de se la mette à dos. Après tout, malgré ses retards, ses absences injustifiées, et son insolence, elle avait, de tous, les meilleurs notes du collège, et de loin. Alors, elle marcha avec prestance jusqu'à sa place, tout au fond, suivit par les regards et les murmures des autres élèves. Bandes de moutons. Ses amies, cruches filles savant obtenir ses faveurs, en firent de même.
-Donc, reprit le professeur, d'un ton las, qui peut me lire l'extrait 3 des "Fleurs du Mal" ?
Une élève, jolie jeune fille au teint mat, aux yeux chocolats, et aux longues nattes brunes, leva la main timidement, et commença la lecture. Du Baudelaire ? Vincent lui avait fait lire l'année de ses treize ans. Elle en avait quinze, et presque seize. Pitoyable. En vérité, et malgré ses plaintes à cette époque, il avait tenu à ce qu'elle lise de tout, du Maupassant à du Vladimir Nabokov, en passant, évidemment, à Baudelaire.
Au final, elle avait appris à aimer ces auteurs, ainsi que la lecture. Elle avait relu des centaines de fois "The Lord of The Ring", et apprécié plus qu'elle ne le pensait "Lolita". Comme quoi, les apparences sont trompeuses. Mais, revenons à Inès, qui désormais, avait la tête posée d'une manière peu gracieuse sur son coude, sur la table beige, et qui semblait à deux doigts de s'endormir. Elle avait passé la nuit à bouquiner, la sotte enfant.
-Mlle. Rose ? Mlle. Rose ! Inès Rose ! explosa le professeur au bout d'un moment, alors que tous se retournaient.
-Hum... Moui ? marmonna la jeune fille, somnolente.
-Je peux savoir ce que vous faisiez ?! gronda l'homme du devant de la classe.
-... je dormais.
Le ton, froid et sans appel de l'adolescente au boucles blondes, fit sursauter la plupart des élèves dans la classe, et un masque de stupeur vint se coller sur le visage du professeur. Visiblement, il ne s'attendait pas à ça.
-Vous... dormiez ?! s'exclama t'il, incrédule.
-C'est cela professeur. Je dormais, répliqua la jeune fille, totalement réveillé à présent.
-... Mlle. Rose... Pfff... Bien, dans se cas, vous pouvez allez dormir dans le bureau du proviseur, finit-il par soupirer.
Fière, même exclue de classe, Inès prit ses affaires, et relevant la tête, elle se dirigea vers la porte. Mais, là-bas, elle s'arrêta une demi-seconde, et tressaillit. Elle se retourna, pour rencontrer les yeux froids d'un adolescent. Il lui semblait se souvenir de lui. Ses yeux... c'est le garçon qu'elle avait humilié publiquement l'autre jour. Un sourire hautain se dessina sur les lèvres de l'adolescente, cachant ainsi son malaise tandis qu'elle sortait de la salle.
Bien plus qu'elle n'aurait voulu l'avouer, ce regard sombre et dur comme la pierre, semblable à son cœur, à vrai dire, l'avait gêné malgré tout. Ce n'était pas dans ses attitudes, pourtant, mais ce garçon... Inexplicablement, dans ce couloir, à cet instant, elle fut prise d'une peur si grande qu'elle sentit sa respiration se bloquer.
Non ! Un homme, un humain, n'avait pas le droit de la toucher, de l'atteindre comme ça ! Il connaissait ce qui l'attendait en lui écrivant ce poème ! Il n'a pas le droit de lui faire ça ! Elle est Inès Rose, la douée, et belle Inès Rose !
-Je les écraserais, tous, fit l'adolescente d'une voix emplit de mépris et de haine en se relevant.
Après tout, c'était une orgueilleuse petite poupée, Inès.
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