1.
La jeune fille, sourire aux lèvres, fixait un regard sombre sur le garçon devant elle. Petit, fin, boutonneux, le regard allant de droite à gauche, de la sueur coulant sur son front et formant des auréoles sous ses aisselles, il n'était pas un canon de beauté. Même ses cheveux, qui aurait pu être beaux, semblaient gras et sales. Pourtant, malgré son apparence, c'était un gentil garçon toujours près à rendre service.
Elle, cela lui importait peu, qu'il soit gentil ou non, serviable ou non. Seule l'apparence compte. Et, en ce moment, malgré son air suppliant, son regard ne se défaisait pas de son expression indiquant clairement ce qui allait se passer. En effet, le garçon eu le malheur d'écrire à la plus belle fille du collège un poème pour lui avouer son amour. Bien sûr qu'il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui tombe dans les bras, mais juste un petit sourire lui aurait suffit.
Ce n'était pas le genre d'Inès Rose. Si belle, si fine, qu'elle en inspirait la jalousie et l'envie. Ah, de grands yeux anthracites, des cheveux d'un blond soyeux, doux comme du coton, une peau de pêche et un sourire ravageur. Provocante et superficielle dans ses façons et ses manières, mais si jolie qu'on lui pardonnait tout de même.
-Je ne sais pas ce qui est le plus risible, se moqua la jeune fille, qui du haut de ses quinze ans, régnait d'une main de fer sur le collège, le fait que ce poème soit si ridicule que j'en ai les larmes aux yeux, ou bien au contraire, que ce soit toi qui l'ai écrit, vous ne trouvez pas les filles ?
Toujours entourée de sa fidèle bande d'amie gloussantes et rougissantes, mais pestes dans l'âme. Un cliché ? Et alors ? Inès Rose les réinventait. Une petite brune au yeux de poisson, une grande athlétique au regard noir, et une asiatique au cheveux encre. Des noms ? Quelle importance ? Elles n'en avaient pas besoin, Inès Rose suffisait. Après tout, elle était la seule qui comptait, non ? Enfin, revenons à ce pauvre garçon rouge de honte.
-Hum... tu crois qu'il pensait vraiment que tu allait l'aimer ? demanda d'un ton espiègle et moqueur la brune.
-Si il est stupide à ce point, je ne vais pas m'attarder sur lui, fit d'un ton dépité l'adolescente.
-... Tu as raison.
-Comme toujours, s'écria d'un ton triomphale la jeune fille.
D'un geste du poignet négligeant, et la feuille de papier décoré finit en petit morceaux au sol devant le garçon, qui retenait tant bien que mal ses larmes. Pourquoi ? Pourquoi cela ce passait t'il ainsi ? Il avait toujours été sage et bon, alors pourquoi cette fille faisait cela ? Nul ne saurait le dire. Désir de puissance, peut-être.
Elle était partie, comme elle était arrivée, dans un parfum de pêche, les cheveux coulant dans son dos tel une fontaine d'or. Et ses amies avaient suivi. Il fallait bien. Personne ne voudrais devenir l'ennemi d'une fille comme elle, c'est vrai. Elle pouvait, d'une parole, faire de la vie de quelqu'un un enfer. Ah, une rose des plus épineuse.
Sur son passage, se retournaient filles et garçons, pour admirer, ou bien envier, cette poupée de porcelaine au cœur de pierre. Car, sa réputation la précédait, c'était certain. Un sourire cynique sur les lèvres quand bien même elle en faisait pleurer d'autres. L'empathie, n'est-ce pas, était ce qui lui souffrait.
-Hum... j'ai chaud, déclara t'elle en posant un regard lourd de sens à une petite de sixième, je boirais bien quelque chose.
Sans demander son reste, la gamine fila vers le distributeur, pour commander, avec son argent à elle, bien sûr, une boisson à la reine de ce collège. Parce que, c'était évident, les autres suivaient, comme de bons petits moutons. Tous, craignant de voir la colère de la demoiselle se poser sur eux, ignorait superbement ce garçon au cœur brisé, là-bas.
Ainsi va la vie, dira t'on. C'est navrant, mais réel. Ainsi, c'est sans plus de cérémonie que la pause s'acheva, pour laisser place à la morne journée de cours, puis, aux "Salut et à demain !" lancé depuis la grille verte pomme. Inès Rose ne prenait pas le bus, bien sûr. Son chauffeur, Vincent, venait la chercher.
Un homme dans la vingtaine, toujours un sourire, toujours une bonne parole à l'adolescente lorsqu'elle rentrait et que chez elle, il n'y avait personne. C'était bien la seule personne au monde qu'Inès Rose appréciait véritablement, bien qu'elle ne le montre pas vraiment, trop fière pour cela.
Il se faisait rabrouer, traiter de tous les noms, et souriait. C'était sûrement ce qui plaisait à la jeune poupée, car même dans les moments durs, il était là. Comme quand elle avait cassé Lindsey, sa poupée chérie, et qu'il l'avait réparé, ou encore pour lui apprendre à faire du vélo. Et, même pour regarder La Petite Sirène avec elle malgré son aversion pour les dessins animés, quand ses parents ne daignaient pas se montrer le soir.
Oui, décidément, il était toujours là. Pour elle.
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