[fanfic DidiéRH] : Moi, Didier et la charcuterie [summer love saucisson]
Le one-shot qui suit a été rédigé dans le cadre du concours de @MiniMarjo "Summer Love Saucisson [concours]"
Moi, Didier et la charcuterie
6 heures 15
Mon téléphone se met en branle et gazouille quelques petits pépiements d'oisillons indolents. Ça, c'est le mode pré-réveil progressif. C'est discret et c'est censé préparer mon cerveau au vacarme qui va suivre dans les cinquante prochaines secondes.
Je tends un bras pour tenter de saisir l'appareil que je cache tous les soirs entre deux piles de livres sur mon chevet. La version de moi qui s'est éteinte hier en s'endormant avait anticipé mon geste colérique et a placé le téléphone hors de ma portée. J'avoue que c'est une stratégie qui s'avère payante puisque l'effort que je fournis pour empoigner ce maudit rectangle de plastique électronique finit de me tirer de mon sommeil.
La playlist programmée en mode aléatoire est parvenue à dénicher une chanson de Sophie Elis Bextor que j'avais totalement oublié. Impossible de me rappeler en quelle heureuse circonstance de ma vie j'ai bien pu avoir l'idée de la télécharger.
Bah ! Peu importe. Je hisse ma poitrine hors du duvet trop chaud et rampe jusqu'à la tablette qui jouxte le lit. Ma main dérape sur le revêtement trop lisse et tombe sur la moquette. Enfin, sur quelque chose de mou, gras, infect qui abandonné au pied de ma couche. On dirait du...
Ah beurk ! Des rubans de couenne !
Je me souviens désormais avoir avalé quelques tranches de jambon de Parme en me délectant de deux ou trois épisodes de séries scandinaves au coucher. La flemme et la fatigue ont dû se liguer et me pousser à remettre à ce matin cette tâche ménagère ingrate.
Sérieusement ? J'ai même pas été fichue d'aligner les filaments de gras dans l'emballage alimentaire ?
Faut vraiment que je me focusse sur le rangement de mon appartement un de ces jours. Ca devient craignos !
L'autre soir, j'ai même été obligée de prétexter que mon compteur électrique avait sauté quand j'ai ramené ce mec à la maison. Je ne voulais pas qu'il voit l'état lamentable de mon intérieur. Du moins pas avant le lendemain matin...
Quand je dis l'autre soir, je suis malhonnête : c'était il y a au moins cinq ou six mois.
Par acquit de conscience, je vérifie tout de même qu'il n'y a pas un prince charmant en train de roupiller de l'autre côté du lit. Mais non. Pourquoi je continue à m'épiler ?
6 heures 25
Si je m'active pas un peu je vais être à la bourre.
Je m'extirpe de ma couette et le froid de la chambre me saisit. Musclée ou non, mes guiboles se couvrent de chair de poule dans l'instant. Je ramasse une culotte que j'espère propre ainsi qu'un t-shirt d'intérieur et enfile de grosse chaussettes de laine aux couleurs passées. Leurs élastiques ne tiennent plus depuis des années, mais je n'ai toujours pas trouvé le temps de me résoudre à les mettre à la poubelle. Elles me rappellent trop mes années d'internat et de cité universitaire.
J'étais jeune et j'avais la vie devant moi. Et mes seins tenaient encore droit !
Merci mon beau miroir de me rappeler que même avec un bonnet minuscule tout ce qui s'est élevé est appelé à s'effondrer au fil des ans !
Je regarde ma tête de fatiguée dans la glace et je me force à attendre que la brosse à dents électrique termine son cycle de trois minutes.
En parlant de cycle... Non, c'est bon, toujours pas. On est que jeudi.
Merde ! J'ai avalé du dentifrice ! C'est dégueux mais ça m'évitera le rinçage à la Listérine.
J'attaque la phase maquillage. Mon standing m'y oblige. C'est pas que ça me dérange dans l'absolu, mais des fois... juste une fois, j'aimerais essayer de me pointer au bureau la tronche fade et naturelle, les cheveux en pétard et en tenue confortable. Juste pour savoir si ça ferait une différence. Si la société accepterait qu'une cadre moyenne puisse ressembler à une femme normale. Ou bien si au contraire je suis condamnée à me grimer en gravure de mode jusqu'à l'âge de la retraite.
Et c'est parti !
7 heures 45
J'ai envie d'un petit déj'. J'ai trop la dalle. Si je pars maintenant, je vais être dans l'obligation soit de tenir jusqu'à midi sans rien manger, soit d'affronter le distributeur de friandises dégueulasse de l'espace de convivialité ! Et j'ai pas envie de parader devant ces crétins qui se pointent dès le matin à la boîte en n'ayant toujours pas débandé de leur érection matinale. Ils m'écœurent !
Bon, tant pis : j'ouvre le frigo. Une boîte de pâté Hénaff entamée. Une autre confection de tranches de jambons italien. Un demi-melon presque tout sec.
Bordel ! J'embarque le Parme et le fourre dans mon sac à main. Au pire, ça me fera un encas pour dix heures. Heureusement que j'ai ma fidèle cafetière dans mon bureau. Est-ce qu'il me reste des dosettes ?
Mieux vaut prévoir : j'attrape une pognée de cylindres multicolores dans le placard et les dissémine dans les poches minuscules de ma veste de tailleur.
7 heures 55
Le miroir à côté de la porte de mon pavillon est plus sympa que celui de la salle de bain. Il me remonte un peu le moral et me rassure : je suis toujours un joli brin de bonne femme, blonde et mignonne à souhait, sans trop de gras au fesses. Ça me ferait d'ailleurs mal au cul d'être grosse avec tout ce que je transpire chaque semaine entre le jogging au parc et la salle de gym.
Allez go ! C'est parti pour de nouvelles aventures trépidantes et inutiles !
8 heures 15
Non mais c'est pas vrai ! Sérieusement ? Huit feux rouges d'affilée ? Et la radio qui enchaîne que les œuvres rétrospectives du chanteur mort de cette semaine ! Il faut vraiment que je change cet auto-radio-cassette pour un truc plus moderne.
Non. Je ferai mieux de changer toute la bagnole tant que j'y suis. Je veux bien que c'est le cadeau de diplômée de mes parents mais ça fait combien de temps que je suis sortie du master ? Bon... ça reste aussi quand même une Porsche. Ca serait peut-être un peu extrême de la jeter juste pour une histoire de chanteur nul et décédé.
J'espère qu'aucun salopard n'aura piqué ma place de parking devant l'immeuble de la boîte.
Et ben si !
C'est qui l'enflure qui a osé ?
Putain ! Connard de Gérald ! Je vais lui faire bouffer ses croquettes à la con si je le croise en dehors de son cagibi du sous-sol.
Enfoiré !
8 heures 35
J'ai trop faim. J'arrive pas à me résoudre à m'empiffrer de charcuterie. Même avec un café noisette pour faire passer le goût, ça ne m'enchante pas.
Bon, ben. Go salle de convivialité.
8 heures 50
Mais c'est pas vrai ! C'est quoi encore que ce foutoir ? Ils ont quoi, tous, avec leur charcuterie ?
Je me retrouve dans un recoin derrière la porte à siroter un troisième café et à grignoter des madeleines toutes sèches pendant que les abrutis de mecs du service gestion du patrimoine et des relations clients sont en train de procéder à une dégustation de saucisson.
Mais.
Bordel !
Au moins, l'avantage, c'est que pour une fois, c'est pas moi le morceau de viande.
Bon, ça ne les empêche pas de me lancer quelques regards lubriques en coin ou d'essayer d'apercevoir mes fesses dans les reflets de la vitre derrière moi malgré le soin que j'ai pris à m'éloigner le plus d'eux.
Pathétique.
8 heures 55
Au moment où je vais pour balancer mon gobelet à la poubelle, je sens un picotement derrière la nuque.
Il ne doit pas être loin.
« Hey, Didier ! Ça va mon pote ? Dis, tu veux goûter un peu de sifflar ? C'est du bon, hein ! C'est Martial qui en a ramené du symposium en Corse.
— Ca ira. J'aime pas trop sentir le cochon dès le matin. En plus j'ai des choses à faire.
— Oh, c'est bon ! Fais pas ton timide. Pour une fois qu'on te propose un truc marrant entre collègues ! T'es un peu sauvage comme garçon. Tu le sais, ça ?
— Non. Je suis un garçon bien élevé et investi dans mon travail. En plus, je suis allergique aux boyaux.
— Bon, tant pis ! À plus...
— Bonne journée à vous aussi... quelque soit vos noms, bande de débiles. »
La dernière partie de la phrase, Didier l'a prononcé entre ses dents sans que personne ne l'entende. À part moi. Mais il n'a pas fait attention à ma présence jusqu'au moment où il s'est retourné pour sortir du local.
Il me regarde intensément. Il a son expression bizarre comme à chaque fois qu'il me croise et qu'il me découvre par hasard à un coin de couloir.
Je transpire. Ce type me rend chèvre. J'ai les mains moites. Je lui souris, de manière polie, ou délicate, ou en lui essayant de lui exprimer tout l'intérêt que je lui porte. Ou alors j'ai juste l'air d'une gamine timide qui rougit à chaque regard perdu qu'un collégien lui adresse par inattention.
« Ah euh... Bonjour, Rose-Marie. Je ne vous avais pas vue. Désolé. Pardon. Je. J'ai des choses à faire. Au revoir.
— Didier ! Attends ! »
Je viens de poser ma main sur son avant-bras.
La dégustation de cochonaille vient de s'interrompre et je sens plusieurs regards amusés s'orienter vers notre direction.
Et merde ! Grillée en pleine galère de plan drague foireux.
« Viens, j'ai un truc à te demander à propos de tes heures de récupération de la semaine dernière.
— Mais je ne dépasse jamais mes heures de bureau, vous le savez très bien !
— Ah ah ! Didier ! Et si on allait en parler dans le couloir. »
Je lui fais signe d'un hochement de tête insistant. Il est con ou quoi ? Oh oh ! Didier ? Toi. Moi. Le couloir.
Mais quel con !
9 heures
J'ai réussi à le tirer hors du bocal de pause-café sous les regards amusés des amateurs de saucisson. Je sens que ça va jaser, mais tant pis. De toute manière, je suis la DRH, ils ne peuvent pas faire grand chose contre moi à part me traiter de salope. Ce qui doit déjà être le cas de toute manière vu le nombre de râteaux que j'ai collé à tous ces queutards depuis que je bosse ici.
Didier semble excédé par ma présence. Comme à chaque fois que je veux être gentille avec lui.
Mes dessous de bras doivent ressembler à un hammam et j'ose même pas imaginer ce que dirait ma frangine si elle me voyait perdre mes moyens devant ce type beaucoup trop commun pour mériter mon intérêt.
Il me fait fondre. C'est horrible. Pourquoi est-ce qu'il me déteste ?
« Oui ?! Rose-Marie ? Vous avez quelque chose à me dire ou bien ? C'est grave ? Votre chat est mort ? Vous allez me licencier ? Le patron veut me voir dans son bureau ? Je peux y aller ?
— Je... Didier. Ça te dirait qu'on aille prendre un café ? Dans mon bureau ? Ça fait un moment qu'on s'est pas parlé... qu'on n'a pas fait le point sur tes souhaits de formations professionnelles. »
Je crois que je suis en train de le perdre. Et si je lui disais tout simplement qu'il me rend folle ? Que je rêve de lui quatre fois par mois ? Que j'imagine qu'il me monte dessus tard le soir quand j'arrive pas à m'endormir ? Que je veux me marier avec lui ? Je suis débile ou quoi ?
« C'est obligé de faire ça maintenant ? Je vous rappelle que le mois dernier vous m'avez dit que vous ne pouviez pas m'inscrire à un stage de mycologie parce que ça n'était pas en adéquation avec mes compétences naturelles au sein de l'établissement... »
C'est pas vrai ! Mais pourquoi je me suis amourachée d'un taré comme lui ?
« Didier ? On pourrait pas avoir une conversation normale ? Pour une fois ?
— Mais on a une conversation normale ! Vous faites quoi, là au juste ? Vous êtes amoureuse de moi, ou bien ?
— Didier ! Un peu de respect ! Je suis ta DRH !
— Oui, Madame. Pardon, Madame. Allons prendre un café dans votre bureau et envisager mes souhaits de formations professionnelles.
— Ta gueule ! Tu... tu m'énerves ! C'est bon, laisse tomber ! Moi, j'essaie d'être gentille avec toi à chaque fois et toi tu... tu.
— Je je ?
— Laisse tomber. On en reparlera plus tard. »
9 heures 05
Je suis folle de rage. Je viens de tourner les talons et je l'ai planté au milieu du couloir. J'en ai les mains qui tremblent et le cœur prêt à exploser. J'ai envie de chialer mais je me retiens. J'ai très envie de partir à la salle de gym et me défouler sur un mannequin d'entraînement de self defense. Quel con !
Ah et puis, j'ai mal au milieu du front ! Putain de névralgie. Ça me fait ça à chaque fois qu'il me prend la tête ! Et pourtant, malgré tout ça, je me sens curieusement légère. Comme si j'étais sur le point de m'envoler. Comme si mes pieds s'apprêtaient à décoller.
L'amour donne des ailes, hein ?
Bah moi j'arrive pas à décoller avec un con pareil. Je me demande bien ce qu'elle peut lui trouver Mirabelle ! Et surtout pourquoi il sort avec une greluche pareille qui s'en fout de lui alors que moi... Et merde ! J'ai failli me casser la gueule sur le tapis de la moquette.
Didier : t'es vraiment un con !
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