Chapitre 9 - Juste mon colocataire (2)
C'est alors que j'aperçois le regard que lance ma meilleure amie à notre chef cuisinier pour un soir. Soudainement, je comprends un peu mieux la raison de la présence du jeune homme dans ma cuisine. Et leur petit flirt autour du beurre et des pépites de chocolat est presque gênant à regarder. Sauf que, voir Brooke reprendre confiance en elle face à un homme est assez miraculeux. De plus, je découvre au cours de la soirée quelqu'un de très sympathique en la personne d'Andréa.
Dans sa façon d'être, il n'est pas difficile de saisir qu'il est le genre d'homme qui aime plaire, jouer de ses charmes et qui a une grande confiance en lui. Pour autant, il n'en est pas moins quelqu'un de simple, d'ouvert et de drôle. Il s'adapte d'ailleurs si bien à la situation, qu'en quelques heures, on dirait presque que l'on se connaît depuis des lustres.
Tous les trois installés sur la terrasse en bois de l'appartement, nous profitons de la tiédeur de cette soirée en discutant tranquillement. Andréa s'extasie sur notre espace et jalouse mon rez-de-jardin qu'il promet de venir squatter tout l'été. La conversation est agréable et si j'étais un peu réticente à voir débarquer un inconnu chez moi - alors que ce n'est même pas vraiment chez moi -, je dois admettre que le feeling passe bien avec le jeune homme.
Et cela à quelque chose d'assez rassurant d'envisager une nouvelle amitié dans cet immeuble. C'est fatigant d'associer ce lieu uniquement à mon cœur brisé. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir rester ici, alors autant prendre mes repères et en faire un endroit agréable à vivre.
- Wow, ça fait sept ans que vous vous connaissez ? s'exclame Andréa avant de croquer dans un nouveau cookie. Je crois que je ne connais personne d'autre que mes parents depuis aussi longtemps.
- Tu n'as pas d'amis d'enfance, des connaissances de lycée ?
- J'ai emménagé ici il y a quelques mois et j'ai un peu perdu contact avec les gens de ma ville natale. Pour être honnête, je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer beaucoup de monde ici non plus.
- Qu'est-ce qui t'a amené à San Francisco ? demandé-je curieuse.
- Le travail. Je suis le chef du Dolce Vita, au bout de la rue.
- Sérieux ? Ça fait un moment que je voulais tester ce resto' ! s'enthousiasme Brooke.
- Si vous passez, n'hésitez pas à me faire signe, lui sourit le jeune homme.
Ma meilleure amie lui assure qu'elle le fera et c'est tout naturellement que l'on se met à faire des plans pour organiser cela. La soirée continue dans cette même bonne humeur et il est presque une heure du matin lorsque Brooke nous indique qu'elle ferait mieux de rentrer si elle veut espérer un peu de sommeil avant d'aller au travail. Je lui propose de rester dormir, mais elle préfère rentrer chez elle et je la raccompagne jusqu'à la porte.
- Tu es fatiguée ? Je devrais sans doute rentrer aussi, s'enquit Andréa lorsque l'on se retrouve en tête à tête.
- Je suis une couche tard, ne t'en fais pas.
Il semble satisfait par ma réponse puisqu'il se cale plus au fond de son siège et reporte son regard sur notre petit jardin illuminé de plusieurs lanternes solaires, deçà, de-là.
- Au fait, j'espère que je ne me suis pas trop incrusté. J'ai débarqué chez toi, sans même te demander ton avis.
Il n'a pas tort, je suis obligé d'admettre que son arrivée était un peu inattendue. Le plus drôle c'est sans doute qu'il le reconnaît lui aussi mais que cela ne l'a pas empêché de se joindre à nous malgré tout. Je souffle un léger rire devant ce constat..
- À vrai dire, le vrai propriétaire des lieux n'est pas là ce soir. Techniquement, je m'incruste autant que toi, le rassuré-je, amusée.
- Le propriétaire ? Ton mec ?
- Juste mon colocataire.
L'expression étonnée sur le visage d'Andréa est difficile à ignorer.
- Un homme et une femme qui vivent ensemble de façon platonique ? Il est gay ?
Le sérieux de sa question m'arrache un rire franc. Ses mots sont si déplacés et inconsidérés que ça en est amusant. Depuis que j'ai emménagé ici, c'est la deuxième fois que j'entends quelqu'un remettre en cause l'hétérosexualité de Sun.
- Ah ! Tu es donc ce genre de mec.
- Quel genre de mec ?
- Le genre de ceux qui pensent qu'on est tous des animaux incapables de ne pas se sauter dessus, me moqué-je ouvertement tant je trouve cette idée stupide.
- Tout ce que je dis c'est que, de par mon expérience, l'amitié homme/femme me laisse sceptique, rétorque-t-il dans un haussement d'épaules nonchalant.
- Donc toi et moi on ne pourrait pas être amis ?
- Si, on pourrait l'être. Mais si l'amie que tu es m'invite dans sa chambre là, tout de suite, je ne dirais sans doute pas non.
- Je confirme, tu es CE genre de mec, commenté-je avec une mine dégoutée volontairement exagérée.
Il lâche un rire franc et termine son verre de vin avant de reprendre.
- Non, mais admets au moins qu'entre un homme et une femme, même dans une amitié platonique, il y a toujours cette possibilité - aussi infime ou unilatérale soit elle - d'aller plus loin.
Je lève les yeux au ciel, toujours si peu convaincue par son argumentaire. Je trouve même cela triste de voir les choses ainsi. Evidemment, entre Sun et moi les choses sont plus compliquées qu'une simple amitié platonique mais je ne pense pas qu'il faille faire de notre situation une généralité.
- Je suis moins étonnée de savoir que tu n'as pas beaucoup d'amis en ville du coup. Si tu as baisé tout San Francisco, ça ne doit pas aider, me moqué-je ouvertement.
- Tout San Francisco ? Mon objectif c'est de me taper toute la côte ouest, ironise-t-il avec visiblement peu de sérieux.
Amusé par sa nonchalance, je lui assène un léger coup sur l'épaule et le repousse comme pour l'écarter loin de moi.
- Tu ne seras plus le bienvenu ici quand tu auras chopé toutes les MST possibles et imaginables.
- Moi qui pensais faire de toi le bouquet final de mon road trip californien.
Il m'adresse un regard exagérément séducteur et j'explose de rire devant sa tête de playboy. Il se joint à mon amusement et dans nos rires j'ai l'impression de me défaire un peu du stress de ces dernières semaines. C'est vivifiant de penser à autre chose que les complications de ma vie amoureuse. Andréa et moi, on ne se connaît que depuis quelques heures et on est déjà en train de plaisanter au sujet de sa vie sexuelle mouvementée sans aucune gêne. Cela est assez étrange pour une première rencontre entre voisins, mais ça n'en est pas moins divertissant.
Cependant, notre hilarité est interrompue alors que les lumières du salon s'allument soudainement, éclairant un peu plus la terrasse sur laquelle on est installée. Par réflexe, on se tourne tous les deux vers la grande baie vitrée derrière nous et mon cœur rate un battement lorsque je croise le regard assassin de Sun qui vient visiblement de rentrer. Lorsque je vois l'expression sur son visage, je comprends immédiatement que la soirée est sur le point de dérailler.
Il ouvre la baie vitrée et nous rejoint sur la terrasse. Sa démarche se fait aussi nonchalante que d'habitude et pourtant je peux sentir la tension qui émane de tout son être. Va-t-il réellement s'énerver à chaque fois qu'il voit un homme en ma compagnie ?
Il n'en a aucun droit !
- Bonsoir, j'espère que je ne vous dérange pas, lance-t-il avec une politesse si exagérée qu'elle semble ironique.
- On buvait simplement un verre de vin, rétorqué-je blasée d'avance par son attitude.
Andréa ne sait rien de toute cette situation, mais il n'est pas stupide. Il sent forcément que l'ambiance s'est refroidie soudainement.
- Sun, mon colocataire et le propriétaire des lieux, expliqué-je brièvement. Andréa, notre voisin du dessus.
Les présentations sont courtes, mais je lis dans les yeux de Sun qu'il n'en a rien à foutre. Il ne m'a d'ailleurs pas lâché du regard depuis qu'il a mis un pied sur cette terrasse.
- On a fait des cookies, tu en veux ? propose gentiment Andréa comme pour détendre l'atmosphère.
Mais Sun ne lui adresse toujours pas une once d'attention et la situation en devient d'autant plus gênante. À mon tour, je le foudroie du regard.
- C'est déjà la fête des voisins ? J'ai dû rater un mémo. Quel dommage que je n'aie pas été convié, ironise mon colocataire avec un dédain non dissimulé.
Son attitude belliqueuse me fait honte et je ne sais plus où me mettre vis-à-vis d'Andréa qui se retrouve au milieu de tout ça. D'ailleurs, ce dernier est visiblement aussi gêné que moi puisqu'il finit par toussoter en regardant sa montre.
- Et bien... il se fait tard, je devrais sans doute vous laisser, lance-t-il en se levant.
Je m'apprête à protester, mais Sun est plus rapide.
- Oui, tu devrais, rétorque-t-il froidement.
Andréa laisse échapper un léger rire et j'ai dû mal à saisir s'il est sincère ou juste nerveux. Quoi qu'il en soit, je suis trop mortifiée pour essayer de le retenir et je me contente de le raccompagner à la porte. Il me remercie pour l'accueil et on convient de se refaire une soirée un de ces quatre. Mais les au revoir ne s'éternisent pas. Je ne suis plus d'humeur à la franche camaraderie et c'est sur les nerfs que je referme la porte pour me retrouver en tête à tête avec Sun.
🌙🌙
Oui, oui, je vais tout à fait arrêter cette partie là dessus ahah Mais vous en fait pas, le suspens ne va pas durer longtemps. Je poste la suite et fait de ce chapitre 9 samedi ! À bientôt pour la suite !
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