Chapitre 30 - C'était le deal, non ? (1)
Mon cœur se serre douloureusement lorsque je remets les pieds dans mon appartement remis à neuf. Je devrais être heureuse de retrouver mon chez moi après ces mois de galère. Pourtant, j'ai l'impression inverse. J'ai le sentiment de perdre quelque chose. Mais comment pourrais-je perdre ce qui ne m'a jamais réellement appartenu ? Sun et moi, c'était voué à l'échec et il me l'a encore prouvé ce soir. Une fois de plus, il m'a laissé espérer que notre relation pourrait être différente cette fois-ci. J'ai cru qu'il était enfin prêt à accepter ses sentiments, mais je me suis trompée. Peut-être ai-je simplement vu un rapprochement là où je voulais le voir. Peut-être que pour lui, notre relation n'a jamais dépassé l'attirance sexuelle. En tout cas, il m'a bien fait comprendre qu'il détestait toujours autant ma présence chez lui.
Alors, je suis partie.
Je n'ai plus la force de me battre, d'accepter le rejet gentiment, de garder espoir qu'il change. Quand j'ai quitté la galerie, j'ai pris ma décision. Brooke a visiblement capté ma détresse puisqu'elle m'a suivie et a proposé de me ramener. Malgré notre dispute, elle m'a accompagné jusqu'au duplex et lorsque je lui ai avoué que mon appartement était habitable depuis plusieurs jours déjà, elle m'a aidé à faire mes valises.
C'était d'ailleurs cet appel de mon propriétaire que j'avais reçu juste avant que l'on se dispute elle et moi. Mais à ce moment, je n'ai osé en parler à personne. Je savais que retourner vivre chez moi signifiait la fin de l'accord entre Sun et moi, mais mettre un terme à notre histoire était trop difficile. Ce soir, il m'a grandement facilité la tâche.
Pendant tout le trajet, Brooke et moi n'avons échangé presque aucun mot. Même si elle m'aide, je sais qu'elle m'en veut encore et à raison. Elle entre dans l'appartement après moi et dépose mes affaires sur mon lit. Ma chambre est semi-ouverte sur le salon/cuisine et elle est vite de retour à mes côtés. Postée au centre de la pièce, elle fait un tour sur elle-même pour inspecter les lieux.
— C'est un peu différent, mais c'est sympa, commente-t-elle.
Elle a raison, il y a eu du changement depuis la dernière fois qu'on était là. Tous mes meubles ont été ruinés par le dégât des eaux et l'assurance a financé les nouveaux. Les murs ont été repeints dans un blanc immaculé et les poutres apparentes ont l'air d'avoir été vernies. Dans ma chambre, un demi-mur en brique rouge tient place de tête de lit et de nouveaux rideaux ont été installés. L'endroit est comme neuf, accueillant et chaleureux. Pourtant, je ne suis pas à l'aise.
— Désolée pour la dernière fois. J'ai dépassé les bornes.
Brooke hausse les épaules en faisant quelques pas dans l'appartement. Elle s'assied sur le bras de mon canapé en soupirant.
— Je m'inquiétais pour toi, voilà tout, répondit-elle.
— Je sais et tu avais raison. J'ai beaucoup trop délaissé notre amitié ces derniers temps et je n'ai pas été honnête.
— Il y a un truc entre Sun et toi, c'est ça ?
— C'est si évident que ça ? demandé-je.
— Disons que je connais votre passé, que tu évites toute discussion à son sujet ces derniers temps, sans parler du fait que tu viens de faire tes valises en catimini après t'être visiblement pris la tête avec Sun. Il ne faut pas être Einstein pour comprendre.
Je grimace quelque peu gênée, mais c'est un soulagement d'enfin pouvoir me confier.
— Je voulais t'en parler, tu sais. Je déteste te cacher des choses. Mais tout est devenu si compliqué, si vite.
— Ne t'en fais pas, je comprends, souffle-t-elle. J'ai peut-être été un peu excessive. Et puis, j'étais moi-même prise dans mes propres problématiques. Je suppose qu'on aurait toutes les deux pu faire plus d'effort pour garder le lien.
Je suis soulagée qu'elle soit si compréhensive. En ce moment, j'avais le sentiment de tout faire foirer avec tout le monde. C'est peut-être cette sensation que j'ai ressentie en mettant le pied ici ce soir : la solitude. Mais avoir Brooke à mes côtés me fait déjà beaucoup de bien.
— Plus de secrets ? proposé-je dans un sourire.
— Plus de secret, confirme-t-elle.
— D'ailleurs, je peux savoir à quelles « problématiques » tu faisais référence ? N'auraient-elles pas le nom de Andréa, par hasard ?
Brooke lève les yeux au ciel face à mon air narquois avant de se laisser tomber en arrière sur mon canapé. Je la rejoins rapidement et, enfin, on prend le temps de se confier l'une à l'autre. Je lui parle de Sun et elle me raconte son histoire avec Andréa. J'avais vu le flirt entre eux dès la première rencontre et j'ai également été témoin des piques de jalousie qu'ils se lançaient l'un l'autre à chaque fois qu'ils se croisaient, mais les choses ne se sont apparemment pas arrêtées là. Pendant que je vivais mon idylle passionnée, Brooke apprenait à connaître Andréa. Malheureusement, leur histoire n'a pas dépassé le cap d'une nuit. Brooke m'explique à quel point mon voisin est volage et épris de liberté. Cela ne m'étonne pas. Et ma meilleure amie, bien plus sérieuse, a préféré ne pas donner suite.
Je me rends compte qu'elle a su faire ce dont je n'ai pas été capable, il y a plusieurs années. Si j'avais été aussi mature et raisonnable face à Sun, j'aurais mis un terme à toute ambiguïté dès la première fois où il m'a fait de la peine. Cela m'aurait évité bien des déconvenues.
— Le problème c'était que la plupart du temps, j'avais l'impression qu'il m'appréciait sincèrement. Mais il finissait toujours par faire des trucs si stupides que je me disais qu'il ne pouvait que me détester pour me faire autant de peine, soupire Brooke.
Elle est visiblement déçue de la tournure des évènements et je la soupçonne de tenir à Andréa bien plus qu'elle ne veut l'admettre. Pourtant, elle a réussi à fixer des limites. Je devrais prendre exemple.
— Honnêtement, continue-t-elle, c'était un peu étrange au début, mais finalement, tout est plus simple depuis qu'on a décidé de rester amis.
— Je ne sais pas si je serais capable de faire la même chose avec Sun, avoué-je.
— Tu penses à couper les ponts ?
— Ça ne m'enchante pas, mais je ne vois pas d'autres solutions. Il ne m'aimera jamais comme je l'aime, il faut que je me fasse une raison.
Ma meilleure amie m'adresse un regard empli de compassion avant de venir m'enlacer avec tendresse. Ce geste pourrait m'arracher une larme si je ne me retenais pas de toutes mes forces. Je n'ai pas envie de sombrer maintenant. Je crois que je ne pourrais plus m'arrêter si je me mettais à pleurer. Mais lorsque ma sonnette sonne soudainement, je suis sauvée par le gong. Ne s'attendant à personne, on sursaute toutes les deux avant de se regarder avec le même étonnement. Je finis tout de même par me relever pour aller ouvrir la porte et je suis d'autant plus surprise de trouver celui qui se tient derrière celle-ci.
— Qu'est-ce que tu fais là, Sun ?
Je ne suis pas des plus agréable, mais après cette soirée, je n'ai pas envie de l'être. Toujours dans sa tenue de soirée, il me toise d'un regard peu amène. Il est beau, trop beau pour mon petit cœur endolori.
— Sérieusement, Neela ? Qu'est-ce que je fais là ? Tu t'attendais à ce que je te laisse t'enfuir comme une voleuse sans rien dire ?
M'enfuir comme une voleuse ? Certes, je ne l'ai pas informée de mon départ à l'avance. Mais, il m'a dit que sa vie était chaotique depuis que je vivais avec lui. Cela me semblait être un « casse-toi de chez moi » assez clair. Alors, dire que je me suis enfui comme une voleuse est clairement exagéré. Et je n'aime pas le ton qu'il emploie alors qu'il est celui qui a quelque chose à se reprocher. Pourtant, je n'ai pas le courage de me battre, alors je tente de garder mon calme.
— Laisse tomber, Sun. Rentre chez toi.
J'essaie de refermer la porte, mais il glisse son pied dans l'encadrement avant que je n'aie eu le temps de le faire. Je ne suis pas vraiment surprise de son insistance. Quand Sun a une idée en tête, il est difficile de la lui faire démordre.
— Hors de question, grogne-t-il en repoussant doucement la porte pour me faire face à nouveau.
🌙🌙
À bientôt pour la suite !
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