Chapitre 25 - Je vais tout casser (1)

Sun

Cette journée se déroule bien mieux que je ne l'avais imaginé. Je n'ai pas réussi à refuser l'invitation de Neela quand elle m'a supplié de l'accompagner avec sa mine de chien battu, mais je dois admettre que j'appréhendai un peu. Le côté romantique est mielleux inhérent à un mariage n'est pas le lieu idéal pour imposer des limites et une part de moi craignait la sortie de couple malaisante. Mais Neela a parfaitement tenu parole : aucune ambiguïté. Évidemment, chaque personne que l'on a rencontrée nous a d'abord crus ensemble, mais ma cavalière a très rapidement et naturellement rectifié à chaque fois.

Très très rapidement d'ailleurs...

Je m'inquiétais un peu, mais il semble que Neela n'a aucun souci avec notre amitié. « C'est juste un coloc » », « juste un ami », « juste l'ami de mon frère », l'entendre répéter cette phrase en deviendrait presque vexant. Mais elle ne fait que suivre notre accord après tout... avec une aisance inattendue.

Quoi qu'il en soit, c'est attablé avec d'autres amis de la mariée que nous avons passé une partie de la soirée. Le repas était délicieux et après le champagne, nous avons testé quelques cocktails de l'open-bar. Peu à peu le soleil s'est couché et une multitude de touches lumineuses ont égayé la salle du sol au plafond. Les convives accueillants, l'environnement fleuri et empli de verdure, la nourriture délicieuse et le sourire permanent de la plus belle femme du monde ont contribué à l'ambiance étonnement plaisante de cette soirée.

À présent, une petite foule se crée sur la piste de danse tandis que le reste des invités papote deçà de là dans la salle aux lumières tamisées. Je suis d'ailleurs en pleine discussion avec l'un des cousins de la mariée qui m'explique m'avoir reconnu grâce aux réseaux sociaux mis en place par Neela. Je suis un peu gêné, mais finalement, le véritable enthousiasme qui anime le jeune homme me rassure. Il travaille dans la communication et me félicite de cette campagne de pub rondement menée. C'est Neela qui a tout fait et je m'apprête à l'interpeller pour qu'elle prenne part à la conversation lorsque j'aperçois un inconnu qui s'approche de notre table.

Il fait mine de saluer tout le monde, mais très vite son attention se porte sur ma cavalière. Il l'aborde avec un sourire qui se veut charmeur, mais qui me provoque un sentiment de dégoût instantané. Je n'entends même pas ce qu'il lui dit, mais je constate qu'il la fait rire.

Pourquoi est-ce qu'elle rit ?

Il prend une chaise vide et s'assied face à elle avant de poser une main sur son avant-bras. Elle le laisse faire. Elle continue même la conversation le sourire aux lèvres. Accoudé au bar, à quelques pas de la scène, je les regarde un peu plus durement que je ne le devrais. Elle rit encore et il la dévore du regard.

Quel enfoiré ! S'il savait qu'il n'a aucune chance, qu'elle est à moi et à moi seul.

Enfin... techniquement, notre accord nous empêche d'avoir d'autres partenaires sexuels. Finalement, rien ne lui interdit de tomber amoureuse du premier connard venu. Ce ne serait pas la première fois. Sans parler du fait que notre promesse n'est que temporaire. Combien reste-t-il de mois, de semaines ou de jours avant qu'elle ne rentre chez elle et que ce genre de chien ne vienne gratter à sa porte ? J'enrage du spectacle que j'ai devant les yeux.

Mais moi aussi j'ai des engagements que je ne peux pas rompre. J'ai promis de calmer ma jalousie alors taper un scandale parce qu'un mec lambda lui adresse la parole serait clairement malvenu. Pourtant, je bouillonne. Tous mes muscles se tendent alors que j'essaie de canaliser ma frustration en serrant fermement le verre de whisky que j'ai en main.

Et visiblement, je ne suis pas au bout de mes peines. Quand je crois que l'homme la laisse enfin tranquille, je comprends rapidement qu'il s'est relevé pour lui tendre la main et l'inviter à danser. Elle ne jette même pas un regard vers moi avant d'accepter.

Je la regarde donc s'éloigner main dans la main avec cet inconnu et j'ai l'impression de perdre pied. Suis-je en train d'observer une métaphore de ce qui m'attend dans le futur ? Son départ de ma vie. Elle a promis qu'on resterait amis, mais je sais qu'elle ne le pensait pas. Je vais lui briser le cœur et elle m'en voudra. Logique. Mais elle se relèvera et elle partira main dans la main avec un autre. Moi, je n'arriverai jamais à m'en remettre et je ne pourrais m'en prendre qu'à moi-même. J'en ai conscience, sauf que je ne vois aucune autre solution. Elle ne pourra jamais m'appartenir pleinement.

Je suis condamné à l'enfer, mais ces quelques instants de bonheur avec elle valent bien une éternité de tourments.

Elle se déhanche doucement sur la piste de danse et je suis envoûté par ses courbes qui ondulent au rythme de la musique. Sa beauté, son charme et sa sensualité me brisent tant ils m'obsèdent. Malheureusement, je ne suis pas le seul à remarquer sa splendeur et celui qui l'accompagne s'approche dangereusement. Elle lui sourit d'une mine joueuse et il place une main sur sa hanche.

Je vais tout casser.

- Elle est bonne la copine de Mélissa, commente un mec également accoudé au bar.

Il me tourne le dos et ne m'a pas remarqué, mais il semble regarder dans la même direction que moi et je comprends qu'il regrette de ne pas avoir osé inviter Neela à danser en premier.

- Laquelle ? lui demande son ami.

- Sa pote de fac, la brunette aux traits asiatiques.

- Ah, j'ai entendu dire qu'elle était célibataire.

- Elle n'est pas venue avec son mec ?

- Non, c'est juste un pote de sa famille. À mon avis, la voie est libre.

S'en est trop pour moi. J'ai l'impression que c'est une blague de mauvais goût. Fallait-il réellement que tous les mecs de la planète veuillent se taper Neela, là, ce soir ? C'est ridicule. J'ai besoin de prendre l'air.

Je me détourne de la piste de danse, mais même si je ne la vois plus, mon imagination la dessine dans mon esprit en train de se trémousser contre tous les types de la soirée. Je sais que j'exagère sans doute, mais c'est plus fort que moi.

Mes pas m'entrainent jusqu'à la terrasse à l'entrée du bâtiment en pierre blanche. Quand je m'engouffre dehors, l'air frais qui emplit mes poumons m'aide à prendre un peu de recul.

Pourquoi est-ce que cela m'énerve autant ? Elle me rend fou. Le pire, c'est qu'elle n'en a même pas conscience. Je ne me voile pas la face et je sais que c'est moi le problème, pas elle. Mais ça n'en est pas moins rageant pour autant.

J'aimerais tant qu'elle soit mienne, que je puisse faire déchanter tous ses mecs et leurs regards pleins de vice. Mais cela m'est interdit. Elle est l'interdit. Cela fait plus de cinq ans qu'on a renoncé l'un à l'autre. Tenter le diable maintenant n'aurait aucun sens. On joue déjà bien assez avec le feu comme ça. Mais il faut l'admettre, toute cette situation est bien plus difficile que je ne l'imaginais.

Dépité, je m'assieds sur les marches du perron. Je retiens un grognement de frustration et place mon visage entre mes mains comme si ça pouvait faire disparaître le monde entier. Pendant un instant, je me perds dans mes pensées.

Je ne sais même pas combien de temps s'écoule avant que j'entende le bruit de talon claquant sur le sol et s'approchant avec détermination. Je n'ai même pas besoin de me retourner ou de relever le visage pour savoir de qui il s'agit.

Son parfum aux accents vanillé vient chatouiller mes narines alors qu'elle s'installe près de moi. Même son odeur est un délicieux supplice.

- Hey, qu'est-ce qui ne va pas ? souffle-t-elle en posant une main sur mon épaule.

Mais ce contact me tend d'autant plus. Sa présence m'empêche de me calmer et tous mes sens sont en ébullition. Alors, j'ai un mouvement de recul un peu sec pour me dégager.

- Tu es fâché contre moi ? s'étonne-t-elle.

- T'es plus avec ton nouveau prétendant ?

Je ne la regarde toujours pas, mais je n'ai pas de mal à deviner son incompréhension. Ça me rassure un peu qu'elle ne voit pas de quoi je parle, mais une part de moi ne peut s'empêcher de penser qu'elle ne fait que jouer les innocentes. Elle a forcément vu que ce mec la draguait et ça avait l'air de beaucoup lui plaire.

- Tu es sérieux là ? Tu boudes parce que j'ai accepté une danse ?

- Je ne boude pas, nié-je froidement.

Elle soupire profondément et son visible agacement ne fait que me tendre un peu plus. Mais cette fois, je n'ai pas envie de me battre.

- C'est bon, tu peux retourner t'amuser, me contenté-je d'ajouter.

-Arrête Sun, je ne vais pas te laisser là comme ça.

- Pourquoi pas ? Je suis « juste un pote » après tout.

Cette fois, elle a un mouvement de recul. Je relève le regard pour découvrir son expression outrée.

🌙🌙

À bientôt pour la suite !

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