Chapitre 17 - J'ai chaud, j'ai froid (2)
- Oh, ne joue pas l'innocente. Quand on vous voit, Sun et toi, c'est clair comme de l'eau de roche que vous êtes raide dingue l'un de l'autre.
J'ouvre des yeux ronds, surprise par ses mots. Immédiatement, je prends une position subtilement défensive en me reculant légèrement. Comme si prendre de la distance physique suffirait à le faire arrêter de lire en moi comme dans un livre ouvert.
- Doucement, tu t'emballes un peu trop là. C'était un coup d'un soir, rien de plus. Ça ne se reproduira pas.
Cette fois, Andréa laisse échapper un rire et j'ai l'impression que je viens de lui raconter la blague la plus drôle de sa vie.
- Tu es sérieuse là ? La tension sexuelle entre vous et à couper au couteau. Ça m'étonnerait que ça s'arrête là.
- C'est l'hôpital qui se fout de la charité, tu en as à la pelle des coups d'un soir. Pourquoi ne pourrais-je pas faire pareille ?
- Parce que moi, je ne suis pas fou amoureux de mes conquêtes d'une nuit.
- Il n'est pas amoureux de moi non plus.
Plutôt que de me répondre, Andréa se contente d'un profond soupir las et la façon dont il lève les yeux au ciel me laisse deviner son avis sur la question.
- Crois-moi, une seule nuit ne lui suffira pas, assure-t-il.
Pour être honnête, j'aimerais qu'il ait raison. Mais la façon dont Sun m'évite ces temps-ci m'en fait douter.
- Qu'est-ce qui te fait croire ça ? demandé-je.
- Personne n'est aussi protecteur et possessif pour un simple plan cul.
Je ne suis pas certaine que cela soit suffisant. Oui, Sun est un peu irrationnel par moment. Mais ce tempérament fougueux est aussi un trait de sa personnalité. Je ne veux pas lire trop de choses dans ces comportements et risquer d'être déçue par la suite.
- Tu te fais des idées, me contenté-je de soupirer.
Et, comme s'il attendait le timing parfait - ou le pire - c'est à ce moment que la porte d'entrée s'ouvre sur Sun qui entre dans l'appartement.
- Tu veux qu'on mette ma théorie à l'épreuve ? me murmure alors Andréa à l'oreille. Laisse-toi faire, tu verras.
Son sourire narquois ne m'évoque rien de bon, mais je n'ai pas vraiment le temps de réagir, distraite par l'arrivée de Sun. Il nous salue simplement et se dirige vers la cuisine.
- Tu rentres tôt aujourd'hui, fais-je remarquer.
- J'ai un rendez-vous au bureau demain matin, m'explique-t-il en haussant la voix pour que je l'entende depuis la pièce voisine.
Il revient au salon, un verre d'eau à la main.
- Oh, je vois. Va te reposer alors, on fera attention à ne pas faire de bruit.
Sun acquiesce et s'apprête à continuer son chemin, mais le sourire malicieux d'Andréa ne l'a toujours pas quitté. C'est ce moment qu'il choisit pour se rapprocher de moi et glisser son bras autour de mes épaules.
- Enfin... On essaiera d'en faire le moins possible, ajoute Andréa sur un ton empli de sous-entendus.
Il m'adresse un regard complice et laisse échapper un rire grave avant d'embrasser ma tempe. Je me doute que son petit jeu pour prouver qu'il a raison a commencé et je vois parfaitement où il essaie d'en venir. La réaction de Sun ne se fait pas attendre. Plutôt que de continuer vers les escaliers pour rejoindre sa chambre, il s'arrête en plein milieu du salon. Son corps se fige et le regard mauvais qu'il pose sur le bras d'Andréa autour de mes épaules ne laisse aucun doute sur son état d'esprit actuel. Sun et sa jalousie légendaire. Pour l'instant, rien de nouveau. Si mon voisin croit qu'il va prouver quoi que ce soit avec ça, il se met le doigt dans l'œil.
- En fait, je comptais regarder un peu la télé avant de monter. Je ne vous dérange pas, j'espère.
Si les mots de Sun sont cordiaux, son ton est un peu plus ironique. Il s'installe dans un fauteuil et fait mine de se concentrer sur la télévision qu'il allume. Andréa m'adresse un clin d'œil, visiblement satisfait de son petit manège.
- Tu es chez toi, me contenté-je de répondre.
La situation est un peu gênante. Sun est visiblement mécontent et il tente de le cacher derrière un vague intérêt porté à l'écran. Andréa, lui, s'amuse visiblement beaucoup et je sens sa main qui entame de légères caresses le long de ma clavicule. Il me fait frissonner et je ne peux m'empêcher de gigoter sous son étreinte.
- Tu me chatouilles, me plains-je tout en ne pouvant retenir un rire dans ma voix.
Mes mots ont le don de pousser mon colocataire à reporter son attention sur nous et je comprends que c'est ce que cherchait à faire Andréa. Sun me dévisage si froidement que je perds immédiatement mon sourire. Son expression glaciale me frappe de plein fouet et paradoxalement, j'ai l'impression que son aura animale va me consumer à petit feu. Face à lui, je me sens fiévreuse. J'ai chaud, j'ai froid, un simple regard suffit à me mettre dans tous mes états.
- Tu n'étais pas censée passer la soirée avec Olivia et Brooke, demande-t-il du bout des lèvres.
- Olivia, Brooke et moi, répond Andréa à ma place.
Je ne sais pas s'il est complètement ignorant face à la tension qu'il crée ou s'il cherche volontairement à jeter de l'huile sur le feu, mais il réussit clairement à titiller Sun.
- Il s'est incrusté, rectifié-je comme pour tenter d'apaiser ce dernier.
Mais Andréa n'a visiblement pas le même objectif que moi.
- Je n'y peux rien, tu m'as trop manqué.
Et comme pour lier le geste à la parole, il resserre son étreinte en me calant un peu plus contre lui. Je surprends la poigne de Sun qui s'agrippe plus fermement autour de son verre d'eau, si bien que les jointures de ses doigts blanchissent à vue d'œil. Je me contente de soupirer en levant les yeux au ciel face aux mots d'Andréa. Mais il continue son petit jeu. Son bras est toujours autour de mes épaules et il en profite pour laisser sa main glisser de ma clavicule à la naissance de ma poitrine. Il m'effleure avec tout le naturel du monde, comme si Sun ne suivait pas le moindre de ses mouvements avec un regard assassin.
Et pour être tout à fait honnête, ses gestes sont loin d'être désagréables. Petit à petit, j'ai l'impression de perdre pied. Entre les chaudes caresses d'Andréa et la présence tendue de Sun, je suis tiraillée de toute part. Il faut l'admettre, la frustration intense dans les yeux de mon colocataire me plait plus que de raison. Une part de moi se demande jusqu'où Andréa sera prêt à aller si je le laisse faire. Une autre a envie de voir jusqu'où Sun le laissera aller.
- Tout va bien, Sun ? Tu as l'air un peu pâle, c'est peut-être le Covid qui n'est pas totalement passé, s'enquiert Andréa avec une innocence feinte.
- Tout va pour le mieux.
- J'ai entendu dire que Neela s'était bien occupée de toi, ça a dû beaucoup aider.
Andréa est au courant de ce qu'il s'est passé entre Sun et moi pendant ce confinement. Alors, il n'est pas difficile de deviner tous les sous-entendus dans ses mots.
- D'ailleurs, je me sens un peu fiévreux moi aussi, ajoute-t-il. Peut-être que tu devrais t'occuper de moi maintenant, ma belle.
Et à ces mots, Andréa cale son front contre le mien avant de relever ma main pour la poser sur sa joue.
- Tu ne trouves pas que je suis chaud, Neela ? murmure-t-il avec toute la sensualité du monde.
Je suis pétrifiée face à son attitude. Andréa a l'habitude de jouer avec les limites de la bienséance, mais il n'a jamais été aussi loin. Ses yeux verts me fixent de beaucoup trop prêt et je sens le rouge me monter aux joues. Il exagère, il faut que je le repousse. Mais avant même que j'aie le temps d'agir, c'est un bruit de bris de verre qui nous interrompt. Immédiatement, mon voisin me relâche et je me retourne vers Sun. Il laisse échapper un chapelet de jurons et mon cœur frôle la crise lorsque j'aperçois le verre brisé dans sa main et le sang qui colore sa paume au fil des secondes qui passent.
- Sun ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? paniqué-je en me précipitant à ses côtés.
Mais il me repousse pour se relever et rejoindre la cuisine. Je m'apprête à le suivre quand Andréa m'attrape par le bras pour me couper dans mon élan.
- Je t'avais dit qu'il t'aimait bien plus que tu ne le pensais. Il ne s'arrêtera pas à "juste une nuit".
Et son sourire triomphant m'énerve autant qu'il me pousse au questionnement.
- Tu avais tout calculé ?
- Honnêtement, je pensais me prendre un pain dans la gueule. Je suis plutôt content d'avoir évité ça.
Son sourire amusé contraste totalement avec le chaos de la situation.
- Sur ce, je vais vous laisser tranquille. À toi de jouer maintenant.
À moi de jouer ? À moi de réparer les pots cassés, oui. Andréa embrasse ma joue brièvement avant de quitter l'appartement d'un pas guilleret. Estomaquée par tout ce qui vient de se passer, je n'ai le temps de rester les bras ballants qu'une seconde. En effet, dans la cuisine j'entends la voix de Sun qui insulte la terre entière sur plusieurs générations en passant sa main sous l'eau. Alors, une nouvelle fois, je me prépare à affronter l'ouragan Sun et me précipite dans la cuisine.
🌙🌙
Hello à tous ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! À bientôt pour la suite ;)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top