Chapitre 17 - J'ai chaud, j'ai froid (1)

Le trajet de retour au duplex représente sans doute le plus étrange moment passé au côté d'Andréa. Le silence a envahi l'habitacle et j'ai même du mal à reconnaître l'air sérieux du brun. Contrairement à nos habituelles rencontres, il n'y a pas de discussion animée, pas de blague, pas de faux jeu de séduction empli d'ironie et surtout, aucune explication de ce qu'il s'est passé ce soir. Je suis pourtant bien décidé à tirer cette histoire au clair, mais j'ai du mal à trouver l'angle pour lancer la conversation.

- Tu viens boire un verre avant de rentrer ? proposé-je lorsque sa voiture se gare devant notre immeuble.

Andréa semble hésiter une seconde, comme s'il devinait que j'avais une idée derrière la tête. Mais je ne lui laisse pas le temps de me dire non.

- Ce n'était pas vraiment une question. Allez, viens !

Je lui adresse un sourire amusé et l'attrape par le bras pour l'entraîner jusqu'à mon appartement. Il n'oppose pas grande résistance et je me doute qu'Andréa n'avait pas réellement envie de rentrer ruminer tout seul chez lui. Lorsque nous entrons dans le duplex, toutes les lumières sont éteintes et il n'y a pas un bruit. Sun est sans doute sorti. C'est souvent le cas ces temps-ci.

J'ai du mal à savoir s'il m'évite ou si c'est moi qui le fait. D'un point de vue extérieur, notre relation n'a pas vraiment changé depuis la nuit que l'on a passée ensemble. Il nous arrive d'échanger quelques mots quand l'on se croise, notre entente est cordiale et cela fait longtemps que l'on ne s'est pas disputé. À vrai dire, tout laisse presque à penser que l'on cohabite même dans une plus grande harmonie que lorsque j'ai emménagé.

Pourtant, je n'arrive pas à me défaire de cette désagréable sensation de gêne quand l'on se retrouve face à face. Nous n'avons pas reparlé de notre torride soirée dans la serre - je n'y ai même jamais remis les pieds depuis - et je ne sais pas quoi penser de ce silence radio. Une part de moi est ravie d'éviter le sujet. Sun a souvent eu tendance à me briser par ses mots et je n'ai pas envie de l'entendre à nouveau parler d'erreur entre nous. Mais, il serait mentir de dire que je ne suis pas confuse face à toute cette situation.

À chaque fois que je croise son regard, je revois la flamme qui habitait ses yeux sombres. Cette flamme qui a embrasé chaque parcelle de mon corps pour le laisser brûlant de désir. Dès qu'il ouvre la bouche, j'ai l'impression de l'entendre encore gémir mon prénom au creux de mon oreille. L'odeur de son parfum me rappelle le goût de sa peau. Et s'il a le malheur de m'effleurer, même par inadvertance, c'est tout mon corps qui le réclame. Dire que j'ai les nerfs à vif est un euphémisme.

Alors, ce soir, il est sans doute mieux qu'il ne soit pas là. Andréa et moi attrapons deux bières dans la cuisine avant de nous installer au salon. Je ne peux qu'être amusé en réalisant la rapidité avec laquelle lui et moi sommes devenus à l'aise l'un avec l'autre. Cela fait à peine deux mois que j'ai emménagé au duplex et encore moins de temps que j'ai rencontré mon voisin. Pourtant, on se comporte déjà comme des amis de longue date. C'est sans doute pour cela que je me permets de creuser même s'il a l'air de se fermer comme une huître.

- Bon, tu vas finir par me raconter ce qu'il se passe ou tu vas te la jouer cinéma muet encore longtemps ?

- Hein ? se contente-t-il de m'interroger du regard, feignant de ne pas savoir de quoi je parle.

- Ne fais pas l'innocent. C'est quoi le problème avec Brooke ?

- Un problème ? Il n'y a pas de problème avec Brooke.

Il m'adresse un sourire qui se veut naturel et détendu. Pense-t-il réellement que je suis aveugle ?

- Il y a un truc entre vous ? Tu l'aimes bien ?

- Ouais je l'aime bien. Tout comme je t'aime bien et comme j'aime bien un tas d'autres personnes.

Son indifférence feinte est presque agaçante. Il répond totalement à côté de toutes mes questions. Je passe une main dans mes cheveux en soupirant.

- Arrête ça, Andréa. Ce soir au bar, on aurait dit une vraie dispute de couple.

Cette fois, il m'adresse un regard exagérément choqué comme si je venais de dire quelque chose de particulièrement offensant.

- Beurk. N'utilise pas ce vocabulaire en ma présence.

Sa mine dégoûtée est ironique, mais je comprends qu'il y a un semblant de vérité derrière cette aversion.

- Quoi ? Dispute ou couple ? demandé-je.

- Les deux. Je ne donne pas dans tout ce délire de couple et je ne m'intéresse pas assez à quoi que ce soit pour me disputer avec qui que ce soit.

Cette fois, c'est à mon tour de lui adresser une expression pleine de dépit. J'avais presque oublié que mon voisin était le cliché parfait du type qui saute sur tout ce qui bouge tout en rejetant systématiquement tout signe d'engagement. Un gamin avec la maturité émotionnelle d'un rocher, en somme.

- Ah ! Donc tu es définitivement ce genre de mec. Heureusement qu'il ne se passe rien avec Brooke alors parce que tu n'es clairement pas assez bien pour elle, le piqué-je.

Il y a une part de vrai dans mes mots. Je ne veux pas d'un homme qui joue avec le cœur de ma meilleure amie. Mais je dis surtout ça pour le provoquer. Et alors que je m'attendais à une nouvelle plaisanterie de sa part, il se contente d'un simple "Mh" avant de prendre une grosse gorgée de bière. Cette conversation me laisse avec encore plus de questions que j'en avais au départ. Sauf que je n'ose pas être trop intrusive. Si Brooke avait voulu m'en parler, elle l'aurait fait. Et elle le fera sans doute quand elle sera prête. Sans parler du fait que plus j'en devine au sujet de cette histoire, plus j'ai l'impression que la situation est particulièrement délicate. M'y immiscer n'est sans doute pas la meilleure des idées.

Mes mots ont d'ailleurs rendu l'ambiance gênante et je culpabilise légèrement en surprenant l'expression pensive d'Andréa. Mal à l'aise, je toussote pour empêcher le silence de s'installer.

- Eum... je plaisantais, tu sais. Je ne pensais pas que...

Mais devant ma mine gênée, Andréa semble revenir à lui. Il lâche un rire qui me surprend.

- Je ne l'ai pas mal pris, Gray. Relax.

Le voir sourire me rassure un peu et je prends une nouvelle gorgée de bière à mon tour.

- Tout cela n'a aucune importance de toute façon. C'est plutôt moi qui devrais t'interroger sur ces semaines enfermées avec l'homme de tous tes fantasmes.

Le sourire taquin d'Andréa me fait monter le rouge aux joues à vitesse grand V. Parfois, je regrette d'avoir tant de facilité à m'ouvrir à mon voisin. Ce dernier n'a aucun scrupule à utiliser mes confessions contre moi. Et j'ai parfaitement conscience qu'il adore me mettre mal à l'aise.

- Qu'est-ce que tu racontes ? On était malade, c'est tout, tenté-je de me défendre.

- Vu comme il se tend à chaque fois que tu poses le regard sur un autre homme, il fallait s'attendre à ce qu'il te garde captive dans son appart' un jour ou l'autre. Il t'a attaché à son lit aussi ? se moque Andréa de plus belle.

Cette fois, je dois sans doute être rouge cramoisi jusqu'au bout des oreilles.

- J'étais malade, continué-je à marteler. Tu te fais des films.

- Vraiment ? Pourquoi tu es aussi gênée alors ?

Je baisse le regard pour ne pas avoir à supporter ses yeux inquisiteurs. Mais cela ne fait qu'agrandir son sourire triomphant.

- Tu es une très mauvaise menteuse, s'amuse-t-il devant mon mutisme.

- Je ne mens pas. On était vraiment mal... au début.

- Et par la suite ?

Je pousse un profond soupir et baisse finalement les armes. Je ne sais pas si c'est parce qu'Andréa est le genre de personne qui me met en confiance ou si c'est simplement parce que j'ai besoin d'en parler, mais je lui explique toute la situation en quelques mots. Au fil de mes mots, son amusement semble s'amplifier.

- Qui l'eût cru ? Il suffisait de vous enfermer ensemble pendant des jours pour que vous arrêtiez enfin de vous mentir à vous même.

Je ne suis pas sûre de saisir ce qu'il entend par là. Mais ce qui me prend le plus de court c'est le manque d'étonnement du jeune homme. J'ai quelques fois évoqué les tensions entre Sun et moi, mais jamais notre passif et mes sentiments. Alors pourquoi agit-il comme si notre coucherie était inévitable ?

- Arrêter de nous mentir à nous-même ?

- Oh, ne joue pas l'innocente. Quand on vous voit, Sun et toi, c'est clair comme de l'eau de roche que vous êtes raide dingue l'un de l'autre.

J'ouvre des yeux ronds, surprise par ses mots. Immédiatement, je prends une position subtilement défensive en me reculant légèrement. Comme si prendre de la distance physique suffirait à le faire arrêter de lire en moi comme dans un livre ouvert.

- Doucement, tu t'emballes un peu trop là. C'était un coup d'un soir, rien de plus. Ça ne se reproduira pas.

Cette fois, Andréa laisse échapper un rire et j'ai l'impression que je viens de lui raconter la blague la plus drôle de sa vie.

🌙🌙

Je vous souhaite une très bonne année 2023 !! 🎊J'ai été un peu absente pendant les vacances d'hiver parce que je voulais profiter de ces moments avec ma famille et mes amis. L'écriture est donc passé au second plan. Mais l'objectif 2023 c'est de finir cette histoire avant le milieu de l'année (dans le début de l'année ça serait même l'idéal). Alors, il est temps de s'y remettre à fond. J'ai vraiment hâte de vous faire découvrir la suite de leurs aventures ! Plein de bisous 😘

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