Chapitre 13 - Sois mon médicament (1)

Le front perlé de sueur, les membres courbaturés et la gorge plus irritée que si on l'avait frottée avec du papier de verre, je suis recroquevillée sur le sol de ma salle de bain.

- Non, non, non, ce n'est pas possible, ce n'est pas juste. Pourquoi moi ? Pas maintenant !

Mes plaintes désespérées ne changeront rien à la situation. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre devant ce test Covid positif qui confirme mes craintes et explique les raisons de mon mal être. Je suis au bord des larmes en pensant à ma valise pleine de maillots de bain, de paréo et de petite robe d'été qui m'attend sur mon lit.

Qui a la poisse au point de chopper une maladie ultra contagieuse et particulièrement restrictive deux jours avant un super voyage à Bali prévu depuis des mois. J'ai eu beau sortir avec des amis, aller au travail, prendre les transports, je ne l'ai jamais attrapé jusque là. Mais alors que je suis extrêmement précautionneuse ces temps-ci - pour préparer notre voyage - et que je me tiens éloignée de toute contagion possible, voilà que cela me tombe dessus au pire moment.

Je me liquéfie sur le sol de ma salle de bain tant ma déception est grande. La fièvre et les douleurs n'aident pas à me remonter le moral. Après un long moment passé à me morfondre, je prends finalement mon courage à deux mains pour prévenir Liv et Brooke avec qui j'étais censé partir. Leurs réponses inquiètes, paniquées et déçues me font un peu plus mal au cœur. Elles proposent d'annuler le voyage pour le reprogrammer quand j'irais mieux, mais je refuse. Je n'ai pas envie de culpabiliser d'avoir gâché les vacances de tout le monde. Et lorsque Brooke essaie de m'appeler, je ne décroche pas, n'ayant vraiment pas la force de parler.

Et puis, je réalise que je ne suis pas à proprement parler chez moi. Je ne vis pas seule et je ne peux me permettre d'agoniser une semaine sur le sol de cette salle de bain. À vrai dire, si je veux être totalement responsable, je ne peux pas rester chez Sun tout court. Je risquerais de le contaminer.

Depuis notre dernière discussion où il a réitéré une énième fois que l'on pourrait être de très bon ami, la situation s'est ancrée dans un statu quo un peu gênant, mais vivable. Nous ne sommes pas en froid, mais pas vraiment en bon terme non plus. On se parle lorsque c'est nécessaire, sans conflits, on respecte l'espace l'un de l'autre et cela s'arrête là. Il ne se permet même plus aucune réflexion lorsqu'Andréa passe me voir, mais je dois admettre que son expression contrariée ne m'échappe jamais.

Parfois, j'ai envie de croire que la jalousie de Sun signifie quelque chose. Et j'ai bien conscience que notre relation aurait sans doute été différente si je n'étais pas la petite sœur d'Haru. Mais puisque je suis destinée à être friendzonnée pour l'éternité, je ne perds rien à jouer un peu avec ses nerfs.

Quoi qu'il en soit, je n'en suis pas à vouloir lui transmettre un virus éprouvant pour me venger. Si je veux éviter ça, j'ai plutôt intérêt à déguerpir avant qu'il ne rentre. Je soulève mon corps lourd pour me relever, mais mes jambes qui tremblent ne me facilitent pas la tâche. Ma fièvre doit être plus forte que ce que j'imaginais. J'arrive à me traîner jusqu'à ma chambre tant bien que mal et essoufflée, je me laisse tomber sur mon lit.

Ma valise, en cours de préparation, est toujours posée là et j'en ai les larmes aux yeux. Mais je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. Il faut que je rassemble mes affaires et que je file. Mais pour aller où exactement ? Si je n'ai pas envie de contaminer Sun, c'est aussi le cas pour le reste de mes proches. Peut-être devrais-je aller à l'hôtel. La note va être salée. Il faut que je compare les prix et que je me prépare un sac pour la semaine. Il va me falloir plus de temps que prévu, notamment parce que je bouge à la vitesse d'une limace dans mon état. Alors, même si c'est la dernière chose que j'ai envie de faire, je décide d'écrire à Sun pour le prévenir.

"Est-ce que tu peux rentrer plus tard ?
J'ai besoin de l'appart' pour quelques heures."

"Tu me mets à la porte de chez moi ?
Tu fais quoi exactement ?"

"J'ai attrapé le Covid, je vais rassembler mes affaires et aérer l'appart.
Attends quelques heures après que je sois partie pour revenir."

"Partie ? Mais tu vas où ? Tu vas bien ?
Tu as besoin de quelque chose."

"Ça va, mais c'est pas la peine de risquer de te contaminer.
Prends juste ton temps pour rentrer."

Quand il ne me répond plus, je prends ce silence pour accord et j'essaie de m'activer. Après avoir rassemblé mes affaires et ouvert les fenêtres, je me prépare à quitter le duplex. J'ai trouvé un petit hôtel à une demi-heure de là et j'ai finalement décidé de prendre ma valise préalablement remplie pour mon voyage tombé à l'eau. Elle est majoritairement composée de tenue de vacances, mais tant pis. Le temps est doux et estival en ce début de mois de juillet et je ne compte de toute façon pas mettre le nez.

Une fois prête, masque sur le visage, je me presse pour quitter les lieux, mais le dernier effort pour ouvrir les portes coulissantes de ma chambre semble être la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je suis prise d'un vertige et ma valise m'échappe des mains pour s'allonger sur le sol. Je suis obligée de marquer un temps de pause pour me ressaisir, mais quand j'essaie de me pencher pour récupérer mon bagage, le sol se transforme en sable mouvant à nouveau. Une nausée soudaine me retourne l'estomac et je suis forcée de m'asseoir un instant sur les marches séparant la chambre de l'espace salon.

Une violente bouffée de chaleur me submerge tandis qu'une douleur tambourinante me perfore le crâne et que mon souffle se fait plus saccadé. J'ai l'impression d'agoniser. J'essaie de me convaincre de me relever, de trouver la force de faire encore quelques pas vers la sortie, mais mon corps est si lourd. Finalement, la porte d'entrée qui s'ouvre brusquement me fait sursauter, mais je n'ai pas le courage de relever le regard. Je sais parfaitement de qui il s'agit de toute façon.

- Neela ! s'exclame mon colocataire en se précipitant vers moi. Qu'est-ce que tu fais ?

Sans même y réfléchir, il s'approche et pose un genou au sol pour venir à ma rescousse. Mais alors qu'il pose ses mains sur moi pour m'aider à me relever, je le repousse.

- Écarte-toi et mets un masque ! protesté-je en écartant mon visage au possible.

- OK, calme-toi.

Il me relâche pour glisser une main dans sa poche et sortir un masque qu'il place sur son nez et sa bouche rapidement.

- C'est bon, ça te va comme ça ? Maintenant, laisse moi t'aider.

Et sans me laisser le temps de lui répondre, il passe un bras derrière mes genoux, le second dans mon dos et il me soulève avec une facilité déconcertante. À vrai dire, je m'élève tellement vite que cela ravive ma nausée. Je n'ai pas la force de le repousser. Alors, je me contente de m'accrocher à son cou pour garder l'équilibre.

- Je t'avais demandé de ne pas rentrer tout de suite, grommelé-je tout de même alors qu'il me porte jusqu'à mon lit.

- Tu comptais aller où avec ta valise ?

- À l'hôtel.

Il fronce les sourcils tout en remontant les couvertures sur mon corps tremblant.

- C'est ridicule. Tu ne vas nulle part dans cet état.

L'autorité dans sa voix est troublante et elle ne laisse aucune place à la protestation. Je ne tiens de toute façon plus debout, alors comment suis-je censée lutter ?

- Si je reste, tu vas tomber malade toi aussi.

- Je suis vaccinée et je mettrais un masque, ça va aller. Repose-toi, corazón.

Et la douceur avec laquelle il passe sa main sur mon visage pour écarter mes cheveux et tâter ma température étouffe toute volonté de le repousser. Ce Sun là, il me rend encore plus faible que d'habitude. Il est doux, il prend soin de moi et pour une fois, cette protection est bienvenue et désirée. Je ne peux pas résister plus longtemps et je ferme les yeux, exténuée.

Je somnole fiévreusement, mais je ne m'endors pas vraiment. Je l'entends alors s'éloigner et faire plusieurs aller-retour dans l'appartement. J'entends sa voix au loin, mais il n'a pas l'air de s'adresser à moi. J'ai mal partout et comme l'impression de me trouver dans un épais brouillard de maladie. Même respirer est douloureux.

Je ne sais pas vraiment combien de temps Sun s'éloigne, mais il finit par être de retour dans ma chambre. Je n'ai pas le courage de rouvrir les paupières alors j'essaie de me concentrer sur ses pas qui s'approchent. Je l'entends poser quelque chose sur ma table de nuit, puis je le sens s'asseoir sur le bord de mon lit. Du bout des doigts il se saisit alors de l'élastique de mon masque pour me l'enlever. Je grommelle des mots intelligibles pour toute protestation, mais il ne s'en formalise pas.

- Laisse-toi faire juste une minute, m'intime-t-il.

Après quoi, il passe une main derrière ma tête pour m'aider à me relever légèrement et je rouvre les yeux bon gré, mal gré. Avant que je n'aie le temps de lui demander ce qu'il fait, il glisse un comprimé dans ma main et m'invite à l'avaler en me tendant un verre d'eau également.

- Bois encore un peu, ordonne-t-il alors que j'allais le lui rendre une fois le cachet avalé.

Rendue docile par mon mal être, je m'exécute et il en a l'air satisfait. Il me relâche finalement et je repose ma tête sur mon oreiller bien volontiers. Je referme les yeux en pensant qu'il va maintenant s'en aller, mais à ma plus grande surprise, je le sens se rapprocher un peu plus.

- Qu'est-ce que tu fais ? murmuré-je, la voix rocailleuse.

- Tu es bouillante. Il faut faire baisser un peu la température.

Et alliant le geste à la parole, il dépose un linge humide sur mon front. Puis, il le relève pour le presser contre une de mes tempes, puis l'autre. Il glisse jusqu'à mes joues, ma mâchoire et mon cou. Le gant de toilette tiède laisse sur ma peau une impression fraîche qui fait un bien fou. Je soupire de soulagement. Son autre main se met alors à effleurer ma peau également et cette caresse pleine de tendresse éveille mes sens embrumés par le virus. Ses soins glissent sur mes clavicules, la naissance de ma poitrine et mes épaules et son contact est si délicieux qu'il semble presque magique.

- Je suis contagieuse, suis-je obligée de m'inquiéter.

- Ça va, je gère.

Et dieu qu'il gère bien.

🌙🌙

Hello à tous ! Et nous voilà de retour dans le présent avec ce début de chapitre. Alors, petite info, je pars bientôt en voyage. J'espère que je me suis pas portée la poisse en donnant le Covid à Neela juste avant ses vacances ahah En dehors de ça, j'ai beaucoup aimé écrire cette part de la personnalité de Sun. Ce côté un peu plus posé et doux ça fait du bien de temps en temps. J'espère que ça vous a plu aussi. Je vous laisse là dessus. À bientôt pour la suite !

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