Chapitre 10 - I'm so into you, I can barely breathe (1)

Neela

Cinq ans plus tôt

Allongée sur le lit d'Haru, j'affiche une mine contrariée alors qu'il se regarde dans le miroir pour se coiffer.

- Arrête de bouder Neela, si Sun avait pu nous inviter à l'expo, il l'aurait fait, me sermonne mon frère.

- Je me faisais une joie de voir ses sculptures à la 111 Minna Galery ! m'indigné-je.

- Et tu les verras lorsqu'il aura gagné le concours et que la galerie sera ouverte au public. Ce soir, seuls le jury et quelques professionnels sont conviés pour choisir le vainqueur.

- Je sais bien, concédé-je dans une moue boudeuse malgré tout.

Haru laisse échapper un léger rire tout en enfilant sa veste. Après quoi, il revient vers moi et s'assied à mes côtés.

- Je ne vous savez pas aussi liés tous les deux. Ça me fait plaisir de voir que vous vous entendez bien.

Lié ? J'essaie de contenir mon embarras. Haru aurait-il deviné que j'ai complètement craqué pour Sun ?

- Il est sympa, c'est vrai, rétorqué-je avec une nonchalance feinte pour tenter de sauver les apparences.

Très très "sympa"...

- C'est vraiment cool qu'il s'intègre si bien ici. Tu sais, sa vie n'est pas simple.

- Ouais... Il m'a parlé de ses parents, acquiescé-je en affichant une mine compatissante.

Il n'a même pas parlé du concours à sa mère. Et le fait qu'on soit les seuls à pouvoir le soutenir dans ce projet me fait un peu plus regretter de ne pas avoir pu l'accompagner ce soir.

- Je veux être là pour lui comme il a été là pour moi quand ça a été compliqué.

- Quand ça a été compliqué ? repété-je en fronçant les sourcils.

C'est un problème entre nous depuis toujours, mais je ne cesse de constater qu'Haru a beaucoup trop tendance à cacher ses soucis. Il se sent tellement obligé de jouer les grands frères fort et protecteur qu'il ne laisse jamais place à aucune de ses failles face à moi. Je peux d'ailleurs bien voir qu'il est agacé d'avoir laissé échapper cette phrase.

- C'est rien, laisse tomber, soupire-t-il en se relevant.

- Non, je ne laisse pas tomber. Tu as eu des problèmes à l'université ?

Il pousse à nouveau un profond soupir et fait mine de se diriger vers la porte, mais je me lève aussitôt pour lui bloquer le chemin. Il s'arrête face à moi et devant mon regard inquisiteur, il détourne le visage.

- Je n'ai pas eu de problème à proprement parler.

Mais sa réponse ne me suffit pas et ma mine insistante le fait lever les yeux au ciel, mais il est forcé de s'expliquer un peu plus. Même si Haru a tendance à cacher ses problèmes, il n'est pas du genre à mentir si je lui pose des questions.

- C'est juste que... ce n'était pas facile d'être loin de la famille au départ. Mais Sun m'a soutenu. Il m'a montré que j'avais le droit de m'amuser, de profiter de la vie avec insouciance, d'être égoïste et de ne penser qu'à moi pour une fois.

Je soutiens son regard alors que je comprends peu à peu ce qu'il sous-entend dans ses mots.

- Contrairement à tout ce temps où tu n'as pensé qu'à moi et à mon bien être, c'est ça ? complété-je.

- Neela, ce n'est pas ce que je voulais dire, tente-t-il de me rassurer. Mais, je suis obligé d'admettre que ça fait du bien de ne pas toujours être sur ses gardes.

Mais je sais exactement ce qu'il voulait dire. Il a passé son enfance à angoisser pour moi. En partant de l'université, il a eu des difficultés à gérer ces angoisses et Sun lui a appris à vivre pour lui-même, à mettre de côté ce poids que je suis. Ce n'est pas très flatteur, il faut l'admettre. Mais pour autant, je ne peux lui en vouloir. Cela n'a jamais été volontaire, mais j'ai été un fardeau pour Haru. Ou du moins, ce traumatisme lié à mon presque enlèvement l'a été. Si Sun a pu le soulager un peu, j'en suis heureuse.

- Ne t'en fais pas, je comprends. Sun est un bon ami.

- C'est vrai. Mais même lui ne pourrait pas me faire oublier que - aussi insupportable sois-tu - tu es mon plus grand trésor.

Et à ces mots empreints d'une certaine ironie, il attrape ma joue qu'il pince et tire légèrement. Je me débats sans répondre à son compliment et il finit par me relâcher.

- Quand est-ce que tu arrêteras de me traiter comme une petite fille ? m'offusqué-je en me frottant le visage qu'il a fait très légèrement rougir.

- Quand tu seras une adulte... dans 80 ans, peut-être.

Je laisse échapper un soupire exaspéré et il m'adresse un sourire malicieux avant de me contourner pour récupérer les clés de sa voiture.

- Bon, faut que j'y aille. Je vais rentrer tard, on se voit demain, OK ?

J'acquiesce et lui souhaite une bonne soirée tout en sortant moi aussi de sa chambre pour rejoindre la mienne. Ce soir, je n'ai rien prévu d'excitant. Brooke m'avait proposé de passer la soirée chez elle, mais j'ai décliné son invitation. Il faut l'admettre, j'attends le retour de Sun et le résultat du concours avec une impatience difficile à contenir.

Après la conversation que je viens d'avoir avec Haru, je culpabilise un peu. J'ai conscience que mes pensées envers Sun vont bien au-delà d'une simple inquiétude amicale. Au fil de ses visites, je suis devenue de plus en plus accro au bel Hispanique. Sa beauté ravageuse n'a d'égale que sa personnalité intrigante. Il est drôle, gentil et tellement talentueux qu'il me file des complexes. Il est passionné et vibrant de détermination. Lorsque je me plonge dans ses yeux d'un brun plus sombre que la nuit, j'ai l'impression de me perdre dans la profondeur des abysses. Il s'agit de plus qu'un petit crush adolescent, Elios "Sun" Serrano m'intoxique complètement.

Alors, quand mon frère parle de lui comme du meilleur ami qu'il n'a jamais eu, je saisis qu'il est très dangereux de risquer de créer des problèmes entre eux. Et je connais Haru. S'il savait la façon dont je vois son ami, il ferait tout pour nous tenir éloignés l'un de l'autre. Et ce n'est pas totalement incompréhensible : s'il m'annonçait qu'il était fou de Brooke, par exemple, j'en aurais sans doute la nausée. Sans parler de sa tendance à la surprotection qui ne joue clairement pas en ma faveur. Je ne veux pas créer des problèmes entre eux.

Sauf que... même si une partie de moi me crie de ne pas être égoïste et de garder mes distances. Une autre, bien plus bruyante, tente de me convaincre que je peux tout avoir. Au fond, peut-être que je me trompe. Peut-être que Haru ne prendrait pas si mal une relation entre Sun et moi. Et puis, Haru n'a rien à voir dans cette équation. Mes sentiments envers Sun n'ont aucune raison d'affecter l'amitié qu'il a avec lui. En tout cas, c'est ce que j'essaie de me répéter pour me convaincre que je ne fais rien de mal à chaque fois que mon cœur s'emballe en présence de Sun.

Allongée sur mon lit, j'étudie distraitement pour mon examen d'histoire. Une fois Haru parti, j'ai pris soin de laisser ouvertes les deux portes de notre salle de bain communicante afin de ne pas manquer Sun quand il rentrera. D'ailleurs, il commence à se faire tard, la soirée à la galerie devrait être terminée depuis un moment déjà. Peut-être est-il en train de célébrer avec des amis ? Mais il me semble qu'il ne connaît pas grand monde en ville. Serait-il déjà en train de réseauter ou de signer de gros contrats avec les professionnels rencontrés ce soir ? Son retour tardif ne peut être que bon signe, non ? J'ai envie de l'appeler pour avoir des nouvelles, mais je ne veux pas avoir l'air de chercher son attention désespérément.

Les heures passent et je me retrouve en train de somnoler devant mon ordinateur, tentant tant bien que mal de rester éveillée. En fond sonore, la voix d'Ariana Grande me berce un peu plus malgré l'air entraînant de la chanson.

" I'm so into you, I can barely breathe."

Peut-être que je devrais laisser tomber. Il m'avait promis de m'appeler dès qu'il sortirait du 111 Mina. Mais il a dû oublier. Il a dû m'oublier. Je ferme mon ordinateur et laisse échapper un grognement de frustration dans mon oreiller. Je suis pathétique. Et dire que je m'en fais autant pour la réaction de Haru alors qu'en vérité Sun n'en a sans doute rien à faire de moi.

"Close ain't close enough until we cross the line."

Alors pourquoi la façon dont il me regarde me fait frissonner toute entière ? Pourquoi le plus innocent des contacts devient électrique quand il l'initie ? Pourquoi mon prénom roule-t-il dans sa bouche comme une sucrerie ? Pourquoi ses "corazón" sont plus brûlants qu'une torride nuit d'été ?

"A little bit dangerous, but baby that's how I want it."

"A little less conversation and a little more "touch my body""

Oh, Ariana ne m'aide pas ! J'ai besoin d'un peu d'air pour me rafraîchir les idées. Dans un soupir las, j'abandonne le confort de mon lit douillet pour ouvrir ma fenêtre en grand. C'est bientôt l'été et le vent doux est agréable ce soir. J'inspire profondément et tente de me défaire peu à peu de toutes ces pensées parasites qui m'embrument l'esprit. Malheureusement, je n'ai pas le temps de me calmer bien longtemps puisqu'un taxi se gare devant notre allée.

Dans l'obscurité de la nuit, j'aperçois la silhouette de Sun qui en sort et je trépigne sur place. Il n'est pas rentré avec sa voiture, il a sans doute dû boire un verre après l'évènement. C'est ce que je pensais. Je l'entends passer la porte d'entrée et me recoiffe brièvement devant mon miroir alors qu'il monte les escaliers. En un rien de temps, il pénètre dans la chambre d'Haru, mais la lumière reste éteinte.

- Sun ?

🌙🌙

Je post ce chapitre en vitesse parce que je suis débordée avec la sortie de Paper Love en ce moment ! Mais ça y est, il est sortie et disponible, ça me fait trop plaisir ! J'en parle pas mal sur mon insta (c.augustin.auteure) pour ceux que ça intéressent. Mais sinon, j'espère que ce début de chapitre dans le passé vous a plu et je vous dis à bientôt pour la suite !

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