lettre à mamie
C'est la première fois que je viens à un enterrement, la première fois que je fais un discours, c'est la première fois, surtout, que je suis confrontée à la mort de quelqu'un que j'aimais autant. Ma grand-mère.
Les mots se bousculent sous ma plume et au fur et à mesure que je tape sur mon clavier, les souvenirs remontent, comme les larmes. Je m'excuse d'avance si je suis confuse ou embrouillée, je n'ai pas la prétention d'écrire quelque chose de beau ou de poignant, je souhaiterais juste, là, maintenant, m'adresser à toi, mamie. Avec mes mots.
Tu sais, mamie, je crois que toi et grand-père, ainsi que votre maison, avez toujours été mon point de repère. J'ai déménagé, j'ai changé de vie, tout bougeait autour de moi mais vous avez toujours été là, stables, immuables, inchangés. Oui, vous avez toujours été les gardiens de mon enfance.
C'est sûrement pour ça que dans ma tête tu es associée à un certain nombre d'odeurs, de sons, de couleurs enfantines – et désolée, je ne me résous toujours pas à en parler au passé. C'est la représentation que j'ai de toi, ce patchwork multicolore, faits de fragments de vie passés ensemble. Tu renvoies sûrement, comme chacun, une facette de ta personnalité à chaque personne que tu côtoies. Permets-moi de relater ma version de toi, celle que j'appelle mamie – et pas grand-mère, parce que tu trouves que ça fait trop vieillarde.
Tu te parfumes toujours à la rose quand je suis là, parce que je t'ai dit un jour que je t'associais à cette odeur.
Tu adores la marque Yves Rocher. Tu seras toujours, pour moi, un écho de l'odeur de leurs rouges à lèvres.
Tu détestes quand je m'attache les cheveux, tu avais râlé quand je les avais coupé. Lorsque je suis venue te voir, pour la dernière fois, je savais que tu allais mourir. Mes derniers mots ont été « Promis, je vais laisser mes cheveux pousser. Je t'aime. »
À chaque fois que je viens te voir, je te dis que tu es belle. Tu balaies l'air de la main, en disant « n'importe quoi. » et en souriant. Je le pense vraiment, tu sais : tu es belle, pas seulement par la finesse de tes traits que le temps n'a pas réussi à aliéner, mais tu as la beauté de ceux qui ont tout traversé et qui s'en sont relevés.
Lorsque j'étais petite, je te piquais tes affaires de maquillage. Il y a deux mois, c'est toi qui m'a emprunté un rouge à lèvre. Je me souviens avoir pensé, avec une triste ironie, que la boucle était bouclée.
Tu as toujours des boules de gomme à nous donner quand on vient. Et tu nous laisses prendre autant de bouts de sucre et de chocolat qu'on veut.
Tu fais de la confiture d'arbouse. Je n'en ai jamais mangé que chez toi, et c'est ma préférée.
Tu n'aimes pas qu'on t'embrasse avant que tu aies pris ta douche. D'ailleurs, tu me laisses toujours passer une heure sous la douche, même si je prive tout le quartier d'eau chaude.
Tu écoutes toujours la radio quand tu n'arrives pas à dormir.
Tu détestes cuisiner, comme moi. Du coup, tu as un programme précis et répétitif de repas par semaine, avec soupe en morceaux et soupe mixée. Tu te laisses aller aux coquillettes quand on est là.
Tu es restée abonnée des années à un magazine qui ne t'intéresse pas plus que ça, parce que tu aimes bien la petite BD humoristique à la page 3.
Tu as toujours des brosses à dents de rechange quand j'oublie la mienne.
Tu es toujours là pour moi. La dernière fois, sur ton lit, tu étais presque inconsciente, et j'avais ma main dans la tienne. De temps en temps, tu me pressais les doigts, comme pour me dire : « je suis là, ne t'inquiète pas. »
Tu es tellement forte.
Tu vas beaucoup, beaucoup me manquer.
Et il y a tant d'autres choses dont je veux parler, mais le temps me manque, comme il nous a manqué.
Tu vois, mamie, je ne sais pas vraiment si je crois en Dieu ou non. Mais là, tout de suite, je voudrais tellement, tellement qu'il existe. Je voudrais tellement que tu sois tranquillement assise à l'ombre d'un sapin, dans un paisible jardin de banlieue. Tu boirais ton coca – tu n'aimes pas l'eau – en devisant avec ceux que tu aimais et qui sont partis trop tôt. Tu râlerais parce que Pouchki a laissé des crottes dans le bac à sable, et aussi parce que tu as manqué l'heure de « C à vous » sur Arte à la télé. Tu adores râler. Et j'adore t'écouter râler.
Merci d'avoir été là, gardienne de mon enfance. Merci pour les brosses à dents, les coquillettes, les câlins et les boules de gommes. Je t'aime très fort.
désolée pour le retard dans le funambule et pour ma quasi-absence, j'ai pas vraiment le coeur à ça, là maintenant.
je vous aime
13.01.2018
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