La verité à la lumière de l'aube
Guidée par mon instinct, mon éternel passion que sont les recherches des informations me pousse à continuer mes « investigations » sur le mannequin. Je suis comme absorbée, engloutie par les paragraphes des articles dont je suis incapable de décrocher les yeux. Pas une seule fois je ne trouve une information différente de ce que j'ai déjà lu ; c'est à penser que les rédacteurs se copient l'un sur l'autre.
Je claque ma langue sur mon palais d'exaspération, et peut-être aussi de frustration.
Les reporters ne sont-ils pas capable de faire leur boulot correctement ?
Je ne sais pas pourquoi mais cela m'agace. Et pour cause. Je n'aime pas ce sentiment de vide qu'il y a dans ces articles bêtement recopiés sur le voisin d'à coté, comme si les journalistes n'avaient pas pris la peine de faire des recherches plus approfondies sur ce mannequin. Et là, c'est mon côté étudiante en journalisme qui parle. Ou plutôt ex-étudiante en journalisme.
Rien est clair alors que la simplicité de la syntaxe est la première chose que l'on m'a apprise à l'université.
Ils affirment malgré tout que Holden Byers, est une personne très discrète sur sa vie privé bien que ses frasques et débordements, eux, reste - pour le plus grand bonheur des paparazzi - bien publiques. Selon les news, il aurait un fort penchant pour l'alcool et les altercations violentes qui se termineraient pour la plupart d'entre elles dans des bains de sang. Du sang qui n'est pour une bonne partie, pas le sien, bien sûr. Il est aussi considéré comme le Serial Player d'Hollywood, qui enchaînerait les conquêtes d'un soir.
Évidemment, appâtée par la description physique plus qu'élogieuse à laquelle est sujet ce Holden, je ne m'empêche surtout pas de jeter un coup d'œil aux images du mannequin présentes sur le moteur de recherche. La langue coincée entre ma lèvre inférieure et mes dents je fais défiler les photos amateurs des paparazzi et celles plus professionnelles des photographes et m'arrête sur l'une sur laquelle le mannequin arbore une position plus que suggestive. Presque provocante, allusive...
Allongé sur le dos, son torse ferme, nu et hâlé est dévoilé sans gêne à l'objectif. L'une de ses mains est posée derrière son crâne dont les longues boucles sombres nous cache la vue de ses yeux, comme si il voulait nous observer discrètement sans se soucier d'être vu derrière le voile épais de ses mèches noires. J'ose imaginer qu'aucune douceur juvénile ne se cache dans son regard camouflé. Mon attention se concentre sur ses lèvres roses et pleines qui sont entrouvertes pour laisser libre accès à sa langue posé lascivement sur sa lèvre supérieure. Sa bouche charnues s'étire en un sourire narquois, quoiqu'un peu cruel et amer, à en hérisser tous les plus fins poiles de la peau.
Sa position est telle qu'elle étire les lignes profondément marquées de ses muscles abdominales recouverts de cette encre d'un noir dense et sombre.
Un lourd frisson me parcours l'échine.
Cette aura... presque aussi sombre que ses tatouages.
Mon regard glisse vers le bas et presque automatiquement, les picotements dans mon bas ventre se font insistants. Son autre main rugueuse et marquée à l'encre maintient l'élastique de son boxer noir et son pousse le tire un peu plus sur ses hanches laissant une vue tentante sur sa v-line alléchante. Un soupir m'échappe alors que mes joues chauffent. Tout près de sa ceinture d'Apollon, un tatouage en écriture gothique et aux inscriptions plus qu'évocatrices surplombe un as de pique renversée couleur rouge sang en direction de son entre-jambe :
Fuck me, angel.
Je me mords la lèvre inférieure et détourne quelques instants le regard lubrique que j'adressai à mon cellulaire afin de reprendre mes esprits. Il est clair que cet homme n'est pas célèbre pour rien et qu'il joue de son physique pour en faire faiblir plus d'une. Car ce serait mentir de dire qu'il n'est juste bel homme parmi bel homme ; du peu que l'on perçoit, il transpire la félicité et déborde d'une énergie dépravée qui me fait resserrer les cuisses tant l'atmosphère pesante que dégage cette photo est obscène.
Le charnel à l'état pur.
Alors que je m'apprête à continuer mes recherches, j'entends que l'on toque à la porte. Je sursaute instantanément, comme une enfant surprise entrain de fouiner dans le placard à friandises.
— Je peux entrer ? La voix de Logan est étouffée par l'épaisse porte de ma chambre.
— Je t'en prie, soufflé-je assez fort pour qu'il puisse m'entendre du couloir.
Le murmure lointain de la télévision parvient jusque dans la pièce lorsqu'il ouvre la porte, passant d'abord sa tête à travers l'embrasure avant de rentrer complètement. Il ne s'avance pas mais referme tout de même la porte pour plus d'intimité.
— Tu ne dors toujours pas ? Je croyais que tu étais fatiguée, balbutie-t-il totalement inquiet. Est-ce que tu arrives à dormir ?
Je pose mon téléphone à côté de moi.
— J'essayais justement, dis-je en croisant les bras sur ma poitrine. Avant que tu ne débarques pour me demander si je dormais, mentis-je mes yeux droits dans les siens.
La raison pour laquelle Logan s'inquiète de mon sommeil est plus que légitime. Il n'a jamais été vraiment reposant pour moi, les nuits new-yorkaises me terrifiant énormément à l'idée de retrouver le monde sinistre des songes. Hélas, je ne suis pas de nature insomniaque alors je ne parvenais jamais à faire de nuit blanche.
Toujours je finissais par fermer les yeux au monde, toujours je finissais par ouvrir mon âme aux terreurs nocturnes.
Le voyant se balancer d'un pied à un autre, je l'invite à s'asseoir en tapotant de ma paume la place à côté de moi, sur le matelas. Enchantée par ma proposition, il affiche un grand sourire qui dévoile ses dents scintillantes, effaçant sa mine soucieuse qui me serrait douloureusement le cœur. Je n'aime pas le voir se faire du souci pour moi, surtout quand je n'ai pas de paroles réconfortantes à lui attribuer ; l'irritation déforme son doux visage et cela me déplaît de savoir que c'est moi qui le lui inflige.
Logan se précipite à mes côtés et me prends dans ses bras, nous basculant tous les deux vers l'arrière. Je fais abstraction de ma main frémissante et entoure du mieux que je peux son buste. Faces droits vers le plafond, et ma tête posé sur son épaule, nous ne disons pas un mot et profitons de cette proximité fraternelle qui nous avait tant manqué durant ces deux ans passés loin de l'autre.
Néanmoins, après quelques minutes enlacées, je m'extirpe de son étreinte, en essayant de paraître la moins sèche possible. Il prend se geste comme un signal pour délier les mots restés coincer au travers de sa gorge.
— J'ai eu mamma au téléphone, commence t-il dans un murmure si bas que je dois tendre l'oreille pour mieux comprendre. Elle sait que tu ne l'appellera pas, du moins pas de ton plein gré, alors elle m'a demandé de tes nouvelles.
Je bougonne et me redresse sur les fesses. Logan s'empresse de continuer.
— Tu ne l'a pas appelé quand tu es arrivée, je me trompe ? Me sermonne t-il à moitié. Alors elle a bien le droit de s'inquiéter pour toi surtout à des centaines de milliers de kilomètres d'ici. D'ailleurs, moi aussi je m'inquiète pour toi, bella.
Je lève les yeux aux ciel et ricane d'un rire goguenard. Ignorant sa dernière phrase trempée dans de la fausse compassion, je tourne sept, même neuf fois ma langue dans ma bouche pour ne pas sortir de paroles que je regretterai sur le tard.
— Ça suffit, je souffle en fermant les yeux, j'ai l'impression d'être constamment sous sa tutelle et ça m'exaspère. Maintenant, si tu veux bien la rappeler pour lui dire que je vais bien une bonne fois pour toute ça m'évitera d'avoir sur la conscience son inquiétude encombrante, dis-je d'une traite. Dis lui que...
... j'étouffe à chaque instant qu'elle me fait me sentir malade et dépendante et que mes baisses de moral ne sont dû en parti que par le régime dans lequel elle me berce.
— ...que je l'aime, s'il te plaît. Ça devrait suffir à la calmer.
— April...
— S'il te plaît, le supplie-je, au moins ça.
Il ne dit rien et je prends cette réponse silencieuse comme une approbation.
Mon regard est perdu dans le vague. Je n'aime pas l'idée d'avoir laisser ma mère seule, sans amour à donner à qui que ce soit. Pourtant, je n'arrive pas à regretter mon choix et surtout je ne parviens pas à être compatissante envers elle. Il s'est formé comme un fossé entre elle et moi dont aucune larme versée par ma mamma ne pourrait refermer.
Il se pourrait même qu'en ce moment, une roule sur sa joue. La première depuis une longue série que je ne verrai pas.
— Alors comme ça tu as essayé de planter ma copine ? Chez moi et avec mon couteau, en plus !
Un sourire se forme paresseusement au coin de mes lèvres. Le changement de sujet fait quitter tout poids sur mon cœur alors je soupire d'aise et me laisse aller sur le matelas.
— Tu es démoniaque, me dit-il en tournant son visage vers moi. Vraiment démoniaque. Et j'avais oublié à quel point.
Il me sourit et je fais de même.
— Pourtant, tu serais étonné de voir que je me suis assagie, me justifié-je.
Pas très convaincu, il arque un sourcil tout en me lançant un regard de travers — l'air de dire : te fous pas de ma gueule. Blessée, je lui décoche alors un coup de poing dans l'épaule qui le fait rire franchement.
— Mais c'est vrai, je te promets, lui dis-je en faisant la moue.
— Désolé, bella, mais j'ai vraiment du mal à te croire.
Je me renfrogne encore plus et son sourire narquois s'élargit.
Lorsque Logan était encore à la maison, dans notre immense appartement bourgeois de l'Upper West Side, il m'arrivait souvent de lui en faire voir de toutes les couleurs, comme la fois où j'ai délibérément coucher avec son meilleur ami, dans sa propre chambre, juste par simple plaisir de vengeance.
En dépit de cette acte que j'aimerais oublier, je me souviens de tout, comme si c'était hier : le mois de novembre touchait à sa fin. L'air glaciale aromatisé d'une odeur de chocolat chaud et de cappuccino faisait vibrer les branches sans feuille des arbres nus. J'avais fini les cours et m'empressai de traverser le Central Park en sortant du métro pour rentrer. Le vent automnal fouettait mes jambes habillées d'une simple jupe courte en similicuir rouge et de mes cuissardes noires à plateformes hautes mais je serrais les cuisses pour me réchauffer. Ma mère n'était pas encore rentrée mais Logan avait invité Jay, son meilleur ami depuis le lycée et étudiant en criminologie. Basané, costaud, les cheveux bouclés d'un noir intense et aux lèvres séductrices, Jay avait tout du parfait hispanique. À l'entrée, je me penchais pour défaire les lacets de mes bottes boueuses. Assis à côté de mon frère sur le sofa, son regard posé sur mes fesses presque offerte à sa vue m'incendiait le bas ventre.
Bien qu'à cette période j'étais en couple, j'aimais plaire aux hommes et m'habillais en conséquence.
Je ne sais plus très bien comment je m'y suis prise, mais je me suis débrouiller pour emmener Jay dans le couloir. Logan étant trop concentré sur sa partie de jeu vidéo, ne s'en est pas rendu compte, tout de suite. Je l'ai poussé jusque dans la chambre d'à côté, l'ai allongé sur le lit et me suis mise à califourchon sur ses hanches. Au début, il m'a repoussé par principe, mais Jay est un homme. Et une fois passé mon pull par dessus mes épaules, il s'est jeté sur moi et m'a plaqué contre le mur, écrasant ses lèvres chaudes et humides sur les miennes.
Au bout de quelques minutes, je me suis retrouvée nue, sa tête entre mes cuisses et sa langue sur mon humidité.
Alors je m'échappe de mes pensées, les billes grises des yeux de Logan glisse curieusement sur l'écran noir de mon téléphone posé à mes côtés. Dans un geste instinctif, je pose la paume de ma main dessus et le tire dans le but ultime de le rapprocher de moi, tout près de mes hanches, là où Logan ne peut le voir que s'il se penche.
La photographie tentatrice à la luxure me revient en tête et je sens le haut de mes joues chauffer de honte.
Presque un an sans avoir été touchée par un homme, et ça commence sérieusement à me travailler l'esprit.
Logan, qui a dû sentir ma gêne - elle aussi instinctive - se redresse en plissant les yeux. L'air de m'analyser, ses pupilles qui m'exhortent à la vérité, il ouvre plusieurs fois la bouche avant de la refermer sans quitter du regard ma main, qui se resserre instantanément sur mon cellulaire.
Quand il ouvre une bonne fois pour toute la bouche, s'apprêtant à parler, je lui emboîte le pas en ouvrant la mienne.
— La proposition pour demain tient toujours ? Demandé-je de but en blanc.
— Quoi ? Tu veux venir avec moi ?
Je ne sais pas si j'ai envie de venir mais j'ai besoin de me retrouver seule avec mon frère, de retrouver un bout de chez moi, un bout de mon cœur - même si c'est pour le regarder travailler toute une journée. Alors j'acquiesce.
— Je vais pouvoir enfin te montrer ce que je fais, mon évolution depuis tout ce temps, dit il tout excité. Tu m'as manqué, bella.
Je le prends dans mes bras et il murmure au creux de mon oreille :
— Maintenant endors-toi. On se lève tôt demain.
Avec l'odeur sucrée et vanillée de Logan comme somnifère, je ferme les yeux puis sombre peu à peu dans le sommeil.
***
Le temps est radieux, ce matin. Aucune trace de nuage n'embrume la vue dégagée du ciel bleu, où le soleil s'élève et diffuse sa lumière. Assise sagement dans la voiture, le coude posé sur le rebord de la portière, je suis du regard les palmiers géants qui bordent continuellement l'autoroute, la délimitant de la plus exotique des manières. Ces arbres sont totalement propices à la détente.
Cependant, à ma gauche, Logan, les mains serrées sur le volant, ne quitte pas la route des yeux. La tension qui se dégage de ses muscles contractés se répand dans l'habitacle ce qui me fait instantanément resserrer les poings. Les sourcils froncés et le front barré d'une ride soucieuse, il semble nerveux même fébrile alors je ne me risque pas à détendre l'atmosphère ni à le bassiner avec les blagues lourdes dont lui-même fait l'usage. Dans ces moments là, je le laisse dans son mutisme pour ne pas dire quelque chose qui pourrait le faire perdre son self-control.
Alors que je leurre les gens par un sourire hypocrite tout en bouillonnant de l'intérieur, Logan, lui reste calme et analyse. Un vrai don que je lui envie. Et c'est exactement pour ça que je me dis que pour voir mon frère à deux doigts de frapper sa tête contre le volant, son client n'y est pas aller de main morte.
— T'as toujours tes médocs' pour tes crises ?
Je pousse un profond soupir. Quoi de mieux que de parler de mes problèmes afin de penser à autre chose.
— Non, réponds-je sans quitter la route des yeux. J'ai arrêté de les prendre, ça fait deux mois maintenant.
Je sens son regard se poser sur moi mais il ne s'attarde pas et enchaîne :
— Tu n'es pas sérieuse quand même ? Putain, April, pourquoi ? Je savais que t'étais immature mais pas à ce point, bordel, me réprimande t-il, d'une voix grave et profonde, pleine de reproches. Pourquoi ? Il répète.
Sans même le regarder, je sais qu'il a les lèvres pincées et les yeux plissés. Lorsqu'il est énervé, sa voix m'impressionne, un peu. Mais je ne me laisse pas faiblir.
Je claque ma langue sur mon palais tout en plissant le nez de frustration et passe une main dans mes cheveux qui retombent en arrière.
Je me retourne vers lui et constate que j'avais raison. Il est belle et bien mécontent de cette nouvelle. Et le fait qu'il ne soit pas heureux pour moi me désole autant qu'il m'énerve.
— Pourquoi pas ? M'exclamé-je sèchement pour lui faire comprendre mon agacement. Je n'ai plus l'envie ni le besoin de prendre des médicaments qui, en somme, me rendait pratiquement léthargique ou à l'inverse, me mettaient dans un état d'euphorie irréaliste, dis-je en ne prenant le temps de respirer.
Surpris, il ne dit rien. Et il n'a droit de prononcer aucun mot.
Pourquoi se permet il de me faire un reproche alors qu'il n'a jamais été là pour me voir les avaler, ces médicaments ?
— S'il faut que je m'empoisonne, je préfère boire un flacon entier de vitriol que de passer ma vie à gober des capsules de fluoxétine.
Il réplique :
— C'est quand même irréfléchi d'avoir fait ça.
— Au contraire, ça été mûrement réfléchis, par maman et moi, précisé-je exprès.
Logan comprend ma pique lancé à son égard puisque sa mâchoire se contracte et ses mains se crispent à nouveau sur le volant.
Tout le reste du trajet, nous ne nous adressons pas la parole. Une dizaine de minutes s'écoulent avant que nous entrons dans le quartier huppé de Venice, là où son client l'attend, exactement comme j'attendais avec véhémence son retour à New-York, pendant plus d'un an.
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