Chapitre 24
La tension était palpable dans l'air et c'était bien la première fois que le père de famille était aussi froid et franc dans ses gestes. Il lavait la vaisselle, chose qui n'était pas commune de sa part. Il avait eu espoir qu'on le laisse tranquille dans sa tâche, mais c'était peine perdue et il espérait réellement ne rien casser par énervement.
L'homme savait parfaitement de quoi son fils voulait parler, et il n'était pas vraiment content de devoir aborder ce sujet avec lui. Ce n'était pas à un adolescent de son âge, de parler des choix de sa sœur de dix-sept ans. Certes, lorsqu'il avait compris ce qui se tramait, il avait été prêt à interdire toute sortie à Seulgi. Néanmoins, après réflexion, après avoir vu le sourire de sa fille et il ne pouvait pas l'empêcher de s'approcher de cette fameuse amie.
« Papa, tu m'écoutes ? Je t'ai dit que nous devons parler de Seulgi, répéta-t-il plus fort en faisant un pas de plus, posant ses paumes contre le plan de travail.
- Je ne vois pas de quoi tu voudrais que nous parlions tous les deux », répondit sèchement son père en évitant de se tourner vers lui.
Suho serra les dents, il était agacé et il se rendait compte que puisqu'il n'était encore qu'un gamin aux yeux de ses parents, il n'était pas écouté aussi sérieusement qu'il le souhaitait.
« Tu ne vois pas ? Eh bien je vais tout t'expliquer pour que tu le saches alors ! répliqua l'adolescent en éteignant le robinet pour que son père se concentre sur lui, et non sur sa vaisselle. Seulgi et cette femme, elles-
- Tais-toi, le coupa l'homme de la maison en pointant une paire de baguettes vers lui. Tu ne sais rien et tu n'as rien à dire là-dessus.
- Tu le sais, gronda Suho en fronçant les sourcils, abasourdis par sa réaction.
- Bien sûr que je le sais, je suis votre père, ne l'oublie pas. Je ne suis pas aveugle, je sais ce qui se trame sous mon toit.
- Et tu ne dis rien ? Tu acceptes ça ? », marmonna-t-il en appuyant sur ces mots pour montrer combien ce n'était pas normal.
Monsieur Kang s'arrêta, relevant la tête pour regarder à travers la fenêtre en face de lui. Il soupira, ses épaules s'affaissant. Ses mots étaient difficiles à trouver, ses pensées étaient compliquées à être exprimées. Lui, qui souhaitait toujours parler sans trop de sérieux, préférant laisser à sa femme le soin des longues conversations, était face à son pire cauchemar.
« Ecoute, ta sœur sait ce qu'elle fait. Elle est heureuse et elle a choisi cette personne d'elle-même alors tu dois juste l'accepter et la laisser vivre comme elle le souhaite.
- Pourquoi tu réagis comme ça ? Elles... Elles s'aiment et c'est pas normal, pesta-t-il en faisant une mine de dégoût.
- Suho ! Je ne vais pas me répéter ! s'écria-t-il en l'attrapant par les épaules alors que ses mains étaient trempées. Peu importe qui elle a choisi, si elle est heureuse, alors nous devons l'accepter, c'est compris ?! », insista-t-il en le secouant un peu, avant de planter son regard dans celui de son fils.
Le garçon le regarda attentivement, il ne comprenait pas tout, mais il savait qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Ses parents n'étaient pas si ouverts d'esprit, peut-être parce qu'ils n'avaient encore jamais vécu la situation, mais Suho était finalement celui qui acceptait le moins le choix de sa sœur. Était-ce d'ailleurs un choix ? La réalité avait simplement frappé Seulgi en plein cœur, c'était Joohyun et personne d'autre.
Au point que la jeune fille était toujours assise par terre, chez son amie, en train de la serrer dans ses bras. Ses larmes coulaient toujours le long de ses joues et elle continuait à s'excuser encore et encore, comme si cela allait changer quelque chose. Joohyun était complètement épuisée et elle n'entendait plus rien, plongée dans un sommeil profond. Seulgi devait rentrer chez elle, mais il lui était impossible de l'abandonner dans un tel endroit, parce qu'encore une fois, c'était sa faute.
Il fallait absolument qu'elle se réveille pour que l'adolescente l'emmène dans sa chambre, et l'allonge dans son lit. Elle ne pouvait pas prendre soin d'elle, ce n'était qu'une gamine qui ne savait même pas s'occuper de sa propre personne.
« Joohyun... Joohyun je t'en prie... Réveille-toi », geignit-elle en la secouant, ayant peur qu'elle n'ouvre plus jamais les yeux.
Elle essuya finalement ses joues d'un revers de la main, et elle regarda autour d'elle pour trouver une solution. Seulgi l'allongea finalement sur le sol et pour ne pas lui faire mal, elle chercha les coussins du canapé. Elle les cala de manière à ce que sa tête ne bouge pas, pour qu'elle puisse à nouveau lui appliquer de la crème sans qu'elle ne change de position. La jeune fille chercha aussi une couverture, pour qu'elle ne reste pas dans la fraîcheur de l'automne.
Seulgi la couvrit doucement, et chercha la crème cicatrisante qu'elle avait retrouvée au fond du tiroir de sa salle de bain. Elle ne savait même pas si elle était déjà ou non, périmée. Tout ce qui l'importait, était de soulager le plus rapidement possible son ainée qui était plus brûlée que n'importe quel coup de soleil qu'elle avait pu voir de sa vie. C'était presque comme si elle s'était exposée au plus proche de l'astre solaire.
Elle étala doucement la pommade qui lui semblait bien trop grasse pour être agréable sur la peau. A la faible luminosité qu'elle avait, elle pouvait voir la peau rougie de Joohyun, qui la rassurait légèrement. Ce n'était pas le pire qu'elle aurait pu avoir, il n'y aurait sûrement pas beaucoup de séquelles, à part peut-être quelques cicatrices qui resteraient le temps que son épiderme se régénère complètement.
Seulgi était complètement chamboulée, elle en voulait au monde entier, à son frère et à elle-même encore plus. Elle se haïssait, mais c'était trop tard, elle ne pouvait qu'assumer puisque c'était sa faute, ses choix. Suho était allé la voir sans savoir que le soleil était son pire ennemi, et elle était maintenant en train de souffrir, épuisée. La colère montait en elle, et ce n'était plus de la peine et de l'incompréhension. Son petit frère passerait sûrement un mauvais quart d'heure s'il tentait de lui adresser la parole.
Elle quitta la vieille bâtisse en hésitant plusieurs fois, ne voulant abandonner son ainée. Ses pas se firent de plus en plus lents et elle fondit encore plus en larmes, plus elle s'approchait de chez elle. C'était dans sa chambre qu'elle s'enferma, après avoir jeté son plus noir regard à Suho. Elle, qui souriait toujours, même lorsqu'elle n'était pas heureuse, venait de lui montrer une moue déçue, peinte sur son visage. Il avait eu un frisson incommensurable en la voyant, lui faisant immédiatement baisser les yeux. Il était mal à l'aise, et comprenait qu'il venait sûrement de faire la plus grosse erreur de sa courte vie.
Seulgi monta les escaliers d'un pas lourds mais déterminé, et lorsque la porte de sa chambre claqua pour témoigner de sa colère, elle se jeta sur son lit pour pleurer toutes les larmes de son corps. Elle se sentait complètement vide, et regrettait amèrement tout ce qui s'était passé. D'un geste lent, elle roula pour se mettre sur le dos, ses mains se plaquant sur son visage, ses doigts glissèrent ensuite sur ses lèvres, et elle repensa à son premier baiser, qu'elle venait de voler à Joohyun, inconsciente.
C'était pathétique, mais elle n'avait pas pu se résoudre à la quitter sans l'avoir fait. Elles ne se reverraient jamais plus, c'était la dernière fois qu'elle se croisait, alors autant vivre son premier et dernier baiser. C'était égoïste de sa part, puisque Joohyun avait bien moins de chance de vivre pleinement le sien. Elle lui avait volé, comme n'importe quelle mauvaise personne ne pensant qu'à elle-même.
Elle n'avait jamais senti quelque chose d'aussi doux, ses lèvres étaient comme du velours, sans aucune disparité. Seulgi s'était imaginée qu'elles seraient plus sèches et abîmées, mais il n'en était rien. Joohyun avait tout d'une personne chaleureuse, mais la chance n'avait jamais été de son côté, et maintenant qu'elle avait enfin trouver quelqu'un lui correspondant, tous ses espoirs s'étaient effondrés.
Seulgi essayait de se convaincre qu'elle était trop jeune, qu'elle ne ressentait rien pour son amie, mais c'était bien trop difficile de croire à ses propres mensonges. Peut-être bien que Joohyun allait y croire de son côté, qu'elle ne voudrait plus jamais la voir, et à ce moment-là, ce serait plus facile pour l'adolescente de l'accepter et de lui dire adieu. Rien n'allait pourtant se passer de cette façon, car jamais elles ne pourraient s'abandonner pour toujours.
Joohyun n'allait pas la lâcher, c'était impossible. Il lui était inconcevable de la perdre, de vivre sans elle maintenant qu'elles s'étaient attachées l'une à l'autre. Ses bras s'enroulant autour du cou de Seulgi, les mots chuchotés contre son oreille, son sourire, son rire, leurs mains liées ensemble, c'était impossible que tout cela parte en fumée comme si rien n'avait existé.
« Seulgi ? Je suis désolé... avoua Suho en restant devant la porte de la chambre de sa sœur. J'pensais pas qu'elle était si importante à tes yeux et tu sais... Il y a plein de personnes qui parlent d'elle comme si c'était- commença-t-il à dire pour se justifier juste avant que Seulgi n'ouvre d'un coup sec.
- Qui parlent d'elle ? Personne n'a parlé de moi au lycée ? C'est remonté jusqu'à ton collège Suho ! grogna-t-elle en le poussant si fort qu'il recula jusqu'à être collé contre le mur derrière lui. Qu'est-ce t'as entendu, hein ? Tu crois à leur délire de monstre ? De vampire ? s'acharna-t-elle sur lui.
- Seulgi, calme-toi, c'est bon, je me suis excusé.
- Elle est malade. Juste malade, Suho. Elle peut pas sortir quand il fait jour parce que le soleil la brûle. Tu comprends ça ? Elle est juste, souffla-t-elle en secouant la tête, malade. Et t'as tout gâché !
- Seulgi... Je suis désolé, je peux sûrement tout arranger, je vais-
- Non ! Tu ne vas rien faire du tout. Je ne veux plus que tu m'adresses la parole et encore moins que tu cherches à arranger quoi que ce soit. »
Suho ne l'avait jamais vu aussi mal, aussi à bout de nerf. Elle qui était son modèle pour avoir toujours supporter tous les malheurs qui lui étaient infligés, venait de craquer en une seule journée. Joohyun était donc plus importante pour sa sœur que n'importe qui, pas même lui ne pouvait rivaliser. Encore une fois, il apprenait combien il n'était qu'un ridicule pion qui sautait au premier mouvement de l'adversaire sur un échiquier.
Il n'était qu'un gamin immature qui ne pouvait rien faire d'autres que créer des problèmes. Seulgi avait été plus déçue qu'autre chose face à son cadet qui souhaitait certes son bonheur, mais pas à n'importe quel prix. Maintenant, qu'il avait montré sa véritable nature, elle ne voulait plus le voir, ni rien savoir de lui. Il ne savait pas si c'était simplement dit sur le coup de la colère, ou s'il serait à jamais privé de sa grande sœur, mais il était déjà dépourvu de moyen, ne pouvant qu'accepter sa sentence. Suho était puni, bien plus sévèrement que le jour où il avait cassé la lampe halogène du salon, où quand il s'était battu contre son pire ennemi en primaire. Suho n'avait pas juste des lignes à recopier ou une semaine de privation de sortie, il n'y avait aucune date de fin, il l'était à tout jamais.
Il resta muet par la suite, ne sachant quoi dire ou quoi faire. Il n'avait plus aucune solution, il avait présenté ses excuses à Seulgi et à Joohyun, et aucune des deux ne semblaient vouloir lui pardonner ou réellement accepter d'entendre ses excuses. Ainsi, il apprenait que chaque acte, chaque fait et geste, était à réfléchir, que certaines pensées étaient parfois blessantes, voir impardonnables. Ainsi, Suho grandissait à cause d'une lourde erreur. Il apprenait de ses fautes, à un prix bien cher, certes, mais il pourrait dire plus tard, qu'il n'était plus un adolescent insouciant, mais un futur adulte responsable.
Malgré tout, le mal était fait, et Seulgi resta figée dans sa chambre, devant sa boite remplie de lettre et de petits mots de Joohyun. Elle n'aurait plus que cela à chérir de sa seule et unique amie, de son seul et unique amour.
Elle n'aurait plus jamais la force de la regarder en face.
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