Chapitre 1
Seulgi déroula le tapis rond qu'elle avait acheté pour sa nouvelle chambre. Elle avait insisté auprès de ses parents, disant que s'ils déménageaient réellement, il fallait qu'elle se sente parfaitement bien dans son nouvel environnement. Ils avaient rechigné pendant quelque temps, avant de céder pour ne plus l'entendre se plaindre.
En se relevant, elle gonfla les joues, perdue entre tous les cartons qui s'entassaient de part et d'autre de la pièce. Seulgi s'installa en plein milieu, elle n'avait aucune idée d'où commencer, mais il fallait bien qu'elle fasse quelque chose. Elle n'avait en réalité, aucune envie de tout déballer parce qu'elle ne voulait pas vivre dans cette demeure qui avait bien mal vieillit. Cela ne l'enchantait pas du tout, surtout qu'elle avait dû changer de lycée et quitter ses petites habitudes.
Un soupir détendit ses épaules et elle tira une des boîtes vers elle. C'était une partie de sa collection de manhwas, qu'elle détesta le temps du déménagement, tellement ils étaient lourds. Son dos avait presque cédé sous la tonne qu'ils faisaient, mais maintenant qu'elle les voyait, une irrésistible envie d'en relire un lui collait à la peau. Elle en prit un qu'elle aimait beaucoup, et alla ouvrit la fenêtre. Le rebord était juste assez grand pour qu'elle puisse s'installer, et lire tranquillement.
Elle savait parfaitement que sa mère allait l'engueuler si elle se faisait prendre en flagrant délit. Seulement, Seulgi en avait plus que marre, cela faisait bien une semaine qu'elle était dans les cartons, et tout ce qu'elle voulait, était que ses parents lui fichent la paix trente secondes.
Son petit frère en avait aussi fait tout un drame. Lui, qui était populaire dans son collège, avait dû quitter ses amis, mais aussi sa petite-copine. Il avait son petit cœur fragile, brisé en minuscules morceaux, il partait presque en poussière d'après ses dires. Sa chérie avait dû supporter de voir l'homme de sa vie partir loin, n'en déplaise aux parents de cette dernière qui semblaient plus heureux que jamais.
Seulgi s'était bien sûr, retenue d'exploser de rire en l'entendant raconter son histoire. Il changeait très souvent de copine, c'était au moins la troisième depuis le début de l'année scolaire, alors elle ne croyait pas du tout à son histoire. À l'inverse, elle était plus discrète, ne s'intéressant pas vraiment à l'amour.
Il lui était bien arrivé une fois de tomber amoureuse d'un garçon, qui l'avait rejeté parce qu'il ne la trouvait pas jolie et elle non plus d'ailleurs, ne se trouvait pas vraiment belle. Elle n'aimait pas ses petits yeux, et ne prenait pas vraiment soin de sa peau ou de ses cheveux. Ses parents lui interdisaient tout maquillage, alors elle ne pouvait pas cacher ses imperfections, ni même tenté d'arranger ses complexes.
Elle se plongea finalement dans la vue depuis sa fenêtre, plutôt que dans son livre. Le vent s'était levé, et de gros nuages gris arrivaient depuis le fin fond de la ville. Elle était un peu soulagée, il avait fait chaud toute la journée, au point que tout son corps collait avec toute la sueur qu'il avait évacué au moindre mouvement. Seulgi espérait que le ciel bleu se couvre entièrement et que la pluie se déverse pour faire baisser la température ambiante, mais le soleil était toujours aussi présent.
Son regard changea radicalement de direction quand elle entendit encore à nouveau, un cri, bien moins fort que le premier qu'elle avait entendu. Cette fois-ci, elle en était sûre, ce n'était pas son imagination, il y avait bien quelqu'un qui hurlait à pleins poumons.
« Seulgi, qu'est-ce que tu fais encore ? pesta la maîtresse de maison en passant devant sa chambre, une pile de carton entre les bras, l'empêchant de se tenir droite.
- Tu as entendu ? C'était encore un hurlement, comme celui de tout à l'heure, demanda précipitamment l'adolescente en se penchant par sa fenêtre, pour essayer de voir quoi que ce soit.
- Et je t'ai répondu que ce sont des enfants qui doivent être en train jouer, reprit sa mère, agacée. Puisque tu sembles ne rien avoir à faire, tu te feras un plaisir d'aller voir nos voisins pour leur distribuer les gâteaux que j'ai spécialement préparé toute la nuit dernière, n'est-ce pas ? », dit-elle en appuyant bien sur ces derniers mots pour faire culpabiliser sa fille de ne pas l'avoir aider la veille.
Seulgi grommela, elle n'aimait pas devoir rencontrer des inconnus. En plus du fait qu'elle trouvait ça ridicule de faire du porte-à-porte, pour se présenter. Toutes les personnes habitants dans les environs, avaient soit vu la camionnette qui avait été garée devant la maison toute la journée, soit avait entendu le boucan que la mère de famille avait fait.
Il commençait à se faire tard en plus, et son père avait promis de commander des pizzas pour leur première soirée sous leur nouveau toit. Seulgi savait parfaitement qu'ils choisiraient tout sauf sa préférée, parce que son petit frère se faisait un malin plaisir de dire que l'hawaïenne était tout sauf acceptable. C'était presque un slogan digne d'une manifestation pour le collégien, disant dès qu'il en avait l'occasion, que l'ananas chaud était une abomination créée par des personnes tout sauf humaines.
En plus du fait que sa famille entamerait forcément leur repas avant qu'elle ne soit rentrée. Seulement, Madame Kang avait insisté, Seulgi n'avait pas le choix. Il fallait qu'elle y aille, parce que sa mère l'avait décidé. L'adolescente gonfla les joues en se levant, jetant presque son manhwa dans le carton duquel elle l'avait sortie quelques minutes auparavant.
Elle descendit au rez-de-chaussée de la maison, passa dans la cuisine pour prendre les boîtes qui étaient empilées sur le plan de travail, et grommela en sortant de la bâtisse. Sa mère aurait réellement pu le faire elle-même, ou envoyer le plus jeune de la famille, mais c'était toujours sur Seulgi que ça tombait. Dès qu'il y avait une corvée à faire, ses parents n'avaient que son prénom en bouche.
Elle traîna jusqu'à la maison adjacente à la sienne, où la fenêtre menant sur la rue était grande ouverte. Un peu trop curieuse, l'adolescente essaya en voir plus en détail à l'intérieur, en se faisant toute petite. Néanmoins, Seulgi n'était pas invisible, et elle se fit surprendre à la seconde où elle croisa le regard de la propriétaire. Son corps fut pris d'un sursaut et elle s'empêcha de lâcher les boîtes qu'elle transportait, pour poser sa main sur sa poitrine. Son cœur était furieux, bondissant entre ses côtes alors qu'elle faisait un pas en arrière.
« B-Bonjour, bafouilla-t-elle avant de tendre nerveusement un des petits cartons blancs, entouré d'une ficelle violette. Je suis votre nouvelle voisine, ma mère m'a demandé de vous offrir ceci.
- C'est gentil de votre part, répondit la vieille femme en se penchant dehors pour attraper le cadeau que Seulgi lui faisait, mais vous ne devriez pas trop traîner dehors à cette heure-ci.
- Je n'en ai pas pour longtemps, puis j'ai dix-sept ans, mes parents me font confiance.
- Crois-moi petite, ici, personne ne reste dehors après le coucher du soleil. N'imaginez pas être en sécurité dans ce quartier, ou vous serez les prochains, lui avoua-t-elle avant de fermer ses volets, mettant un terme à la conversation comme si elle lui avait claqué la porte au nez.
- Les prochains quoi ? », marmonna Seulgi en fronçant les sourcils, secouant la tête sans trop comprendre.
Elle n'y prêta pas plus d'attention, préférant terminer sa tournée pour pouvoir rentrer commander et manger sa pizza. Après cette longue journée à faire des aller-retour avec des cartons dans les bras, Seulgi avait une faim de loup, en plus d'être épuisée de cette longue journée. Son père avait décrété qu'à six heures du matin, toute la famille devait être debout pour terminer les cartons et tout ranger dans la camionnette louée pour l'occasion. Seulement, après un rapide petit-déjeuner, elle avait juste pu manger un pauvre sandwich vers treize heures.
Il était neuf heures passé et le soleil allait bientôt se coucher. La lycéenne était donc plus que blasée, et pour la première fois de sa vie, tout ce dont elle avait envie, était de se jeter sur son lit pour dormir jusqu'au surlendemain. Seulement, son matelas était à même le sol pour l'instant, et sa couette avait été fourrée dans un carton à la va-vite juste après s'être levée.
Elle allait donc devoir résister au sommeil pendant quelque temps encore. Il fallait qu'elle prenne une douche aussi, il était hors de question qu'elle aille se coucher sans s'être lavée. Seulgi était en réalité, assez à bout de nerf, entre ses parents trop insistant, ce déménagement qu'ils lui avaient imposé et cet agacement permanent d'être toujours coincée avec eux, il n'en fallait plus que très peu pour qu'elle explose.
Elle se dirigea vers la seconde maison en grommelant. Cette fois-ci, elle sonna à la porte, se forçant à sourire de toutes ses dents. L'homme qui lui ouvrit, n'était pas très propre sur lui, malgré son jeune âge. Enfin, tout était relatif, il devait bien approcher la trentaine et pour Seulgi, s'était déjà un vieil homme qui lui donnait la nausée.
« C'est pour quoi ? demanda-t-il en se grattant la nuque, mâchonnant dans le vide, comme s'il avait la bouche pâteuse après une trop longue sieste.
- Bonjour, j'ai des gâteaux pour v-
- J'achète rien aux scouts, vas voir ailleurs, répondit l'homme en essayant de refermer sa porte sur le pied de Seulgi.
- C'est un cadeau, je suis votre nouvelle voisine. C'est ma mère qui les a faits, argumenta-t-elle en lui fourrant la boîte dans les mains, bonne soirée, Monsieur », termina-t-elle froidement, en appuyant bien sur son dernier mot.
Elle tourna les talons, et la porte se referma dans son dos. Elle sortit de la cour qui séparait la maisonnette, de la ruelle, et fit demi-tour, vers les habitations qui étaient de l'autre côté de la sienne.
« Ils ont vraiment tous un problème ici, c'est abusé », marmonna-t-elle encore une fois.
Seulgi avait toujours été comme ça, dès qu'elle en avait l'occasion, elle marmonnait ses pensées. Il arrivait qu'elle se fasse prendre, parce que malgré le fait qu'elle parlait tout bas et n'articulait que très peu, certaines personnes de son entourage avaient le don de tout entendre beaucoup trop bien.
Elle passait donc pour une jeune fille en pleine crise d'adolescence, qui n'était jamais contente de ce qu'elle avait. Pourtant, elle ne faisait pas beaucoup de remue-ménage, tout ce qu'elle voulait, c'était pouvoir lire ses manhwas quand elle le voulait et se lever à pas d'heure.
La lycéenne essaya d'ouvrir le portail de la propriété devant laquelle elle s'était arrêtée, mais il était fermé à clef. Elle sonna donc directement, et toqua contre l'énorme panneau en fer, qui résonna presque dans toute la rue. Elle voulut se faire toute petite, voir même s'enfuir en courant, mais il était déjà trop tard. Une personne ouvrit la porte de la maison et elle l'entendit s'approcher, ses pas craquant sur l'allée faite de gravier.
Une petite dame qui faisait presque une tête de moins que Seulgi, se présenta à elle, avec un petit garçon qui se cachait dans ses jupons. L'adolescente s'inclina alors pour la première fois de la journée, pour se présenter et la femme qui aurait pu être sa mère, en fit de même.
« Bonjour Madame, ma mère m'envoie pour vous offrir ceci. Nous venons d'emménager juste à côté. J'espère que nous ne vous avons pas trop dérangé en faisant du bruit toute l'après-midi, expliqua-t-elle en tendant la boite. Ce sont des gâteaux fait maison, ce n'est pas grand ch-. »
Seulgi se tut d'un seul coup, son corps tout entier prit d'un frisson. Le hurlement qu'elle venait d'entendre était plus fort que jamais. Elle avait pu à nouveau sentir toute la souffrance qui en émanait, comme si c'était elle-même, qui l'avait exprimé.
Son regard croisa celui de son interlocutrice, et elle remarqua que le portail était bien moins ouvert. La femme le tenait fermement, ne se montrant plus qu'à moitié. Seulgi pouvoir lire la peur dans ses yeux, mais aussi son impatience à vouloir rentrer chez elle pour s'enfermer à double tour.
« Excusez-moi, mais depuis tout à l'heure, enfin, depuis que je suis arrivée ici, reprit-elle pour être plus exacte. J'entends ces cris. Qui est-ce ?
- Les anciens propriétaires ne vous ont rien dit, visiblement, répondit la dame en soufflant, montrant un léger mépris envers ses anciens voisins. Si la maison était si peu cher, ce n'est pas pour rien. Ce quartier est maudit, tout ça à cause de ce monstre qui habite là-bas, dit-elle en pointant du doigt la vieille bâtisse d'où venait les hurlements.
- Un monstre ? demanda Seulgi en fronçant les sourcils.
- On dit que c'est un vampire, que des personnes ont disparu dans le quartier depuis qu'il est là. C'est une abomination pour nous, plus personne n'ose venir, même le petit livreur qui venait tous les matins pour déposer les bouteilles de lait et le journal, ne veut plus mettre un pied ici.
- Mais, ça n'existe pas les vampires, vous nous faites une blague, c'est ça ? plaisanta Seulgi, ne pouvant s'empêcher de rire.
- Mademoiselle, prononça la plus vieille tout bas, en secouant la tête, faisant une moue pleine de détresse. Dépêche-toi de rentrer chez toi, il va faire nuit, il va bientôt sortir et il ne faut pas que tu sois sur son chemin. Merci pour les gâteaux, c'est gentil de votre part, remercie tes parents pour leur effort », débita-t-elle rapidement pour mettre un terme à la conversation, lui arrachant presque la boîte des mains.
À nouveau, elle se fit pratiquement claquer la porte au nez. Seulgi soupira en regardant la dernière boîte qu'il lui restait, et un sourire remonta les coins de ses lèvres. Puisque tout le monde la mettait en garde, qu'elle serait sûrement la prochaine victime d'un terrible buveur de sang si elle restait dehors, et bien elle allait se jeter dans la gueule du monstre aux crocs acérés.
Non pas qu'elle soit une fanatique des romances avec des vampires soient disant parfaits, elle, ce qu'elle aimait, c'était l'action et tous les mythes qui avaient été créé autour de la légende. Alors puisqu'elle en avait justement un dans son quartier, il fallait absolument qu'elle aille sonner à sa porte, pour s'en rendre compte de ses propres yeux.
Et ce fut sous un ciel aux teintes orangées, contrebalançant avec les nuages grisonnants, qu'elle s'approcha de la propriété qui semblait vomir des centaines de roses, avec ses ronces indisciplinées qui s'échappaient de la clôture en fer forgé.
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