Let me love you
Cela faisait plusieurs jours que Jungkook ne m'avait pas adressé un mot ou un regard. Il n'était pas froid, on aurait seulement dit que pour lui je n'existais pas.
Je recevais parfois des regards appuyés de la part de Jisoo mais cette dernière ne vint pas me faire de démonstration de boxe personnalisée.
Du coup la situation était plutôt à mon avantage, je n'avais plus à me soucier de sa présence dans la maison et je pouvais enfin passer à autre chose.
Enfin, tout aurait été parfait si mon père n'avait pas commencé à s'inquiéter...
À la fin de la première semaine, il me prit à part dans la véranda, tout près de la grande piscine d'intérieur :
- Il s'est passé quelque chose à cette fête ? Vous vous êtes disputés ?
Étant donné qu'il m'avait attiré ici en me demandant de l'aide pour nettoyer la piscine, je ne m'attendais pas trop à un interrogatoire. Je me redressai, un peu raide, et serrai le manche de l'épuisette qu'il m'avait passée.
- Quoi ? Comment ça ? demandai-je, peut-être un peu trop sur la défensive.
- Jungkook et toi. Vous vous évitez et vous n'arrêtez pas de vous jeter des regards en biais...
Des regards en biais ? J'étais si peu discret ?
Mais ce qui m'étonnais, c'était qu'il sous-entendait que Jungkook aussi me regardait de loin. J'avais pourtant l'impression qu'il m'ignorait complètement...
Devant mon absence de réponse, mon père posa une main sur mon épaule et attrapa le manche de l'épuisette de l'autre.
- J'aimerais que vous parliez tous les deux. Quoi que vous ayez l'un contre l'autre, une bonne discussion ne pourra faire que du bien.
- Je sais pas si...
Il me coupa en me tapotant l'épaule et me désigna la porte d'entrée.
- Il est dans sa chambre.
Mais je n'avais aucune envie d'aller dans la chambre de Jungkook !
Le sourire de mon père se voulait rassurant mais il ne fit que monter une tension vicieuse en moi.
Il n'y avait personne à la maison à part lui, Jungkook et moi. Minha était partie au travail en urgence bien que nous soyons dimanche et Jisoo était allée au club de boxe avec Taehyung.
Ce dernier avait reconnu qu'elle était bien plus forte que lui et s'était excusé avant de lui demander humblement un vrai cours. Je crois que rien n'aurait pu faire plus plaisir à la jeune femme, j'avais un instant cru qu'elle allait embrasser Tae tant elle semblait enthousiaste.
Mon père prit l'épuisette et commença à la passer à la surface de l'eau pour en retirer saletés et insectes tout en m'encourageant du regard.
Qu'est ce que je devais faire maintenant ? Faire semblant d'aller voir Jungkook et m'enfermer dans ma propre chambre à la place ?
La situation ne changerait pas d'un pouce et mon père finirait par revenir me voir...
Non, ce que je devais faire, c'était aller prévenir Jungkook qu'il s'inquiétait à notre sujet et qu'il fallait qu'on donne un minimum le change, au moins quand il était à la maison.
- J'y vais, déclarai-je rapidement, arrachant un sourire à mon paternel.
Je me redressai et hésitai une seconde avant de m'éloigner de la piscine. Je passai la porte d'entrée et pris la direction opposée à celle que j'aurais dû emprunter pour regagner ma chambre.
J'allais finalement découvrir à quoi ressemblait cette pièce. Je décidai de me concentrer sur cette perspective plutôt que de laisser mon imagination s'égarer et échafauder des hypothèses sur ce qui pourrait mal tourner.
Ironiquement, c'était mon père qui m'envoyait dans la chambre de celui qui avait été mon amant d'une nuit. Cette constatation me fit sourire une seconde mais mon amusement retomba bien vite quand je me retrouvai face à la porte que je cherchais.
Une petite étiquette "ne pas déranger" pendait à la poignée, mais elle était du mauvais côté. Qu'il ait oublié de la remettre ou qu'il se fiche qu'on lui rende visite, elle disait "Entrez" pour le moment.
Je pris une courte inspiration et cessai de réfléchir. Si je le faisais, j'allais me dégonfler, alors mieux valait y aller à l'instinct.
Ma main toqua machinalement contre le bois et j'eus beau tendre l'oreille, je n'entendis rien provenant de l'autre côté.
Je me pencha légèrement en avant, avant de me redresser brusquement lorsque la poignée s'abaissa sans prévenir.
Il devait savoir que c'était moi, ou en tout cas s'en douter, vu que nous étions peu à la maison. Pourtant, lorsqu'il ouvrit la porte, ses traits se pincèrent.
- Faudrait qu'on parle, deux minutes, soufflai-je juste assez fort pour qu'il l'entende.
Il hocha la tête et se décala pour me laisser entrer dans sa chambre.
J'hésitai un instant mais finis par faire quelques pas à l'intérieur.
Comme la fois où il m'avait emmené dans sa cabine, je laissai mes yeux parcourir la pièce, essayant de comprendre la personne qui se trouvait derrière moi.
Je reconnus tout de suite son appareil photo posé sur un grand bureau.
Le mur qui se trouvait derrière était d'ailleurs rempli de clichés de différentes tailles épinglés comme une mosaïque. La plupart étaient des paysages, mais quelques personnes que la distance m'empêchait de reconnaître étaient aussi représentées.
Tout était en niveau de gris dans cette pièce, rehaussé par un peu de blanc, surtout, et quelques couleurs, notamment du brun au niveau de quelques éléments du mobilier, et de poutres apparentes au plafond.
Plafond qui me fit lever les yeux, car Jungkook disposait d'une petite mezzanine, illuminée par un velux entrouvert.
Je devinai que son lit était là-haut puisqu'il n'y avait que des fauteuils à l'air confortable et un pouf devant moi, entourés d'étagères où trônaient des disques, des livres ainsi que divers autres objets.
Jungkook passa devant moi, interrompant mon décryptage visuel des lieux pour aller s'assoir tranquillement sur l'un des fauteuils et me désigner celui qui se trouvait en face de lui.
- Fais comme chez toi.
Voilà les premiers mots qu'il m'adressait depuis un peu plus de quatre jours. J'étais content que ça ne soit pas une pique ou une moquerie, pire, un compliment vide de sens.
Aujourd'hui je ne risquais pas grand chose de ce côté-là, je ne portais pas de vêtements moulants, juste un vieux jogging et un T-shirt banal.
- De quoi tu veux qu'on parle ?
- À ton avis ?
Il sembla hésiter. Je voulais voir s'il se reprochait quelque chose avant de réellement lui présenter la raison de ma venue.
- De la soirée ?
- Plus précisément ? continuai-je, profitant de cet élan d'assurance, toujours aussi rare chez moi.
- Je voulais pas te mettre mal à l'aise, vraiment... lâcha-t-il en baissant les yeux.
- Ne pas m'embrasser aurait été plutôt judicieux dans ce cas. Me mettre la main aux fesses était aussi de trop, tout comme tes excuses pourries pour me sauter dessus.
Il resta silencieux, se contentant d'expirer lentement.
- Jungkook, je vais t'expliquer comment je vois les choses. Toi et moi on s'est bien amusés sur ce bateau mais j'ai pas du tout l'habitude de faire ce genre de choses et plus j'y pense plus je me dis que c'était de toute façon une erreur. Ça me met assez mal à l'aise, et le fait que toi ça t'amuse me blesse autant que ça met en danger mon lien fragile avec mon père. Seulement, si tu peux me promettre de réellement faire comme si rien n'était arrivé, je suis sûr qu'on pourrait s'entendre et aller de l'avant. Mon père a remarqué la tension entre nous alors il vaudrait mieux que l'atmosphère se détende.
Il écouta sagement jusqu'au bout, l'air concentré sur ce que je disais, mais il était difficile de prévoir sa réaction, il cachait assez bien ce qu'il pensait.
Il se pencha légèrement en avant lorsque j'eus fini et posa ses coudes sur ses cuisses.
- Je comprends, mais avant qu'on passe un quelconque accord, j'aimerais aussi que tu entendes mon point de vue.
Il ne commença pas tout de suite, semblant attendre mon feu vert. Sa demande me paraissait raisonnable, il avait le droit autant que moi de partager ce qu'il ressentait et ça m'intéressait de savoir enfin ce qui se passait dans sa tête.
- Bon... commença Jungkook. Je voulais d'abord préciser que j'ai pas l'habitude de faire ce genre de choses non plus. Je parle de ce qui s'est passé sur le bateau, c'était une première pour moi. Je voudrais pas que tu me vois comme un pervers qui couche avec tout ce qui bouge...
Ça avait l'air important pour lui, ce que je pouvais comprendre. Nos relations n'auraient jamais pu avoir des bases saines si j'avais pensé ça de lui à tord.
Ça n'avait jamais vraiment été le cas, même si je m'étais effectivement demandé s'il en était à son coup d'essai avec moi, mais le fait que je l'entende de sa bouche semblait le soulager.
- Pourquoi l'avoir fait ? demandai-je en voyant qu'il ne poursuivait pas. Tu vas encore dire que c'est parce que je t'ai aguiché ?
- Pas seulement, dit-il finalement en souriant, il me faut un peu plus qu'un sourire. Je ne vais pas te mentir, c'était pas pour ton intelligence ou ton sens de l'humour, tu t'en doutes, mais dès que je suis monté sur ce pont, j'ai pas réussi à te lâcher des yeux.
Je secouai la tête, agacé. Voilà qu'il recommençait avec ça... À parler de moi comme si j'étais le mec le plus canon qu'il ait jamais vu. Sauf qu'il avait dit le contraire le lendemain soir...
Je m'apprêtais à lui faire remarquer lorsqu'il reprit la parole :
- Je sais bien ce que j'ai dis, je suis vraiment désolé de m'être moqué de toi les jours qui ont suivi. Je prends pas grand chose au sérieux c'est vrai mais, comme je te l'ai dis, te mettre dans la merde n'a jamais été mon intention.
- Jusqu'à la fête chez Yoongi, concluai-je.
- J'avais bu.
- C'est vrai mais ça n'excuse pas tout.
Il me semblait qu'il avait compris que tout ce que j'attendais pour repartir du bon pied, c'était qu'il s'excuse sincèrement pour ce soir-là aussi mais il se contenta de secouer la tête avec l'ombre d'un sourire sur les lèvres.
- Je me suis comporté comme un crétin avec toi mais il y a certaines choses pour lesquelles je suis pas désolé.
- Comme ? demandai-je en haussant un sourcil.
Il se releva pour se planter devant moi, me faisant me tasser dans mon siège par réflexe.
- Jimin, je regrette de t'avoir mis mal à l'aise devant les autres avec toutes ces allusions, je regrette que tu m'aies vu embrasser Yoongi, parce que ça n'était qu'un moment d'égarement et surtout un moment gênant pour tout le monde. Mais je ne regrette pas vraiment ce que j'ai fait ou dit dans cette salle de bain. La façon dont ça s'est fait, oui... Mais fondamentalement... J'avais envie de t'embrasser.
Je restai bouche bée devant lui, le regardant s'approcher de moi. Le regard qu'il me lança me fit frissonner, il était braqué droit dans mes yeux.
- Je ne cherche pas d'excuses stupides pour tirer mon coup, et je ne peux pas mettre ça sur le compte de l'alcool. Je n'ai rien bu avant que tu arrives aujourd'hui et pourtant j'ai envie de recommencer.
Je me sentis tout à coup pris au piège dans cette pièce, j'avais l'impression qu'il était beaucoup trop près. Ça ne s'arrangea pas lorsqu'il s'accroupit tout à coup devant mon siège.
Je me mordis la joue par réflexe et je vis sa mâchoire se tendre. Je n'avais toujours pas compris comment ce geste pouvait avoir autant d'effet sur lui mais j'arrêtai aussi sec.
- Je... Je sais pas si... C'est...
Sa chemise légèrement entrouverte avait fait revenir au galop ma faculté à ne pas savoir m'exprimer correctement sous la pression. J'avais tendance à le voir seulement comme un problème sur patte et à oublier à quel point il pouvait me faire de l'effet quand je relâchais ma garde.
- Cette fois je ne vais pas t'embrasser sans prévenir, j'attendrai que tu me demandes de le faire.
Que je... Quoi ?
J'avais un millier de raisons de dire non, de le repousser et de m'enfuir. La première étant mon père non loin de là. Mais le fait qu'il soit aussi proche et ses yeux embrumés qui me dévoraient du regard m'empêchaient de me concentrer dessus.
Le pire, c'est que je commençais à imaginer la scène, et plus je le voyais m'embrasser ici, à l'abri des regards, plus je me disais que ça serait agréable... Et pas si catastrophique que ça, non ?
Mais qu'est ce que je racontais ? Bien sûr que ce serait catastrophique ! J'étais venu ici pour tout mettre à plat et voilà qu'il manquait de me faire plonger une nouvelle fois... !
Je n'embrassais pas à la légère, pour moi c'était quelque chose d'important et il le savait depuis le premier soir.
Je secouai la tête sans arriver à le quitter du regard ou à émettre le moindre son, alors il approcha encore un peu son visage du mien.
- Pas nécessairement sur la bouche... susurra-t-il avant de passer mécaniquement sa langue sur ses lèvres.
Ces derniers jours j'avais commencé à me demander sérieusement pourquoi je m'étais laissé aller sur le bateau. Il venait de brusquement me rafraîchir la mémoire.
Il avait le regard et la voix les plus bandants que j'aie jamais vus ou entendus.
Mais je refusais de me faire avoir de cette manière. Je repris mon souffle et avalai ma salive, me concentrant sur la colère qui commençait à monter lentement en moi pour me recomposer un visage impassible.
- Je ne suis pas un gigolo Jungkook.
Il recula brusquement en se redressant devant moi, l'air choqué par ce qu'il venait d'entendre. Il pouvait cligner des yeux autant qu'il le voulait, je ne comptais pas céder.
- Qu'est ce que tu racontes ?
- Je ne suis pas à ta disposition. Je me fiche que mon corps t'attire, on ne se connaît pas.
Je laissai le temps à mes mots de faire leur chemin dans sa tête, les lèvres pincées. Je l'observai froncer les sourcils, me demandant si quelqu'un lui avait déjà opposé la moindre résistance avant moi.
Il agissait comme un mec qui avait toujours ce qu'il voulait, comme s'il était tellement sûr de son charme qu'il pensait qu'il suffisait de sourire pour obtenir quelque chose.
- Je suis désolé... souffla-t-il.
Qu'il me présente ses excuses aussi facilement m'étonna un peu, mais je n'allais pas m'en plaindre.
- Jimin... ?
- Hm ?
J'étais encore un peu mal à l'aise, sachant qu'il était toujours à genoux devant moi, mais j'arrivais de nouveau à m'exprimer correctement maintenant qu'il n'était plus collé à mon visage.
- On pourrait apprendre... ?
- Apprendre quoi ? demandai-je, ne voyant pas de quoi il parlait.
- Tu as dit qu'on ne se connaissait pas, alors si on apprenait à se connaître, on...
Je me levai de mon siège, le faisant tomber sur les fesses et il releva un regard surpris vers moi, regard que je lui rendais bien.
- Tu... veux pas ?
- Bien sûr que non ! m'exclamai-je.
En voyant sa mine choquée, j'essayai de me calmer et de respirer quelques secondes avant de poursuivre sur un ton plus doux :
- C'est pas que je veuille pas te connaître, mais si je veux en apprendre plus sur toi c'est parce que je te rappelle qu'on fait partie de la même famille. Je... Je peux pas me permettre... Mon père...
Je commençais à m'emmêler les pinceaux. Je détestais ce manque d'assurance flagrant qui m'empêchait de paraître crédible dès que la situation devenait un peu délicate...
Le fait qu'il parle tout à coup de relation plus sérieuse avait complètement affolé mon rythme cardiaque et j'avais soudain repensé à ce qu'avait dit Taehyung quelques jours plus tôt : si j'étais un ado ça aurait pu être mignon...
Mais je refusais ne serait-ce que d'envisager ce qu'il proposait. C'était complètement incensé vu le contexte, comment pourrait-on envisager quoi que ce soit alors qu'il vivait sous le même toit que mon père ?
Pourtant il avait un air sérieux, signe qu'il n'était probablement pas en train de me servir une de ses blagues douteuses.
J'en avais connu des beaux parleurs, des mecs à qui Jungkook n'arrivait même pas à la cheville en matière de beaux discours, je savais parfaitement de quoi certaines personnes étaient capables juste pour avoir un cul. On m'avait déjà promis la lune, on m'avait déjà sorti le grand jeu, du romantisme à la pelle et de belles promesses, mais tout ça n'avait jamais été que des mots. Pourquoi Jungkook serait différent ?
Pourquoi tout risquer ?
Pourquoi ne me jetterait-il pas comme une vieille chaussette à la fin de vacances parce que j'étais trop "discret", "timide", "sensible" ou je ne sais quel autre prétexte stupide que j'avais déjà bien assez entendu ?
C'était toujours le même schéma. Mon physique retenait leur attention et ils s'arrangeaient par je ne sais quel moyen pour me faire m'attacher à eux. Une fois qu'ils avaient ce qu'ils voulaient et qu'ils s'appercevaient que ce que je recherchais n'était pas une relation basée sur le sexe, ils passaient à quelqu'un d'autre.
C'était quoi le problème ? Est ce que j'avais une étiquette sur le front ? Quelque chose qui me rangeait dans la case "je suis facile à baratiner, utilisez moi comme vous voulez" ?
Je ne savais pas ce que voyait Jungkook en moi, en tout cas jusqu'à présent il n'avait parlé que de mon physique, ce qui me laissait croire qu'il n'était pas différent des autres types que j'avais pu croiser.
Le fait qu'il se soit montré si doux avec moi la première fois où qu'il me regarde parfois avec des yeux émerveillés ne suffisait pas à faire pencher la balance en sa faveur. Pas alors que mon père, mes doutes, mes mauvaises expériences et mes insécurités pesaient de l'autre côté.
- Tu sais, ton père parle sans arrêt de toi. Pas seulement depuis que tu es revenu mais depuis que je le connais...
Jungkook attira à nouveau mon attention, douchant légèrement mon irritation.
Il avait la tête baissée, juste assez pour fuir mon regard mais pas suffisamment pour me cacher son visage.
- J'espère que ce que t'as entendu t'a pas rendu sourd, soupirai-je, n'osant pas encore me réjouir du fait qu'il ait changé de sujet.
- Y avait pas que des compliments c'est sûr... Mais c'est pas les horreurs qu'il disait qui m'intéressaient. Au bout d'un an ou deux, quand il s'est trouvé fatigué de te détester, il a fini par dire du bien de toi de temps en temps.
Ça m'étonnait un peu, parce que je ne voyais pas vraiment ce que mon père pouvait avoir de bien à dire à mon sujet.
Oh, pas que je n'aie pas de qualités ou qu'il n'y ait vraiment rien à dire, j'étais sûr qu'en cherchant un peu on pouvait trouver de quoi faire quelques éloges, mais je n'avais jamais entendu mon père faire des compliments sur ma personne.
Lorsque nous étions ensembles à Busan, quand nous étions encore une famille, petite, mais heureuse, il exprimait son affection de diverses autres manières, mais il avait toujours eu du mal à l'exprimer à haute voix.
C'était le genre de type qui vous aidait et vous protégeait, vous aimant de loin et n'arrêtant pas de vous râler dessus quand vous étiez en face. Attachant mais pas très affectueux, soucieux de votre bien-être mais qui refusait de le montrer devant vous ou les autres.
Et si fermé d'esprit et buté...
Seulement depuis que j'étais arrivé à Jeju, j'avais constaté qu'il était devenu beaucoup plus tactile à mon égard. Peut-être que sa langue s'était aussi déliée avec l'éloignement.
- Il vantait parfois ta gentillesse et ta sensibilité, il nous a raconté des passages assez instructifs de ton enfance. J'ai fini par t'imaginer, me faire une idée... Pour moi, tu es devenu ce garçon absolument génial, mais pas très sûr de lui.
- Pourquoi tu me racontes ça ? demandai-je d'une petite voix, la gorge un peu serrée.
- Parce que je suis peut être un inconnu pour toi, mais de mon côté je te connais déjà un peu. Désolé si j'ai pu te donner l'impression de ne m'intéresser qu'à ton corps.
Il quitta son attitude penaude et renfrognée pour me lancer un sourire, un qui aurait presque pu illuminer la pièce ou m'éblouir si je n'avais pas été aussi tendu.
- Je sais que je suis franchement un boulet quand il s'agit de drague ou d'exprimer clairement ce qui se passe dans ma tête, j'ai pas l'habitude d'être sérieux, mais s'il te plaît, ne pense pas que je me contente de jouer avec toi.
Puis son sourire lumineux se teinta d'une pointe de tristesse. Il m'évoqua l'espace d'une seconde un ciel se couvrant de nuages, c'était comme s'il avait de nouveau masqué le soleil qu'il venait de me montrer sous un masque orageux.
- Je...
Ne savais pas quoi dire.
Que répondre à ça ? Ça ne faisait que m'embrouiller davantage et je savais encore moins quoi penser à présent. Tout s'emmêlait dans mon cerveau, les pensées cohérentes se faisaient de plus en plus rares.
Il se leva devant moi mais ne s'approcha pas.
- Je jouerai au petit frère sage devant Hyunju, tu n'as pas à t'en faire pour ça, et je m'en tiendrai au plan initial : comme s'il ne s'était jamais rien passé.
Pourquoi est-ce qu'il me faisait de la peine tout à coup ? Il venait de me donner ce que j'étais venu chercher en venant ici, j'aurais dû être soulagé d'un poids, pourtant je me sentais aussi lourd que si je venais d'avaler une tonne de pierres.
Il était vraiment injuste, de me dire tout ça...
Mon pincement au cœur venait sûrement du fait que je n'avais jamais mis aucun râteau de ce genre avant aujourd'hui... Bon, techniquement, je n'avais pas refusé de sortir avec lui, j'avais refusé de laisser une chance à d'éventuels sentiments de faire surface. Je n'avais donc pas brisé son coeur, même si le mien persistait à piquer un peu.
Mais ce sentiment passerait vite. C'était la meilleure solution pour nous deux et ça nous évitait à la fois de prendre des risques avec mon père et d'être blessé, dans mon cas.
Il fallaif me comprendre aussi... Je commençais à en avoir marre d'être blessé.
- Merci, réussis-je à articuler.
Est-ce que je devais terminer par un "désolé" ou est-ce que c'était de trop ?
Je n'étais pas sûr alors je préférai me taire. Je sortis donc de sa chambre en silence, passant devant le mur de photos.
L'espace d'un instant je crus reconnaître un paysage familier sur l'une d'elles mais je n'allais pas m'attarder pour m'en assurer, ce n'était pas le moment.
- Au revoir, lâchai-je en ouvrant la porte.
- Salut.
Je ne levai pas les yeux vers lui de peur de voir la moindre tristesse dans son regard. C'était peut-être lâche mais me persuader que tout ça ne l'atteignait pas était plus facile.
Je me retrouvai alors seul dans le couloir, un peu hébété.
Je suppose qu'on pouvait considérer que la mission avait été remplie avec succès, mais au final, ça ne me rendait pas aussi heureux que je l'aurais cru.
×××
Je suis navrée pour le retard, hier j'ai un peu... Oublié qu'on était lundi :')
Donc chapitre aujourd'hui x)
J'espère qu'il vous aura plu ^^
💜
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top