All Night

- Salut.

Cela aurait dû être interdit d'avoir une voix pareille, ou au moins de l'utiliser aussi tard et dans un contexte pareil, sous la lumière des étoiles, en pleine nuit.

- Salut... répondis-je d'une voix un peu moins assurée que la sienne.

Je rivai de nouveau mon regard sur l'eau, de peur de dire quelque chose de stupide, comme souvent lorsque j'étais sous pression.

Mais comme il ne disait rien et que ce silence devenait juste intolérable, je fus bien obligé d'engager la conversation.
Et puis, ce n'était pas comme si réentendre sa voix était une perspective déplaisante.

Vas-y Jimin, un truc simple, banal.

- T'as pas froid, habillé comme ça ? demandai-je.

Bien, pas trop mal même. Je m'étonnais moi-même.
J'étais plutôt du genre timide d'habitude avec les inconnus, j'étais de ces personnes qui bafouillaient lorsqu'elles se trouvaient en présence de quelqu'un qui leur faisait de l'effet.

Le voyage et l'heure tardive devait me donner des ailes, parce ce que ce mec était à tomber par terre, je n'avais même pas besoin de plus de lumière que celle du ciel pour l'affirmer.

- Un peu, répondit-il en riant légèrement.

Le test du gros lourd pervers avait été passé avec succès. Un mec à l'esprit mal placé en aurait probablement profité pour lancer une remarque du genre "tu veux peut être me réchauffer ?" ou bien "non, parce que tu me donnes chaud".

De toute manière, l'image du gros lourd ne collait pas avec son visage d'ange, il aurait presque pu avoir l'air d'un gamin s'il n'avait pas eu ce sourire en coin, assez évocateur.

En tout cas moi je n'avais plus du tout froid.
Il avait beau être à plusieurs centimètres, sans vouloir passer pour un pervers, il me donnait effectivement chaud.

Nous restâmes à nouveau quelques minutes l'un à côté de l'autre sans se parler, regardant juste la mer, puis il se pencha légèrement vers moi, comme pour attirer mon attention.
Quand je tournai la tête pour voir ce qu'il faisait, intimidé, je me retrouvai face à son visage souriant.

- C'est sympa, cette couleur, dit-il simplement.

Je ne comprenais pas de quoi il parlait jusqu'à ce qu'il passe un doigt sur une mèche de cheveux qui tombait sur mon front.
Mes cheveux étaient roux délavé depuis quelques mois, mais pour le moment, ma couleur de cheveux était bien la dernière chose qui me préoccupait.
Ses doigts venaient d'effleurer la peau de mon visage et j'aurais juré que celle-ci venait de s'enflammer.

Je me mordis l'intérieur de la joue par réflexe, un vieux tic que j'avais depuis l'enfance et qui refaisait surface sans arrêt quand j'étais mal à l'aise, quand je réfléchissais, quand j'étais excité...

Ses yeux se posèrent immédiatement sur ma bouche, remarquant ce petit mouvement subtil, et la sienne, légèrement entrouverte sur un sourire, laissa échapper un soupir à peine audible. Presque un rire en réalité.

Je ne comprenais pas trop ce qui se passait mais j'étais loin de trouver ça désagréable. Je me demandai même si je ne m'étais pas endormi dans la cabine avec Tae et si je n'étais pas plutôt en train de rêver.

Ses doigts, toujours en suspend vers mon front, glissèrent jusqu'à ma joue et s'y posèrent brièvement comme pour en mesurer la température. Ils quittèrent ma peau comme s'il ne s'était rien passé, le contact si fugace que j'aurais pu l'avoir imaginé, mais il se fendit soudain d'un plus grand sourire et je sus qu'il avait remarqué la chaleur et la couleur de mon visage.

Je détournai de nouveau la tête, rompant le contact, gêné par ma propre incapacité à masquer ce que je ressentais.
Je resserrai les doigts sur la rambarde et balançai mon poids de la pointe de mes pieds à mes talobs, essayant de calmer mon rythme cardiaque qui avait pris quelques battements par seconde depuis qu'il avait approché sa main de mon visage.

J'avais déjà flirté avec des inconnus auparavant, mais cette fois-ci, c'était d'un tout autre niveau.

À cette heure et à cet endroit, je me doutais qu'il ne recherchait certainement pas une relation sérieuse, mais ce n'était pas ce qui allait me déranger.

La possibilité de passer juste la nuit avec lui et de le quitter le matin venu était tentante... Vraiment tentante compte tenu du rôle que j'allais devoir adopter cet été.

Et puis ce n'était pas comme si Taehyung allait s'inquiéter de mon absence. Il allait sûrement baver sur les coussins jusqu'à notre arrivée, le connaissant.

Mon corps me disait de sauter le pas, mais ma tête était encore indécise.
Je ne cessais de repenser au mensonge que j'avais servi à mon père.

Arriver face à lui demain matin après avoir allumé un homme pendant la traversée...? Pas très moral, j'en aurais presque grimacé.
Mais d'un autre côté, il n'y avait pas de raison qu'il soit au courant.

Il y avait aussi un autre tout petit détail... Je n'avais jamais fait un truc pareil.

Enfin, j'étais déjà rentré avec des conquêtes de boite de nuit, mais en général c'était parce que nous avions un peu sympathisé au préalable, et puis ce genre d'endroit servait un peu à rencontrer du monde...

En revanche, je ne savais rien de ce type, c'était un parfait inconnu, jusqu'à son prénom. L'idée m'angoissait juste assez pour me donner cette petite piqûre d'adrénaline fort agréable, pour me donner envie de me jeter sur lui.

Je ne me jetais pas sur n'importe qui, Park Jimin était un homme sélectif.
Mais ce garçon-là cochait juste toutes les bonnes cases...

Restait à savoir si le grand saut faisait justement partie de ses intentions ou s'il était simplement venu profiter de l'air frais en discutant avec moi.
Mais avec mon manque flagrant de confiance en moi, prendre des initiatives n'était jamais chose facile, et je ne savais pas exactement comment sous-entendre la chose clairement sans avoir l'air d'avoir avalé un balais.

D'habitude, je me laissais plutôt convaincre. J'acceptais les avances, ou non, mais je ne les faisais pas.

Une demi douzaine de plans et d'approches me vinrent en tête mais ils étaient tous aussi osés les uns que les autres et je me contentai de rougir encore plus dans mon coin sans oser rien faire.

Bien Jimin, bel esprit d'initiative Jimin.

Finalement, c'est lui qui sauva la situation en se penchant à nouveau vers moi :

- Je rentre.

La déception me noua presque l'estomac, jusqu'à ce qu'il poursuive :

- Tu veux venir avec moi ?

Ce n'était même plus un ascenseur émotionnel à ce stade, c'était carrément la tour infernale. Ma tête tournait agréablement rien qu'en pensant à ce qu'il suggérait.

Mais quand un mec pareil vous proposait une nuit sans lendemain de cette façon, tout en délicatesse et sans vous brusquer, comment vouliez-vous refuser ?

Je me mordis une nouvelle fois la joue en le regardant, encore légèrement hésitant.
Une nouvelle fois, ses yeux noirs se posèrent sur ma bouche. Au bout de quelques secondes, il se pencha encore, tout prêt de mon oreille.

- S'il te plaît... ? souffla-t-il dans un murmure.

Un lent frisson parcourut mon épiderme et je hochai la tête sans le quitter des yeux tandis qu'il se redressait pour me faire face.
Il me regarda encore quelques secondes, le temps de me mettre sans dessus dessous, puis s'écarta et se dirigea vers la porte par laquelle j'étais arrivé sur le pont tout à l'heure.

Il ne m'attendait pas, il marchait d'un pas assuré vers l'intérieur, semblant se ficher que je vienne ou non.
En réalité il me laissait plutôt le choix.
Choix qui fut curieusement vite arrêté, compte tenu de ma tendance à toujours tout sur-réfléchir.

J'eus un instant peur que mes jambes refusent d'avancer mais j'arrivai finalement à lui emboîter le pas après avoir cligné des yeux une ou deux fois.

C'était probablement la seule fois de toutes les vacances où je pourrais toucher un autre homme alors autant en profiter.

Fais-toi un peu plaisir Jimin, tu l'as bien mérité.

C'est sur cette pensée que je rentrai à l'intérieur, le laissant me tenir la porte.
Je sentis son regard sur moi, beaucoup plus insistant à présent, et je ne pus m'empêcher de sourire. Je crois que j'avais rarement autant apprécié qu'on me mate.

Je me laissai m'entraîner dans les couloirs du bateau, marchant légèrement derrière mon inconnu en prenant soin de regarder son postérieur.
Ce qui m'intéressait était plutôt devant mais la vue de son dos n'était vraiment pas mal non plus.

Nous passâmes devant la cabine que j'occupais avec Taehyung mais je ne fis aucune remarque, je n'avais pas envie de m'arrêter, même pour prendre des affaires propres pour le lendemain.
Je me contentai de le suivre en silence.

Nous finîmes par arriver devant une porte située à quelques couloirs de la mienne et le beau brun sortit une carte magnétique de la poche arrière de son jean. Il se retourna et me lança un petit sourire amusé, comme s'il ne s'était pas attendu à ce que je le suive jusqu'au bout.

La porte s'ouvrit dans un léger clic et il poussa juste le battant, m'invitant à entrer le premier. Je pris une discrète inspiration et lui passai devant pour entrer dans sa cabine.

Et voilà, les choses sérieuses étaient lancées.

Je posai rapidement les yeux tout autour de moi, essayant de cerner un peu mieux l'homme qui se tenait derrière moi. Mais la pièce contenait très peu d'affaires personnelles, ce qui était plutôt normal pour une cabine et un trajet aussi court.

Tout était encore dans une valise posée dans l'entrée, près du lit, à l'exception d'un ordinateur portable qui trônait sur un petit bureau et d'un appareil photo énorme accroché à un portemanteau, emballé dans une housse noire dont la forme ne laissait aucun doute sur son contenu.

Intrigué, je fis un pas vers ce dernier, mais deux mains se posèrent doucement sur mes hanches, me faisant frissonner et m'arrêter net sur la moquette usée de la cabine.

Son contact me fit exactement le même effet que tout à l'heure, affolant mon cœur, et il fut à nouveau très bref. Il se contenta de passer à côté de moi et de se diriger vers une des deux petites banquettes de la cabine.
Il s'y assit et releva le menton pour m'observer avec le même petit sourire en coin que tout à l'heure, les bras tendus derrière lui et les jambes écartées de façon totalement détendue.

Je n'étais pour ma part pas très relaxé. Pas d'angoisse en vue, mais mes muscles refusaient tout simplement de se détendre. Je ne savais pas quoi faire de mes mains, ni de moi tout court, alors je restai planté au milieu de la cabine pendant une seconde ou deux, jusqu'à ce que le rouli de la mer me pousse gentiment en avant, m'obligeant à faire quelques petits pas.

Il tendit la main en avant en me voyant quasiment tituber, et je l'attrapai par réflexe. Je me retrouvai donc rapidement debout devant lui, la main dans la sienne et les oreilles brûlantes.
Son pouce caressa brièvement ma paume et il observa nos doigts liés une seconde avant de revenir à mon visage, ne me lâchant pas pour autant.

- Qu'est-ce que tu veux faire maintenant ? demanda-t-il doucement.

Je restai silencieux un petit moment, mon cerveau semblant avoir du mal à rassembler assez d'idées pour en faire une pensée cohérente.

Je n'étais clairement pas assez courageux pour lui dire de but en blanc de m'allonger sur sa banquette, ou pour le faire moi-même, alors j'optai pour quelque chose d'un peu plus sage. Un peu seulement, car si la forme était plus subtile, le fond restait le même.

- Vu l'heure... Je ne suis pas venu pour prendre un verre...

Si tu vois ce que je veux dire.

Je le priai mentalement d'avoir compris le message, parce que répéter ou expliciter ma pensée aurait été un challenge de taille.

Il tira légèrement sur ma main et je fis quelques derniers pas en avant, arrivant entre ses genoux.

Je savais que ce que je faisais n'était pas malin, que j'aurais dû me montrer méfiant, peut-être même être inquiet.
Après tout, il aurait très bien pu être un psychopathe et m'avoir emmené dans sa cabine pour me découper en petits morceaux... Mais tout ce que j'arrivais à ressentir pour le moment était de la hâte et une vive chaleur au creux de mon ventre.

Personne ne savait où je me trouvais, si je disparaissais cette nuit, on ne me retrouverais probablement jamais. C'était inconscient, je le savais, mais je m'en moquais. J'avais besoin de décompresser là tout de suite, d'oublier les salades que j'avais pu sortir à mon père et me laisser aller.

Je me détendis alors enfin, sa proximité réussissant paradoxalement à m'apaiser, et ma seconde main vint se poser sur son épaule.

Il porta la première vers son visage et je crus un instant qu'il allait l'embrasser. J'espérai, plutôt, vu le frisson qui me parcourut.
Il se contenta de la garder près de lui, tout près de ses lèvres, et je remarquai un grain de beauté sous ces dernières juste avant qu'il ne se remette à parler.

- Tu veux faire ça comment ?

Je dus pratiquement me mordre la langue pour ne pas répondre stupidement un "comme tu veux" un peu désespéré.
Je pris une petite inspiration et resserrai mes doigts sur son épaule, appréciant au passage la fermeté de ce que j'avais sous la main.

Bon, il était l'heure de s'affirmer un peu plus, et de dire clairement ce que je voulais.
Je pouvais le faire. Je pouvais vaincre ma timidité.
Il me voulait, et je le voulais aussi, il n'y avait pas à avoir honte de quoi que ce soit.
Aussitôt formulée dans mon esprit, cette pensée me libéra d'une bonne dose de pression.

- On a peu de temps, passons les présentations, d'accord ?

Il hocha la tête et se releva, les yeux noircis par une vague de désir soudaine. Il semblait avoir apprécié le ton un peu plus fermé, et la demande.
Je n'hésitai donc pas à poser une main sur sa poitrine pour l'arrêter lorsqu'il sembla vouloir se pencher vers ma bouche.

- Et ne m'embrasse pas non plus.

Il s'arrêta, interdit, et ses pupilles se dilatèrent presque comiquement.
Il n'avait pas l'air rebuté par l'idée, au contraire, mais il était visiblement étonné.

La plupart de mes partenaires l'étaient.
J'étais une petite chose timide pour eux, ce qui était très vrai en dehors de certaines situations bien précises qui faisaient ressortir mon assurance.
Une assurance qui servait si peu en temps normal qu'elle était assez conséquente lorsqu'elle se manifestait.

J'étais capable de dire ou de faire à peu près n'importe quoi sans me sentir embarrassé si mon partenaire me regardait avec suffisamment d'envie, s'il me faisait me sentir désiré.
Et ce garçon me bouffait littéralement des yeux, ce qui me donnait des ailes.

- Autre chose ? demanda-t-il d'une voix qui laissait deviner son impatience.

Je réfléchis un instant, mais rien de spécial ne me vint à l'esprit, alors je baissai les mains vers les bords de son haut et tirait légèrement dessus sans le lâcher des yeux.

- Non, on peut y aller.

- À tes ordres.

Ses grandes mains, ses larges épaules et sa haute stature, couplées à cette légère tendance à la soumission me rendaient fou. J'avais les reins en feu, et mes pupilles devaient également avoir doublé de volume.

Il retira son tshirt et je n'attendis pas avant de le pousser légèrement, le faisant retomber sur la banquette dans un petit grincement.

Fais moi oublier où je vais, s'il te plaît, même si ce n'est que pour une heure.

C'est ce que je pensai en m'asseyant sur ses genoux.

En le laissant retirer mon haut, les mains levées bien au dessus de la tête pour étirer mon buste et accentuer la finesse de ma taille, je me dis que cette action impulsive, moi dans cette cabine, avait un arrière-goût de rébellion.

Bien sûr, ce mec faisait rêver, et je n'étais pas là que par esprit de contradiction, mais je demandais si ce n'étais pas inconsciemment ma façon de protester contre la façon dont mon père me traitait. Ma façon de l'insulter, de le confronter, en faisant ce que je voulais de mon corps et en m'abandonnant totalement sous des mains qui me firent voir un tout autre type d'étoiles cette nuit-là.

Je décidai finalement que ça n'avait pas d'importance.
Puisqu'il me fit oublier.
Il me fit oublier mon père, l'endroit où j'étais, celui où j'allais, et jusqu'à mon propre prénom.

Il me fit tout oublier pendant le reste de la traversée, inlassablement, tantôt avec douceur, tantôt avec juste assez de sauvegerie pour appuyer sur tous les bons boutons.

Jamais ses lèvres ne rencontrèrent les miennes, mais elles se posèrent à bien d'autres endroits.
Je l'autorisai même à apposer quelques marques, à des endroits où personne ne pourrait les voir. Sauf moi.

Je voulais les voir, je voulais pouvoir me rappeler, quand j'aurais envie de tout arrêter parce qu'on ne me laissait pas être qui j'étais.

Je voulais pouvoir me rappeler que j'avais rencontré le meilleur coup de ma vie sur un ferry direction Jeju. Qu'il ne m'avait dit ni son prénom, ni son âge, et n'avait rien demandé en retour.
Qu'il m'avait juste fait tout oublier, et m'avait pris dans ses bras, longtemps, me donnant le courage d'affronter des retrouvailles qui s'annonçaient mouvementées.

Ceci dit, je n'avais sûrement pas besoin des marques.
Je ne risquais pas de l'oublier de si tôt.

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Et voilà pour ce deuxième chapitre :3

Il a demandé pas mal d'édition contrairement au premier huhu

Je l'ai dit sur mon mur, mais les updates de Summer Lie se feront les lundis et vendredis :D

À lundi donc, et passez un très bon week-end 💜 !

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