17- Mal



- Ça fait longtemps que j'attendais ce moment..., chuchota-t-il dans le creux de mon oreille.

Sa remarque me fit sourire. Il faisait bien sûr référence à notre premier baiser de tout à l'heure. Je soupirai d'aise en me remémorant ce moment si magique à mon goût.

- Et pourtant, ce n'était pas vraiment le premier !, dis-je en repensant subitement à ma noyade.

- C'est vrai mais ce n'était pas pareil ! Tu étais inconsciente et mon but premier était de te sauver ! Et puis le bouche-à-bouche... J'ai connu mieux comme baiser.

- Il est vrai que j'oublie souvent que tu m'as tout de même sauvé la vie...

Il me sourit et m'embrassa tendrement le front.

- Et je ne regrette pas...

- Comme si on pouvait regretter de sauver quelqu'un !, lui répondis-je faussement outrée.

- Ça dépend... Il y en a qui mérite d'être plus sauvé que d'autres.

Nous marchions dans la forêt, main dans la main, depuis de longues minutes vers les rochers. Connor portait sa guitare à la main et avait un air plus heureux que d'habitude sur le visage. Il avait un petit sourire en coin ineffaçable. Il me faisait rire. Je m'approchai de lui pour lui faire un furtif baiser sur la joue.

Arrivés devant les rochers, nous montâmes au sommet. Il s'assit en tailleur tandis que moi je m'allongeai en posant ma tête sur ses jambes. Il prit sa guitare et la ramena vers lui pour ne pas qu'elle me gêne. Il l'accorda et commença à gratter avec délicatesse les cordes de l'instrument.

Je savourais pleinement ce moment. Je savais qu'il n'en sera pas toujours ainsi et que nous devrions nous cacher une fois dans le camp. Je savais que ce n'était qu'éphémère.

Vivre heureux c'est vivre caché...

Tandis qu'il était concentré sur les accords qu'il devait réaliser, je tournai la tête vers lui, détaillant chacune des parties de son visage, essayant de mémoriser chaque courbes, chaque défauts et caractéristiques qui font de lui quelqu'un de si unique.

Absorbé dans sa tâche, il se pinçait les lèvres et ses yeux étaient plissés par l'effort. Un air malicieux se fixa sur mon visage lorsque je vis ses cheveux plus ébouriffés que d'habitude. Peut-être n'y étais-je pas pour rien... J'avais encore envie d'y passer ma main, encore et encore, sans jamais m'arrêter. J'avais envie d'embrasser chaque parcelle de sa peau tannée par le soleil et de son corps qui faisait tourner la tête de pas mal de filles.

Je l'aimais, mais je n'étais pas dupe pour autant. Je savais que notre relation n'était qu'une amourette d'un été, qu'à la fin de la saison il ne restera plus grand-chose de notre amour passager.

« Profite du moment présent », me disait souvent mon père. J'étais bien prête à suivre son conseil. Je fermai les yeux quelques instants pour repenser à mes parents. Dans ma dernière lettre, je leur avais vaguement parlé d'un garçon qui se démarquait de ceux que je connaissais jusqu'à présent. Cette pensée me fit sourire malgré moi.

J'ouvris doucement les yeux, bercée par la douce mélodie, et ne lâchai pas Connor des yeux. Alors qu'il faisait un nouvel accord qui lui requérait un mouvement plus ample, je pus voir une cicatrice sur son bras. Elle n'était pas très grande mais tout du moins assez pour qu'on la remarque si l'on regardait de près.

- Connor ?

- Mmh... ? , dit-il sans cesser de jouer.

- C'est quoi cette cicatrice ?

- Ça ?, dit-il en relevant un peu la manche de son tee-shirt.

- Oui...

- Oh... Ce n'est rien...

Voyant mon air peu convaincu, il soupira et cessa alors totalement de jouer, à mon grand regret. Je sentais que j'avais touché une corde sensible.

- C'est ma mère qui m'a fait ça.

- Ta mère ?, dis-je soudain inquiète.

- Elle...

Je voyais qu'il hésitait à continuer mais je l'encourageai d'un sourire confiant.

- Prépare toi parce que ce n'est pas très drôle. 

Il me jeta un dernier coup d'oeil avant de se racler la gorge. 

- Quand j'avais 15 ans, mon père nous a abandonné du jour au lendemain ma mère et moi.  Nous n'avons jamais su la raison, même si j'ai quelques suppositions à ce sujet. Suite à sa disparition, ma mère, folle de chagrin, est tombée dans l'alcool sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Je n'avais que 15 ans et on ne m'avait jamais préparé à ce genre de situation. Ça a été si rapide, et si imprévu... Au départ, je n'y avais pas prêté attention, j'étais trop triste et en colère pour m'en apercevoir, mais quand je me suis rendu compte du problème, c'était trop tard, elle était devenue dépendante et j'avais beau essayer de cacher ses bouteilles ou de la réprimander sur son comportement, elle m'envoyait balader et réussissait toujours à trouver un moyen de boire en secret. Je voulais la sortir de ça, mais je n'y parvenais pas. J'avais besoin d'aide. Je connaissais à peine ma famille et je n'avais aucun contact avec eux. Je ne pouvais pas leur en parler, ni leur demander quoi que ce soit. J'étais presque un étranger pour eux, et de toute manière, d'une façon ou d'une autre, ils devaient déjà être au courant de la situation alarmante dans laquelle nous nous trouvions... Un soir, alors qu'elle était particulièrement saoûle, j'étais rentré de l'école et je préparais à manger. Elle tenait une bouteille de bière à la main et en buvait de grandes gorgées. Elle était déjà bien énervée, jurant et crachant des insultes destinées à mon père. C'est ce qu'elle faisait à chaque fois qu'elle buvait trop. Je savais qu'elle ne savait plus ce qu'elle disait mais elle me blessait. Chaque mot qu'elle prononçait me faisait mal. Je me suis alors précipité sur elle pour qu'elle me donne sa bouteille, prétextant qu'elle avait assez bu pour la soirée. C'était une erreur de ma part d'avoir voulu l'arrêter car elle se mit à m'insulter à mon tour. Je crois qu'elle m'a pris pour mon père à ce moment-là, je sais que je lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Elle avait complètement perdu la raison. Elle a alors commencé à me frapper puis elle a cassé sa bouteille contre la table, dans un élan de rage. Un des éclats m'est rentré dans la peau. Heureusement, mes voisins ayant été alertés par les hurlements de ma mère, ont appelés la police. Ce sont eux qui m'ont amené à l'hôpital. Je m'en suis pas mal sorti, j'aurai pu avoir l'éclat de verre autre part et ça aurait pu être beaucoup plus grave. 

Je m'étais redressée, les larmes aux yeux, et la bouche ouverte de stupéfaction. Comment peut-on tomber si bas ? Partir aussi profondément dans une telle addiction au point de faire du mal à son propre enfant ? Il me semblait impossible de pouvoir un jour faire autant de mal à ceux que j'aime.

- Oh non... Pleure pas..., dit-il attristé de me voir dans cet état. 

Il me prit dans ses bras et je me blottis contre lui. 

- Et ta mère ?, réussis-je à à demander entre deux reniflements.

- Après ce soir-là, elle a fini en prison et je fus adopté par mon oncle, qui habite pas très loin du camp.

Il fit une pause puis reprit, la mine plus grave.

- Elle est décédée l'année dernière d'un cancer.

- Oh Connor ! Je suis tellement désolée !

- Moi aussi je le suis... Pour elle en tout cas. Je ne voulais pas te faire pleurer en te parlant de ça. Tu n'aurais pas dû voir cette cicatrice, je n'aurais pas dû te raconter ça...

Il me serra plus fort contre lui tandis que j'étouffais mes sanglots contre son épaule.

~

Une main me secoua doucement.

- Il est l'heure de rentrer, Clémence, me dit Connor avec un sourire attendri.

J'ouvris les yeux avec difficulté. Allongés l'un à côté de l'autre, nous nous étions endormis. Je m'étirai et me relevai. Une main me saisit fermement par l'épaule et je basculai de nouveau aux côtés de Connor. Un rire s'échappa d'entre mes lèvres tandis qu'il s'appuyait sur un coude et qu'il écartait une mèche pour la replacer derrière mon oreille.

- Ne cesse jamais de rire..., me dit-il en caressant tendrement ma joue gauche.

- Embrasse-moi, idiot, lui dis-je amusée.

Il se pencha sur moi et vint à la rencontre de mes lèvres. Il s'y attarda longuement mais finit par se redresser et se lever.

- Nous devons y aller. Le soleil se couche.

- Ok..., dis-je en grommelant.

Je me levai à mon tour et renfilai mes baskets que j'avais enlevés un peu plus tôt. Une fois prête, je suivis Connor en direction du camp. Le temps du trajet me sembla vraiment trop court car en peu de temps, nous arrivâmes vers les derniers arbres qui délimitaient la fin de la forêt.

- Ecoute, Clémence, comme tu le sais, nous n'avons normalement pas le droit d'avoir une relation au-delà de l'amitié. Nous ne pouvons pas rentrer au camp ensemble, les gens se poseraient des questions... Passe devant, je partirai après toi dans 10 minutes.

- Ok...

Je me redressai et l'embrassai une dernière fois avant de revenir dans le camp. Dorénavant, il faut faire comme si je ne connaissais pas Connor. Je débouchai très vite vers le centre, là où trônait le fameux panneau de bois où étaient écrits des centaines et des centaines de noms. Je le contournai et me dirigeai vers mon cabanon lorsqu'une poigne ferme attrapa mon bras. La personne me retourna brusquement vers elle.

Tom, Bradley, Will, Rose et Coline me regardaient le visage rouge de colère.

- Où étais-tu ?, me cria Rose.

« Mince ! J'ai oublié de les prévenir ! »

- J'étais... j'étais...

- EST-CE QUE TU SAIS COMBIEN ON A FLIPPÉ ?, hurla-t-elle cette fois-ci.

Quelques adolescents qui passaient par là se retournèrent, alertés par les cris de Rose.

- Partez ! Y'a rien à voir !, dit Tom d'un ton hargneux aux curieux.

Ils s'éloignèrent, déçues.

- J'étais...

- Tu pars comme ça, au petit-déj', en nous disant que tu vas aux toilettes et tu disparais toute une journée sans nous prévenir ? On a dû mentir à Aléa qui te cherchait elle aussi pour te prévenir que Sunshine s'était réveillée ! On t'a cherché partout ! On a même décidé de sacrifier notre après-midi où nous étions censés faire de l'accro-branche pour te chercher. Bradley a bien voulu venir nous rejoindre pour nous aider. Rien ne nous obligeait à faire ça pour toi. Mais nous l'avons fait. Parce que tu es notre amie Clémence. Mais c'est la dernière fois que tu nous fais ça ok ? ( Sa voix se brisa, sous l'effet du trop plein d'émotions et ses yeux s'embuèrent de larmes.) Promets- moi !

- Je te le promets.

Rose se jeta alors pour me prendre dans ses bras, les larmes ruisselants le long de son visage puis Coline, qui se mit à pleurer à son tour, puis c'est avec tout le reste de la bande que nous fîmes un câlin groupé sous les applaudissements et sifflements des adolescents de tout à l'heure qui n'étaient finalement pas partis bien loin.



Corrigé et relu le 24/04/17.

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Hey !

Et voici le chapitre 17 ! Il est pas fou-fou mais on en apprend plus sur Connor...

Qu'en pensez vous ?
Mettez un commentaire, j'adore vous lire ^^

J'aimerai aussi vous remercier pour le nombre de vues, de votes, d'abonnements et de commentaires records (pour moi ^^) ces derniers jours. C'est juste... dingue. Vous êtes dingue ! Mais je vous aime quand même, vous inquiétez pas. ;)

Mais plus sérieusement, je suis juste tellement surprise ! Et puis Summer Camp est dans le top 300 ! (ça existe ? XD)

Merci car rien ne se passerait sans vous <3

Je vous aime !

Ellie

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