14- Faux espoir
- Clémence, c'est quoi ça ?, me demanda Sunshine.
- De quoi ?, dis-je en frottant mes yeux encore mal réveillés.
- Ce que tu as sur le front.
Tous les visages de la tablée se tournèrent vers moi. En effet, ma chute d'hier m'avait valu une blessure peu discrète, rougeoyante encore de sang, la croute venant seulement de se former. Je pris une orange et la coupa en deux, essayant d'accorder le moins d'importance à sa question et d'être la plus décontractée possible pour ne pas attirer les soupçons. Je croisai le regard soucieux de Will et celui inquiet de Tom. Quant à Côme, il était revenu à son ancienne table et riait avec une fille qui devait avoir notre âge. Même si Sunshine ne disait rien, je suis sûr que ça contribuait à sa mauvaise humeur.
- Ah ! ça... Non c'est rien. C'est juste hier soir, en me levant pour aller aux toilettes, je me suis cognée contre le lit de Sun'.
Elle me regarda d'un air soupçonneux, peu satisfaite de ma réponse mais ne discuta pas. Elle ne fit plus attention à moi et continua de manger silencieusement ses céréales favoris. M'avait-elle entendu hier soir ? Côme l'a-t-il mise au courant ?
« Mais non ! Ils ne se parlent plus ... »
Connor, lui, osait depuis ce matin m'adresser quelques regards furtifs, mais sans jamais un sourire.
« Il y a du progrès », pensais-je.
Aujourd'hui était mon dernier jour en cuisine et j'avais hâte d'en finir. Je me levai accompagnée de mes amis et sortis du réfectoire. Je passai devant la table de Bradley qui se leva immédiatement pour me faire la bise.
- Tu es au courant de la soirée organisée par le camp dans trois jours ?
- Une soirée ? Non je n'étais pas au courant ! C'est où ?
- Je suis plus très sûr de l'endroit mais toutes les informations sont devant l'accueil, sur un grand panneau de bois.
- Ok ! J'irai voir...
- Tu viens, n'est-ce pas ?, me dit-il d'une voix soudain inquiète.
Je lui répondis dans un grand éclat de rire que je ne raterai ça pour rien au monde. Il partit, rassuré de savoir que j'y serai. Après son départ, je piquai un sprint pour retrouver mes amis. Je devais faire une drôle de tête car ils s'arrêtèrent tous de parler.
- J'ai une bonne, super, géniale, fantastique, extraordinaire, époustouflante, immanquable et incroyable nouvelle à vous annoncer !, dis-je en reprenant mon souffle.
- On t'écoute, me dit Tom d'un ton enjoué.
- Il y a une soirée organisée dans trois jours.
Les yeux s'écarquillèrent de surprise. Rose poussa un cri de joie et esquissa quelques pas de danse. Will tapa dans les mains de Tom et Sunshine retrouva un peu de sa bonne humeur. Coline quant à elle me serra dans ses bras, si fort que mes os menacèrent de se briser d'une seconde à l'autre.
- C'est où ?, demanda Will.
- Je ne sais pas, leur dis-je légèrement désolée, mais les informations sont à l'accueil.
- Côme m'avait parlé de ces soirées..., dit Sunshine, une légère note de mélancolie dans la voix.
Je me positionnai devant elle et l'a pris dans mes bras.
-La partie n'est pas finie, lui chuchotais-je dans le creux de l'oreille, je te jure que tu seras si belle à cette soirée que Côme n'hésitera pas deux secondes avant d'accourir pour te demander une danse.
Pour accompagner les gestes à la parole, je l'empoignai par les hanches et esquissai à mon tour quelques pas de valse. Elle éclata d'un rire franc, et je pus voir une détermination naissante dans ses yeux.
~~
-Tu es en retard, dis sèchement la cuisinière.
- D'une minute, cette fois-ci ! Moi je dis qu'il y a du progrès.
- Enfile ton tablier avant que je parle à Aléa de ton insolence.
- Chef, oui, chef !
J'enfilai mon tablier dorénavant si sale qu'il en était devenu beige au lieu de son blanc habituel.
-Je dois m'éclipser quelques minutes voir si nous avons bien reçu les patates que j'avais commandé. Ne touche pas aux fours ni à n'importe quel appareil électroménager durant mon absence. Evitons les accidents. Sur le frigo, je t'ai mis une note. Lis là. Ah et, juste une dernière chose, fais tes lacets.
Puis elle s'en alla, sans rien ajouter d'autre. Je me tournai en soupirant vers le post-it jaune collé au meuble. Je jetai un bref regard blasé à mes converses blanches aux lacets défaits, puis lus la note, sans faire un seul geste pour les rattacher.
7 plats de carottes râpées et une centaine de brownies.
« Aujourd'hui c'est seulement entrée/dessert... »
Je me retournai et levai les yeux du papier. Un homme se trouvait devant moi. Avant que je ne puisse discerner son identité, je poussai un cri strident tout en reculant précipitamment : mes pieds se prirent dans mes lacets et je tombai à la renverse, me cognant la tête contre le sol.
« Maudit lacets ! »
Je me redressai, allongée sur le carrelage froid et frottai ma tête douloureusement. Je relevai les yeux vers celui qui avait provoqué tout ce remue-ménage.
Connor, bien évidemment.
- Qu'est ce que tu fais là, lui dis-je légèrement agacée.
Il me tendit sa main que j'empoignai volontiers et me relevai.
- Je suis passé pour voir comment ça se passait, ici.
- Je ne t'ai pas entendu arriver... Tu es passé par la fenêtre ?
En effet, celle-ci était entrouverte.
- Oui.
Je hochais distraitement de la tête avant de prendre une grande inspiration.
- Écoute Connor... Je suis désolée pour ce que j'ai dit la dernière fois... J'ai entendu des choses et ça m'avait tellement énervée... Maintenant, je sais qu'il ne faut pas faire confiance à des filles qui mangent des sandwichs aux thons.
Ma dernière remarque le fit rire.
« C'est la première fois que je l'entends rire ! Bon sang, qu'il est sexy comme ça ! »
J'adorais déjà cette partie de lui-même qu'il venait de me dévoiler.
- C'est déjà oublié, tu sais. Mais c'est vrai que sur le coup ça m'a fait tout drôle...
Je lui souris sans rien rajouter et continuai de le regarder. Mon ventre était rempli de papillons et mon cœur battait chaque seconde un peu plus vite.
« C'est fou l'effet qu'il me fait », pensais-je.
Il écarta doucement quelques mèches de cheveux avant que son regard ne s'arrête sur ma plaie au front.
- Qu'est ce que tu t'as là ?
- Oh ! Ça ?... Hum, je me suis réveillée cette nuit et je me suis cognée...
- Ça n'a pas l'air trop grave... Mais tu vas avoir le droit à une jolie cicatrice pendant quelques temps.
- C'est pas très grave...
Puis un gros blanc s'installa mais ce n'était pas désagréable, au contraire. Durant ces secondes qui me semblèrent durer des heures, nous nous fixions, yeux dans les yeux, sans rien dire. Les siens, bleus comme un océan en pleine tempête me faisait divaguer. Il se rapprocha doucement de moi, si doucement qu'on aurait dit qu'il avait peur de briser ce moment si fragile. Lorsque nos corps n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, il approcha sa bouche de mon oreille.
- C'est qui ce Bradley, en fait ?, me dit-il d'une voix sensuelle dans laquelle perçait tout de même une pointe de jalousie.
À mon tour de rire. Je m'éloignai de lui, amusée. Lui aussi l'était mais je savais qu'au fond, il attendait une réponse.
- Brad est mon ami.
- C'est tout ?
- Mmh... Oui, je crois bien, lui répondis-je un éclair de défi dans les yeux. Peut-être qu'il est plus... Je ne sais pas...
Je m'avançai vers lui, cherchant à le provoquer. Il ne cessa pas de me regarder et ne bougea pas d'un cil lorsque nos corps eurent retrouvés leur proximité. Il m'enlaça et m'attrapa doucement par les hanches, le regard soudain plus sombre de désir. Mon attention n'était plus que focalisé vers ses lèvres que je rêvais d'embrasser. Je passai mes mains derrière sa nuque, les enfouirent dans ses cheveux bruns et me collai un peu plus contre lui, si c'était encore possible. Il ne restait plus un centimètre qui nous séparait l'un de l'autre et l'air était chargé d'une telle électricité que j'en frissonnais. Le temps s'était tout simplement arrêté et plus rien au monde ne comptait pour moi que lui. Il se pencha légèrement vers moi et resserra sa prise sur mon corps. Sa main passa à un moment donné sur une petite parcelle de peau au bas de mon dos qu'avait laissé apparaître mon tee-shirt et ce contact m'électrisa. Voyant la sensation qu'il me faisait, un sourire diablement sexy se dessina sur sa mâchoire. Je commençais à approcher ma tête de ses lèvres lentement, pour le faire languir et ce fut lorsque nos lèvres s'effleurèrent que nous entendîmes soudain la porte de la pièce d'à côté claquer. Ni une ni deux, il se détacha de moi et sortit par la fenêtre, aussi rapide qu'une ombre. Il venait à peine de disparaître que la cuisinière fit son entrée dans la pièce, brisant pour de bon la magie du moment.
~~
- Quoi ?! Et elle est arrivée à ce moment-là ?, dit Sunshine complétement ahurie.
- Et oui...
- Si on ne mangeait pas des brownies ce soir, je te jure qu'elle m'aurait entendu la cuisinière, dit Rose en colère.
- C'est trop dommage..., chuchota Coline.
- Je sais les filles, vous êtes déçues, dégoutées, en colère, et tout plein d'autres sentiments contradictoires mais imaginez ! C'est moi dans l'histoire qui n'a pas pu l'embrasser !
- J'avoue... Toutes mes condoléances, ma chère amie, me dit Sunshine en me donnant une vigoureuse tape dans le dos.
Je pris mon oreiller et lui lançai en plein visage. Elle poussa un cri étouffé et je repris l'oreiller pour le coincer sous mon ventre.
- Oh les filles... Si vous étiez là... Vous auriez vu sa mâchoire... Je ne savais pas que ça pouvait être sexy une mâchoire ! Et puis ses yeux... Si bleus... Et son rire ! Ah son rire ! C'était... merveilleux.
Les filles et moi soupirâmes d'un même élan, nous imaginant le déroulement de la scène.
- Et si on allait camper ?, proposa Rose.
- Mais oui ! Pourquoi pas ?, rajouta Coline.
- Moi je suis partante, leur dis-je.
- Sun' ?
- Mmh... Ok, moi aussi, finit par lâcher ma meilleure amie.
- Il nous reste combien de temps avant le dîner ?, demandais-je.
- 30 minutes, dit Coline. Si on veut demander, c'est maintenant !
C'est alors que nous sortîmes du cabanon en courant comme des furies.
~~
-Tom !
Aucune réponse.
-Tom !, criais-je un peu plus fort.
Une tête aux cheveux bruns sortit de l'entrebâillement de la porte.
-Quoi ?, me dit-il d'un ton qui laissait supposer que je l'avais dérangé.
- Prépare tes affaires, on campe.
- Pardon ?
- Tu as bien compris, on part camper. Allez ! Arrête de me regarder comme ça et bouge ! Je te veux dans cinq minutes dehors !
- Les garçons viennent ?
- Rose et Sun' sont partis voir Côme et Coline Will.
- Ok ! Attends moi, j'arrive !
Puis il referma la porte, un large sourire sur les lèvres.
~~
Nous progressions dans la forêt de pins, nos lourds sacs sur le dos, sur un sentier sablonneux. Aléa nous avait finalement donné sa permission après avoir longuement hésité. Elle nous avait ensuite indiquée un endroit qui était spécialement aménagé pour cette activité. Pour y accéder ? Il fallait seulement suivre le chemin.
Nous avions alors sortis de nos placards sacs de couchage et lampes torches, enfilés baskets et pulls, et embarqués les bonbons et quelques brownies que j'avais réussi à voler dans la cuisine avec Tom. Après tout, c'est moi qui les avais faits.
Le sentier sablonneux finit par disparaître sous nos pas et c'est au hasard que nous nous dirigeâmes vers le lieu recherché. Sun' et Côme marchait main dans la main, ne se souciant plus de nous. Ils avaient dû se réconcilier avant de partir. Coline, Rose et Will marchaient côte à côte tandis que Tom et moi étions à l'arrière, discutant à l'abri des oreilles indiscrètes.
- C'est vraiment le lit qui t'a fait ça, Clém' ?, dit-il en regardant mon front blessé.
- On ne peut vraiment rien te cacher à toi, lui répondis-je, un sourire sans joie sur les lèvres.
- Non.
Des cris surexcités m'empêchèrent de me concentrer sur ma réponse.
- Venez ! On a trouvé l'endroit !, cria Rose.
- Je t'expliquerai plus tard, ok ?, dis-je en me tournant vers Tom.
- Pas de problème.
Nous courûmes vers eux. La forêt laissait apparaître une clairière dans lequel un petit cours d'eau passait. Des restes de feu se trouvaient au milieu est une sorte de cabane avait été construite pour entreposer du matériel. Rose et Sun' se précipitèrent immédiatement pour réserver leurs places pour la nuit. Will partait chercher du bois avec Côme tandis que Coline déroulait son sac de couchage.
- Je sens que ça va être une bonne soirée, dit Tom un sourire rêveur sur les lèvres.
- Oui, ça va être une bonne soirée.
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Hey tout le monde !
Je vous avoue que j'ai eu beaucoup de mal à écrire ce chapitre avec les derniers événements...
Et que "il ne faut jamais faire confiance aux filles qui mangent des sandwichs aux thons" n'est pas à prendre au sérieux. Moi même, je mange des sandwichs aux thons et pourtant je suis quelqu'un de confiance (enfin je crois) ! ^^
Et j'aimerai vous remercier pour vos petits commentaires qui me donnent la pêche et le sourire à chaque fois !
Merci !
Prenez soin de vous, surtout en ce moment...
Je vous aime fort,
Ellie
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