⋅ Partie 8 ⋅
Genkan de l'appartement Motomiya - 15h53
Quand l'heure du rendez-vous approcha, Naho se faufila hors de sa chambre et traversa le couloir à pas feutrés. Elle dépassa discrètement la porte entrebâillée de la chambre de Hayato, qu'elle entendit s'énerver sur un de ses jeux, mais elle passa son chemin. Une fois dans le vestibule, elle ressortit ses Converses du placard à chaussures. Alors qu'elle était assise à même le sol et s'efforçait de démêler les lacets de sa chaussure, Tohru apparut près d'elle dans l'entrée, comme sorti de nulle part.
— Tu vas où ? demanda-t-il.
La brunette tressaillit et se tourna vers lui, le regard accusateur. Il souriait, plein de malice. Il tenait une figurine articulée de footballeur dans chaque main, signe qu'il s'était arrêté en plein jeu pour venir lui parler. Était-elle aussi peu discrète ? D'un autre côté, Tohru avait tendance à écouter aux portes et épier tout le monde dans la maison, mais Naho ignorait si c'était rassurant ou non.
— Faire une course, rétorqua l'aînée, qui parvint enfin à démêler ses lacets pour ensuite les nouer.
— Tu vas acheter quoi ?
— Rien, soupira Naho en sautant sur ses pieds, avant de remonter son short au-dessus de sa taille.
— Alors tu vas faire quoi comme course ?
La jeune fille s'approcha du miroir du vestibule et ne put s'empêcher de se regarder pour s'assurer qu'elle avait l'air... normale. Puis, tout en glissant son téléphone portable dans la poche arrière de son short, elle se tourna vers son frère.
— J'ai un truc à régler. T'as fini ton interrogatoire ou tu comptes prendre mes empreintes digitales pour les envoyer à la C.I.A. ? lâcha-t-elle dans un soupir agacé.
— C'est quoi, ton truc à régler ? insista le jeune garçon, sans même répondre à la question.
— Un truc qui ne te concerne pas.
Sur ces mots, Naho ébouriffa les cheveux de son petit frère pour le faire enrager, puis elle quitta l'appartement. Elle se dirigea tout naturellement vers les escaliers, et descendit les marches en vitesse. Au rez-de-chaussée, la porte de sa vieille voisine était pour une fois fermée, ce qui l'arrangeait. Elle ne voulait pas être vue en compagnie de Nosaka par cette voisine.
La chaleur de l'après-midi accueillit Naho dès qu'elle posa un pied dehors et elle se demanda si c'était vraiment une bonne idée de faire du sport par un temps pareil. Dans tous les cas, elle n'avait pas le choix. Elle devait faire ce match – et elle supposait que c'en était bien un – si elle ne voulait pas devoir s'acheter une cravate. Un dernier coup d'œil vers son téléphone pour vérifier l'heure et elle était partie vers le Parc des Violettes.
Lorsqu'elle arriva devant la porte grillagée du petit terrain, Naho aperçut deux silhouettes qui se mouvaient en contrebas. En se penchant, elle reconnut le petit Kou Matsumoto que son frère avait tabassé l'autre jour, ainsi qu'un autre habitué du terrain de foot dont elle avait oublié le nom. Très vite, les deux garçons remarquèrent la présence de leur visiteuse inattendue.
— Hé, Naho ! la héla le plus petit des deux, celui dont elle ignorait le nom.
En quelques secondes, ils montrèrent quatre à quatre les marches du terrain pour venir la rejoindre à l'entrée. Ils avait le souffle court et les joues rouges, mais rayonnaient de joie. C'était tout simplement des enfants qui jouaient au sport qu'ils aimaient le plus.
— Salut, les garçons, répondit-elle en faisant un petit signe de la main.
— Tohru n'est pas là ? demanda le premier, surpris de ne pas le voir en compagnie de sa grande sœur.
— Non, il est à la maison là.
— Alors qu'est-ce que tu fais là ? Tu viens jouer au foot ? s'extasia le second, dont le visage s'illumina à la simple mention de ce sport.
La brune éluda la question du jeune garçon, peu désireuse d'y répondre. En quelque sorte, oui, elle comptait jouer au football, mais ça n'était pas pour s'amuser comme ils le faisaient. Ce n'était qu'un moyen pour elle de reprendre ce qui lui appartenait.
— J'attends quelqu'un, se contenta-t-elle de répondre.
— Qui ça ? Ton amoureux ? insista le jeune Kou.
— Non, marmonna-t-elle en baissant un regard agacé sur lui. Un... une connaissance.
Elle avait été tentée de dire « un ami », mais elle ne connaissait pas Nosaka suffisamment pour pouvoir l'appeler ainsi. Et ce, même s'ils avaient discuté quelques fois déjà. Enfin... discuter, c'était un bien grand mot : il lui avait fait du chantage et elle l'avait envoyé promener, ce n'est pas ce qu'on appelle une discussion amicale.
— Et elle arrive dans longtemps ta connaissance ? insista Kou. J'aimerais bien la voir avant de rentrer.
Naho arqua un sourcil, surprise par tant de culot. Elle croisa les bras et le toisa d'un air menaçant, même si ces deux mômes l'amusaient malgré tout.
— Il ne vient pas pour toi, petit curieux, lui indiqua-t-elle en tapotant le haut de son crâne.
— Donc c'est un garçon ?! s'étonna le plus petit des deux, qui était jusqu'alors resté silencieux.
— Ben oui, Natsu. Sinon elle serait venue avec Tohru.
Donc le second s'appelait Natsu. Tout en essayant d'imprimer ce nom dans sa mémoire, la brune ouvrit la bouche pour protester, mais une voix la devança.
— Ah, tu es venue finalement.
La brune se raidit en reconnaissant la voix – et ça l'effraya un peu que cette voix lui soit si familière désormais – puis elle se retourna lentement. Il était là, à deux mètres d'elle, un sourire aux lèvres. Il fallut quelques secondes à Naho pour se ressaisir, mais ce fut largement suffisant pour que les deux petits garçons à côté d'elle réagissent.
— Nosaka Yuuma ! s'égosilla Kou en le pointant du doigt, sous les yeux éberlués de Naho.
— Trop fort ! s'extasia le second, ébahi.
Nosaka leur sourit : un véritable sourire sincère qui éblouit Naho, alors qu'elle l'en pensait totalement incapable. Ce simple sourire sembla donner le feu vert aux deux enfants, qui fondirent sur lui pour lui poser des dizaines de questions à la minute, des étoiles pleins les yeux.
— Vous vous connaissez ? s'enquit Naho, qui se figurait avoir manqué un épisode.
À bien y réfléchir, c'était fort probable qu'ils se connaissent : Kou et Natsu, ils venaient ici depuis l'âge des couches-culottes avec Tohru. Quant à Nosaka, le peu qu'elle savait sur lui, outre son étrange fascination pour le ballon rond, c'est qu'il rôdait dans le Parc des Violettes autour du terrain de football – ce qui était légèrement malsain. Pourtant, ce ne fut pas Nosaka qui répondit à sa question, mais bien le petit Natsu.
— C'est Nosaka Yuuma ! couina-t-il en le désignant. Le vice-capitaine d'Inazuma Japan !
— Et l'Empereur des Tactiques !
— Il est trop fort comme milieu de terrain !
— Oh.
La jeune fille fut incapable de répondre autre chose, assimilant à peine les révélations. Mais bien sûr, c'est là qu'elle avait entendu son nom ! Tohru suivait le parcours de l'équipe japonaise dans le tournoi Football Frontier International avec beaucoup d'attention, et il ne ratait aucun match. Elle en avait entendu parler récemment encore, avec leur récente victoire sur... sur qui déjà ? L'Azerbaïdjan ? Le Pakistan ?
Malgré elle, lorsque Tohru lui avait montré des extraits de matchs, Naho avait quand même retenu le nom de certains joueurs qui l'avaient marquée, même si d'autres étaient passés à la trappe. C'était le cas de Nosaka Yuuma. Pour une raison qui lui échappait, elle se sentit honteuse d'ignorer qui il était et de ne pas avoir su faire le rapprochement. Peut-être parce qu'il n'avait rien d'une célébrité ?
En tout cas, il avait l'air parfaitement à l'aise avec ses fans : Kou et Natsu devinrent encore plus heureux qu'ils ne l'étaient déjà quand il leur donna à chacun un de ses bracelets, qu'ils brandirent comme si c'était le Saint Graal. Naho ne manqua pas ce geste qui la toucha au plus profond d'elle-même : ce garçon antipathique était donc capable de bonté ?
— Kou ! Natsu ! se fit alors entendre une voix à l'entrée du parc et il s'avéra que c'était Madame Kobayashi. Vous venez ? Vos mamans vont bientôt rentrer de leurs courses !
Bouche bée, Naho ne put que voir le sourire malicieux que lui adressa sa vieille voisine, avant de disparaître derrière les clôtures du parc, deux enfants euphoriques sur ses talons. Elle soupira et se tourna vers Nosaka, qui esquissa un sourire.
— Je ne pensais pas que tu changerais d'avis aussi vite.
— Et pourtant, c'est le cas, répondit-elle en tapant du poing dans sa paume. On règle ça tout de suite ?
Après un regard circulaire autour de lui en direction des autres promeneurs qui sillonnaient le parc, ses yeux revinrent sur la lycéenne qui s'impatientait.
— Pas ici, déclara-t-il avec un sourire énigmatique. Je connais un endroit bien mieux adapté.
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