⋅ Partie 17 ⋅

Lycée Kitanosora - 16h14

Un énième bâillement échappa à Naho et elle se frotta les yeux, épuisée. La nuit avait été courte mais pleine en émotions. Sa colère l'avait tenue éveillée jusqu'à trois heures du matin, avant que Morphée ne daigne lui ouvrir ses bras. Le réveil n'en avait été que plus douloureux ; même les deux tasses de thé à midi n'avaient pas compensé ce manque atroce de sommeil et les cours furent particulièrement difficiles à suivre pour Naho, y compris le cours d'histoire qu'elle aimait tant. Alors qu'elle sentait un nouveau bâillement lui venir, elle songea aux nombreuses insultes qu'elle comptait cracher au visage de Nosaka la prochaine fois qu'elle le verrait – ce qui, elle l'espérait, n'arriverait pas de sitôt.

— Ouah, je sais pas ce que t'as pris hier, mais c'était pas de l'eau, se moqua Rin en haussant un sourcils, alors qu'elles remontaient la grande allée d'entrée du lycée.
— Je me suis pas pris de cuite, répliqua Naho en roulant des yeux. J'ai juste veillé hyper tard.
— Encore ce Nosaka ? devina sans mal sa meilleure amie.

La brune hocha la tête en grimaçant, encore contrariée par les plans du footballeur. Il ne lui avait pas envoyé d'autre message depuis la veille et ça l'avait rassurée, ce matin, quand elle avait allumé son téléphone. Quelque part, cela ne l'étonnait pas. Le garçon n'était pas du genre à supplier les gens. Plus à les manipuler et les faire chanter pour obtenir ce qu'il souhaitait.

— Vous avez passé la nuit à quoi, alors ? s'enquit Rin en se penchant vers elle, un sourire goguenard sur les lèvres.

Du coin de l'œil, Naho lança un regard désabusé à sa meilleure amie. Vraiment, elle n'avait que ça en tête ? Nosaka était un véritable canon – inutile de le nier ; néanmoins, les messages qu'il lui avait envoyés la veille ne lui donnaient absolument pas envie de faire quoi que ce soit avec lui pour l'heure. La lycéenne était effarée qu'il ait osé songer à l'envoyer espionner dans un hôpital. Si elle se faisait prendre, elle ne donnait pas cher de sa peau. En soi, ce qu'il lui demandait de faire n'était pas si grave, mais les risques étaient considérables. Elle réprima un frisson d'effroi et secoua la tête. Non merci, Nosaka, elle passait son tour.

— À rien. Il m'a juste empêchée de dormir avec ses messages.
— Ses messages ? répéta Rin, visiblement très intéressée. Quels messages ? Je veux les lire !
— Certainement pas, répliqua Naho en lui lançant un regard empli de soupçons. De toute façon, il n'y a rien avec lui.
— Ses messages t'ont empêchée de dormir, tu viens de le dire, reprit la rousse avec un regard éloquent.
— Oui et tout ce que je veux pour l'instant, c'est rentrer chez moi et aller me coucher.

Cependant, une petite surprise les accueillit à la sortie du lycée, retardant ainsi de façon considérable les plans de Naho. Tous chuchotaient autour de lui ou le pointaient du doigt, mais il n'en avait que faire. Élégamment vêtu, l'adolescent patientait, les bras croisés, appuyé sur le petit muret de l'entrée. Il ne semblait pas perturbé le moins du monde par tous ces regards braqués sur lui, qui glissaient sur lui comme de l'eau sur un rocher. Dans cette foule d'adolescents en uniforme, il reconnut Naho sans mal et avança aussitôt vers elle. Elle aussi l'avait reconnu et fronçait désormais les sourcils, depuis qu'il s'était planté devant elle. Que lui voulait-il ?

— Motomiya-san ? Je dois te parler.

Elle avisa cet étrange garçon, qu'elle avait déjà vu à la télé ou dans les magazines que Tohru aimait à collectionner. Elle se rappelait surtout son style de jeu qui l'avait impressionnée, sans pour autant qu'elle ne soit une véritable experte en la matière, et elle aurait vendu son premier-né pour savoir jouer ainsi. Oui, c'était lui : Kidou quelque chose, ce footballeur qui avait la curieuse manie de porter une cape sur le terrain, ainsi que des lunettes de plongée. Ainsi, il les gardait même en dehors du terrain, constata Naho, stupéfaite. Sacré spécimen.

— Euh... très bien, balbutia-t-elle.

Elle lança un regard en coin à sa meilleure amie en guise d'au revoir, puis elle consentit à suivre ce curieux garçon, tâchant d'ignorer autant que possible les regards des autres lycéens autour d'eux. Il la guida au bout de la rue, où les attendait une limousine noire dernier cri – enfin, ce que la jeune fille supposa, puisqu'elle n'avait pas vu assez de limousines dans sa vie pour pouvoir en comparer les modèles. Un homme en costume sortit du véhicule et leur ouvrit la portière avec une servilité déconcertante. Les yeux ronds, Naho s'installa timidement à l'arrière de la voiture, dont l'habitacle était presque aussi grand que sa chambre. Tandis que Kidou s'asseyait à ses côtés, elle observa, recroquevillée sur le large siège de cuir brun, les moindres détails du véhicule : des simples vitres teintées au réfrigérateur américain miniature dans un coin. Il y avait même un téléviseur à écran plasma. Elle frissonna, les mains crispées sur ses genoux ; elle n'était clairement pas dans son élément au beau milieu de tout ce luxe.

— Autant que je me présente maintenant, commença son voisin. Je...
— Je sais qui vous êtes.

Derrière ses lunettes, il haussa un sourcil surpris et Naho s'empourpra. Elle ignorait pourquoi elle lui avait coupé la parole, et elle savait encore moins pourquoi elle avait décidé de le vouvoyer. Il avait l'air à peine plus âgé qu'elle, d'un an tout au plus. Elle se sentit stupide.

— Très bien. Tu sais pourquoi on m'envoie te chercher, alors ?
— Je ne vais pas tarder à le savoir, marmonna-t-elle, mais je suis quasiment sûre que ça a quelque chose à voir avec Nosaka.
— En effet, acquiesça Kidou. Il m'a recontacté dernièrement... il veut que je mène l'enquête sur Ichihoshi, ce qui est également ton cas, non ?
— Était. C'était le cas jusqu'à maintenant, mais je vais pas savoir m'infiltrer dans un hôpital, désolée...

Incapable de le regarder en face, la jeune fille avait les yeux rivés vers la vitre, qui lui offrait une vue bien plus intéressante que l'intérieur luxueux d'une voiture à des années-lumières de ce qu'elle pourrait un jour se payer. Kidou ne lui répondit pas tout de suite. Elle s'imagina d'abord qu'il avait lâché l'affaire, après deux bonnes minutes de silence, mais il revint à la charge très vite.

— Je ne te connais pas, mais je connais Nosaka, reprit-il. Et il a besoin de nous deux pour sauver l'équipe, c'est tout ce qui compte.
— Mouais, grimaça-t-elle à la mention de l'équipe nationale – équipe qu'elle ne connaissait absolument pas mais qu'elle était supposée aider à sauver. Pour l'instant, ce qui compte pour moi c'est de... oh bon sang, Tohru ! J'ai oublié mon petit frère !

Les yeux écarquillés, elle se tourna vers Kidou et, faisant fi de toute les convenances, elle lui attrapa le bras pour qu'il le faire réagir – comme si le secouer comme un pruneau pouvait la faire revenir dans son quartier, au Parc des Violettes où elle devait récupérer son frère.

— Il faut absolument que je rentre ! couina-t-elle, en proie à la panique. Il va m'attendre tout seul dehors et... il doit pleuvoir, et...
— Calme-toi.

La voix posée de Kidou résonna dans tout l'habitacle et eut un effet immédiat sur Naho, qui se tut aussitôt et jeta un regard offusqué au milieu de terrain. Comment voulait-il qu'elle soit calme en sachant qu'elle avait complètement zappé son petit frère parce qu'elle était montée dans cette voiture ? Et pour suivre ce gars, alors qu'elle ne le connaissait ni d'Ève, ni d'Adam ! Si elle le pouvait, elle se giflerait.

— Ne t'inquiète pas pour ton frère, dit-il. Nosaka est avec lui.

C'était la phrase à ne surtout pas dire s'il voulait qu'elle se calme. Elle ne voulait pas que Nosaka aille voir Tohru, elle voulait qu'il reste loin de lui et ne lui adresse jamais la parole. Il fallait absolument qu'elle rentre chez elle...

—Je ne peux pas...
— Il ne lui fera rien de mal, si c'est ce qui t'inquiète, l'interrompit Kidou et l'assurance de sa voix déconcerta Naho.
— Comment tu peux en être aussi sûr ? se méfia-t-elle.
— Parce que Nosaka ne ferait pas de mal à un innocent.

Elle s'apprêtait à lui répondre du tac au tac mais sa phrase l'intriguait. Que voulait-il dire par là ? Était-il dangereux, en plus d'être un manipulateur aguerri ? Et alors que son cerveau se posait mille et une questions, Kidou poursuivit.

— Donc, à moins que ton frère ait braqué une banque la nuit dernière, il risque rien.

Ça n'était pas pour la rassurer. Non pas que, du haut de ses dix ans, Tohru fût mêlé à un quelconque hold-up dans les vingt-quatre dernières heures – tout du moins elle l'espérait, mais elle se demanda si tout cela était quand même une bonne idée. Cependant, elle ne put réfléchir davantage, puisque la voiture s'arrêta subitement. Un coup d'œil par la fenêtre et elle se crispa : ils étaient arrivés à l'hôpital.

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