Chapitre 6-A la rencontre du melting pot
-Point de vue de Martin, 18 ans, personnage fictif-
Ce matin, c'est le grand jour. J'ai décidé de changer de vie. Fini les heures sans fin sur le téléphone, les après-midi flegmatiques et les relations pourries.
Maintenant c'est maintenant.
Demain ça sera trop tard.
C'est aujourd'hui qu'il faut que je le fasse. Mais par quoi commencer? Rah c'est dur quand même. Tout d'abord - au début en tous cas- il me faut un guide. Chacun a le sien. Pour certains, c'est la religion, pour d'autres c'est les livres et enfin il y en a beaucoup qui prennent exemples sur des auto-entrepreneurs, partis de rien et ayant accompli de grandes choses.
Moi aussi je veux planter mes rêves! Moi aussi je veux devenir journaliste sportif! Mais que dis-je? Comment ça "moi aussi"? Je suis et je reste unique. Je suis moi, sans le aussi. Donc, je vais tout faire à MA manière. Par où commencer? Où trouver la motivation? A la salle de sport? Non! Je refuse! Je veux devenir un journaliste sportif et connaître ce qu'est le vrai sport. Je ne veux pas être enfermé comme un rat dans une cage, qui s'appelle "salle". Je trouve que l'ambiance est sombre là dedans. Tous semblent focus sur eux-même.
Sauf que bon. C'est prouvé scientifiquement que si tu n'arrives pas à te faire plaisir, fais plaisir aux autres. Et c'est même pas un moine bouddhiste qui l'a dit! Eux ils sont sages et chauves mais est-ce qu'ils sont heureux? Donc, je réarrange le truc: quand tu es altruiste, en fait tu ne penses qu'à toi puisque tu sais que le fait d'aider les autres ça te fait du bien. C'est la voie que certains ont choisi. Mais c'est pas pour moi. Je ne suis pas l'Abbé Pierre enfin. Et puis je n'ai pas de temps à perdre. Alors que faire? Je ne sais pas, allons dehors ça me donnera des idées. J'étouffe dans ce trou à rat argenté! Ils disaient quoi déjà les influenceurs?
Ah oui, si tu fais un truc de zinzin dans la rue, tous n'en ont rien à foutre et t'auront oublié dans les cinq minutes qui suivent. Pourquoi je me souviens encore du spiderman qui était pendu aux barres de bus et faisait des abdos alors? Bizarre le concept d'influenceur... Enfin bref, j'imagine qu'ils veulent dire quelque chose de bien et raisonné par leur discours. Mais bon, c'est parfois bien bien raté. Qui sait quelles études ils ont fait? Médecine ou école d'ingénieurs? A mon avis, plutôt l'école buissonnière... Au moins, ils sont funs. Voilà, je ne veux pas finir comme eux pourtant. Donc les trucs de zinzin, toujours pas pour moi. Je marche, je marche mais finalement je suis focalisé sur moi et mes pensées. C'est égoïste! Je ne regarde pas le monde qui m'entoure. Je vis où? Bah dans le monde. Alors vis-le, je me dis. D'accord.
A présent, mes questions s'orientent vers le monde et non vers ma nature profonde, que je ne réussirai sûrement jamais à démêler. Trop complexe, et en plus je ne peux même pas utiliser le théorème de Pythagore pour résoudre ce problème. Rah, c'est rageant quand même de ne ramasser que des échecs. Si le problème te pose problème, change ta vision du problème a dit un jour un grand homme. D'accord.
Donc, je suis là. Je veux dire VRAIMENT là, dans le bus, sans mes écouteurs. Je regarde le paysage et je me pose plein de questions. En somme je suis attentif. Je vois. Et je vois beaucoup de choses: du blanc, du vert, du noir, du brun, du jaune, du bleu, du blanc encore, du rouge, du vert, du jaune. Oh! Personne ne se ressemble dans le bus! Passée cette constatation, je pense à ma perception passée. J'étais où avant? Dans le même bus mais je ne me suis jamais rendu compte de cette diversité. Mon prof de géographie appellerait ça: un melting pot. Rest in peace M. Oléaduc, je pense fort à vous. Un melting pot c'est littéralement un pot avec du mélange dedans. Comme une salade composée. Dans ce plat, je vois mal comment on pourrait se passer de la laitue, des tomates et des lardons. Mais il y aussi des croûtons aussi. Le vieux devant moi ressemble à un croûton. Je croise son regard.
Et là le vieux croûton m'adresse la parole sur ces termes:
"Gamin, on est d'accord qu'il y a plus de vieux ivrognes que de vieux médecins?"
What the fuck? Qu'est-ce qu'il veut? C'est un vieux ivrogne ou quoi? Vu comme il est rouge, on aurait dit un croûton trempé dans le vin rouge. Polala il me fait bien rire le viok. Je suis poli et je dois changer alors je réponds:
"C'est relatif. On trouve plus de vieux ivrognes dans certains endroits, et plus de vieux médecins dans d'autres."
Il semble satisfait. Est-ce qu'il va me ficher la paix, ce fou?
"Et dans le bus, vous pensez qu'on trouve plus de vieux ivrognes ou plus de vieux médecins?"
Oh le piège...
"Je ne sais pas, il faudrait compter...
-Aha bien joué le jeune! Tu as réussi à ne pas dire que je ressemble à un vieux ivrogne.
-Ah ben je ne me serais même pas avisé de le penser enfin.
-Hé bien figurez-vous que j'appartiens à la catégorie des vieux médecins.
-Ah bon?
-Oui, j'ai exercé pendant 36 ans en tant que neurologue.
-Oula, ça fait beaucoup d'années.
-Ah ben enfin il commence à être sincère! Enfin tu te sors ce foutu balai du cul!
-Mais c'est possible ça? Je veux dire, vous pouvez en plus des études combiner 36 ans de travail?
-Ah tu crois que je me suis tapé 10 ans de médecine. Fou que tu es, c'était pas comme ça à l'époque. J'ai pris le chemin de traverse quoi et je me suis sorti les doigts du cul. Je passais des journées entières à la bibliothèque à décrypter le fonctionnement du cerveau humain. Et c'est en refusant de travailler à l'école pour me consacrer à cette activité qui me passionnait que je suis devenu un expert dans mon domaine. Un petit conseil jeune, arrête de faire tes devoirs et te préoccuper de tes notes. Ce qui forge ton avenir c'est ton attitude et tes passions. Les devoirs, à part si ça t'apprend quelque chose, ça te concerne pas non? Alors réalise tes rêves, quoi que dise les gens. Tu veux devenir star du football, vas-y, tu veux devenir banquier vas-y, tu veux devenir journaliste sport...
-C'est mon souhait le plus cher. Vous savez comment on fait?
-Je m'y connais un peu moins en journalisme. Mais voilà je te dirais que la première chose à faire c'est de s'imprégner de ton domaine. Journaliste sportif, très bien, fais corps avec le sport alors."
On arrive à mon arrêt. Je remercie le vieux médecin de m'avoir fait passer le temps avec cette conversation qui s'annonçait médiocre mais qui était en fait passionnante. Je décide d'appliquer les conseils du vieux. Direct. Cash pistache. En live. Non loin du quartier que j'avais choisi d'explorer, il y avait des barres de traction et un parcours sportif où il y avait toujours des gens au dos vallonné de muscles inconnus au bataillon. Alors, je me pose, je m'assois à côté du parcours sportif. Et j'observe.
Deux gars en tee-shirt, un brésilien torse nu et un ado comme moi, blond et innocent. Bon, je m'y mets. Allez, une traction, deux tractions, trois tractions. Facile! J'en fais 15. Oufff. Je ne me suis pas échauffé par-contre. Un des deux gars en tee-shirt l'a remarqué direct. Il me fait la remarque:
"Hé j'crois bien que tu as oublié de t'échauffer. C'est pas bon ça, il faut que tu commences à activer doucement ton système respiratoire. Regarde, je te montre."
Et là, il me montre un tas d'exos. Woaw je ne savais pas tout ça! C'est impressionnant toute la préparation physique d'un sportif, il répète un mouvement à l'infini avant finalement de servir le mouvement divin qui sauve le match en championnat. Hé! Mais je parle comme un journaliste sportif là non? Incroyable. Je veux continuer à me dépasser comme ça alors. J'essaie un truc de zinzin sur les barres de traction. Merde, j'y arrive pas. Deux albanais arrivent, et le font sans soucis. Ah d'accord. Mais comment font-ils? Je leur demande. Merde ils parlent pas français. English? Oui, oui, yes yes. Donc je leur dis:
"Nice slide! How do you do that?"
Anglais bancal, mais correct. Quelques signes et puis ils me comprennent parfaitement. Ils m'expliquent la technique. OK parfait. One shot alors! J'essaie. Je rate. Je réessaie. Je réussis à moitié. Je refais encore une fois. Je réussis! Péniblement mais au moins j'ai réussi. Le brésilien vient me voir et me conseille de lever les jambes pour m'alléger dans le saut. Je l'écoute. Et je réussis brillamment!
-on dirait un chapitre assez banal. En gros, le gars se balade si je la fais courte. Mais pour le lecteur éveillé, le récit veut dire bien plus. En particulier, on voit le parcours émotionnel et le chemin de pensée du personnage principal, qui poursuit un rêve qu'il ne sait pas comment réaliser. Cette situation nous arrive à tous. Il n'est pas le premier et ne sera pas le dernier. Personnellement, je ne souhaite pas devenir journaliste sportif mais je me suis largement inspiré de faits de la vie, qui me sont arrivés. Les conversations dans le bus avec des inconnus, ça existe. Une aide désintéressée de gens que tu ne connais ni d'Adam ni d'Eve, ça existe. Et surtout, en France, la diversité ça existe. Et c'est beau, puisque sans voyager on a une vision du monde plus large. Bien que je sache que ma culture est complètement différente de la culture brésilienne ou albanaise, ça ne m'empêche pas d'en apprendre plus sur eux et leur pays d'origine, tout simplement parce que le sport rassemble et brise la glace avec ces gens que je ne connais pas et à qui je ne comptais pas forcément parler.-
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