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La nuit fut courte. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ce que j'avais fait, et à ce qu'allait penser Ladybug. Je l'imaginais m'enguirlander, me crier dessus, à me traiter de tous les noms. Et à chaque fois, je n'arrivais pas à lui répondre, ma voix était comme en sourdine au fond de ma gorge. Chaque reproche me frappait comme un uppercut en plein visage, et tout tournait autour de moi. Les couleurs rouges et vertes se mélangeaient pour former un monde sombre qui m'aspirait à l'intérieur, et à chaque fois, la sensation de chuter me sort brutalement de ce cauchemar. Je me suis réveillé quatre fois en sueur cette nuit, et j'étais incapable de me rendormir. Mon réveil m'avait sauvé de ce calvaire, même si je n'ai pas pu me reposer pour cette longue journée qui m'attendait.

Je me rends compte que perdre la confiance de ma Lady est vraiment quelque chose qui m'effraye au plus haut point. Bien plus que le fait qu'elle ne m'aime pas, j'ai peur qu'elle me haïsse. Je viens d'ébranler la confiance qu'on a bâti tout au long de nos combats et de nos victoires. J'espère vraiment que j'arriverais à recoller les morceaux. Et surtout à ne plus faire de bêtises...

En cours, j'avais énormément de mal à me concentrer. Je ressens rapidement le manque de sommeil, surtout en physiques, alors même que c'est une de mes matières favorites. Mme Mendeleïev, sentant mon inattention, me questionna bien plus que de raison. Je tardais par rapport à d'habitude pour lui donner les bonnes réponses. J'ai alors écopé un regard réprobateur de sa part, ce qui en dit long sur ce qu'elle pensait. Plus qu'à cartonner au devoir de la semaine prochaine pour éviter qu'elle n'appelle mon père. Il ne manquerait plus qu'il s'en mêle !

Nino m'avait adressé un sourire encourageant pendant le cours. Je lui avais dit que j'avais eu du mal à dormir cette nuit à l'interclasse, bien que je ne lui aie pas expliqué pourquoi. Il n'a pas insisté, et au contraire a supporté ma léthargie toute la journée sans me faire de remarque.

Ce qui n'est clairement pas le cas d'Alya, lorsqu'on la rejoint lors de la pause du matin :

« Agreste, désolée de te le dire, mais tu as vraiment une tête de mort-vivant !

-Merci Alya, tu as ruiné tous mes efforts de ce matin ! Bravo ! , râle Nino.

-Ce n'est rien, Nino, t'inquiètes, dis-je en soupirant. Je sais que j'ai une tête de déterré. Heureusement que je n'ai pas de shooting ce soir.

-Tu as quoi de prévu d'ailleurs ? me demande Nino

-Euh, attend, je ne sais plus... Je vais regarder ça tout de suite... »

Marinette murmure quelque chose que je n'entends pas, ce qui fait bien rire Alya.

« J'ai raté quelque chose ?

-Nan, rien du tout. Regarde ton emploi du temps, Agreste, réplique Alya, toujours morte de rire. »

Je vérifie sur ma tablette mon programme extrascolaire.

« Ce soir, c'est escrime de prévu »

Alya continue de rire aux éclats, pendant que Marinette devient rouge pivoine. Elle essaye de se cacher derrière son sac pendant que son amie se tient les côtes de rire. Visiblement, on a manqué la blague du siècle.

« Bon, dis-nous ce qui te fait rire Alya, qu'on rigole avec toi, s'impatiente Nino. Parce qu'on a l'air de deux idiots là...

-Un truc de filles, vous ne pouvez pas comprendre, répond Alya qui s'est enfin calmée. N'est-ce pas Marinette ?

-Laissez tomber, Alya est une folle en manque de sucre, affirme Marinette en fouillant dans son sac, les joues toujours bien rouges. Tiens, mange voir un macaron, ça te calmera.

Marinette sort un sachet de papier craft bien rempli estampillé « Tom et Sabine » de sa poche avant

« Que Dieu bénisse les Dupain-Cheng. Ces pâtisseries déchirent un max ! , s'exclame Alya en se ruant dessus.

-Hé, tu m'en laisses, hein ? , réagit Nino, tout aussi intéressé. J'en veut aussi !

-Ces macarons sont divins, merci Mari !

-Mais de rien, Alya. Je t'ai pris ceux à la fleur d'oranger, tes préférés. Ma mère en faisait une fournée hier soir pour des clients, je t'en ai sauvé quelques-uns ce matin, dit-elle en souriant. Sinon, je t'ai pris des crissant, Adrien. Je sais que tu les aimes bien...

-Merci Marinette, dis-je en me servant dans le sachet. Ça me fait du bien de grignoter autre chose que des biscottes sans gluten le matin.

Je mords à belle dent dans le croissant aux amandes que j'ai choisi. Une simple bouchée arrive à me redonner un brin d'énergie positive pour affronter le reste de la journée. La pâte, feuillée à souhait, est encore un peu tiède, et l'arôme d'amande ravit mes papilles endormies elles aussi. Délicieux.

Marinette prend le dernier croissant qui reste dans le sac et sirote une brique de jus de fruit. Ce deuxième petit déjeuner entre amis est vraiment agréable, bien différent du premier, morose avec pour seul compagnie Nathalie et son visage toujours aussi impassible. Là, la bonne ambiance me met du baume au cœur, et, en voyant Alya et Nino se chamailler pour le dernier macaron de la boîte, j'en oublie mes tracas de cette nuit.

« Sinon, Marinette, on va à la bibliothèque ce midi ?

-Euh... oui si tu veux.

-Ça marche alors

-Pourquoi vous devez aller à la bibliothèque ? demande Nino, la bouche encore pleine de macaron. On n'a pourtant pas de devoir à faire !

- Désolée les garçons, mais je ne peux pas vous en parler pour l'instant. On m'a demandé un avis sur une œuvre.

-Décidément, aujourd'hui on est mis à l'écart ! , rétorque Nino. Non mais dites le si on pue, on ne se vexera pas !

-Tu pues, Nino ! , réplique Alya, en rentrant dans son jeu. Va t'acheter un déo !

-Que de méchanceté dans ce groupe, vraiment..., contre Nino en réhaussant ses lunettes noires sur son nez. Viens Adri, laissons les filles entre elles, elles ont besoin d'air pur...

-C'est ça, salut, monsieur Soupe-au-lait ! , s'esclaffe la rousse de plus belle.

Tout en s'éloignant, Nino adresse un grand sourire accompagné d'un joli pied-de-nez à son amie avant de rejoindre Ivan qui discute avec Max au fond de la cour.

Eh ben, on peut dire qu'ils sont en forme ce matin, ces deux-là ! Marinette me regarde en haussant les épaules, l'air de dire qu'elle ne sait pas non plus quel mouche les a piqués.

-Bon, mieux vaut que je reste avec lui. A plus les filles !

-S-Salut Adrien !

-A plus Agreste ! »

Ma curiosité, surement exacerbée depuis que je suis Chat Noir, me pousse à m'interroger sur cette mystérieuse œuvre. J'espère que Marinette me laissera y jeter un œil aussi... Bien que je me demande aussi qui est l'auteur qui a demandé expressément ses services...

Ce midi, nous mangeons avec les garçons, comme les filles ont préféré le calme de la bibliothèque au brouhaha de la cantine. Je suis une conversation passionnée de Max qui continue de travailler sur les algorithmes de Markov, son robot haute technologie. Kim et Nino préfèrent parler basket, et de la victoire d'un match joué par les lycéens du Lavoisier.

Soudain, nous recevons tous en même temps une notification sur nos portables. Max active même ces données mobiles pour pouvoir voir quelle était cette notification. C'était le Lady blog qui nous informait de la présence d'une nouvelle vidéo d'Alya. De quoi peut-il bien parler ?

Nino décide de lancer la vidéo sur son portable pour que nous puissions tous bien distinguer Alya, qui tourne dans un des couloirs de notre école :

« Bonjour, chers Lady Blogueurs ! Aujourd'hui on se retrouve pour un moment critique ! Comme vous le savez, j'adore lire et découvrir des artistes. Aujourd'hui, j'ai pu lire une histoire d'un amateur qui a souhaité rester anonyme. C'est une histoire qui parle d'un gentil sorcier, protégeant la ville grâce à ses pouvoirs de super-héros contre un envahisseur inconnu qui envoie des méchants détruire la ville de Londres. Il utilise son sceptre magique pour donner à d'autres personnes des pouvoirs et ainsi combattre les Super-Villains ! On y détecte très bien l'inspiration de Ladybug et Chat Noir, qui a surement beaucoup inspiré le jeune artiste. En tout cas, son écrit est vraiment pas mal ! J'adore cette idée de fanfiction sur mon héroïne de toujours, comme toutes les fanfictions sur Ladybug, bien sûr ! Cela donne un coup de neuf sur notre quotidien, et ça, j'adore ! J'invite l'auteur à se manifester pour lui demander l'autorisation de publier son travail sur le Lady blog, afin qui vous puissiez vous aussi vous détendre un peu devant cette petite histoire simplette et agréable. Voilà, c'est tout pour moi, restez connectés, et à la prochaine ! »

Nino coupe la vidéo avant le générique de fin qu'Alya met toujours à la fin de ses chroniques, et très vite, On voit les commentaires fuser sous la nouvelle vidéo. Des commentaires... Plutôt mitigés, voire même carrément négatifs : 

Partout autour de nous, les élèves discutent de la vidéo dans un brouhaha impressionnant. Tout le collège suivait les podcasts d'Alya avec attention, alors dans les dix minutes qui suivaient une nouvelle publication, tout le collège était au courant. Et là, tout le monde y allait de son pronostic pour trouver l'auteur de ce texte. Les commentaires continuaient de profuser, certain commençant à s'insulter copieusement, d'autre à essayer de calmer les troupes, mais globalement, les avis sont plutôt désapprobateurs.

Max, lisant les commentaires, émet un sifflement :

« Wouah... C'est très négatif par ici !

-Oui, renchérit Nino. C'est la première fois qu'Alya a autant de commentaires négatifs sur une de ces critiques...

-Pourtant j'aime bien l'idée moi, explique Kim d'un air intrigué. Je ne vois pas pourquoi ça dérange que ce soit un peu inspiré de Ladybug ! Ladybug est justement notre modèle ! Normal qu'on écrive des histoires sur ses aventures !

-Je suis d'accord avec toi, Kim, dis-je en haussant les épaules. Mais visiblement tout le monde ne pense pas comme nous ...

-Si j'en crois une étude d'une université américaine, les auteurs qui s'inspirent de leur vie et de ce qui les entourent ont 44% de popularité en moins par rapport aux auteurs d'univers fantastiques. Mais je pense que ce n'est pas vrai... L'idée de base n'est pas mauvaise, et puis si ça se trouve il écrit très bien ! Combien de personnes écrivent des fanfictions sur leur héros préférés ? Tous les écrivains ou presque commencent par ça !

-Il faudrait que je parle à Alya, intervient Nino. Elle devrait signaler les commentaires dédaigneux...

-Mauvaise idée, Nino, prévient Max. Ils vont clamer à la liberté d'expression et Alya va se retrouver au centre de la mêlée. La réputation de son blog va en pâtir...

-Qu'elle retire la vidéo alors ! , s'énerve Nino. Moi je vous le dis ça va finir en akuma, tout ça... »

Il se lève, prend son plateau pour le déposer au self d'un pas rapide et sort de la cantine l'air décidé.

« Eh ben, si lui il n'est pas amoureux, je suis prêt à laisser Alix gagner la prochaine compète de roller !

-De toute façon, tu vas quand même te faire laminer en beauté », rigole Max en lui donnant un coup dans l'épaule.

Je décide de rejoindre Nino. Alya est également mon amie et j'ai peur qu'elle ne subisse les conséquences du comportement de ses internautes. Je me lève, salue Kim et Max en pleine discussion pour sortir moi aussi de la cantine. Je vois Nino en haut des escaliers, en route vers la bibliothèque, et le hèle pour qu'il m'attende. On se dirige ensemble vers la bibliothèque, vers l'espace réservé pour les groupes de travail. J'aperçois Alya assise, le visage entre ses mains, et Marinette à côté d'elle qui tente de la calmer.

Nino rentre en trombe dans la salle et dit de but en blanc :

« Tu dois retirer la vidéo, Alya...

-Je ne peux pas ! , réplique-t-elle, les larmes aux yeux. Les commentaires vont continuer de toute manière. Ils continuent de pourrir mon post.

-Ce n'est pas la première fois que ça t'arrive, dis-je en voulant être réconfortant. Et tu t'en es toujours sortie... Tu t'en sors toujours...

-Oui, mais là on ne sait pas à qui ça a fait du tort !, réplique-t-elle, toute paniquée. Donc on a potentiellement un akuma en liberté dans Paris qui va semer le chaos ! Tout ça par ma faute !

Des larmes commencent à poindre dans ses yeux bruns d'habitudes si rieurs. Cela me fait de la peine à voir. Je tends naturellement une main vers elle en signe de réconfort.

-Alya, calmes toi, tu n'y peux rien, dit Marinette sur un ton calme. Je suis sûre que Ladybug va régler tout ça...

-Oui, ça c'est sur... Mais elle va m'en vouloir. Déjà que la dernière fois elle a dû me mettre en sécurité, elle a dû me rappeler à l'ordre plusieurs fois... Là, ça va être difficile pour elle de me le pardonner...

-Ladybug te pardonneras, Alya. Elle n'est pas rancunière. Elle sait que ce n'était pas ton intention. Tout va bien se passer...

-Je suis d'accord avec Marinette, affirme Nino en s'approchant d'Alya. Elle va arriver à le calmer. Mais il faut que toi-même tu te calmes. Je ne suis pas sure que Ladybug ait envie de se battre contre toi encore une fois... »

Alya esquisse un sourire, repensant à sa première akumatisation. Très vite, les larmes naissantes de ses yeux s'estompent et Marinette lui tend un mouchoir.

« Merci les amis d'être là pour moi...

-C'est normal, entre amis, dit Marinette en souriant. Allez, on se fait un gros câlin et on oublie tout... »

Pendant notre étreinte collective, je pense que je devrais donner un fromage à Plagg. En effet, comme l'a dit Alya, nous avons un potentiel akumatisé en liberté. J'ai intérêt à ne pas faire de bêtise, aujourd'hui, car je sais que je suis en sursis auprès de ma Lady. Je sens que l'après-midi ne sera pas de tout repos...